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17/03/2017 | LUXEMBOURG | N°39263

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mars 2017, 39263


Tribunal administratif N° 39263 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 mars 2017 Audience publique du 17 mars 2017 Requête en institution d’une mesure provisoire introduite par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L. 18.12.2015)

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 39263 du rôle et déposée le 15 mars 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Kat

rin DJABER, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au ...

Tribunal administratif N° 39263 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 mars 2017 Audience publique du 17 mars 2017 Requête en institution d’une mesure provisoire introduite par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L. 18.12.2015)

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 39263 du rôle et déposée le 15 mars 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Katrin DJABER, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Biélo-

Russie), de nationalité biélorusse, demeurant actuellement à …, tendant à voir ordonner une mesure provisoire, consistant en l’institution d’un sursis à exécution sinon en l’institution d’une mesure de sauvegarde par rapport à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 1er mars 2017 par laquelle les autorités luxembourgeoises ont pris la décision de le transférer vers les Pays-Bas, Etat membre compétent pour connaître de sa demande de protection internationale, un recours en annulation dirigé contre la prédite décision ministérielle du 1er mars 2017, inscrit sous le numéro 39262 introduit le 15 mars 2017, étant pendant devant le tribunal administratif ;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée au fond ;

Maître Katrin DJABER et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth PESCH entendues en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 mars 2017.

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Le 8 février 2017, Monsieur … introduisit une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Il s’avéra à cette occasion que Monsieur … avait précédemment, à savoir en date du 10 juillet 2015, introduit infructueusement une demande de protection internationale aux Pays-Bas.

Le même jour, Monsieur … passa un entretien auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après « le règlement Dublin III ».

Par décision du 1er mars 2017, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé le « ministre », informa Monsieur … que le Grand-Duché de Luxembourg n’était pas compétent pour examiner sa demande en reconnaissance d’un statut de protection internationale, en se référant aux dispositions de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire et à celles de l’article 18, paragraphe 1d), du règlement Dublin III, au motif que ce seraient les Pays-Bas qui seraient responsable du traitement de sa demande d’asile, du fait qu’il y aurait introduit le 10 juillet 2015 une demande de protection internationale et que les autorités néerlandaises auraient accepté le 26 février 2017 de reprendre en charge l’examen de sa demande de protection internationale.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 mars 2017, inscrite sous le numéro 39262 du rôle, Monsieur … a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 1er mars 2017. Par requête séparée déposée en date du même jour, inscrite sous le numéro 39263 du rôle, il a encore introduit une demande en institution d’une mesure provisoire tendant en substance à voir surseoir à l’exécution de son transfert vers les Pays-Bas et à se voir autoriser à séjourner provisoirement au Luxembourg jusqu’au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite de son recours au fond.

Le demandeur soutient qu’il subira du fait de la décision attaquée par le recours au fond un dommage grave et définitif et que les moyens invoqués à l’appui du recours seraient sérieux ; dans ce contexte il invoque l’article 34, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 pour soutenir que la décision déférée accuserait un défaut de motivation en ce qu’elle se limiterait à faire état d’une acception des autorités hollandaises à « prendre/reprendre l’examen de la demande de protection internationale » sans confirmer que sa demande de protection internationale serait toujours en cours, le demandeur estimant encore la motivation en question serait défaillante « alors que son transfert en Italie l’exposerait à des persécutions orchestrées par la communauté sénégalaise » (sic).

Au fond, il considère encore l’application par le ministre de l’article 18, paragraphe 1d), du règlement Dublin III serait « disproportionnée d’autant plus qu’elle résulte d’une appréciation erronée de la situation concrète de la partie requérante », le demandeur affirmant à nouveau que la seule référence au dépôt de la demande de protection internationale en date du 10 juillet 2015 ne suffirait pas et ne permettrait pas de savoir pourquoi les Pays-Bas seraient l’Etat membre responsable de sa demande de protection internationale, le demandeur reprochant encore au ministre de ne pas avoir pris en compte sa situation personnelle, alors qu’il serait dans l’attente des résultats de tests médicaux et qu’il se plaindrait d’un problème de santé grave, « très probablement » résultant de l’hépatite C.

Le délégué du gouvernement pour sa part conclut au rejet du recours au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause.

En vertu de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer aux demandeurs un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, tandis que le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

Par ailleurs, une mesure de sauvegarde, prévue à l’article 12 de la loi du 21 juin 1999, requiert, sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, les mêmes conditions tenant au sérieux des moyens et au risque d’un préjudice grave et définitif.

Le soussigné se doit à cet égard de souligner que l’institution d’une mesure provisoire devant rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’elle constitue une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère, de sorte que le juge statuant au provisoire est en droit d’attendre du rédacteur de la requête, avocat et partant professionnel de la postulation, un acte de procédure intelligible et cohérent, ne requérant pas une analyse poussée aux seuls fins de comprendre la finalité et l’argumentation de la requête.

