Tribunal administratif N° 39111 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 février 2017 Audience publique du 28 février 2017 Requête en institution d’une mesure provisoire introduite par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art.35 (3), L. 18.12.2015)
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ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 39111 du rôle et déposée le 16 février 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Françoise NSAN-NWET, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Cameroun), de nationalité camerounaise, demeurant à …, tendant à voir ordonner une mesure provisoire, consistant en l’institution d’un sursis à exécution, sinon en l’obtention d’une autorisation de séjour provisoire, par rapport à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 26 janvier 2017 par laquelle les autorités luxembourgeoises ont pris la décision de le transférer vers la Pologne, Etat membre compétent pour connaître de sa demande de protection internationale, un recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle du 26 janvier 2017, inscrit sous le numéro 39110, introduit le même jour, étant pendant devant le tribunal administratif ;
Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée au fond ;
Maître Françoise NSAN-NWET et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth PESCH entendues en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 février 2017.
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Le 26 juillet 2016, Monsieur … introduisit auprès des autorités luxembourgeoises une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.
Par décision du 26 janvier 2016, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé le « ministre », informa l’intéressé que le Grand-Duché de Luxembourg n’était pas compétent pour examiner sa demande en reconnaissance d’un statut de protection internationale, en se référant aux dispositions de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire et à celles de l’article 12, paragraphe 4), du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dénommé ci-après « le règlement Dublin III », au motif que ce serait la Pologne qui serait responsable du traitement de sa demande d’asile, du fait qu’il serait titulaire d’un visa polonais valable du 1er mai 2016 jusqu’au 29 juillet 2016 et que les autorités polonaises auraient accepté le 8 novembre 2016 de reprendre en charge l’examen de sa demande de protection internationale.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 février 2017, inscrite sous le numéro 39110 du rôle, Monsieur … a introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 26 janvier 2017. Par requête séparée déposée en date du même jour, inscrite sous le numéro 39111 du rôle, il a encore introduit une demande en institution d’une mesure provisoire tendant en substance à voir surseoir à l’exécution de son transfert vers la Pologne et à se voir autoriser à séjourner provisoirement au Luxembourg jusqu’au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite de son recours au fond.
Le demandeur soutient que l’exécution de la décision attaquée risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif et que les moyens invoqués à l’appui de son recours au fond seraient sérieux.
Au titre du préjudice grave et définitif, il fait valoir que la Pologne ne constituerait pas un pays dans lequel sa sécurité et ses droits fondamentaux pourraient être assurés, et ce au motif que ses droits fondamentaux risqueraient d’y être bafoués au vu de l’hostilité de différentes personnalités politiques polonaises par rapport aux migrants et aux demandeurs de protection internationale.
Le demandeur affirme encore craindre ne pas pouvoir disposer d’un interprète en Pologne pour exposer avec sérénité les raisons qui l’ont amenées à demander l’asile, et ce alors que lors de son passage dans ce pays, il aurait tenté en vain d’expliquer sa situation, sans trouver d’interlocuteur susceptible de l’aider dans ses démarches. Enfin, il affirme encore redouter que du fait de sa nationalité, sa situation ne soit pas examinée avec objectivité, le demandeur mettant en avant l’accord de la Valette du 12 novembre 2015 entre l’Union Européenne et les Etats africains qui devraient conduire à son expulsion vers le Cameroun, où il serait toutefois exposé à un risque réel d’être soumis à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, le demandeur affirmant à cet égard être persécuté et harcelé au Cameroun à la fois par le groupe Boko Haram et par le gouvernement camerounais suite à l’enlèvement de sa soeur par les terroristes dans le nord du pays.
Il estime dès lors que son renvoi vers le Cameroun entraînerait dans son chef des traitements contraires à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par la « CEDH ».
