Tribunal administratif No 37586 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 février 2016 4e chambre Audience publique du 4 avril 2017 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre d’Etat en matière de traitement
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 37586 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 février 2016 par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, employée de l’Etat, demeurant à L-
…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre d’Etat du 2 décembre 2015 par laquelle il a mis fin avec effet immédiat à la prime allouée pour remplir les fonctions de secrétaire de direction au sein du secrétariat du Conseil de Gouvernement ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 mai 2016 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 juin 2016 par Maître Jean-Marie Bauler pour compte de sa mandante ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 20 septembre 2016 ;
Vu le mémoire supplémentaire, dénommé note de plaidoiries, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 décembre 2016 par Maître Jean-Marie Bauler au nom de sa mandante ;
Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 janvier 2017 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan Holler, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives.
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Il est constant en cause pour ne pas être contesté par les parties que Madame … est entrée au service de l’Etat, sous le statut d’employée de l’Etat en date du … 1989 comme employé de bureau au ministère d’Etat, avec affectation au secrétariat général du Conseil de Gouvernement, l’Etat s’étant réservé la faculté de la transférer dans tout autre service en fonction des nécessités de l’administration.
Madame …, exerçant, depuis l’an 2000, une demi-tâche, fut affectée à partir du 1er octobre 2010 au service juridique du ministre d’Etat, où sa tâche fut augmentée à 30 heures par semaine, à partir du 1er octobre 2015.
Par un courrier du 20 novembre 2015, le ministre d’Etat invita Madame … à prendre position quant à son intention de mettre fin au paiement de la prime de secrétaire de direction qui lui avait été allouée depuis son affectation au sein du secrétariat général du Conseil de Gouvernement. Ce courrier est libellé comme suit :
« (…) Faisant suite à l'entretien personnel que vous avez eu au sein du Ministère d'État ensemble avec Monsieur le chef du personnel, …, Conseiller de Gouvernement 1re classe, à la fin du mois d'octobre 2015, je prends contact avec vous pour vous confirmer que j'envisage de mettre fin à la prime qui vous avait été allouée pour remplir les fonctions de secrétaire de direction en raison des nécessités de service au sein du secrétariat du Conseil de Gouvernement, fonction que vous occupiez à l'époque de l'attribution de la prime.
Il me revient que lors de votre nouvelle affectation au sein du ministère d'Etat intervenue en automne 2010, sans préjudice quant à une date plus précise, il avait été omis de mettre fin à ladite prime. Si la question d'un remboursement pour la période indue ne se pose pas, je me vois toutefois dans l'obligation de mettre fin à la prime alors que je viens d'apprendre que malgré votre nouvelle affectation cette prime vous est toujours allouée et qu'une collègue du ministère d'État qui occupe actuellement la fonction que vous aviez naguère ne peut pas en disposer.
En effet, le dispositif légal en question ne permet d'attribuer une telle prime qu'à un seul employé du département ministériel pour remplir les fonctions de secrétaire de direction à condition que les nécessitées de service l'exigent. Vous n'êtes pas sans savoir au vu de votre ancienneté au sein du département ministériel que le secrétariat du Conseil de Gouvernement occupe une place centrale de l'organigramme du département et que ce sont les nécessités liées à ce service fort particulier et important qui ont permis d'allouer à la secrétaire de ce service une prime de secrétaire de direction.
Le poste que vous occupez depuis octobre 2010 au sein du service juridique suite à votre nouvelle affectation de fait ne donne pas droit à l'allocation d'une telle prime ; la prime étant réservée à un seul employé elle revient à la fonction occupée par l'employé secrétaire occupé au sein du secrétariat du Conseil de Gouvernement. (…) » Suite à la prise de position de Madame … par courrier du 30 novembre 2015, le ministre d’Etat prit, en date du 2 décembre 2015, la décision suivante :
« (…) Nos lettres respectives s'étant croisées, puisque que je viens de recevoir la vôtre, datée au 30 novembre 2015, le 1er décembre 2015 et que je vous ai adressé la mienne également le 1er décembre 2015, je tiens à vous informer que dans ces conditions je retire expressément ma lettre-décision expédiée le 1er décembre 2015 afin d'être en mesure de reconsidérer mon argumentaire sur base de votre prise de position précitée.
