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05/12/2016 | LUXEMBOURG | N°38771

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 décembre 2016, 38771


Tribunal administratif N° 38771 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 novembre 2016 Audience publique du 5 décembre 2016 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par Monsieur …, …, par rapport à un bulletin d’appel en garantie en matière d’impôts directs - appel en garantie

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 38771 du rôle et déposée le 28 novembre 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Max MAILLIET, avocat à la

Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant ...

Tribunal administratif N° 38771 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 novembre 2016 Audience publique du 5 décembre 2016 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par Monsieur …, …, par rapport à un bulletin d’appel en garantie en matière d’impôts directs - appel en garantie

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 38771 du rôle et déposée le 28 novembre 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Max MAILLIET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant …, tendant à voir instituer un sursis à exécution par rapport au bulletin d’appel en garantie émis le 1er août 2016 par le bureau d’imposition RTS Luxembourg 1 de l’administration des Contributions directes, « et ce notamment jusqu’à ce qu’une décision définitive coulée en force de chose jugée quant à la confirmation sinon l’annulation du bulletin d’appel en garantie du 1er août 2016 soit rendue, sinon au moins jusqu’à l’issue de la procédure de liquidation judiciaire entière », un recours au fond, inscrit sous le numéro 38770 du rôle, dirigé pour sa part contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 19 octobre 2016 portant rejet de la réclamation introduite par Monsieur … à l’encontre du prédit bulletin d’appel en garantie du 1er août 2016, ayant été déposé au greffe du tribunal administratif en date du même jour ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’acte critiqué au fond ;

Maître Anne-Sophie BOUL, en remplacement de Maître Max MAILLIET, pour le demandeur, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Lou THILL entendus en leurs plaidoiries à l’audience publique du 1er décembre 2016.

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Le 1er août 2016, le bureau d’imposition RTS Luxembourg 1 émit un bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») en vertu du paragraphe 118 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », à l’égard de Monsieur … en sa qualité d’administrateur de la société … en liquidation judiciaire, ledit bulletin déclarant Monsieur … redevable d’un montant total de … euros, en principal et intérêts, dû au titre d’impôts sur les traitements et salaires des années 2014 et 2015.

Par décision du 19 octobre 2016, le directeur de l’administration des Contributions directes, dénommé ci-après le « directeur », rejeta la réclamation introduite par le litismandataire de Monsieur … en date du 8 septembre 2016 contre le prédit bulletin d’appel en garantie du 1er août 2016, ladite décision étant libellée comme suit :

« Vu la requête introduite le 9 septembre 2016 par Me Max Mailliet, au nom du sieur …, demeurant à …, pour réclamer contre le bulletin d'appel en garantie émis en vertu du § 118 de la loi générale des impôts (AO) par le bureau d'imposition RTS 1 en date du 1er août 2016 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu le § 119, alinéa 1er. AO, ensemble les §§ 228 et 301 AO ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;

Considérant que le bulletin attaqué a déclaré le réclamant co-débiteur solidaire de l'impôt sur les traitements et salaires des années 2014 et 2015 au motif qu'il aurait, en sa qualité de représentant légal de la société anonyme …, actuellement en état de faillite, commis une faute en ne veillant pas à ce que soient payées au receveur des Contributions, sur les fonds administrés, les sommes qui ont été retenues ou qui auraient dû être retenues à titre d'impôt sur les salaires, et dont la société était redevable ;

Considérant, à titre liminaire tout comme en matière de principe, que le représentant d'une personne morale est responsable du paiement des dettes d'impôt de la personne morale qu’il représente dans les conditions prévues aux §§ 103 et 109 AO ;

qu'aux termes du § 103 AO il est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société, notamment de remettre les déclarations fiscales dans les délais légaux et de payer sur les fonds qu'il gère les impôts dont la société est redevable (CE du 20 octobre 1981, n° 6902) ;

