Tribunal administratif N° 39085 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 février 2017 Audience publique du 2 mars 2017 Recours formé par Monsieur …, alias …, …, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 39085 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 février 2017 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Sierra Leone) et être de nationalité sierra-léonaise, alias …, déclarant être né le … à … (Nigéria) et être de nationalité nigériane, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation 1) d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 3 février 2017 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 février 2017 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Maître Marcel Marigo, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Monsieur le délégué du gouvernement Yves Huberty en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 février 2017.
Le 11 juillet 2014, Monsieur …, déclarant être de nationalité sierra-léonaise, introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale, au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par la « loi du 5 mai 2006 ».
Par décision du 13 octobre 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé le « ministre », informa Monsieur … que le Grand-Duché de Luxembourg ne serait pas compétent pour examiner sa demande de protection internationale, en se référant aux dispositions de l’article 15 de la loi du 5 mai 2006 et à celles de l’article 13 (1) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III », au motif que ce serait le Royaume d’Espagne qui serait responsable du traitement de sa demande de protection internationale, du fait qu’il aurait franchi irrégulièrement la frontière espagnole le 19 août 2013.
Le transfert de Monsieur … vers l’Espagne ne put être exécuté, étant donné que l’intéressé avait disparu.
Après l’appréhension de Monsieur … en Belgique par les autorités belges, les autorités luxembourgeoises, faisant suite à une demande afférente de ces dernières autorités, acceptèrent, en date du 28 septembre 2016, la reprise en charge de l’intéressé en vertu de l’article 18 (1) b) du règlement Dublin III.
Le transfert de Monsieur … depuis la Belgique eut lieu le 10 octobre 2016.
Le 11 octobre 2016, Monsieur … introduisit, sous l’identité d’…, de nationalité nigériane, auprès du service compétent du ministère une demande de protection internationale, au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 », ayant abrogé et remplacé la loi du 5 mai 2016.
Les déclarations de Monsieur …, alias …, ci-après désigné par « Monsieur … », sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.
Le 7 décembre 2016, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 20 décembre 2016, notifiée en mains propres le 22 décembre 2016, le ministre déclara irrecevable la demande de protection internationale de Monsieur … sur base de l’article 28 (2) d) de la loi du 18 décembre 2015.
Par décision du 3 février 2017, notifiée en mains propres le même jour, annulant et remplaçant la décision ministérielle, précitée, du 20 décembre 2016, le ministre, après avoir résumé les déclarations de Monsieur … comme suit : « (…) Il résulte de vos déclarations que vous seriez né le … dans l’Etat de … au Nigéria, et que vous auriez vécu ensemble avec votre mère ainsi que vos frères et sœurs dans l’Etat d’… au Nigéria. Il ressort en outre de vos déclarations que vous seriez marié de façon traditionnelle avec Madame … …-…, avec qui vous auriez eu deux enfants – votre épouse et vos enfants se trouveraient d’ailleurs toujours au Nigéria. Finalement, vous soulignez ne pas avoir eu un travail fixe dans votre pays d’origine, mais que vous auriez plutôt subvenu à vos besoins par des emplois occasionnels respectivement journaliers. Quant aux raisons ayant motivé votre départ de votre pays d’origine, vous indiquez deux raisons : « to find help and for a better life. » (entretien, p. 4/8) Dans ce contexte, vous précisez que vous auriez été contraint de quitter l’Etat d’… en 2013 suite à l’entrée de « Boko Haram » et dû au risque d’être tué par ces derniers. Hormi cette menace, vous réitérez vos conditions de vie difficiles au Nigéria, tout en soulignant que : « I had nothing in Nigeria. I left Nigeria for a job…to get a better situation » (entretien, p. 5/8). Vous soulevez en outre que vous auriez eu une bagarre avec une personne non-autrement identifiée en raison d’une offre d’emploi – cette dernière vous aurait même légèrement blessé. En ce qui concerne votre trajet pour rejoindre l’Europe, vous évoquez que vous vous seriez déplacé la plupart du temps à pied et dans des petits groupes jusqu’à …. Après un séjour de deux à trois mois à … les autorités espagnoles vous auraient transféré par avion à …. Enfin, il ressort du rapport d’entretien du 7 décembre 2016 qu’il n’y a plus d’autres faits à invoquer au sujet de votre demande de protection internationale et aux déclarations faites dans ce contexte. (…) », informa ce dernier qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27 (1) a), c), f) et h) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 février 2017, Monsieur … a fait introduire un recours tendant, aux termes de son dispositif, à la réformation, premièrement, d’une décision du ministre du « (…) 3 novembre 2017 (…) » de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, deuxièmement, d’une décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et, troisièmement, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Sur question afférente du soussigné à l’audience des plaidoiries, le litismandataire du demandeur a confirmé que la référence, faite au dispositif de la requête introductive d’instance, à une décision du « (…) 3 novembre 2017 (…) » constitue une erreur matérielle, de sorte qu’il y a lieu d’admettre que la décision attaquée est celle du 3 février 2017, prise en son triple volet, telle que visée dans le corps de la requête.