Dans votre lettre du 30 novembre 2015, en réponse à ma lettre du 20 novembre 2015, vous me faites part de votre point de vue au regard de votre situation au sein du Ministère d'État.
Si je vous comprends bien vous insistez sur le fait que vous avez été engagée dès le début comme secrétaire de direction au secrétariat général du Conseil de Gouvernement en tirant argument d'une lettre du Président du Gouvernement du 7 août 1989. La lettre dont vous faites état figure dans votre dossier personnel et constitue la suite de l'entretien en vue d'une embauche qui s'était tenu le 3 août 1989 selon les termes de la lettre.
S'il n'est pas contesté que le Secrétaire général du Conseil de Gouvernement en fonction à l'époque vous a rencontré pour vous occuper au sein de son secrétariat afin d'y assumer diverses tâches de secrétariat, il n'empêche que ladite lettre constitue au stade d'alors une déclaration d'intention dans la mesure où il y est précisé, je cite « le ministère d'État est décidé à vous engager… ( …) Vous serez engagée… (…) vous pourrez l'occuper (le poste) aussi rapidement que vos obligations à l'égard de votre patron actuel le permettront. » L'engagement contractuel en tant que tel n'ayant pu se faire qu'en date du 18 septembre 1989 date de votre entrée en service auprès de l'État.
En effet, votre dossier personnel comprend deux contrats d'engagements. Le premier contrat de travail couvre la seule période d'engagement du 18 septembre 1989 au 31 décembre 1989, tandis que le second couvre la période à partir du 1er janvier 1990 à durée indéterminée.
Ces deux contrats ne renferment que trois articles. Le premier article, qui renseigne sur la qualité pour laquelle vous êtes engagée et votre affectation, est libellé en ces termes « est engagée comme employée de bureau à l'administration gouvernementale (Ministère d'État). » Le troisième article in fine prend soin de préciser que « L'État se réserve la faculté de transférer l'employée à tout autre service selon les nécessités de l'administration et à la déplacer auprès de toute autre administration en cas de besoin. » Au vu des éléments de droit et de fait qui précèdent, je conclus pour ma part que vous êtes engagée auprès de l'administration gouvernementale (Ministère d'État) en tant qu'employée de l'État.
Votre première tâche de secrétariat a bien été assurée au secrétariat du Conseil de Gouvernement au sein duquel une prime de secrétaire de direction vous avait été allouée. Ce fait n'est pas contesté.
Or, depuis mon entrée en fonction le 4 décembre 2013 en ma qualité de Premier ministre, ministre d'État, vous occupiez votre tâche de secrétaire au Service juridique. D'ailleurs, je ne vous ai jamais mis en relation avec le secrétariat du Conseil de Gouvernement avec lequel j'ai des échanges de travail journaliers, ni vu que vous y occupiez une tâche quelconque. Il ne fait donc nul doute pour moi que mon prédécesseur vous a transféré au Service juridique. D'ailleurs ce transfert aurait eu lieu en octobre 2010 sans préjudice quant à une date plus exacte, puisque dans votre lettre du 15 juillet 2015 à mon attention, au sujet de votre demande en vue de bénéficier d'une augmentation de votre tâche à hauteur totale de 75%, vous écriviez, je cite « Étant affectée au Service juridique du Ministère d'État depuis près de 5 années… », version que vous confirmez dans votre courrier du 30 novembre 2015 en ces termes, je cite « il est vrai, comme vous le relevez dans votre lettre, qu'à partir d'octobre 2010 j'ai accepté d'être mise temporairement à la disposition du Service juridique… ».
Au vu de ce qui précède, je conclus pour ma part qu'au Ministère d'État vous avez accompli votre première tâche au sein du secrétariat du Conseil de Gouvernement et que depuis octobre 2010 vous accomplissez votre tâche de secrétaire au Service juridique. De tels transferts sont conformes à l'article trois de votre contrat de travail.
Au sujet de la prime qui vous avait été allouée pour remplir les fonctions de secrétaire de direction en raison des nécessités de service au sein du secrétariat du Conseil de Gouvernement, fonction que vous occupiez à l'époque de l'attribution de la prime, vous relevez dans votre lettre du 30 novembre 2015 qu'il n'y aurait jamais été question au moment de votre transfert au Service juridique, je cite « à cette époque-là que l'allocation de la prime serait contestée… ».