Considérant dès lors que dans la mesure où le gérant, par l'inexécution fautive de ces obligations, a empêché la perception de l'impôt légalement dû, il est, en principe, constitué co-débiteur solidaire des arriérés d'impôt de la société, conformément au § 109 AO ; que la responsabilité du gérant est à qualifier de fautive du moment que les impôts échus, même avant son entrée en fonction, ne sont pas payés sur les fonds disponibles de la société à l'administration ;

Considérant qu'il s'avère nécessaire dans ce contexte de mettre en exergue qu'en matière de responsabilité du fait personnel (article 1382 du code civil), l'auteur du dommage ne peut pas s'exonérer en invoquant une prétendue faute d'un tiers, lequel n'entrera en ligne de compte qu'au stade du recours entre les coresponsables ; que le gérant responsable sur le fondement du § 109 AO ne peut s'opposer à une poursuite au motif qu'elle n'a pas été engagée contre l'autre, quod non en l'espèce, étant donné que quatre autres bulletins d'appel en garantie ont été émis à l'encontre des sieurs …, … et …, et de la dame …, les rendant ainsi codébiteurs solidaires au sens du § 7 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG) ;

Considérant, matériellement, qu'en vertu de l'article 136, alinéa 4 de la loi concernant impôts sur le revenu (L.I.R.) l'employeur est tenu de retenir, de déclarer et de verser l’impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel ; que dans le cas d'une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise à celui qui a le pouvoir de représenter la société a regard des tiers (§ 103 AO) ; que la responsabilité de 2l'administrateur délégué, voire du gérant, selon le cas, est à qualifier de fautive du moment que des paiements de salaires sont effectués sans retenue d'impôt et sans continuation des montants à retenir à l'administration (Cour administrative du 6 mai 2003, n° 15989C du rôle) ; qu'il en est de même en ce qui concerne les retenues échues avant son entrée en fonction, si, par sa faute, elles ne sont pas payées sur les fonds disponibles de la société ;

Considérant que sous l'empire du § 118 AO la poursuite du tiers responsable, à la différence de l'imposition du contribuable, est toujours discrétionnaire et exige de ce fait et en vertu du § 2 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG) une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifient la décision en raison et en équité (BFH du 19 février 1965 StRK § 44 EStG R.13 ; jurisprudence constante pour RTS, notamment BFH du 24 novembre 1961, BStBI. 1962.37 ; 3 février 1981, BStBI. 1981 II 493 ; cf Becker-Riewald-Koch § 2 StAnpG Anm. 5 Abs. 3) ; que l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire implique une motivation quant au principe même de la mise en œuvre de la responsabilité d'un ou de plusieurs représentants, quant à la désignation du représentant dont la responsabilité est engagée et quant au quantum de sa responsabilité ;

Considérant qu'un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO dans le chef de l'administrateur délégué d'une société n’est pas suffisant pour engager sa responsabilité en application du § 109, alinéa 1er AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d'appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l'exigence supplémentaire d'une inexécution fautive - « schuldhafte Verletzung » - des obligations du représentant de la société envers le fisc (Cour administrative du 22 février 2000, n° 11694C du rôle) ;

Considérant que la responsabilité du gérant est cependant à qualifier de fautive du moment qu'il n'accomplit pas ses obligations fiscales, dont notamment celle de veiller à ce que les impôts dus soient payés, même ceux datant d'avant son entrée en fonction, à l'aide des fonds administrés ; que cette dernière prémisse l'emporte, le cas échéant, ainsi de plein droit sur la situation telle qu'elle s'est présentée durant les années antérieures ;