En ce qui concerne les moyens développés au fond, censés justifier la mesure provisoire sollicitée, le demandeur se fonde ensuite sur l’article 3, paragraphe 1er, du règlement Dublin III pour soutenir que les circonstances particulières de l’espèce et sa situation personnelle justifieraient que le ministre se déclare compétent pour examiner sa demande de protection internationale. A titre subsidiaire, il estime que le ministre aurait dû appliquer l’article 17, paragraphe 1er, du règlement Dublin III au lieu de s’abstenir de rechercher si des raisons humanitaires justifiaient que les autorités luxembourgeoises examinent sa demande de protection internationale. Il invoque à cet égard plus particulièrement à nouveau le risque élevé qu’il encourrait de subir des traitements contraires à l’article 3 CEDH en cas de transfert de la Pologne vers le Cameroun.
Quant à la décision ministérielle de le transférer vers la Pologne, le demandeur s’appuie sur l’article 54 de la loi du 18 décembre 2015, ainsi que sur l’article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et sur l’article 19, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui interdiraient au ministre de le transférer vers la Pologne puisqu’il y risquerait d’être renvoyé au Cameroun où il courrait le risque d’être soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la CEDH. En effet, le ministre devrait s’assurer que le rapatriement d’une personne vers un autre Etat n’est pas contraire au principe de non refoulement, y compris dans le cadre d’un refoulement indirect et par le biais du règlement Dublin III. Or, en l’espèce, le ministre n’aurait pas recherché si la Pologne avait pris toutes les garanties nécessaires pour qu’il ne soit pas soumis à un traitement contraire à l’article 3 CEDH, ni tenu compte des risques réellement encourus au Cameroun.
La décision ministérielle déférée encourrait dès lors l’annulation par devant les juges du fond pour avoir été adoptée en violation des articles 54 de la loi du 18 décembre 2015 et 3 de la CEDH.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause.
En vertu de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.
Une mesure de sauvegarde, prévue à l’article 12 de la loi du 21 juin 1999, requiert, sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, les mêmes conditions tenant au sérieux des moyens et au risque d’un préjudice grave et définitif.
En l’espèce, force est au soussigné de constater que la décision déférée du 26 janvier 2017, prise en application de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015, a a priori un double objet, conformément à la même disposition, à savoir celle, d’une part, de transférer la personne concernée vers l’Etat membre compétent - en l’espèce la Pologne -, et, d’autre part, de ne pas examiner la demande de protection internationale, ce dernier volet étant la conséquence du premier volet de la décision.
Or, à cet égard, les moyens produits devant les juges du fond par le demandeur manquent du sérieux nécessaire pour justifier la mesure provisoire sollicitée.
A cet égard, il convient de rappeler qu’en ce qui concerne les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la demande, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.
L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.
Ainsi, le juge du référé est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation de la décision attaquée.
La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme l’intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui. Au niveau de l’examen des moyens d’annulation invoqués à l’appui du recours au fond, l’examen de ses chances de succès appelle le juge administratif saisi de conclusions à des fins de sursis à exécution, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et à vérifier si un des moyens soulevés par la partie demanderesse apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation voire la réformation de la décision critiquée.
Il doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.
A cet égard, le soussigné constate d’abord une présentation confuse des moyens développés au fond, le demandeur, comme indiqué ci-avant, entendant d’abord s’emparer de l’article 3, paragraphe 1er, du règlement Dublin III pour énerver la décision ministérielle d’incompétence.
Or, ledit article 3 paragraphe 1er, du règlement Dublin III ne fait a priori qu’énoncer que les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers conformément aux règles de compétence, respectivement de responsabilité figurant au chapitre III de ce même règlement. En l’espèce, il appert à première vue que le Luxembourg a décliné sa compétence au bénéfice de celle de la Pologne en application de l’article 12, paragraphe 4 du règlement Dublin III, au motif, non contesté en l’espèce, que le demandeur est « titulaire d’un ou de plusieurs titres de séjour périmés depuis moins de deux ans ou d’un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d’entrer sur le territoire d’un État membre ».