Je constate pour ma part que malgré votre transfert au sein du Service juridique cette prime vous est toujours allouée alors que le poste en question ne donne pas droit à l'allocation d'une telle prime ; la prime étant réservée à un seul employé, elle revient à la fonction occupée par l'employée secrétaire occupée au sein du secrétariat du Conseil de Gouvernement qui pour le moment ne peut pas en disposer, puisque le dispositif légal en question ne permet d'attribuer une telle prime qu'à un seul employé du département ministériel pour remplir les fonctions de secrétaire de direction à condition que les nécessitées de service l'exigent.
Or, au vu de votre ancienneté au sein du département ministériel vous n'êtes pas sans savoir que le secrétariat du Conseil de Gouvernement occupe une place centrale de l'organigramme du département et que ce sont les nécessités liées à ce service fort particulier et important qui ont permis et fondé l'allocation à la secrétaire de ce service d'une prime de secrétaire de direction. Vous semblez partager ce point de vue alors que vous me proposez de vous « réintégrer au Secrétariat du Conseil de Gouvernement ».
La mise en œuvre de votre demande de transfert ne se conçoit pas alors que deux autres personnes occupent depuis quelques années ledit secrétariat, à savoir une employée de l'État et un fonctionnaire. Il s'y ajoute que le récent avenant à votre contrat de travail, conclu en date du 7 septembre 2015 suite à votre demande précitée du 15 juillet 2015, a justement eu pour finalité d'augmenter votre tâche à raison de 25% supplémentaires pour combler les nouveaux besoins du Service juridique nés en raison du renforcement en personnel par deux nouveaux juristes ainsi que pour assumer les nouvelles tâches qui lui furent confiées et que vous avez vous-même relevées dans votre lettre précitée.
Dans ces conditions, je ne puis me prononcer en faveur de votre demande de transfert au secrétariat du Conseil de Gouvernement et vous informe de ma décision de mettre fin, avec effet immédiat, à la prime qui vous est allouée pour remplir les fonctions de secrétaire de direction, fonction que vous occupiez certes à l'époque de l'attribution de la prime en raison des nécessités de service au sein du secrétariat du Conseil de Gouvernement mais que vous n'occupez plus depuis octobre 2010, sans préjudice quant à une date plus exacte, suite à votre transfert au Service juridique. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 février 2016, Madame … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 2 décembre 2015.
Conformément aux dispositions de l’article 10 de la loi du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l’Etat, dénommée ci-après « la loi du 25 mars 2015 », « Les contestations résultant du contrat d’emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires sont de la compétence du tribunal administratif, statuant comme juge du fond. ».
Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation et qu’il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
Le recours principal en réformation est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, la demanderesse revient sur les différentes étapes de sa carrière auprès de l’Etat, en soulignant qu’au début de l’année 2000, au moment où elle allait prendre son congé de maternité, une deuxième secrétaire aurait été affectée à plein temps au secrétariat du Conseil de Gouvernement et qui aurait également bénéficié de la prime litigieuse.
Elle fait encore valoir que la période de plus de vingt années passées au secrétariat du Conseil de Gouvernement lui aurait permis d’acquérir une expérience et un savoir-faire, ainsi qu’une rigueur sans faille dans son travail, alors qu’elle aurait été de façon permanente au service des ministres, du secrétariat ministériel, ainsi que de leurs proches collaborateurs.
En droit, la demanderesse conclut en premier lieu à une violation des droits acquis et de l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l´Etat et des communes, dénommé ci-après « le règlement grand-
ducal du 8 juin 1979 », alors que le retrait rétroactif d’une décision ne pourrait se faire que dans le délai de trois mois, d’autant plus que la décision de continuer à lui verser la prime litigieuse, lui versée dès le début de son contrat, encore après sa mise à disposition du service juridique du ministère d’Etat en 2010, ne serait pas illégale, mais motivée par la circonstance que ses tâches et responsabilité seraient restées « sensiblement » les mêmes. Elle relève finalement qu’elle aurait gardé sa fonction de secrétaire de direction et qu’il se poserait la question de savoir si elle ne serait pas restée juridiquement affectée au secrétariat général compte tenu du fait qu’aucune décision formelle de réaffectation ne serait intervenue depuis sa première affectation.
