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27/01/2017 | LUXEMBOURG | N°38916

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 janvier 2017, 38916


Tribunal administratif N° 38916 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 décembre 2016 Audience publique du 27 janvier 2017 Recours formé par Monsieur …, …, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38916 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 décembre 2016 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat Ã

  la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né...

Tribunal administratif N° 38916 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 décembre 2016 Audience publique du 27 janvier 2017 Recours formé par Monsieur …, …, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38916 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 décembre 2016 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Kosovo), de nationalité kosovare, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 15 décembre 2016 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 janvier 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le premier vice-président du tribunal administratif, président de la quatrième chambre du tribunal administratif entendu en son rapport, ainsi que Maître Marlène Aybek, en remplacement de Maître Ardavan Fatholahzadeh, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives.

Le 14 septembre 2016, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.

Monsieur … fut entendu en date du 9 novembre 2016 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 15 décembre 2016, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1) sous a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 décembre 2016, Monsieur … a fait déposer un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 15 décembre 2016 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prise dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, le soussigné est compétent pour connaître, dans le cadre de l’article 35, paragraphe (2) précité, des recours en réformation dirigés contre les trois décisions du ministre du 15 décembre 2016 telles que déférées.

Lesdits recours ayant encore été introduits dans les formes et délai de la loi, ils sont à déclarer recevables.

A l’appui de son recours dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée, le demandeur reproche de prime abord au ministre une fausse application de la loi sinon une appréciation erronée des faits. Il estime que ce serait à tort que le ministre aurait affirmé que les raisons qui l’ont amené à quitter son pays d’origine ne seraient pas motivées par un des critères de fond définis par la Convention de Genève et la loi du 18 décembre 2015, alors qu’il aurait été persécuté « par des albanais », et ce, en raison de son origine ethnique serbe et de son appartenance à la religion orthodoxe, ce qui aurait eu pour conséquence que « les albanais » l’auraient harcelé « au quotidien ». Il aurait ainsi été victime de diverses formes de persécution, en ce qu’il aurait été pris pour cible par des Albanais et qu’il aurait été victime « de persécutions, de harcèlements, d’agressions physiques et morales et de menaces de mort et de traitements inhumains et dégradants, et ce à plusieurs reprises, sans pour autant pouvoir demander l’aide ou la protection policière », ce qui aurait eu pour conséquence qu’il aurait vécu dans une crainte permanente de voir se réaliser des menaces exprimées à son encontre. Ainsi, il aurait été « systématiquement agressé, après des menaces », en ajoutant encore avoir « subi des agressions physiques et morales », en relevant dans ce contexte qu’il aurait été victime lors d’une « bagarre » au cours de laquelle il aurait été blessé avec un couteau. Il estime encore ne pas pouvoir bénéficier d’une protection appropriée de la part de la police du Kosovo, du fait que celle-ci serait « du côté des albanais », ce qui serait établi par le fait que des agents de police lui auraient infligé une amende « pour la ceinture ou les phares », et ce, alors même qu’il aurait « mis la ceinture et allumé les phares ». D’une manière générale, le demandeur est d’avis qu’il ne pourrait bénéficier d’une liberté de circulation dans son pays d’origine et il soutient qu’il y aurait fait l’objet d’agressions physiques et morales, qu’il aurait également subi des persécutions en raison de sa religion orthodoxe, sans pouvoir bénéficier d’une protection appropriée de la part de la police locale.

Le demandeur fait préciser qu’il aurait été menacé « par des Albanais » qu’il n’aurait pas pu « sortir dans la rue sans la crainte de se faire harceler ou agresser en tant que serbe par des albanais » et qu’il aurait été blessé lors d’une bagarre au cours du mois de juin 2016, en ajoutant ne pas avoir « confiance en la police » et subir une restriction à sa liberté de circulation en raison des faits prémentionnés.