Etant donné que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, le soussigné est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 3 février 2017, telles que déférées.
Le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours en ce qu’il tend à la réformation de la décision ministérielle portant refus d’octroi, à Monsieur …, du statut conféré par la protection subsidiaire, au motif que le demandeur se bornerait à soutenir que les conditions de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 seraient remplies dans son chef, sans fournir d’autres précisions à cet égard.
Pour autant qu’à travers ce moyen, le délégué du gouvernement ait entendu soulever l’irrecevabilité du recours pour libellé obscur, le soussigné relève qu’aux termes de l’article 1er, alinéa 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », la requête introductive d’instance doit contenir notamment l’exposé sommaire des faits et des moyens invoqués, ainsi que l’objet de la demande.
Il appartient au juge administratif d’apprécier in concreto si l’exposé sommaire des faits et des moyens, ensemble les conclusions s’en dégageant, est suffisamment explicite ou non.
L’exception obscuri libelli, qui est d’application en matière de contentieux administratif, sanctionne d’une nullité l’acte y contrevenant, étant entendu que son but est de permettre au défendeur de savoir quelle est la décision critiquée et quels sont les moyens à la base de la demande, afin de lui permettre d’organiser utilement sa défense.1 1 Trib. adm. 30 avril 2003, n° 15482 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Procédure contentieuse, n° 417 et les autres références y citées.
S’il suffit que cet exposé soit sommaire, la requête introductive d’un recours ne doit cependant pas rester muette sur les moyens à son appui, elle ne doit pas être dépourvue des indications indispensables et elle doit contenir des conclusions.
En tout état de cause, aux termes de l’article 29 de la loi du 21 juin 1999, l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense.
Force est au soussigné de constater qu’en l’espèce, la requête introductive d’instance contient l’indication de l’objet de la demande, à savoir la réformation de la décision ministérielle du 3 février 2017, prise en son triple volet, un exposé sommaire des faits, ainsi qu’un exposé des moyens invoqués à l’appui du recours. Sur ce dernier point et s’agissant du volet du recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant refus d’octroi, à Monsieur …, du statut conféré par la protection subsidiaire, le soussigné relève que dans sa requête, le demandeur soutient qu’il remplirait les conditions d’octroi dudit statut, telles que prévues, notamment, par les articles 39 et 48 de la loi du 18 décembre 2015, étant donné qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il risquerait de subir des actes de torture, respectivement des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants. Si ce moyen est certes présenté de manière plus que succincte, il n’en reste pas moins que compte tenu de l’ensemble des développements figurant dans la requête introductive d’instance, son libellé, de même que celui des autres moyens invoqués par Monsieur … à l’appui de son recours, pris en son triple volet, est suffisamment précis pour permettre à la partie étatique de prendre position au fond – ce qu’elle a d’ailleurs fait, en ce compris en ce qui concerne la demande de protection subsidiaire de Monsieur … – et, partant, d’organiser utilement sa défense. Les conditions d’application de l’exception obscuri libelli, telles qu’exposées ci-avant, n’étant ainsi pas remplies en l’espèce, le moyen afférent est à rejeter.
A défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, le recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 3 février 2017, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est à déclarer recevable.
A l’appui des trois volets de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée.
En droit, s’agissant en premier lieu du recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, le demandeur fait valoir que ce serait à tort que le ministre aurait retenu qu’il n’aurait invoqué que des faits sans pertinence à l’appui de sa demande d’asile et qu’il aurait induit en erreur les autorités luxembourgeoises. En effet, les faits en question « (…) cadre[raient] avec les critères retenus par l’article 2 f) de la loi (…) du 18 décembre 2015 (…) », respectivement par l’article 1A paragraphe (2) de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après dénommée « la Convention de Genève ». Dans ce contexte, le demandeur insiste sur le fait que les conditions de vie déplorables qui régneraient au Nigéria l’auraient poussé à quitter son pays d’origine, où il ne pourrait retourner en raison « (…) des menaces de violences à son égard (…) ».
