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17/03/2017 | LUXEMBOURG | N°39188

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mars 2017, 39188


Tribunal administratif N° 39188 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mars 2017 Audience publique du 17 mars 2017 Requête en obtention d’une mesure provisoire introduite par la société …, …, et par la société …, …, contre des décisions du ministre du Développement durable et des Infrastructures, en présence de la société …, …, en matière de marchés publics

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 39188 du rôle et déposée le 3 mars 2017 au gref

fe du tribunal administratif par Maître Roy NATHAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre de...

Tribunal administratif N° 39188 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mars 2017 Audience publique du 17 mars 2017 Requête en obtention d’une mesure provisoire introduite par la société …, …, et par la société …, …, contre des décisions du ministre du Développement durable et des Infrastructures, en présence de la société …, …, en matière de marchés publics

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 39188 du rôle et déposée le 3 mars 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Roy NATHAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) la société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois …, établie et ayant son siège social à …, enregistrée au Registre de Commerce et des Société luxembourgeois sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, et de 2) la société anonyme de droit luxembourgeois …, établie et ayant son siège social à …, enregistrée au Registre de Commerce et des Société luxembourgeois sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, regroupées au sein de l’association momentanée …, sinon de 3) l’association momentanée … ayant son siège social à …, agissant tant individuellement qu’à travers les personnes de ses deux associés cités ci-dessus, tendant à l’institution par le tribunal administratif d’un sursis à exécution contre l’arrêté du ministre du Développement durable et des Infrastructures du 7 janvier 2017 portant attribution du marché public pour les travaux de gros œuvre et d’aménagements extérieurs dans l’intérêt de la construction d’un nouvel atelier régional ouest pour les besoins de l’administration de la Gestion de l’Eau à Capellen à la société …, ayant son siège social à …, et contre la décision du même ministre du 17 février 2017, par laquelle son offre soumise en vue de l’obtention dudit marché a été écartée pour non-conformité, un recours en annulation ayant été par ailleurs introduit contre lesdites décisions ministérielles par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 39187 du rôle ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Véronique REYTER, demeurant à Luxembourg, du 13 mars 2017, portant signification de la prédite requête en obtention d’une mesure provisoire à la société … ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Vu la note de plaidoiries versée le 16 mars 2017 en cause par Monsieur le délégué du gouvernement Daniel RUPPERT ;

Maître Aline CONDROTTE, en remplacement de Maître Roy NATHAN, pour la partie demanderesse, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Daniel RUPPERT pour l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, et Maître Matthias LINDAUER, en remplacement de Maître Jerry MOSAR pour la société …, entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 mars 2017.

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Par avis de marché, l’administration des Bâtiments publics annonça l’ouverture d’une procédure de soumission ouverte en vue de l’attribution du marché public relatif aux travaux de gros œuvre et d’aménagements extérieurs à exécuter dans l’intérêt de la construction d’un nouvel atelier régional ouest à Capellen pour les besoins de l’administration de la Gestion de l’Eau Les sociétés … et …, regroupées au sein de l’association momentanée …, ci-après « l’association momentanée », déposèrent une offre en date du 31 octobre 2016.

Suite à l’ouverture des soumissions en date du même jour, l’administration des Bâtiments publics adressa en date du 8 novembre 2016 à l’association momentanée un courrier l’invitant à compléter son dossier, tous les documents requis au titre de la capacité juridique, de la capacité économique et financière, de la capacité technique et professionnelle, de la situation fiscale et parafiscale, des conditions minima de participation (effectif minimum, chiffre d’affaires annuel minimum, nombre minimal de références) ainsi qu’au titre des effectifs prévus pour le chantier faisant défaut, ledit courrier prévoyant pour ce faire sous peine d’exclusion un délai de 15 jours.

Par courrier daté du 22 novembre 2016, l’association momentanée communiqua les documents et renseignements demandés.