En outre, le demandeur déclare avoir subi des menaces de mort, des provocations, ainsi que des harcèlements de la part « des Albanais », entraînant que ses droits les plus élémentaires auraient été bafoués, sans qu’il n’aurait pu bénéficier d’une protection de la part de la police, alors que celle-ci ne serait pas intervenue. Il aurait partant éprouvé à bon droit «une menace grave » mettant sa vie en danger dans son pays d’origine.

Enfin, et d’une manière générale, le demandeur fait état de « la haine entre albanais et serbes », en soulignant que « le plus petit incident » pourrait tourner au « cauchemar », situation face à laquelle l’Etat kosovare ne serait pas en mesure d’assurer une sécurité suffisante à ses ressortissants.

En ce qui concerne le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, dénommé ci-après « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », le demandeur considère que ledit règlement grand-ducal serait illégal.

Ainsi, il s’empare de la volonté affichée par l’Union européenne d’harmoniser la politique d’asile pour considérer qu’à défaut de liste commune minimale, il ne pourrait y avoir aucune harmonisation, puisque l’établissement d’une liste nationale de pays d’origine sûrs conduirait nécessairement à une discrimination tant du point de vue du pays d’origine que du point de vue des Etats chargés d’instruire la demande d’asile. Dans cet ordre d’idées, il fait exposer que ce serait surprenant que le Luxembourg ait pu établir une telle liste, alors que les Etats membres de l’Union européenne ont échoué à établir une liste commune dans ce sens.

Par ailleurs, il affirme que la notion de « pays d’origine sûr » aurait toujours été fortement critiquée et rappelle que l’UNHCR aurait estimé que l’application de cette notion devrait être limitée et inclure la possibilité réelle de réfuter une présomption de sécurité. Le demandeur souligne que l’UNHCR aurait dès lors retenu que chaque cas devrait être examiné individuellement quant au fond et qu’il faudrait des critères clairs pour déterminer à quel moment un pays peut être inclus dans une liste commune des pays d’origine sûrs.

Le demandeur souligne encore que dans son avis du 3 mai 2005 sur le projet de loi relatif au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, le Conseil d’Etat aurait proposé de supprimer la possibilité de fixer une liste de pays d’origine sûrs.

Il relève également que l’adoption d’une liste des pays d’origine sûrs serait contraire à l’article 3 de la Convention de Genève, alors qu’elle conduirait à une discrimination entre réfugiés en raison de leur nationalité.

Le demandeur reproche ensuite au règlement grand-ducal de rester muet quant aux critères d’après lesquels la liste a été établie, de sorte que la pluralité des sources exigée par la directive 2005/85/CE du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres, ne saurait être valablement vérifiée. Finalement, le demandeur affirme que d’après l’article 30, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, la désignation de pays d’origine sûrs se ferait pour chaque pays après un examen détaillé de la situation particulière dudit pays. Le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 ne désignerait cependant pas un pays, mais il établirait une liste de pays d’origine sûrs sans indiquer clairement avec une motivation requise par des dispositions légales applicables en la matière pour quels motifs valables le Kosovo doit être considéré comme un pays sûr, de sorte qu’il n’existerait pas de garantie qu’il y a effectivement eu un examen pays par pays comme le prévoit la loi.

Il en conclut que le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 serait illégal et inapplicable, tant pour violation de l’article 3 de la Convention de Genève que pour violation des dispositions communautaires, dont la directive 2005/85/CE.

Il soulève encore que le Kosovo ne remplirait pas ou plus les critères permettant son inscription sur la liste des pays d’origine sûrs, en ce qu’il y aurait lieu de constater, même à l’heure actuelle, des discriminations et traitements inhumains envers les minorités.

Le délégué du gouvernement estime que dans la mesure où le demandeur proviendrait d’un pays d’origine sûr, et qu’il n’aurait invoqué que des faits sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, le recours introduit par lui à l’encontre de la décision de recourir à la procédure accélérée pour traiter sa demande de protection internationale devrait être considéré comme étant manifestement infondé.