A l’appui de son recours dirigé contre la décision de refus de lui accorder une protection internationale, le demandeur reproche au ministre d’avoir fait une interprétation erronée des faits invoqués à l’appui de sa demande, en ce qu’il aurait retenu qu’il ne remplirait pas les conditions d’octroi d’un statut de protection internationale. A cet égard, il fait valoir qu’au Nigéria, il aurait été « (…) en proie à des menaces (…) », en raison des agissements de Boko Haram, qui serait un « (…) mouvement insurrectionnel et terroriste d’idéologie salafiste djihadiste, originaire du nord-est du Nigéria et ayant pour objectif d’instaurer un califat et d’appliquer la charia (…) ».
Par ailleurs, il soutient que dans son pays d’origine, il ne trouverait pas d’emploi, de sorte qu’il serait dépourvu de ressources financières propres, ce qui rendrait ses conditions de vie difficiles.
Il illustre ses propos en précisant qu’il aurait même eu une altercation avec une autre personne ayant brigué le même emploi que lui-même. Quant aux conditions de vie régnant au Nigéria, le demandeur se prévaut d’un article publié en 2009 sur le site internet « www.socialwatch.org », intitulé « Nigéria » et faisant état de l’existence, dans le pays en question, d’un conflit armé opposant l’armée nigériane et des militants séparatistes de la région du delta du Niger voulant obtenir le contrôle des ressources pétrolières du pays, ainsi que d’un certain nombre de difficultés ayant trait, notamment, à la corruption, à une mauvaise situation économique, à la pauvreté et à un fonctionnement défectueux des systèmes de santé et d’éducation. Quant à sa situation personnelle, le demandeur soutient qu’il craindrait avec raison, en cas de retour dans son pays d’origine, de faire l’objet d’actes de violence, tout en précisant qu’« (…) il [ne serait] pas impossible que ces violences revêt[iraient] une gravité suffisante et abouti[raient] à une situation irrémédiable [pour lui] d’autant plus qu’il sera[it] obligé de partager la même localité avec les agresseurs (…) ». Il conclut, en substance, qu’il aurait fait état d’une crainte fondée de subir des actes de persécution d’ordre physique et moral. A l’appui de sa demande tendant à l’obtention de la protection subsidiaire, le demandeur invoque, en substance, les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié, en insistant sur le fait que les faits invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale, d’une part, « (…) cadre[raient] avec les hypothèses retenues aux points a), b) et c) [de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015] (…) » et, d’autre part, rempliraient les conditions prévues par l’article 39 de la même loi, le demandeur insistant, dans ce contexte, sur le fait qu’il risquerait de subir des actes de torture, respectivement des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, en cas de retour dans son pays d’origine.
A l’appui de son recours tendant à la réformation de l’ordre de quitter le territoire, le demandeur soutient que son éloignement vers le Nigéria méconnaîtrait l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-
après désignée par « la CEDH », et « (…) constituerait sans doute une violation des instruments juridiques [visés à l’article 30 (2) de la loi du 18 décembre 2015] (…) ».
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, pris en son triple volet.
Aux termes de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification. Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.
Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale. Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».
Il ressort de cette disposition qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.
Le soussigné constate de prime abord que ni le texte légal ni d’ailleurs les travaux parlementaires afférents ne contiennent de définition de ce qu’il convient d’entendre par « recours manifestement infondé », et ce contrairement à l’ancienne loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, laquelle définissait en son article 9 la demande d’asile manifestement infondée2, définition complétée par le règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile en ses articles 33, 44, 55 et 66.
Il appartient dès lors au soussigné, saisi d’un recours basé sur la disposition légale citée ci-avant, de définir ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé » et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.
Il convient de prime abord de relever que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé. Comme le législateur s’est référé au « recours », c’est-à-
dire au recours contentieux, en d’autres termes à la requête introductive d’instance, et non pas à la demande de protection internationale en tant que telle, la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.
Le recours est à qualifier de manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente. En d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement.
Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas 2 « Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile […]. » 3 « Une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande. Lorsque le demandeur invoque la crainte d’être persécuté dans son propre pays, mais qu’il résulte des éléments et renseignements fournis que le demandeur n’a aucune raison objective de craindre des persécutions, sa demande peut être considérée comme manifestement infondée. » 4 « Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur d’asile, invoquant des persécutions qui sont limitées à une zone géographique déterminée, aurait pu trouver une protection efficace dans une autre partie de son propre pays, qui lui était accessible. » 5 « 1) Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur d’asile provient d’un pays où il n’existe pas, en règle générale, de risque sérieux de persécution. 2) Le fait d’établir qu’un pays déterminé ne présente pas, en règle générale, de risques sérieux de persécution, n’entraînera cependant pas automatiquement le rejet de toute demande d’asile introduite par un ressortissant de ce pays, le principe de l’examen individuel de la demande restant acquis. » 6 « Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. » être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé. En effet, en application de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.
Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, le soussigné constate que ladite décision est en l’espèce fondée sur les dispositions des points a), c), f) et h) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquelles « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou (…) c) le demandeur a induit les autorités en erreur en ce qui concerne son identité ou sa nationalité, en présentant de fausses indications ou de faux documents ou en dissimulant des informations ou des documents pertinents qui auraient pu influencer la décision dans un sens défavorable; ou (…) f) le demandeur a présenté une demande ultérieure de protection internationale qui n’est pas irrecevable en vertu de l’article 32; ou (…) h) le demandeur est entré ou a prolongé son séjour illégalement sur le territoire et, sans motif valable, ne s’est pas présenté aux autorités ou n’a pas présenté une demande de protection internationale dans les délais les plus brefs compte tenu des circonstances de son entrée; (…) ».
Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27 (1) a), c), f) et h) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande, soit si le demandeur a induit les autorités en erreur en ce qui concerne son identité ou sa nationalité, en présentant de fausses indications ou de faux documents ou en dissimulant des informations ou des documents pertinents qui auraient pu influencer la décision dans un sens défavorable, soit si le demandeur a présenté une demande ultérieure de protection internationale qui n’est pas irrecevable en vertu de l’article 32, soit si le demandeur est entré ou a prolongé son séjour illégalement sur le territoire et, sans motif valable, ne s’est pas présenté aux autorités ou n’a pas présenté une demande de protection internationale dans les délais les plus brefs compte tenu des circonstances de son entrée.
Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.
En l’espèce, force est au soussigné de constater que dans la mesure où le demandeur se limite à soutenir, en substance, que ce serait à tort que le ministre aurait retenu qu’il n’aurait présenté que des faits sans pertinence au regard de l’examen de sa demande de protection internationale et qu’il aurait induit en erreur les autorités luxembourgeoises, alors que les conditions d’octroi d’un statut de protection internationale seraient remplies dans son chef, ses contestations ne concernent que l’application, par le ministre, des points a) et c) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015 – encore que le point c) dudit article ne soit pas expressément visé dans la requête introductive d’instance.
Etant donné que le demandeur n’a, ainsi, pas formulé une quelconque contestation à l’encontre de la décision déférée, en ce qu’elle a été adoptée sur base des points f) et h) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, le soussigné, appelé à statuer dans le cadre des moyens lui soumis, sans devoir procéder à un réexamen général et global de la situation du demandeur7, ne saurait remettre en cause le bien-fondé de l’application, par le ministre, des dispositions desdits points f) et h) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015 au cas d’espèce. Dès lors, dans la mesure où il vient d’être retenu qu’une seule des conditions prévues par ledit article 27 (1) valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance, le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur … dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour être manifestement infondé, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les moyens fondés sur l’article 27 (1) a) et c) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen devenant surabondant.
S’agissant ensuite du recours dirigé contre le refus du ministre d’accorder au demandeur une protection internationale, le soussigné relève qu’aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
7 Trib. adm., 17 novembre 2004, n° 18360a du rôle, Pas. adm. 2016, V° Recours en réformation, n° 23 et les autres références y citées.
S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-
avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.
Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.
En l’espèce, force est au soussigné de constater qu’indépendamment de la crédibilité du récit du demandeur, les faits invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale ne sont manifestement pas de nature à justifier l’octroi d’un statut de protection internationale.