Elle ajoute, dans son mémoire en réplique, qu’« il semble[erait] donc que la prime en question soit attachée à la qualification des fonctions occupées de « secrétaire de direction » », poste pour lequel il n’y aurait d’ailleurs pas de définition légale.
En continuant de lui allouer la prime litigieuse après son départ du secrétariat du Conseil de Gouvernement, l’Etat aurait nécessairement reconnu la qualité de poste de secrétaire de direction au nouveau poste occupé par elle au sein du service juridique du ministère d’Etat. Ainsi, le fait de n’avoir pas formellement qualifié sa fonction actuelle de poste de secrétaire de direction équivaudrait dès lors à une erreur manifeste de l’administration.
La demanderesse conclut encore à la violation de l’article 10bis de la Constitution, au motif qu’elle effectuerait des tâches similaires à celles exécutées au « secrétariat général », ce que l’Etat aurait reconnu en continuant le versement de la prime litigieuse et que décider le contraire entraînerait une rupture d’égalité de traitement « notamment » à l’égard de la personne travaillant actuellement au secrétariat du Conseil du Gouvernement.
La demanderesse conclut ensuite à une violation de l’article 50 de la loi du 25 mars 2015, alors qu’elle ne verrait pas quelles nécessités du service auraient permis de lui supprimer la prime litigieuse qu’elle aurait perçue depuis qu’elle aurait été engagée comme secrétaire de direction, statut qu’elle aurait toujours conservé, et qu’elle aurait continué à toucher même après son transfert au service juridique du ministère d’Etat.
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse rajoute que la décision déférée constituerait manifestement une discrimination indirecte à son égard du fait qu’elle serait une femme qui, par nature, serait plus encline à demander un congé pour travail à mi-temps en vue d’élever ses enfants, circonstance qui aurait finalement déterminé son transfert vers le service juridique du ministère d’Etat, alors qu’après 7 années d’une tâche à mi-temps, le secrétaire du Conseil du Gouvernement aurait souhaité disposer d’un poste de secrétaire supplémentaire à plein temps au sein du secrétariat général du Conseil du Gouvernement.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en tous ses moyens.
Le tribunal n'est pas tenu de suivre l'ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l'intérêt d’une bonne administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent1.
En ce qui concerne d’abord le moyen tablant sur une violation de l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, il échet de rappeler que ce dernier dispose qu’« En dehors des cas où la loi en dispose autrement, le retrait rétroactif d´une décision ayant créé ou reconnu des droits n´est possible que pendant le délai imparti pour exercer contre cette décision un recours contentieux, ainsi que pendant le cours de la procédure contentieuse engagée contre cette décision.
Le retrait d´une telle décision ne peut intervenir que pour une des causes qui auraient justifié l´annulation contentieuse de la décision. » Force est de constater que la décision de mettre fin à la prime litigieuse ne constitue pas un retrait rétroactif d’une décision ayant créé ou reconnu des droits, alors qu’elle précise 1 trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Procédure contentieuse, n° 426 et autres références y citées.
expressément mettre seulement fin « avec effet immédiat » à la prime allouée à la demanderesse, de sorte à ne viser qu’une situation concernant l’avenir.
Il s’ensuit que l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 n’est pas applicable au cas d’espèce, de sorte que le moyen de la demanderesse en ce qu’il est tablé sur une violation de cette disposition est à rejeter.
En ce qui concerne le moyen relatif à la protection des droits acquis, force est au tribunal de relever que les parties sont d’accord pour affirmer que la prime litigieuse est bien celle prévue actuellement à l’article 50 de la loi du 25 mars 2015 qui dispose ce qui suit : « Les départements ministériels, administrations et services de l’Etat peuvent désigner un employé classé dans l’un des sous-groupes administratifs des groupes d’indemnité B1, C1 ou D1 pour remplir les fonctions de secrétaire de direction pour autant que les nécessités de service l’exigent.
Les secrétaires de direction bénéficient d’un supplément de rémunération de vingt points indiciaires dans le groupe B1, d’un supplément de rémunération de quinze points indiciaires dans le groupe C1 et d’un supplément de rémunération de dix points indiciaires dans le groupe D1. Pour les employés occupés à tâche partielle, le supplément de rémunération est proratisé par rapport au degré d’occupation. (…) ».