En l’espèce, force d’abord de constater que la requête en obtention d’une mesure provisoire, et ce tant l’original que les copies déposées au greffe, est manifestement incomplète puisque la page 3 est manquante : or, une requête qui n’est pas complète dans la mesure où il manque une ou plusieurs pages entre la première page de la requête et l’avant-

dernière page contenant le début du dispositif de la requête met de par sa forme peu soignée le juge dans l’impossibilité de connaître l’intégralité des moyens invoqués par le requérant, de sorte qu’elle se heurte à un obscurum libellum1.

Il s’avère ensuite que les moyens au fond à leur tour témoignent du peu de soin apporté par l’avocat à la rédaction de ceux-ci, alors que ces moyens sont manifestement, du moins en partie, étrangers au cas d’espèce, le demandeur n’étant pas destiné à être transféré en Italie ; quant à la persécution alléguée par la communauté sénégalaise, les raisons de celles-ci demeurent des plus obscures, et ce notamment au vu de la nationalité biélorusse du demandeur.

En ce qui concerne ensuite les conditions présidant à l’obtention d’une mesure provisoire, l’affaire au fond relative à la décision déférée ayant été introduite le 15 mars 1 Cour adm 5 octobre 2004, n° 18242C, Pas. adm. 2016, V° Procédure contentieuse, n° 363.

2017, elle devra être prononcée conformément à l’article 35 (3) de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 », endéans 2 mois de l’introduction de la requête et est d’ailleurs fixée pour plaidoiries au 24 avril 2017, de sorte qu’elle doit être considérée comme pouvant être plaidée à relativement brève échéance, le demandeur n’ayant fourni aucun élément susceptible d’énerver cette première conclusion.

Au-delà de cette première conclusion, le soussigné constate que la décision déférée du 21 février 2017, prise en application de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015, a a priori un double objet, conformément à la même disposition, à savoir celle, d’une part, de transférer la personne concernée vers l’Etat membre compétent, et, d’autre part, de ne pas examiner sa demande de protection internationale, ce dernier volet étant la conséquence du premier volet de la décision.

En l’espèce, la seule affirmation non autrement circonstanciée selon laquelle la décision lui porterait préjudice, laisse manifestement de répondre aux exigences de la loi, étant souligné que les autorités néerlandaises ont explicitement accepté de reprendre le demandeur ; il convient d’ailleurs de relever que les Pays-Bas respectent a priori - le demandeur ne fournissant aucun indice tangible permettant au soussigné d’en douter - en tant que membres de l’Union européenne et signataires de ces conventions les droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ainsi que le respect du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et disposent d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.

Enfin, en ce qui concerne les moyens esquissés au fond, le moyen d’annulation tiré d’une prétendue motivation défaillante ne paraît guère sérieux au vu du libellé explicite de la décision, qui identifie tant la situation factuelle du demandeur (« vous avez introduit une demande de protection internationale aux Pays-Bas en date du 10 juillet 2015 ») que les dispositions légales appliquées, à savoir l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 et l’article 18, paragraphe 1d) du règlement Dublin III, une simple lecture superficielle de cette dernière disposition permettant de déceler la base précise a priori invoquée par le ministre, à savoir le fait, prévu à l’article 18, paragraphe 1 d), que le demandeur est « le ressortissant de pays tiers ou l’apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre », une inspection sommaire du dossier administratif, tel que communiqué à l’avocat du demandeur, révélant par ailleurs que le demandeur a effectivement été définitivement débouté de sa demande de protection internationale introduite précédemment aux Pays-Bas.

Le second moyen n’est pas non plus de nature à résister à un examen superficiel, le moyen que la décision déférée serait disproportionnée, respectivement erronée au vu du prétendu état de santé du demandeurs ne présentant aucun caractère sérieux, alors, d’une part, que l’incompétence du Luxembourg découle a priori tant implicitement du transfert vers les Pays-Bas, pays désigné comme responsable de l’examen de la demande de protection internationale, que de l’application littérale de l’article 18, paragraphe 1 d) du règlement Dublin III, sans que, d’autre part, le demandeur n’ait fourni la moindre argumentation juridique permettant au ministre de faire obstacle au règlement Dublin III, étant encore relevé qu’en l’état actuel du dossier le prétendu état de santé du demandeur - outre de ne pas être en l’état juridiquement pertinent et de n’avoir manifestement pas été signalé en temps utile au ministre - laissant d’être établi d’une quelconque façon, l’« ordonnance médicale », ainsi qualifiée, versée en cause, se contentant de relater les affirmations du demandeur sans aucune prise de position du médecin.

Il résulte de toutes ces considérations que le recours sous analyse est à rejeter.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, rejette le recours en obtention d’une mesure provisoire, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 mars 2017 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence de Xavier Drebenstedt, greffier.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 mars 2017 Le greffier du tribunal administratif 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 39263
Date de la décision : 17/03/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-03-17;39263 ?

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