En effet, s’agissant, en premier lieu, de la crainte du demandeur de subir des actes de violence de la part du groupe islamiste Boko Haram, force est au soussigné de constater qu’il ne ressort d’aucun événement concret issu de son vécu personnel qu’un retour au Nigéria l’exposerait à un risque réel d’être victime d’agissements de la part de ce groupe. En effet, s’il est exact qu’en réponse à la question de l’agent ministériel en charge de son entretien de savoir s’il a personnellement eu des problèmes avec un membre de ce groupe, le demandeur a fait état d’une altercation qu’il aurait eue avec un individu non autrement identifié au sujet d’un emploi qu’ils auraient tous deux brigué et au cours de laquelle il aurait été blessé à l’aide d’une arme blanche, aucun élément de son récit ne permet néanmoins de conclure que cette personne aurait été un membre de Boko Haram. Par ailleurs, le soussigné relève qu’il ne se dégage pas des éléments soumis à son appréciation que la situation sécuritaire au Nigéria serait telle que toute personne se trouvant sur le territoire nigérian courrait, de ce seul fait, un risque réel d’être victime d’actes de persécution ou d’atteintes graves de la part de Boko Haram. Au contraire, il ressort des sources internationales citées par la partie étatique que ce groupe terroriste, intervenant principalement dans le Nord du Nigéria, a des activités très limitées, voire inexistantes dans les régions du Sud du pays8, telles que la région d’…, dont le demandeur prétend être originaire. Dans ces circonstances, la crainte du demandeur d’être victime d’actes 8 Voir, notamment le rapport du « Immigration and Refugee Board of Canada » du 11 mars 2016, intitulé « Nigeria: The capacity of Boko Haram to pursue individuals who relocate to another region or city, such as Lagos (2013-March 2016) ».
de violence de la part de Boko Haram doit être qualifiée d’hypothétique, de sorte qu’elle ne saurait manifestement justifier ni l’octroi du statut de réfugié, ni l’octroi de la protection subsidiaire.
La même conclusion s’impose en ce qui concerne les développements du demandeur ayant trait aux conditions de vie déplorables qui régneraient au Nigéria, ainsi qu’en ce qui concerne les difficultés d’accès à l’emploi et les problèmes économiques en résultant qu’il y aurait rencontrés. En effet, de telles difficultés ne tombent, de par leur nature, pas dans le champ d’application de la Convention de Genève, de sorte à être dépourvues de pertinence au regard des conditions d’obtention du statut de réfugié. S’agissant de la protection subsidiaire, le soussigné précise que l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 fait état de traitements ou de sanctions « infligés », tandis que l’article 39 de la même loi énumère les acteurs des atteintes graves, de sorte à nécessiter une intervention, une responsabilité humaine et à exclure de son champ d’application l’éventualité d’atteintes graves lorsqu’aucun acteur ne peut en être tenu responsable.9 Le simple fait qu’une atteinte soit liée d’une façon ou d’une autre à l’activité humaine n’est pas suffisant à cet égard. Pour pouvoir être considérée comme étant « infligée », elle doit, en effet, être le résultat voulu d’une intervention humaine. Or, tel n’est manifestement pas le cas des difficultés sous examen, qui sont dès lors, de par leur nature, étrangères à la notion d’atteinte grave, telle que définie par l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015. Dans ce contexte, le soussigné retient encore que s’il est exact que l’article, précité, publié sur le site internet « www.socialwatch.org », fait état, notamment, de l’existence, au Nigéria, d’un conflit armé opposant l’armée nigériane et des militants séparatistes de la région du delta du Niger voulant obtenir le contrôle des ressources pétrolières du pays, l’article en question a été publié en 2009, soit il y a huit ans, de sorte qu’il est manifestement trop ancien pour pouvoir refléter fidèlement la situation régnant actuellement au Nigéria et, par conséquent, pour justifier l’octroi d’un statut de protection internationale.
En ce qui concerne l’altercation que le demandeur aurait eue avec une tierce personne au sujet d’un emploi qu’ils auraient tous deux brigué et au cours de laquelle il aurait été blessé à l’aide d’une arme blanche, le soussigné relève que le demandeur n’a pas fourni le moindre élément probant permettant de retenir que les autorités nigérianes seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas lui fournir une protection adéquate contre de tels actes. Dès lors, dans la mesure où la preuve, à rapporter par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à lui fournir une protection est la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire, l’incident sous examen n’est manifestement pas de nature à justifier l’octroi d’un statut de protection internationale, ce d’autant plus que ledit incident s’inscrit dans le cadre d’une mésentente avec un inconnu au sujet d’une offre d’emploi déterminée, de sorte qu’à défaut d’autres éléments, il n’a pas vocation à se reproduire.