En application de l’article 35, paragraphe (2), deuxième alinéa, de la loi du 18 décembre 2015, le président de chambre ou le juge qui le remplace doit débouter le demandeur de sa demande de protection internationale au cas où il estime « que le recours est manifestement infondé ». Dans le cas contraire, et suivant la même disposition légale, il doit renvoyer « l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il en résulte qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé, dans la négative, le recours étant renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

Au vu de cette disposition légale, le soussigné doit partant, et dans une première phase, examiner si, en ce qui concerne le premier volet de la décision sous examen, à savoir celui qui a trait à l’application de la procédure accélérée pour traiter la demande de protection internationale du demandeur, le recours introduit par lui est, le cas échéant, manifestement infondé.

Il convient tout d’abord de relever que ni le texte législatif, ni d’ailleurs les travaux parlementaires afférents ne contiennent de définition de ce qu’il convient d’entendre par « manifestement infondé », et ce, contrairement à l’ancienne loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2) d’un régime de protection temporaire, laquelle définissait, en son article 9, la demande d’asile manifestement infondée, définition complétée par le règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996.

Il appartient dès lors au soussigné de définir ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé » et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il échet encore de relever que tandis que la loi précitée du 3 avril 1996 faisait référence à une « demande » d’asile considérée comme manifestement infondée, la loi du 18 décembre 2015 fait référence à un « recours » qui est considéré comme étant manifestement infondé, de sorte qu’il échet d’examiner la pertinence des faits, de l’argumentation et des moyens en droit développés dans le cadre du recours contentieux pour vérifier si ceux-ci sont de nature à mettre en doute la décision ministérielle entreprise, sans que dans le cadre de cet examen, le soussigné doive aboutir à la conclusion que les éléments en question soient suffisamment convaincants, en droit ou en fait, pour accorder un statut de protection internationale au demandeur.

Dans le cadre de son examen, le soussigné doit, au vu des termes mêmes employés par le législateur, faire une nette distinction entre les recours qui sont « manifestement infondés » et ceux qui ne sont pas manifestement fondés. C’est ainsi que même au cas où il devait être retenu qu’un recours n’est pas « manifestement infondé », une telle conclusion n’est pas de nature à entraîner ipso facto que le recours doit être considéré comme étant fondé.

Ainsi, et comme le législateur s’est référé au « recours », c’est-à-dire au recours contentieux, respectivement à la requête introductive d’instance, et non pas à la demande de protection internationale en tant que telle, la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours, englobant toutefois nécessairement aussi le récit du demandeur, tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande.

Il s’ensuit que le recours est à qualifier comme étant manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre de la décision déférée sont visiblement dénuées de tout fondement.

Force est de relever qu’en l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a) et b) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquels :

« (1) Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

ou b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la présente loi ; (…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande en obtention d’une protection internationale ou si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015.

Par ailleurs, les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, le fait qu’une seule des conditions soit valablement remplie justifie la décision ministérielle à suffisance.

Plus particulièrement, en ce qui concerne le point b) de l’article 27, paragraphe (1), précité, visant l’hypothèse dans laquelle le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, il convient de relever qu’un pays est à considérer comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 dans les conditions suivantes :

« (1) Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément au paragraphe (2) ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne que si le demandeur est ressortissant dudit pays ou si l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle, et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.

(2) Un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève en s’appuyant sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres Etats membres, du BEAA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes ».

Il est constant en cause que le règlement grand-ducal du 27 décembre 2007 a désigné le Kosovo comme pays d’origine sûr et il se dégage des éléments du dossier que le demandeur a la nationalité kosovare.

Dans ce cadre, s’agissant d’abord du moyen relatif à l’illégalité du règlement grand-

ducal du 21 décembre 2007, il échet de constater qu’aux termes de l’article 30, paragraphe (2), deuxième alinéa, de la loi du 18 décembre 2015 :

« Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr:

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

b) le respect du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.

La situation dans les pays tiers désignés comme pays d’origine sûrs conformément au présent paragraphe est régulièrement examinée par le ministre ».