Par arrêté du 7 février 2017, le ministre du Développement durable et des Infrastructures, dénommé ci-après le « ministre », sur proposition du directeur de l’administration des Bâtiments publics du 9 janvier 2017, approuva le procès-verbal d’adjudication publique, suivant lequel la société …, s’engage à exécuter les prestations mises en soumission publique moyennant le paiement d’un prix … euros (TTC).

Par courrier du 17 février 2017, notifié le 20 févier 2017, le ministre informa l’association momentanée que son offre n’avait pas pu être prise en considération, étant donné qu’elle n’avait pas remis un cahier des charges dûment rempli, de sorte que son offre serait à écarter conformément à l’article 51 (2) du règlement grand-ducal du 3 août 2009 portant exécution de la loi sur les marchés publics, « étant donné que le résumé remis ne contient aucune des informations demandées dans le bordereau original sur les fabricants et types des produits offerts », ledit courrier portant la précision que l’offre de l’association momentanée aurait toutefois été la moins-disante.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2017, inscrite sous le numéro 39187 du rôle, l’association momentanée a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision d’attribution du marché ainsi que de la décision ayant écarté son offre.

2 Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 39188 du rôle, adressée tant en son intitulé que dans son dispositif à « Mesdames, Messieurs les Président et Juges composant le Tribunal administratif de et à Luxembourg », respectivement au « Tribunal administratif », elle sollicite encore à travers le « jugement » à intervenir le sursis à exécution des deux décisions attaquées.

L’association momentanée estime que les conditions légales requises pour voir instituer la mesure provisoire sollicitée seraient remplies en l’espèce, au motif que les moyens d’annulation à l’appui de son recours au fond seraient sérieux, d’une part, et que l’exécution de la décision d’adjudication risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif, d’autre part.

L’association momentanée estime ainsi que son recours au fond aurait de sérieuses chances de succès de voir annuler les décisions querellées et elle se prévaut dans ce contexte d’une violation de l’article 46 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 portant exécution de la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics et portant modification du seuil prévu à l’article 106 point 10° de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, ci-après dénommé le « règlement grand-ducal du 3 août 2009 », pour dépassement du terme de l’adjudication normal de deux mois, au motif que l’ouverture des offres aurait eu lieu le 31 octobre 2016, de sorte que l’adjudication aurait dû intervenir jusqu’au 31 décembre 2016, et non seulement le 7 février 2017, alors que le cahier des charges spécial n’aurait indiqué aucun autre délai.

Elle invoque ensuite un détournement de pouvoir au motif que sa propre offre aurait été plus avantageuse que celle de la société ….

Enfin, elle considère que le ministre, en omettant d’indiquer dans la liste lui adressée le 8 novembre 2016 que les informations relatives aux fabricants et aux types de produits étaient à fournir, aurait failli à son devoir général de loyauté.

Pour justifier l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, elle fait valoir que l’exécution immédiate de la décision d’adjudication moyennant la conclusion du contrat entre le pouvoir adjudicateur et la société adjudicatrice avant que le tribunal administratif ne se soit prononcé sur le recours au fond, lui causerait un préjudice définitif, dans la mesure où à défaut de sursis à exécution, la partie adjudicatrice conclurait un contrat avec la société … qui ne pourrait être annulé ni par le juge administratif ni, en principe, par le juge judiciaire, tandis que la seule possibilité d’une réparation par équivalence du préjudice octroyée par le juge judiciaire consécutivement à l’annulation des décisions déférées ne constituerait pas, à elle seule, une circonstance qui exclut l’existence d’un préjudice définitif, l’association momentanée affirmant encore qu’en l’espèce, la réussite d’une action en responsabilité civile serait totalement aléatoire.