Considérant dans ce contexte, et notamment d'après une jurisprudence constante, que le paiement de salaires sans retenue d'impôt et sans continuation des montants à retenir a ('administration des contributions directes est à qualifier de fautif per se (Cour administrative du 6 mai 2003, n° 15989C du rôle ; Cour administrative du 6 janvier 2011, n° 27126C du rôle ; Tribunal administratif du 15 janvier 2009, n° 24145 du rôle) ; qu'il découle de tout ce qui précède que la mise à charge des arriérés de la société au titre de la retenue d'impôt sur les salaires et traitements pour les années 2014 et 2015, ainsi que les intérêts de retard y afférents, est parfaitement justifiée (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2016, inscrite sous le numéro 38770 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du directeur du 19 octobre 2016. Par requête déposée en date du même jour, inscrite sous le numéro 38771 du rôle, il a encore fait introduire une demande tendant à voir « ordonner le sursis à exécution du paiement du bulletin d’appel en garantie du 1er août 2016 lui délivré, sinon suspendre tous les effets dudit bulletin, ce notamment jusqu’à ce qu’une décision définitive coulée en force de chose jugée quant à la confirmation sinon l’annulation du bulletin d’appel en garantie du 1er août 2016 soit rendue, sinon au moins jusqu’à l’issue de la procédure de liquidation judiciaire entière ».

3 -

3 -

Le demandeur estime que les deux conditions légalement posées par l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », seraient remplies en cause.

Au titre de l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, le demandeur soutient en substance qu’il ne disposerait pas des moyens personnels suffisants pour régler la somme qui lui est réclamée, de sorte que la décision directoriale sous examen lui causerait un préjudice grave et irrémédiable.

Il relève à cet égard que par nature, le paiement d’impôts causerait au contribuable un préjudice en ce qu’il amoindrirait son patrimoine, tandis que le paiement d’une somme qui se révèlerait ultérieurement non due risquerait de causer clairement au contribuable un préjudice définitif en ce que la somme que l’administration serait amenée à rembourser ne porterait pas intérêts, tandis que la simple éventualité d’une allocation ultérieure éventuelle de dommages et intérêts par le juge judiciaire, outre le fait qu’une telle action en responsabilité civile serait tout à fait aléatoire, ne saurait empêcher la survenance de conséquences irréversibles, notamment en raison de frais/charges fixes, dans le chef du requérant en cas d’exécution immédiate de la décision déférée.

Il fait dans ce contexte état de ce qu’il ne disposerait d’aucune épargne ; en tant que personne physique ne disposant d’aucune épargne et d’un revenu mensuel net de seulement … euros, il affirme disposer de fonds disponibles insuffisants pour pouvoir faire face au paiement des sommes lui réclamées par l’administration des Contributions directes, de sorte qu’il devrait recourir à un emprunt.

Il estime aussi que son recours au fond présenterait de sérieuses chances de succès.

Dans ce contexte, le demandeur conteste de prime abord et en substance toute inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») dans son chef. Dans ce contexte, il rappelle que l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’administration des Contributions directes exigerait une motivation quant au principe même de la mise en œuvre de la responsabilité d’un ou de plusieurs représentants, quant à la désignation du représentant dont la responsabilité est engagée et quant au quantum de sa responsabilité : dès lors, le simple fait de ne pas pouvoir verser l’impôt dû comme ne saurait être considéré comme constituant, ipso facto, une faute dans le chef de la personne en charge de la gestion de la société, l’administration des Contributions directes devant au contraire tenir compte et justifier des éléments concrets du cas d’espèce.

A cet égard, le demandeur affirme qu’il ne résulterait aucunement du bulletin d'appel en garantie ni de la décision directoriale que l’administration des Contributions directes se serait livrée à une appréciation in concreto et effective relativement aux circonstances particulières, en raison et en équité, aux fins de fonder sa décision d'appel en garantie.