Il échet tout d’abord de constater que la base légale habilitant le pouvoir exécutif à prendre un règlement grand-ducal pour désigner un ou plusieurs pays comme pays d’origine sûrs se trouve, à l’heure actuelle, après l’abrogation de la loi du 5 mai 2006, dans l’article 30, paragraphe (2), premier alinéa, de la loi du 18 décembre 2015.

Ensuite, en ce qui concerne les développements du demandeur consistant à affirmer que le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 ne serait pas conforme à l’article 3 de la Convention de Genève, il y a lieu de rappeler que cet article consacre le principe de non-

discrimination des réfugiés et dispose que « Les Etats contractants appliqueront les dispositions de cette convention aux réfugiés sans discrimination quant à la race, la religion ou le pays d’origine ». Or, s’il peut certes y avoir une discrimination prima facie, alors qu’il peut sembler que les personnes cherchant refuge dans un pays disposant d’une liste de pays sûrs ne bénéficieraient plus d’un examen individuel de la situation actuelle de leur pays d’origine, il convient cependant de relever que, d’une part, l’inscription d’un pays sur une telle liste constitue l’aboutissement de l’examen de la situation de ce pays, certes non pas à un niveau individuel, mais à un niveau réglementaire et, d’autre part, en l’espèce, le ministre, au-

delà du constat de l’inscription du Kosovo sur la liste des pays d’origine sûrs, a procédé à une analyse in specie de la situation actuelle du demandeur dans le contexte de la situation générale de ce pays.

Ainsi, il résulte de la lecture de la décision ministérielle déférée que la demande du demandeur a fait l’objet d’un examen individuel et que tant en ce qui concerne la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, qu’en ce qui concerne le refus de lui accorder la protection internationale, le ministre a non seulement pris en compte l’origine du demandeur, mais a fait un examen précis de sa situation individuelle, notamment sur la toile de fond de la situation sécuritaire et légale du Kosovo. En effet, la décision ministérielle entreprise n’est pas basée sur le simple motif que le demandeur provient d’un pays considéré comme étant d’origine sûr, mais bien au contraire sur de nombreux motifs différents, correspondant aux critères contenus dans la Convention de Genève.

Le demandeur reproche encore d’une manière générale au règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 de ne plus être adapté à la situation régnant actuellement au Kosovo, en faisant état de « l’actualité récente », et plus particulièrement d’extrêmes tensions sociales qui y règneraient, de violations des droits de l’Homme qui seraient commises au Kosovo et de la fragilité de l’état de droit de ce pays, de sorte qu’à l’heure actuelle, le règlement grand-ducal ne répondrait plus aux conditions posées par l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015. Le demandeur soutient dans ce contexte que la présomption selon laquelle l’Etat du Kosovo serait à considérer comme pays d’origine sûr constituerait une présomption simple, susceptible d’être renversée par des éléments d’appréciation concernant sa situation personnelle, ce qui serait d’autant plus facile dans la mesure où le Kosovo ne pourrait plus, à l’heure actuelle, être considéré comme pays d’origine sûr. Il fait dans ce contexte encore état de la persistance d’un conflit interethnique qui existerait dans ce pays depuis des années, ainsi que de problèmes politiques non résolus. Sur base de ses affirmations, le demandeur invoque dès lors un manque de motivation du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, en soutenant ignorer les motifs pour lesquels le Kosovo devrait être considéré comme étant un pays d’origine sûr. Il estime en effet qu’il n’existerait pas de garantie qu’il y ait eu effectivement un examen pays par pays comme l’exigerait la loi.