Après avoir rappelé que le risque de préjudice grave et définitif s’apprécierait in concreto, de sorte qu’il incomberait au requérant d’en apporter la preuve, l’association momentanée affirme qu’il serait constant en cause que le secteur de la construction se trouverait confronté à une concurrence de plus en plus agressive, non plus seulement par des entreprises nationales, mais également transfrontalières : par conséquent chaque projet de plus ou moins grande envergure permettrait de garantir une activité constante de la société et de subvenir aux besoins de l’entreprise afin de pouvoir garantir un salaire aux employés de l’entreprise sur plusieurs mois. Partant, la perte du marché litigieux, pour des motifs plus que douteux, risquerait de précipiter « l’entreprise dans une situation très inconfortable face à ses 3 salariés », l’association momentanée donnant encore à considérer que ses deux sociétés subiraient également un préjudice moral lié à leur réputation.

L’Etat, rejoint en ses plaidoiries par la société …, s’oppose à cette argumentation en relevant que les conditions légales pour obtenir une mesure provisoire ne seraient pas remplies en cause, les parties défenderesse et tiers-intéressée contestant tant le risque d’un préjudice grave et définitif que le caractère sérieux des moyens de l’association momentanée.

Si la partie étatique a certes encore soulevé l’irrecevabilité des recours dans la mesure où ils ont été introduits par une association momentanée, dépourvue de toute personnalité juridique, cette absence de personnalité juridique ne semble toutefois en l’espèce pas avoir de conséquence, puisque les recours ont également été introduits par ses deux associés conjointement.

La société … soulève, pour sa part, l’irrecevabilité du recours tel qu’introduit par la société … au motif que s’agissant d’une société à responsabilité limitée, elle ne saurait être valablement représentée par un conseil d’administration, moyen de défense relevant du fond qui apparait toutefois comme guère sérieux au vu de la jurisprudence dominante1 et de l’article 29 de la loi modifiée précitée du 21 juin 1999.

La société … critique ensuite la façon de procéder de l’association momentanée pour porter atteinte au principe du contradictoire et à ses droits de la défense, la partie tierce-

intéressé mettant à cet égard le fait en avant qu’elle n’aurait pas disposé de suffisamment de temps pour préparer sa défense.

Le soussigné constate que si en effet le délai imparti à la partie tiers-intéressée pour préparer sa défense, c’est-à-dire le délai entre la signification de la requête en obtention de mesure provisoire et la date des plaidoiries doit être considéré comme extrêmement bref, cette circonstance s’explique, d’une part, par l’omission de l’association momentanée de déposer au greffe du tribunal administratif l’acte de signification conjointement avec sa requête en obtention d’une mesure provisoire, et ce en dépit de l’article 4 (1) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, selon lequel « le requérant fait signifier la requête à la partie défenderesse et aux tiers intéressés, à personne ou au domicile, par exploit d’huissier, dont l’original ou la copie certifiée conforme est déposée sans délai au greffe du tribunal. L’affaire n’est portée au rôle qu’après ce dépôt » ainsi que par une signification éminemment tardive - 10 jours après le dépôt au greffe -, et, d’autre part, par le fait que conformément à l’article 6 de la loi du 10 novembre 2010 instituant les recours en matière de marchés publics, « Le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice est obligé de surseoir à la conclusion du contrat jusqu’à la notification de l’ordonnance en référé ».

Aussi, si, d’un côté, le respect du principe du contradictoire exige tant la mise en intervention des parties tierces intéressées que la possibilité pour ces mêmes parties de pouvoir préparer adéquatement leur défense, il ne saurait être admis, de l’autre côté, que l’inertie de la partie requérante puisse indûment et indéfiniment faire obstacle à l’exécution d’une décision d’adjudication : dès lors, le principe du contradictoire peut être appliqué de manière moins stricte dans le cadre d’une procédure provisoire que dans le cadre d’une procédure au fond lorsque le retard qu’implique nécessairement l’appel utile en cause de 1 Voir Cour adm. 4 mars 2008, n° 23473, Pas. adm. 2016, V° Procédure contentieuse, n° 372.

4 parties tierces intéressées est incompatible avec la célérité que requiert l’affaire déférée au juge du provisoire, la contrepartie, respectivement le corollaire de cet assouplissement consistant toutefois en une application particulièrement sévère des conditions permettant d’obtenir une mesure provisoire.