Il s’ensuit que la fonction de secrétaire de direction, du fait d’être obligatoirement conditionnée par les nécessités du service d’un département ministériel, respectivement d’une administration, est intimement liée à la fonction spécifique exercée par l’employé de l’Etat désigné à cette tâche.
Il suit nécessairement de ces considérations que la perception du supplément de rémunération prévu au deuxième alinéa de cet article est également liée à l’exercice effectif de la fonction spécifique désignée comme fonction de secrétaire de direction. Cette lecture est encore confirmée, par analogie, par les termes de l’article 52 paragraphe (3) de la même loi qui dispose que « Dans le cas et pendant la période où dans un département ministériel le poste de secrétaire personnel d’un membre du Gouvernement reste inoccupé, il peut être pourvu à un poste supplémentaire de secrétaire de direction sur la base de l’article 50 et l’employé désigné à ce poste peut bénéficier du supplément de rémunération respectif pendant la période en question. ».
Il en résulte que le paiement de la prime litigieuse est impérativement conditionné par le fait d’occuper le poste désigné comme correspondant à la fonction de secrétaire de direction et ne constitue pas un supplément de traitement lié à la personne même de l’employé de l’Etat concerné.
Etant donné que la demanderesse a effectivement touché cette prime dès son affectation au secrétariat du Conseil de Gouvernement, elle est actuellement mal venue de prétendre qu’après son transfert au service juridique du ministère d’Etat, elle a continué d’exercer sa fonction antérieure, dans laquelle elle a d’ailleurs été remplacée, quand bien même ses tâches actuelles seraient similaires. En effet, cette similitude est nécessairement liée à la nature de ses tâches, à savoir celles caractérisant le poste de secrétaire, même si ce n’est plus dans la même fonction.
Dans ce contexte, force est de constater que les explications de la partie gouvernementale relatives à la désignation du seul poste de secrétaire au sein du secrétariat du Conseil de Gouvernement comme fonction de secrétaire de direction, est confirmé par le courrier du 27 septembre 2002, adressé par le ministre d’Etat au ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, tel que versé au dossier administratif, et qui explique que « (…) le secrétariat général du Conseil de Gouvernement a toujours fonctionné avec deux agents : le Secrétaire Général lui-même, assisté d’une employée – secrétaire de direction. ». Dans le même courrier, il est demandé, en dépit de la règle selon laquelle seul un employé puisse en bénéficier, d’accorder la prime de secrétaire de direction également à la deuxième employée, engagée à plein temps à partir de février 2002, d’un côté, pour gérer le volume de travail croissant et, de l’autre, pour remplacer partiellement la demanderesse qui avait entretemps opté pour une tâche à mi-
temps, relevant dans ce contexte que ladite prime est « attachée à ce même travail ».
Il est également à noter que la demanderesse ne conteste pas valablement les explications du délégué du gouvernement suivant lesquelles le choix de ce poste précis au sein du secrétariat général du Conseil du Gouvernement pour la fonction de secrétaire de direction, réside dans la nécessité du service basée notamment sur la circonstance que ce poste exige une disponibilité accrue, en ce compris pendant les jours fériés et en dehors des heures de service normales, en raison du fait que le Conseil de Gouvernement est susceptible de se réunir vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Dans ce contexte, il échet, par ailleurs, de relever que la demanderesse affirme elle-
même qu’au secrétariat du Conseil de Gouvernement, elle aurait été « de façon permanente au service des Ministres /du secrétariat ministériel ainsi que de leurs proches collaborateurs ».
En effet, la raison d’être de toute prime est de compenser, par un supplément de rémunération, notamment toute responsabilité, disponibilité ou risque accrus par rapport à la normale.
Au-delà de l’affirmation de la demanderesse qu’elle exercerait actuellement des tâches similaires à celles qu’elles a eues au sein du secrétariat du Conseil de Gouvernement, la demanderesse reste en défaut d’expliquer dans quelle mesure sa fonction actuelle nécessiterait l’allocation d’une prime de secrétaire de direction, qui n’est ailleurs allouée à aucun de ses collègues de travail actuels au sein du service juridique du ministère de l’Etat.