Force est tout d’abord au soussigné de rappeler que contrairement à ce qui est imposé pour les décisions administratives individuelles par l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, inapplicable en matière règlementaire, aucun texte n’oblige l’administration à formuler de manière expresse et explicite les motifs gisant à la base d’un acte à caractère règlementaire, dont toutefois le motif doit être légal et à cet égard vérifiable par la juridiction administrative1. S’agissant en l’espèce d’un acte à caractère règlementaire, il peut valablement contenir sa motivation dans son exposé des motifs et son commentaire des articles, lesquels contiennent par ailleurs une motivation explicite en ce qui concerne les sources et critères retenus pour qualifier certains pays comme pays d’origine sûrs, motivation qui n’a pas fait l’objet de critiques de la part du demandeur, en ce que celui-ci a essentiellement argumenté que les motifs qui ont pu se trouver à la base du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 ne pourraient plus, à l’heure actuelle, justifier l’inscription du Kosovo sur la liste des pays d’origine sûrs, au vu de l’évolution dans ce pays, de sorte que le règlement grand-ducal en question ne pourrait plus être retenu comme motif à la base d’une décision de recourir à la procédure accélérée dans le cadre de l’examen d’une demande de protection internationale, alors qu’à l’heure actuelle, il ne serait plus possible d’aboutir à la conclusion que le Kosovo serait à considérer comme pays d’origine sûr.

En substance, le demandeur soutient que le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 ne serait plus conforme, à l’heure actuelle, à sa base habilitante, au vu de la situation régnant actuellement au Kosovo, en ce que celle-ci se serait aggravée depuis le jour où ledit règlement grand-ducal a été pris. Du fait que le règlement grand-ducal en question violerait ainsi sa base légale habilitante, son application devrait être écartée dans le cadre de la présente instance en ce qu’il énumère parmi les pays d’origine sûrs le Kosovo.

Dans la mesure où la légalité d’un règlement grand-ducal ne peut être appréciée qu’au jour où il a été pris, l’argumentation selon laquelle il y aurait lieu de prendre en compte la situation actuelle régnant au Kosovo pour apprécier si, à la date de ce jour, le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 est toujours conforme à sa base légale habilitante, est manifestement infondée, d’autant plus que la loi du 18 décembre 2015 a elle-même prévu à son article 30, paragraphe (1) la possibilité pour le demandeur d’établir pour quelles raisons, à l’heure actuelle, il estime que le Kosovo ne serait plus à considérer comme pays d’origine sûr dans son chef.

En effet, il échet de rappeler le libellé de l’article 30, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 qui dispose que le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier à lui seul le recours à une procédure accélérée, étant donné que cette disposition oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis des raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle et cela compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

1 Cour adm. 23 février 2006, n° 20173C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 104 A ce titre, le demandeur soulève en substance la question de savoir s’il fait état, conformément à l’article 30, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, de raisons sérieuses permettant de penser que le Kosovo n’est, malgré sa désignation comme pays d’origine sûr en vertu du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, pas un pays sûr compte tenu de sa situation individuelle et si ces raisons ont été appréciées par le ministre à leur juste mesure.

Comme l’article 30, paragraphe (1) précité dispose que cet examen individuel que le ministre a l’obligation d’effectuer doit l’être « compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale », et comme par rapport à la question de savoir si un pays est à considérer comme pays d’origine sûr pour un demandeur compte tenu de sa situation personnelle, s’il fait, comme en l’espèce, état de faits subis par des personnes non étatiques, seule la condition, commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire, tenant à l’absence de protection dans le pays d’origine au sens de l’article 392 de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 40 3de la même loi est susceptible d’être pertinente, de sorte que l’examen de la situation individuelle doit être fait par rapport aux moyens présentés par le demandeur tendant à établir que cette condition requise pour prétendre à une protection internationale est remplie dans son chef.

Monsieur … se prévaut à cet égard du fait d’avoir été contraint de vivre dans « un contexte de conflit interethnique » et d’avoir dû vivre « dans la crainte permanente de persécutions », et du fait que l’Etat kosovare serait dans l’incapacité de lui assurer une protection appropriée.

Or, il ressort des déclarations du demandeur qu’en ce qui concerne les faits les plus anciens, à savoir ceux que le demandeur déclare avoir vécu « il y a environ 3 ou 4 ans », visant une grillade organisée par lui ensemble avec ses amis, au cours de laquelle trois balles auraient été tirées sur eux, il affirme avoir déclaré ces faits à la police qui n’aurait toutefois « rien fait », le demandeur admettant toutefois que des agents de police se seraient « rendus sur place » et y auraient « cherché les balles », sans que toutefois ils aient pu trouver celles-ci.