Il s’ensuit que l’incompétence du Luxembourg découle a priori du fait que la Pologne est désignée comme responsable de l’examen de la demande de protection internationale sur base d’une application littérale de l’article 12 du règlement Dublin III ; l’invocation de l’article 3 paragraphe 1er, du règlement Dublin III ne paraît dès lors pas sérieusement constituer un moyen susceptible d’énerver l’incompétence du Luxembourg, l’inverse étant plutôt vrai.
Le demandeur entend ensuite s’emparer, d’une part, de la situation en Pologne, et d’autre part, du risque de son refoulement vers le Cameroun, pour énerver la décision d’incompétence et il se prévaut à cet égard de l’article 17, paragraphe 1er, du règlement Dublin III.
Force est toutefois là encore au soussigné de s’interroger quant au choix de cette base règlementaire.
En effet, dans la mesure où le demandeur entend se prévaloir de défaillances systémiques, la base invocable serait a priori plutôt à rechercher dans l’article 3, paragraphe 2, 2e alinéa, du règlement Dublin III (« Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ») et non dans l’article 17, paragraphe 1er, du règlement Dublin III, qui prévoit une clause discrétionnaire libellée comme suit « (…) chaque Etat membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L’Etat membre qui décide d’examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l’Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (…) », et dont l’application ne constitue, au vu de la jurisprudence européenne la plus récente1, a priori pas une obligation dans le chef de l’Etat membre.
Aussi, dans la mesure où le demandeur a effectivement entendu se prévaloir de la clause discrétionnaire telle que prévue à l’article 17, paragraphe 1er, du règlement Dublin III, ce moyen, à supposer même qu’un pouvoir purement discrétionnaire puisse être sanctionné par le juge du fond, statuant en tant que juge de l’annulation, ne saurait en tout état de cause justifier au provisoire la mesure sollicitée, alors qu’il s’agit d’une question d’appréciation qui requiert une analyse plus poussée et une discussion au fond, à laquelle le juge du provisoire ne saurait pas procéder.
Dans la mesure où le demandeur aurait toutefois entendu se prévaloir des défaillances systémiques telles que requises par l’article 3, paragraphe 2, 2e alinéa, du règlement Dublin 1 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A. S. contre Republika Slovenija, affaire C-578/16 PPU.
III - le recadrage nécessaire à effectuer par le juge du provisoire témoignant d’ores et déjà du peu de sérieux de ce moyen - il convient de relever qu’il résulte de la jurisprudence des juges du fond que comme le système européen commun d’asile repose sur la présomption -
réfragable - que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient aux demandeurs de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées2.
Le soussigné relève encore qu’il résulte d’une jurisprudence récente des juges du fond3, reposant elle-même sur un arrêt de la Cour de l’Union européenne4, que des défaillances systémiques requièrent, pour être de nature à s’opposer à un transfert, d’être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Or, en l’espèce et en l’état actuel du dossier, le demandeur ne fournit aucun indice susceptible d’accréditer son argumentation basée sur l’existence de défaillances systémiques en Pologne, le seul renvoi à un article de presse électronique - renvoi ne figurant d’ailleurs pas dans son recours au fond - étant à cet égard insuffisant, le demandeur n’ayant aucunement discuté ou analysé ledit article de presse dans son recours ; or, il n’appartient certainement pas au soussigné, statuant au provisoire, d’analyser de son propre chef des documents ou articles, pour y déceler d’éventuels éléments susceptible de plaider en faveur de la thèse du demandeur. En effet, il convient de manière générale de relever que conformément à la jurisprudence, le renvoi, sans autre précision, à des documents, sans indication des passages pertinents, sans adaptation du contenu de ces documents à la situation particulière des demandeurs et sans aucune discussion de leur contenu, n’est pas à prendre en considération par le tribunal, étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, en procédant indépendamment des moyens effectivement soutenus par la partie demanderesse à un réexamen général et global de la situation de la partie demanderesse ; ainsi et par analogie le fait de faire siennes toutes les remarques formulées dans des avis simplement énumérés, sans adaptation de contenu, ni précision de l’assiette des objections ainsi énoncées, entraîne que ces avis sont à écarter pour ne pas permettre aux autres parties d’assurer valablement leur défense, ni au tribunal de cerner in concreto et sans ambiguïté le contenu exact des moyens effectivement soulevés5.
