Tribunal administratif N° 38889 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 décembre 2016 Audience publique du 22 décembre 2016 Requête en institution d’une mesure provisoire introduite par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L. 18.12.2015)
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ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 38889 du rôle et déposée le 20 décembre 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Sarah MOINEAUX, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le… à … (Guinée), demeurant actuellement à …, tendant à voir ordonner une mesure provisoire, consistant en l’institution d’un sursis à exécution par rapport à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 5 décembre 2016 par laquelle les autorités luxembourgeoises ont pris la décision de le transférer vers la République d’Italie, Etat membre compétent pour connaître de sa demande de protection internationale, un recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle du 15 novembre 2016, inscrit sous le numéro 38888, introduit le même jour, étant pendant devant le tribunal administratif ;
Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée au fond ;
Maître Mariana LUNCA, en remplacement de Maître Sarah MOINEAUX, et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth PESCH entendues en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.
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Le 23 août 2016, Monsieur … introduisit une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.
Le 12 septembre 2016, Monsieur … passa un entretien auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après « le règlement Dublin III ».
Par décision datée du 5 décembre 2016, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-
après dénommé le « ministre », informa Monsieur … que le Grand-Duché de Luxembourg a pris la décision de le transférer vers l’Italie, la décision étant libellée comme suit :
« J’accuse réception de votre demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire que vous avez présentée 23 août 2016.
II résulte des informations dont nous avons connaissance que vous avez précédemment franchi irrégulièrement la frontière italienne en date du 2 août 2016.
L’Italie a accepté en date du 24 octobre 2016 de prendre/reprendre en charge l’examen de votre demande de protection internationale.
Au vu de ce qui précède, je tiens à vous informer qu’en vertu des dispositions de l’article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l’article 13§1 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013, le Grand-Duché de Luxembourg a pris la décision de vous transférer dans les meilleurs délais vers l’Italie, qui est l’Etat membre responsable pour examiner votre demande de protection internationale.
La présente décision est susceptible d’un recours en annulation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d’un avocat à la Cour dans un délai de 15 jours à partir de la notification de la présente. La décision du Tribunal administratif ne sera susceptible d’aucun appel.
Une procédure de référé en vue de l’obtention d’un sursis à l’exécution ou d’une mesure de sauvegarde peut être introduite auprès du Président du Tribunal administratif par requête signée d’un avocat à la Cour. ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 décembre 2016, inscrite sous le numéro 38888 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 5 décembre 2016. Par requête séparée déposée en date du même jour, inscrite sous le numéro 38889 du rôle, il a encore introduit une demande en institution d’une mesure provisoire tendant à voir surseoir à l’exécution de son transfert vers l’Italie et à se voir autoriser à séjourner provisoirement au Luxembourg jusqu’au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite de son recours au fond.
A l’appui de sa requête au fond, Monsieur … expose les faits et rétroactes de sa demande en obtention d’une protection internationale pour ensuite critiquer la décision ministérielle pour, en substance, ne pas avoir respecté la procédure de détermination de l’Etat membre responsable de sa demande de protection internationale du requérant telle qu’imposée par les dispositions et l’objectif du règlement Dublin III.
Il considère en premier lieu que le ministre, en décidant de le transférer vers l’Italie, n’aurait pas tenu compte des défaillances systémiques qui affecteraient le système d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale dans ce pays, en violation de l’article 3 (2) alinéa 2 du règlement Dublin III, le demandeur appuyant cette affirmation sur un rapport de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) d’août 2016, dont il résulterait que les droits des demandeurs de protection internationale, tels que prévus par les normes internationales et européennes, qu’il s’agisse de droits procéduraux quant au traitement de leur demande ou de droits économiques et sociaux, n’y seraient pas garantis. Il résulterait encore de ce rapport que les défaillances constatées en Italie seraient d’une telle importance qu’il existerait un risque que les demandeurs de protection internationale y soient soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH) et partant à l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Monsieur … relève que ce risque serait d’autant plus important dans son chef alors qu’il serait un homme seul et que dès lors, ne relevant pas de la catégorie des personnes vulnérables, aucune garantie particulière ne lui serait accordée par les autorités italiennes.
Dans ces conditions, il risquerait de se retrouver sans hébergement ni aide sociale ou, dans le meilleur des cas, il risquerait d’être logé pendant une longue période dans des hébergements destines au premier accueil, dont les conditions seraient insalubres, tel que cela serait souvent le cas en Italie.