Dans ces circonstances, le soussigné retient que le recours sous examen est à déclarer manifestement infondé et que le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.
Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, le soussigné relève qu’aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le 9 Trib. adm. 14 janvier 2008, n° 23556 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Etrangers, n° 208 et les autres références y citées.
séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où le soussigné vient de retenir que le recours dirigé contre la décision ministérielle de refus d’une protection internationale est manifestement infondé et que c’est partant à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, ladite décision a, a priori, valablement pu être assortie d’un ordre de quitter le territoire.
Le demandeur soutient encore que l’ordre de quitter le territoire devrait encourir la réformation, au motif qu’il violerait l’article 3 de la CEDH.
Il convient de rappeler que si l’article 3 de la CEDH proscrit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, encore faut-il que le risque de subir des souffrances mentales ou physiques présente une certaine intensité.
En effet, si une mesure d’éloignement – telle qu’en l’espèce consécutive à l’expiration du délai imposé au demandeur pour quitter le Luxembourg – relève de la CEDH dans la mesure où son exécution risquerait de porter atteinte aux droits inscrits à l’article 3, ce n’est cependant pas la nature de la mesure d’éloignement qui pose un problème de conformité à la CEDH, spécialement à l’article 3, mais ce sont les effets de la mesure en ce qu’elle est susceptible de porter atteinte aux droits que l’article 3 garantit à toute personne. C’est l’effectivité de la protection requise par l’article 3 qui interdit aux Etats parties à la CEDH d’accomplir un acte qui aurait pour résultat direct d’exposer quelqu’un à des mauvais traitements prohibés. S’il n’existe pas, dans l’absolu, un droit à ne pas être éloigné, il existe un droit à ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, de sorte et a fortiori qu’il existe un droit à ne pas être éloigné quand une mesure aurait pour conséquence d’exposer à la torture ou à une peine ou des traitements inhumains ou dégradants.
Cependant, dans ce type d’affaires, la Cour européenne des droits de l’Homme soumet à un examen rigoureux toutes les circonstances de l’affaire, notamment la situation personnelle du requérant dans l’Etat qui est en train de mettre en œuvre la mesure d’éloignement. La Cour européenne des droits de l’Homme recherche donc s’il existait un risque réel que le renvoi du requérant soit contraire aux règles de l’article 3 de la CEDH. Pour cela, la Cour évalue ce risque notamment à la lumière des éléments dont elle dispose au moment où elle examine l’affaire et des informations les plus récentes concernant la situation personnelle du requérant.
Le soussigné procède donc à la même analyse de l’affaire sous examen.
En l’espèce, le soussigné vient de retenir que le recours dirigé par Monsieur … à l’encontre de la décision ministérielle lui refusant l’octroi d’un statut de protection internationale est manifestement infondé et que l’intéressé est à débouter de sa demande d’asile, de sorte qu’un retour dans son prétendu pays d’origine n’est pas de nature à l’exposer à un risque réel d’y être persécuté ou d’y subir des atteintes graves. Dès lors, compte tenu du seuil élevé fixé par l’article 3 de la CEDH,10 le soussigné est amené à retenir qu’il n’existe 10 CedH, arrêt Lorsé et autres c/ Pays-Bas, 4 février 2004, § 59.
manifestement pas de risque suffisamment réel pour que le renvoi du demandeur au Nigéria soit dans ces circonstances incompatible avec l’article 3 de la CEDH. Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter.
Il en est de même en ce qui concerne l’argumentation – non autrement étayée en fait et en droit – du demandeur selon laquelle l’ordre de quitter le territoire « (…) constituerait sans doute une violation des instruments juridiques [visés à l’article 30 (2) de la loi du 18 décembre 2015] (…) », étant précisé, dans ce contexte, qu’il n’appartient pas au soussigné de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.
Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.
Par ces motifs, le juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 3 février 2017 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;
au fond, déclare le recours dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;
déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 mars 2017 par le soussigné, Daniel Weber, juge au tribunal administratif, en présence du greffier Goreti Pinto.
s. Goreti Pinto s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 02 mars 2017 Le Greffier du Tribunal administratif 12