Le soussigné relève par ailleurs que les autorités polonaises ont explicitement accepté de reprendre en charge la demande de protection internationale du demandeur.
Or, la jurisprudence des juges du fond relève que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève et le protocole de 1967, ainsi que dans la Convention européenne des droits de l’Homme, et que les Etats membres 2 Voir par exemple trib. adm. 1er juillet 2015, n° 36439 ; trib. adm. 1er juillet 2015, n° 36441 ; trib. adm. 14 octobre 2015, n° 36966 ; trib. adm. 21 octobre 2015, n° 36996 ; trib. adm. 28 octobre 2015, n° 37015.
3 Trib. adm. 26 avril 2016, n° 37591.
4 CJUE, 10 décembre 2013, C-394/12, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, point 62.
5 Trib. adm. 11 février 2015, n° 35704, ainsi que tout récemment, trib. adm. 17 octobre 2016, n° 38451, 38452 et 38453 du rôle.
peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard6. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping » l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants7 8.
Or, il résulte de la jurisprudence des juges du fond9 que l’adhésion d’un pays membre de l’Union européenne à la Convention de Genève permet aux juges du fond de présumer -
réfragablement - que la défense d’expulsion et de refoulement telle qu’ancrée à l’article 33 de ladite Convention s’impose en principe également à un tel Etat membre, de sorte qu’un tel pays peut être considérée comme « pays sûr », dans la mesure où, en tant que membre de l’Union européenne et signataire de la Convention de Genève, il doit observer les droits et libertés prévus par la CEDH, le Pacte international des droits civils et politiques, respectivement la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, toute demande de protection internationale au Luxembourg d’un ressortissant d’un tel Etat membre étant par ailleurs et en conséquence conformément à l’article 28 (2), f) de la loi du 18 décembre 2015 irrecevable. De même, un tel Etat membre doit assurer un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés, de sorte que le demandeur devrait en principe être en mesure de faire valoir ses droits de façon efficiente en Pologne.
Si le demandeur met encore en avant le risque d’être expulsé vers le Cameroun -
risque non étayé en l’état actuel du dossier - il convient de rappeler qu’un sursis à exécution, respectivement une mesure de sauvegarde, ne saurait être ordonné que si le préjudice invoqué par le demandeur résulte de l’exécution immédiate de l’acte attaqué, la condition légale n’étant en effet pas remplie si le préjudice ne trouve pas sa cause dans l’exécution de l’acte attaqué10, le risque dénoncé devant en effet découler de la mise en œuvre de l’acte attaqué et non d’autres actes étrangers au recours11 : or, il appert en l’espèce que la situation de fait critiquée, à la base du présent litige, se situe dans l’éloignement redouté du demandeur vers le Cameroun, retour qui ne fait toutefois pas l’objet de la décision présentement déférée, laquelle ne porte que sur le transfert du demandeur vers la Pologne, pays responsable du traitement de sa demande de protection internationale.
Le demandeur est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle d’un risque de préjudice grave et définitif - la condition de l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif étant en la présente matière étroitement liée à celle du caractère sérieux des moyens avancés au fond et notamment de l’existence de défaillances systémiques graves dans le pays requis -, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, 6 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 78.
7 Ibidem, point. 79.
8 Trib. adm 26 février 2014, n° 33956 du rôle, trib. adm. 17 mars 2014, n° 34054 du rôle, ainsi que trib. adm. 2 avril 2014, n° 34133 du rôle.
9 Voir notamment trib. adm. 27 avril 2016, n° 37620 du rôle.
10 J.-P. Lagasse, Le référé administratif, 1992, n° 46, p.60.
11 Ph. Coenraets, Le contentieux de la suspension devant le Conseil d’Etat, synthèses de jurisprudence, 1998, n° 92, p.41.
de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.
Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, rejette la demande en obtention d’une mesure provisoire, condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 février 2017 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.
s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28 février 2017 Le greffier du tribunal administratif 8