Par ailleurs, au vu des défaillances de la procédure administrative en Italie, il considère qu’il y aurait un risque que sa demande de protection internationale ne fasse pas l’objet d’un examen approprié, sans qu’il ne puisse faire valoir ses droits auprès des juridictions italiennes, alors que le bénéfice de l’assistance judiciaire risquerait de lui être refusé pour les raisons reprises dans le prédit rapport, que l’accès à un avocat pour les demandeurs de protection internationale en Italie serait très restreint et que les juridictions italiennes seraient engorgées.
Monsieur … s’empare dès lors de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 21 janvier 2011 dans l’affaire MSS c/ Belgique et Grèce pour soutenir qu’il aurait appartenu au ministre de s’assurer qu’en transférant dans le cadre du règlement Dublin III un demandeur de protection internationale dans un autre Etat membre la demande de celui-ci y sera effectivement examinée sérieusement et que le demandeur y recevra réellement un traitement conforme aux dispositions de la CEDH. Or, comme il estime que le système d’asile italien serait atteint d’importantes défaillances et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale y seraient déplorables, il considère y être exposé au risque de subir des traitements contraires l’article 3 de la CEDH et, partant à l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Le demandeur avance en second lieu que la décision ministérielle n’aurait pas non plus respecté les dispositions du règlement Dublin III alors que le ministre n’aurait pas tenu compte du fait que son père résiderait au Luxembourg et que la présence d’un membre de famille, d’un proche ou de tout parent ferait partie des éléments à prendre en compte par les Etats membres en vue, le cas échéant, de faire usage des clauses discrétionnaires de l’article 17 du règlement Dublin III.
Enfin, il reproche au ministre de ne pas avoir communiqué aux autorités italiennes toutes les informations dont il disposait et qui seraient pertinentes pour la détermination de l’Etat membre responsable, dont celle qu’un membre de sa famille résiderait au Luxembourg, afin de permettre aux autorités italiennes d’apprécier leur responsabilité en toute connaissance de cause et de s’assurer d’une correcte application du règlement Dublin III, voire de faire usage à leur tour de la clause humanitaire prévue à l’article 17 (2), alinéa 1er du règlement Dublin III en demandant au Luxembourg de le prendre en charge, ce qui contreviendrait au règlement Dublin III.
Monsieur … estime encore être exposé, en cas d’exécution de la décision déférée, à un préjudice grave et définitif, puisqu’en cas de transfert vers l’Italie, il risquerait d’être exposé à un traitement inhumain ou dégradant contraires à l’article 3 de la CEDH et, partant, à l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de 1’Union européenne en raison des défaillances systémiques dans le système d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale en Italie. Il relève plus particulièrement que ses conditions de vie en Italie, en tant qu’homme adulte seul, seraient pour le moins insalubres, de manière à constituer des traitements inhumains et dégradants, voire qu’il y deviendrait un sans-abri sans pouvoir ni bénéficier d’aides sociales, ni trouver le cas échéant un emploi pour pouvoir subvenir à ses besoins élémentaires et vitaux.
Il considère encore être exposé à un risque de refoulement dans son chef puisque sa demande de protection internationale ne recevrait pas un examen approprié. Enfin, son transfert vers l’Italie aurait pour conséquence d’interrompre la vie familiale qu’il aurait enfin retrouvée avec son père, dont il aurait été séparé depuis l’âge de 15 ans, constituant par la même un préjudice grave et définitif dans son chef.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause.
En vertu de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, tandis que le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.
L’affaire au fond relative à la décision déférée ayant été introduite le 20 décembre 2016, elle devra être prononcée conformément à l’article 35 (3) de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 », endéans 2 mois de l’introduction de la requête et est d’ailleurs fixée pour plaidoiries au 6 février 2017, de sorte qu’elle doit a priori être considérée comme pouvant être plaidée à relativement brève échéance.
Au-delà de cette première conclusion, force est encore au soussigné de constater que la décision déférée du 5 décembre 2016, prise en application de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015, a a priori un double objet, conformément à la même disposition, à savoir celle, d’une part, de transférer la personne concernée vers l’Etat membre compétent, et, d’autre part, de ne pas examiner sa demande de protection internationale, ce dernier volet étant la conséquence du premier volet de la décision en question.