Dans ce contexte, il ajoute qu’il aurait pu effectuer une « déclaration au poste de police ». En ce qui concerne les faits les plus récents, à savoir, d’une part, la bagarre qui aurait eu lieu au cours du mois de juin 2016, au cours de laquelle il aurait été blessé au couteau en en gardant «une cicatrice au ventre » et, d’autre part, la rencontre avec un ressortissant albanais 2 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », 3 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. » considéré comme étant « malade psychiquement », qui aurait « fait peur » à sa copine et à lui-

même, le demandeur a déclaré ne pas s’être adressé à la police pour dénoncer les faits en question, et ce, au motif que la police serait « plutôt du côté albanais », en faisant état dans ce contexte de ce que la police l’aurait arrêté pour lui infliger une amende « pour la ceinture ou les phares », alors qu’il aurait été en règle. Quant aux personnes, que le demandeur déclare être d’origine albanaise, qui auraient « voulu [le] frapper », et qui l’auraient « touché au ventre avec ce métal » , ce dont il aurait gardé une cicatrice l’ayant obligé de se rendre à l’hôpital, le demandeur déclare ignorer l’identité des auteurs des faits dont il déclare ainsi avoir été la victime, le demandeur ajoutant, sur question afférente de la part de l’agent ayant procédé à son audition, qu’il ne se serait pas adressé à la police, alors que celle-ci « n’aurait rien fait jusqu’à présent ». Enfin, le demandeur a encore déclaré, sur question afférente de la part du même agent, qu’il serait à la recherche d’un emploi et qu’il aurait quitté son pays d’origine également pour des raisons financières « et à cause du travail », en espérant pouvoir « commencer un jour à travailler ici », alors que dans son pays d’origine, il aurait été obligé de recourir au secours financier de ses parents pour y survivre.

Il ressort ainsi des déclarations du demandeur qu’en ce qui concerne les faits les plus anciens, la police est intervenue suite à sa demande pour enquêter sur les tirs de balles dont lui et ses amis auraient fait l’objet au cours d’une « grillade », de sorte qu’il ne saurait être reproché aux autorités policières du Kosovo de ne pas avoir eu la volonté de protéger le demandeur, alors qu’elles sont intervenues sur les lieux et qu’en ce qui concerne les faits les plus récents, le demandeur admet lui-même ne pas avoir déposé de plainte auprès de la police.

Dès lors, l’analyse de la situation personnelle du demandeur ne permet pas d’en dégager des éléments suffisants pouvant mener à une réévaluation de la situation générale du Kosovo et à mettre en doute la présomption que ce pays est à qualifier de pays d’origine sûr au sens du règlement grand-ducal précité. Le simple fait que le demandeur estime que les forces de l’ordre kosovares ne pourraient pas lui garantir une protection suffisante ne permet pas de conclure ipso facto que la police serait incapable de lui fournir cette protection, d’autant plus qu’il ressort du rapport d’audition du demandeur qu’au sujet des derniers faits dont il a fait état, il n’aurait même pas essayé de déposer une plainte à l’encontre des personnes qu’il suppose être d’origine albanaise et qui l’auraient blessé avec un objet en métal qui, d’après lui, ne constituerait pas nécessairement un couteau, étant relevé que la personne d’origine albanaise qui, d’après le demandeur, aurait des problèmes d’ordre psychologique, n’a, d’après les déclarations de ce dernier, commis aucun fait à l’encontre du demandeur qui pourrait être considéré comme une menace, une persécution ou une agression, le demandeur déclarant simplement à ce sujet avoir eu peur de la personne en question sans autrement expliquer les motifs de cette peur.