En vertu de l’article 11 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 3 mars 2017 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, l’affaire ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

Une première conclusion s’impose toutefois au vu de l’article 11, (3) de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée : une demande de sursis à exécution est à présenter par requête distincte au président du tribunal qui a une compétence exclusive pour statuer sur lesdites demandes. Il s’ensuit qu’une demande de sursis adressée à la formation collégiale du tribunal administratif doit entraîner une décision d’incompétence de ce dernier2, sans qu’il n’existe de possibilité de renvoi devant le président du tribunal3.

La requête sous analyse ayant été adressée erronément au tribunal siégeant dans sa formation collégiale, ce dernier devrait se déclarer incompétent, tandis que le soussigné devrait se considérer comme n’ayant pas été valablement saisi ; toutefois, dans l’intérêt du justiciable bien compris, le soussigné passera outre à cette erreur imputable à l’avocat.

Concernant les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre les décisions déférées, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

Ainsi, le juge du référé est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette 2 Trib. adm. 27 octobre 1999, n° 11595, Pas. adm. 2016, V° Procédure contentieuse, n° 469.

3 Trib. adm. 14 octobre 1999, n° 11574, Pas. adm. 2016, V° Procédure contentieuse, n° 468.

5 appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation de la décision attaquée.

La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme l’intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui. Au niveau de l’examen des moyens invoqués à l’appui du recours au fond, l’examen de ses chances de succès appelle le juge administratif saisi de conclusions à des fins de sursis à exécution, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et à vérifier si un des moyens soulevés par la partie demanderesse apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation voire la réformation de la décision critiquée.

Il doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

Or, de ce point de vue, le premier moyen de l’association momentanée, tiré d’un dépassement du terme de l’adjudication normal de deux mois et partant d’une violation de l’article 46 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 ne convainc guère.

Il appert de prime bord, au terme d’une lecture superficielle, de l’article 2.51.1., intitulé « Délais d’adjudication », des clauses contractuelles générales du cahier des charges, document nécessairement connu de et examiné par l’association momentanée, que le délai d’adjudication n’est pas de 2 mois, mais de 5 mois.

Il résulte ensuite de la jurisprudence4 des juges du fond que le non-respect du délai de deux mois prévu par l’article 46 a pour seule conséquence que le soumissionnaire doit se prononcer sur le maintien de son offre, maintien auquel il n’est pas tenu. Plus précisément, les juges du fond ont retenu que les articles 46 et 47 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 ne prévoient aucune sanction de nullité pour les hypothèses où le terme de l’adjudication de deux ou de quatre mois au plus n’a pas été respecté et où, en cas d’adjudication au-delà dudit terme, le pouvoir adjudicateur a omis de demander au soumissionnaire ayant présenté l’offre la plus avantageuse, de se prononcer sur le maintien de son offre5.

Il ne paraît par ailleurs pas certain que l’association momentanée puisse se prévaloir d’une telle violation, l’article 47 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003, qui impose au pouvoir adjudicateur, en cas de dépassement du délai d’adjudication, de demander aux 4 Trib. adm. 15 mars 2010, n° 25592, confirmé par arrêt du 18 novembre 2010, n° 26843C, Pas. adm. 2016, V° Marchés publics, n° 123.

5 Cour adm 18 novembre 2010, n° 26843C, Pas. adm. 2016, V° Marchés publics, n° 123.

6 soumissionnaires s’ils maintiennent leur offre, limitant le bénéfice de cette obligation « aux concurrents dont les offres ont été reconnues valables et avantageuses » : or, il appert à première vue que l’offre de l’association momentanée, quoique arithmétiquement la moins-

disante, n’était pas valable et avait été écartée de cet fait.

Le second moyen ne présente pas non plus le sérieux nécessaire pour justifier per se la mesure provisoire sollicitée.