Or, à cet égard, le demandeur reste en défaut de prouver en quoi la décision d’incompétence, respectivement de transfert, risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif, la preuve de la gravité du préjudice impliquant en principe que le demandeur donne concrètement des indications concernant la nature et l’ampleur du préjudice prévu, et qui démontrent le caractère difficilement réparable du préjudice.
En effet - la condition de l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif étant en la présente matière étroitement liée à celle du caractère sérieux des moyens avancés au fond - si le demandeur, en substance, repose son argumentation sur l’affirmation de l’existence d’un risque de mauvais traitements en Italie, force est de constater qu’en l’état actuel d’instruction du dossier, les éléments du dossier ne permettent pas effectivement de dégager des défaillances systémiques au sens du règlement Dublin III.
Il convient à cet égard de relever qu’il résulte de la jurisprudence des juges du fond que comme le système européen commun d’asile repose sur la présomption - réfragable - que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient aux demandeurs de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées1.
Le soussigné relève encore qu’il résulte d’une jurisprudence récente des juges du fond2, reposant elle-même sur un arrêt de la Cour de l’Union européenne3, que des défaillances systémiques requièrent, pour être de nature à s’opposer à un transfert, d’être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Il résulte encore d’une jurisprudence récente des juges du fond, spécifique à la situation de l’Italie, et traitant d’un cas similaire, voire même identique, à celui de Monsieur …, que « s’il ressort des pièces versées relatives à l’Italie que ce pays a déjà été condamné à quelques reprises par la Cour européenne des droits de l’Homme pour avoir violé le principe de non-refoulement par le fait d’avoir intercepté des migrants en haute mer, respectivement détenus des migrants en Italie pour les rediriger vers les côtes de l’Afrique du Nord, il ne saurait en être conclu que l’Italie connaisse actuellement des défaillances systémiques dans 1 Voir par exemple trib. adm. 1er juillet 2015, n° 36439 ; trib. adm. 1er juillet 2015, n° 36441 ; trib. adm. 14 octobre 2015, n° 36966 ; trib. adm. 21 octobre 2015, n° 36996 ; trib. adm. 28 octobre 2015, n° 37015.
2 Trib. adm. 26 avril 2016, n° 37591.
3 CJUE, 10 décembre 2013, C-394/12, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, point 62.
le cadre de ses procédures d’asile et de protection internationale4 », les juges du fond ayant encore retenu que l’Italie respecte a priori en tant que membre de l’Union européenne et signataire de ces conventions les droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ainsi que le respect du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et dispose d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.
Le soussigné constate encore que dans son arrêt du 4 novembre 20145, la Cour européenne des droits de l’homme, contrairement au cas de la Grèce6, n’a pas constaté de défaillances systémiques dans le dispositif italien d’accueil en matière d’asile, et ce malgré des « sérieux doutes quant aux capacités actuelles du système », doutes reposant à première vue sur les mêmes constats que ceux de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés, à savoir notamment un manque crucial d’hébergement et des conditions de vie inadéquates dans les structures disponibles, de sorte à ne pas suspendre les renvois vers ce pays. Procédant par étape, la Cour européenne des droits de l’homme a dans cet arrêt constaté dans un premier temps que la structure et la situation générale du dispositif d’accueil en Italie entraînerait un risque pour un nombre significatif de demandeurs d’asile d’être privés hébergement ou hébergés dans des structures surpeuplées impliquant promiscuité, insalubrité et violence, pour ensuite retenir toutefois que le système ne présenterait pour autant pas, aux yeux de la Cour, de défaillances systémiques et ne saurait en soi constituer un obstacle au renvoi de tout demandeur d’asile vers ce pays.
Plus récemment, la Cour européenne des droits de l’homme7 a eu de nouveau à se prononcer sur la situation en Italie, mais cette fois-ci dans le cas d’un demandeur d’asile masculin, seul et bien portant, pour retenir que la situation de l’Italie n’aurait rien à voir avec la situation de la Grèce en 2011 et rejeter la demande du demandeur d’asile qui souhaitait voir condamnée la décision de l’expulser en Italie.