A cela s’ajoute encore que la notion de protection n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants d’un pays contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ou des atteintes graves ne sauraient être admises dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par une personne ou un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Le cas échéant, il aurait appartenu au demandeur de déposer une plainte auprès de la police, respectivement de saisir la voie hiérarchique en cas d’inaction avérée. Il appartient en effet au demandeur, avant de requérir la protection d’un Etat étranger, de rechercher activement la protection offerte par ses propres autorités et institutions nationales, ce qu’il n’a pourtant pas fait, de sorte qu’il ne saurait conclure à une absence, respectivement à un refus de protection effective.

Or, à défaut d’avoir fait appel à la protection des autorités de son pays d’origine, le soussigné est amené à conclure que le recours est à déclarer manifestement infondé en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée au motif que le demandeur n’a manifestement fourni aucune raison sérieuse permettant de retenir qu’en raison de sa situation personnelle et eu égard aux conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale, le Kosovo, pays inscrit sur la liste des pays d’origine sûrs conformément au règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007, ne constitue pas un pays d’origine sûr dans son chef, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les moyens développés au sujet de l’article 27 paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen devenant surabondant.

S’agissant de son recours dirigé contre le refus de lui accorder une protection internationale, le demandeur soutient qu’il aurait subi des harcèlements et des menaces de la part « des albanais », ainsi qu’une « agression au couteau », en relevant dans ce contexte l’incapacité du Kosovo à permettre à ses citoyens de bénéficier d’une protection effective, en ce que plus particulièrement une telle protection ne lui aurait pas été accordée par la police, de sorte qu’il serait légitime de ne pas avoir une « totale confiance envers les autorités étatiques», et qu’il aurait légitimement pu douter du fait de pouvoir bénéficier d’une protection effective dans son pays d’origine.

Il souligne encore qu’il aurait fait « l’objet de violences graves et répétées des droits de l’homme dans son pays d’origine en raison de son appartenance à l’origine ethnique serbe, ainsi que de son appartenance à la religion orthodoxe, respectivement [qu’il serait] à considérer en tant que minorité vulnérable vivant au Kosovo ».

Quant au caractère fondé de sa demande d’une protection subsidiaire, le demandeur estime que le fait de vivre dans la crainte constante que les atteintes graves se réalisent constituerait pour lui de véritables traitements inhumains. Ainsi, le fait de subir de la part « des albanais » « des harcèlements, les agressions physiques et morales, par des menaces de mort, et l’absence de protection de la part des autorités étatiques » constituerait dans son chef, du fait du caractère répété et de l’accumulation de ces faits, des atteintes à ses droits fondamentaux, notamment à son droit à ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 CEDH et à son droit de circuler librement.

Aux termes de l’article 2 b) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-

avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

Force est de constater que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire est la preuve, à rapporter par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à lui fournir une protection.

Or, tel que cela a été retenu ci-avant, le demandeur n’a manifestement pas établi que les autorités de son pays d’origine ne sont pas disposées ou capables de lui fournir une protection, de sorte qu’au moins une des conditions d’octroi du statut de réfugié respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire ne se trouve manifestement pas remplie, de sorte que le recours est à déclarer comme manifestement infondé et que le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

S’agissant du recours en réformation dirigé contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision du 15 décembre 2016, le demandeur fait valoir que la décision serait à réformer à cet égard en tant que conséquence du droit à la protection internationale.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où le soussigné vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé et que partant c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur et que, par conséquent, un retour dans son pays d’origine ne l’expose ni à des persécutions, ni à des atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le soussigné, premier vice-président du tribunal administratif, siégeant en sa qualité de président de la quatrième chambre du tribunal administratif, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 15 décembre 2016 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre la décision ministérielle du 15 décembre 2016 portant refus d’une protection internationale et contre la décision ministérielle du 15 décembre 2016 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours dirigé contre les trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 janvier 2017, par Carlo Schockweiler, premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s. Marc Warken s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 27/01/2017 Le Greffier du Tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Siégeant en sa qualité de président de la quatrième chambre du tribunal administratif
Numéro d'arrêt : 38916
Date de la décision : 27/01/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-01-27;38916 ?

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