Il s’ensuit que l’Etat est à suivre en ce qu’il affirme que la poursuite du paiement de la prime litigieuse postérieurement au transfert de la demanderesse au service juridique du ministère de l’Etat est bien le résultat d’une erreur qui ne s’est révélée qu’au moment de la reconsidération de la situation administrative de la demanderesse, alors qu’elle a demandé une augmentation de sa tâche à trente heures par semaine.
Ainsi, la poursuite du paiement de cette prime avait été faite contrairement aux textes en vigueur, et notamment en violation de l’article 50 précité de la loi du 25 mars 2015, violation à laquelle il appartenait au ministre d’Etat de mettre fin.
Il résulte finalement de ces considérations qu’il ne saurait dès lors pas non plus y avoir de droit acquis à respecter dans le chef de la demanderesse. En effet, force est de rappeler qu’un administré ne peut prétendre au respect d’un droit acquis que si, au-delà de ses expectatives, justifiées ou non, l’autorité administrative a créé à son profit une situation administrative acquise et réellement reconnue ou créé un droit subjectif dans son chef, et ce au travers d’une décision administrative régulière, conforme au droit existant. Ce n’est qu’à cette condition que peut naître dans le chef d’un administré la confiance légitime que l’administration respectera la situation par elle créée, les deux notions de droits acquis et de légitime confiance étant voisines2.
En ce qui concerne le moyen relatif à une violation de l’article 10bis de la Constitution, force est d’abord de retenir qu’il ne saurait y avoir de discrimination vis-à-vis de la personne exerçant actuellement le poste de secrétaire au sein du secrétariat général du Conseil de Gouvernement et touchant, de ce fait, la prime litigieuse de secrétaire de direction afférente, alors que la demanderesse n’occupe plus ladite fonction, ni aucune autre fonction similaire, étant rappelé qu’il ne saurait y avoir discrimination que par rapport à des situations identiques sinon similaires et le simple fait de continuer à exercer des tâches de secrétaire au sein du ministère d’Etat ne suffit pas à requalifier le poste actuellement occupée par la demanderesse en poste de secrétaire de direction, et ce, au-delà de la considération qu’il n’appartient ni à la demanderesse ni au tribunal de désigner un poste qui, du fait d’une nécessité de service, exigerait l’allocation d’une prime de secrétaire de direction.
Pareillement, il ne saurait pas non plus y avoir de discrimination de la demanderesse en raison son sexe, impliquant, selon elle, qu’elle serait, en tant que femme, plus encline à demander un congé d’éducation pour élever ses enfants, étant donné que, nonobstant le constat que le fait que la demanderesse ne travaille actuellement pas à temps plein ne transparaît nullement comme un motif même sous-jacent à la décision déférée, force est de relever que la circonstance que la demanderesse a commencé à un certain moment à travailler à mi-temps ne l’avait pas empêchée de toucher la prime en question en toute conformité aux textes, au moins aussi longtemps qu’elle a occupé la fonction de secrétaire de direction afférente.
Le moyen relatif à une violation du principe de l’égalité devant la loi est partant également à rejeter.
Quant au moyen relatif à une violation de l’article 50 de la loi du 25 mars 2015, force est de relever qu’il ressort des développements pris plus haut quant à l’illégalité, par rapport à cet article, de la poursuite du paiement de la prime litigieuse après le départ de la demanderesse du secrétariat général du Conseil de Gouvernement, que, contrairement à ce qui est prétendu par la demanderesse, ce n’est pas l’arrêt de la prime qui a violé l’article 50 en raison d’un défaut de motivation relative à un changement des nécessités de service, mais le fait de n’avoir pas mis fin au paiement de la prime en temps utile, de sorte que le moyen relatif à une violation par la décision déférée de l’article 50 de la loi du 25 mars 2015 est à rejeter.
A défaut de tout autre moyen, le recours est partant à rejeter dans son ensemble.
Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.500 € telle que formulée par la demanderesse sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
2 trib. adm. 25 janvier 2010, n° 25548 du rôle, conf. par Cour adm. 18 mai 2010, n° 26683C du rôle, Pas.adm. 2016, V° Lois et règlements, n° 20.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que sollicitée par la demanderesse ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Gosset, premier juge, Olivier Poos, premier juge, et lu à l’audience publique du 4 avril 2017 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.
s. Marc Warken s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 04/04/2017 Le Greffier du Tribunal administratif 10