En effet, si l’association momentanée semble accuser le ministre d’avoir commis un détournement de pouvoir au motif que sa propre offre aurait été plus avantageuse que celle de la société … - l’association momentanée insistant sur la différence de … euros, qui équivaudrait à 15% du prix de l’offre de la société … et sur la géolocalisation plus avantageuse des sociétés composant l’association momentanée par rapport au chantier sis à Capellen, alors que le siège social de la société … se situerait à … - il semble toutefois, aux termes d’un examen nécessairement sommaire, que le ministre a au contraire appliqué correctement les dispositions de l’article 59 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 précité qui prévoit que les offres non conformes aux articles 56, 57 et 58 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 ne sont pas prises en considération, l’article 57 exigeant en particulier que toutes les positions du bordereau doivent impérativement être remplies. La jurisprudence6 admet par ailleurs qu’après ce contrôle de conformité des offres - tant formel au vu des exigences des articles 56 et suivants, qu’au fond, au vu notamment des critères de participation - que le pouvoir adjudicateur procédera, conformément à l’article 79 du règlement grand-ducal du 3 août 2009, à un premier classement basé sur les prix des offres conformes, l’article 11 de la loi du 25 juin 2009 prenant soin de préciser que la détermination de l’offre économiquement la plus avantageuse respectivement de l’offre au prix le plus bas ne s’effectue que par rapport aux offres régulières, l’offre régulière y étant définie comme « toute offre qui après évaluation faite est formellement et techniquement conforme, et qui remplit les critères de sélection qualitatifs qui peuvent être prévus par les cahiers spéciaux des charges ». En d’autres termes, toujours selon les juges du fond, une offre non conforme aura été éliminée avant même que le pouvoir adjudicateur ne prenne en compte les différents prix offerts et ne procède au classement des différentes offres conformes ; enfin, dans une affaire similaire7 à celle sous analyse, les juges du fond ont retenu que « de ce point de vue, l’argumentation de la partie demanderesse tendant à vouloir opposer à une décision ayant écarté son offre pour non-conformité le fait qu’elle était la moins-disante n’est pas pertinente, l’offre non-conforme de la demanderesse devant avoir été éliminée à un stade antérieur à celui de l’examen des prix et l’offre non-conforme de la demanderesse ne pouvant plus être prise en considération pour le classement prévu à l’article 79 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 ».

Lors des plaidoiries, l’association momentanée a déclaré ne pas contester le caractère incomplet du bordereau tel que lui reproché par le pouvoir adjudicateur.

Il s’ensuit que le seul reproche adressé au ministre d’avoir écarté l’offre de l’association momentanée, pourtant la moins-disante, au profit de la seconde moins-disante, ne semble pas, en l’état actuel du dossier et en particulier au vu de l’argumentation juridique actuelle de l’association momentanée, suffisamment sérieux pour justifier la mesure provisoire sollicitée, étant encore relevé, d’une part, que la différence importante telle qu’invoquée appert être arithmétiquement fausse, l’association momentanée ayant 6 Voir tout particulièrement trib. adm. 11 février 2015, n° 33802.

7 Ibidem, ainsi que .trib. adm. 24 octobre 2011, n° 26988, confirmé par arrêt du 13 mars 2012, n° 29559C et trib.adm. 17 juin 2013, n° 30754, consultables sous www.ja.etat.lu 7 manifestement et erronément comparé les prix TTC de l’offre de la société … avec les prix HTVA de sa propre offre, et, d’autre part, que la proximité géographique ne semble pas être un critère de sélection.

Cette conclusion provisoire n’est pas, en l’état actuel du dossier, affectée par le reproche, contesté par la partie étatique, que les services de l’administration des Bâtiments publics auraient demandé des renseignements complémentaires à l’association momentanée sans tenir préalablement compte de la recevabilité, respectivement de la conformité des différentes offres reçues, encore que la demande en question se soit inscrite d’après les explications étatiques dans le cadre de la « vérification administrative » de l’offre et non dans le cadre de sa vérification technique, les juges du fond ne semblant en tout état de cause pas sanctionner pareille procédure, même s’ils la qualifient de « guère orthodoxe »8.