En ce qui concerne plus particulièrement les conditions d’accueil matérielles des réfugiés en Italie, conditions explicitement critiquées par le demandeur, le rapport versé en cause ne permet non plus au soussigné, à l’instar de la Cour européenne des droits de l’homme, de dégager de défaillances systémiques, lesquelles requièrent, aux termes d’une jurisprudence récente des juges du fond8, reposant elle-même sur un arrêt de la Cour de l’Union européenne9, pour être de nature à s’opposer à un transfert, d’être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
4 Trib. adm. 15 juillet 2016, n° 37969, 37970 et 37973.
5 CEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n° 29217/12.
6 CEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n° 30696/09.
7 CEDH, 5 février 2015, A.M.E. c. Pays-Bas, n° 51428/10.
8 Trib. adm. 26 avril 2016, n° 37591.
9 CJUE, 10 décembre 2013, C-394/12, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, point 62.
Enfin, il résulte de jurisprudences suisses, versées en cause par le délégué du gouvernement, que le tribunal administratif fédéral suisse, précisément confronté au prédit rapport de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés, n’a pas non plus retenu de défaillances systémiques en Italie.
Le soussigné relève par ailleurs que les autorités italiennes ont explicitement accepté de prendre en charge la demande de protection internationale du demandeur.
Or, la jurisprudence des juges du fond relève que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève et le protocole de 1967, ainsi que dans la Convention européenne des droits de l’homme, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard10. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping » l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants11 12.
Si le demandeur met encore en avant le risque d’être expulsé vers son pays d’origine - risque non étayé en l’état actuel du dossier - il convient de rappeler qu’un sursis à exécution, respectivement une mesure de sauvegarde, ne saurait être ordonné que si le préjudice invoqué par le demandeur résulte de l’exécution immédiate de l’acte attaqué, la condition légale n’étant en effet pas remplie si le préjudice ne trouve pas sa cause dans l’exécution de l’acte attaqué13, le risque dénoncé devant en effet découler de la mise en œuvre de l’acte attaqué et non d’autres actes étrangers au recours14 : or, il appert en l’espèce que la situation de fait ainsi concrètement critiquée se situe dans l’éloignement redouté du demandeur vers son pays d’origine, retour qui ne fait toutefois pas l’objet de la décision présentement déférée, laquelle ne porte que sur le transfert du demandeur vers l’Italie, pays responsable du traitement de sa demande de protection internationale.
Quant à la question de la séparation d’avec son père, récemment retrouvé, le soussigné se doit de relever qu’une telle nouvelle séparation, ayant auparavant perduré pendant 7 années, ne saurait être considérée comme constituant un préjudice grave et définitif, alors que pour l’appréciation du caractère définitif du dommage, il n’y a pas lieu de 10 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 78.
11 Ibidem, point. 79.
12 Trib. adm 26 février 2014, n° 33956 du rôle, trib. adm. 17 mars 2014, n° 34054 du rôle, ainsi que trib. adm. 2 avril 2014, n° 34133 du rôle.
13 J.-P. Lagasse, Le référé administratif, 1992, n° 46, p.60.
14 Ph. Coenraets, Le contentieux de la suspension devant le Conseil d’Etat, synthèses de jurisprudence, 1998, n° 92, p.41.
prendre en considération le dommage subi pendant l’application de l’acte illégal et avant son annulation ou sa réformation. Admettre le contraire reviendrait en effet à remettre en question le principe du caractère immédiatement exécutoire des actes administratifs, car avant l’intervention du juge administratif, tout acte administratif illégal cause en principe un préjudice qui, en règle, peut être réparé ex post par l’allocation de dommages et intérêts. Ce n’est que si l’illégalité présumée cause un dommage irréversible dans le sens qu’une réparation en nature, pour l’avenir, ou qu’un rétablissement de la situation antérieure, ne seront pas possibles, que le préjudice revêt le caractère définitif tel que prévu par l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 199915.
Or, en cas d’annulation éventuelle de la décision déférée par les juges du fond, la nouvelle séparation du demandeur de son père n’aura duré au maximum que 2 mois, de sorte à ne pouvoir être considérée comme ayant entraîné ni des conséquences graves ni surtout des conséquences irréversibles.
Le demandeur est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle de moyens sérieux avancés devant les juges du fond, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.
Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, rejette la demande en obtention d’une mesure provisoire, condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 décembre 2016 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.
s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 décembre 2016 Le greffier du tribunal administratif 15 Trib. adm. prés. 8 février 2006, n° 20973 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Procédure contentieuse, n° 538.