Il en va finalement de même du troisième moyen de l’association momentanée, lequel, en l’état, semble reprocher au ministre d’avoir, d’une part, sollicité après l’ouverture des soumissions des documents et renseignements complémentaires, sans avoir, d’autre part, indiqué au soumissionnaire qu’il devrait encore fournir les informations relatives aux fabricants et aux types de produits telles qu’exigées par le bordereau.

A cet égard, l’invocation par l’association momentanée de l’article 20 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 ne semble guère pertinente, ladite disposition concernant à première vue des erreurs constatées par le pouvoir adjudicateur dans le dossier de soumission tel que défini aux articles 16 et suivants du règlement grand-ducal du 3 août 2009, c’est-à-dire le cahier des charges, et non, comme l’association momentanée semble l’interpréter, l’offre formulée par le soumissionnaire dans le bordereau dûment rempli.

Quant au fait que le pouvoir adjudicateur ait demandé des renseignements complémentaires, il appert à première vue que cette faculté s’inscrit dans le cadre de l’article 60 du règlement grand-ducal du 3 août 2009, aux termes duquel « Le cahier spécial des charges peut exiger du soumissionnaire la fourniture de données techniques ou économiques sur son entreprise. Ces renseignements ont un caractère indicatif. Les renseignements manquants peuvent être complétés sur demande du pouvoir adjudicateur, par lettre recommandée avec accusé de réception, avant l’adjudication et sont alors à fournir par le soumissionnaire, sous peine de l’exclusion de son offre, dans un délai de 15 jours à courir à partir de la réception de la demande y relative », la jurisprudence9 considérant qu’en vertu de cette disposition le soumissionnaire est tenu de fournir certaines données relatives à ses capacités économique, financière, technique et professionnelle et que lesdites données peuvent, le cas échéant, être complétées sur demande du pouvoir adjudicateur : dans ce cas, les données manquantes doivent être fournies endéans un délai déterminé, sous peine de l’exclusion de l’offre : il s’agit là, a priori, d’une faculté limitée à certains renseignements relatifs à la situation du soumissionnaire, lesquels peuvent être complétés ou précisés, sans que cette faculté ne semble pouvoir être étendue, comme allégué par l’association momentanée, aux non-conformités éliminatoires telles que prévues aux articles 56 et 57 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 ; dès lors, pour reprendre la formulation des juges du fond10 : « Le problème en l’espèce n’est dès lors pas une question de preuve, de justification de données effectivement fournies, mais d’absence ab initio de données exigées, […], défaut 8 Voir trib. adm. 11 février 2015, n° 33802.

9 Ibidem.

10 Ibidem.

8 non susceptible d’être couvert notamment par l’application de l’article 60 du règlement grand-ducal ».

Il ne semble dès lors pas, au terme d’une analyse nécessairement sommaire et au vu de l’état de l’argumentation juridique actuelle de l’association momentanée, que le ministre puisse sérieusement se voir reprocher d’avoir manqué à son devoir de vigilance et de loyauté envers l’association momentanée en ayant omis de lui signaler le caractère incomplet du résumé du bordereau de soumission tel que prévu aux articles 40 et 51 (2) du règlement grand-ducal du 3 août 2009.

Dès lors, et à défaut de tout autre moyen d’annulation, les trois moyens invoqués à l’appui du recours au fond ne paraissant pas comme suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire, de sorte qu’il y a lieu de débouter l’association momentanée de sa demande sans examiner davantage la question du risque d’un préjudice grave et définitif dans son chef, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne l’échec de la demande.

Il suit de toutes les considérations qui précèdent que la demande est à rejeter.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.000 euros formulée par l’association momentanée, respectivement par ses membres, laisse également d’être fondée, les conditions légales afférentes n’étant pas remplies en cause.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique ;

rejette le recours en obtention d’un sursis à exécution ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par l’association momentanée ;

condamne l’association momentanée aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 mars 2017 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 mars 2017 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Numéro d'arrêt : 39188
Date de la décision : 17/03/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-03-17;39188 ?

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