Plus particulièrement, s’agissant du montant même du bulletin d’appel en garantie, Monsieur … affirme que l’administration des Contributions directes resterait là encore en défaut de justifier concrètement le montant réclamé de … euros au titre des retenues d'impôts sur les traitement et salaires pour 2014, de sorte que ce montant ne serait pas retraçable. Il en conclut que la décision déférée devrait partant encourir l’annulation pour erreur de droit, alors que l’administration des Contributions directes aurait méconnu à la fois les conditions de qualification de la responsabilité personnelle du gérant de société au sens du paragraphe 109 AO précité et l'obligation d'appréciation inhérente à sa propre compétence pour la mettre en œuvre.

Monsieur … conteste ensuite toute implication effective de sa part dans la gestion de la société faillie ….

Dans ce contexte, il fait plaider qu’outre le fait qu'il n'aurait jamais eu connaissance de quelconques impayés d'impôts, il n’aurait joué strictement aucun rôle opérationnel dans le cadre de la gestion de la société …. Plus exactement, durant son mandant social, il n'aurait jamais été en mesure de détenir les renseignements relatifs aux salariés de la société … et compte tenu du fait que l’administration des Contributions directes resterait en défaut d'apporter des précisions quant à la composition du personnel salarié de la société … pour l'année litigieuse 2014, il resterait dans l'impossibilité de vérifier celle-ci.

Le demandeur explique ensuite avoir occupé le poste de gestionnaire de clientèle à partir du 16 août 2011 suivant contrat de travail à durée indéterminée signé en date du 21 juillet 2011 et n’avoir, dans le cadre de ces fonctions, à aucun moment disposé de quelconques responsabilités managériales, ni de pouvoirs de prise de décisions.

S’il a certes été nommé aux fonctions d'administrateur et de délégué à la gestion journalière à partir du 27 novembre 2012, il relève n’avoir toutefois été rémunéré pour cette fonction, et encore incomplètement, qu’à partir du 1er juillet 2013. Aussi, il estime qu’il serait injuste d’être considéré comme redevable d'impôts impayés au titre de sa qualité d'administrateur de la société …, alors même qu'il n'aurait jamais été réellement en charge et inclus dans le processus décisionnel, son rôle se limitant, au contraire, à une simple participation formelle, le demandeur exposant, en substance, avoir été sciemment exclu de toute décision et de toute gestion par Messieurs … et …, de sorte que ses pouvoirs effectifs se limitaient à des « pouvoirs sur papier » (« Titel ohne Mittel »), le demandeur soulignant notamment n’avoir eu aucune influence sur la trésorerie, avoir été tenu à l’écart de la gestion, et ce même physiquement, alors que son bureau aurait été éloigné de celui des autres administrateurs, pour en déduire qu’il ne lui appartenait pas de s'assurer du bon paiement des impôts.

Monsieur … relève enfin que du 30 octobre 2014 jusqu'au 17 novembre 2014, date de la liquidation de la société …, la Commission de Surveillance du Secteur Financier (« CSSF ») aurait été désignée administrateur judiciaire de cette société, de sorte qu’il aurait appartenu à la CSSF de s'assurer du paiement de l'impôt litigieux.

Le demandeur reproche encore à la décision entreprise de ne pas avoir tenu compte du fait que les comptes de la société … auraient fait l’objet d’une saisie initiée en août 2014, de sorte que la société n’aurait pas pu honorer le paiement de l'impôt sur les traitements et salaires, la société … ayant ensuite été déclarée le 17 novembre 2014 en état de liquidation judiciaire, de sorte qu’il ne saurait être personnellement tenu responsable des impayés réclamés par l'administration des Contributions Directes.

Monsieur … insiste ensuite sur le fait que l'administration des Contributions Directes resterait en défaut de justifier le montant réclamé de … euros, ce qui le mettrait dans l'impossibilité de se défendre utilement, ce qui violerait ses droits de la défense, le demandeur rappelant en outre que comme la société … serait en liquidation judiciaire, il lui serait impossible de procéder aux vérifications utiles quant au montant réclamé, puisque l'intégralité de la documentation sociale se trouverait en la possession du liquidateur de la société …. Dans ce contexte, il s’empare tant de l'article 1315 du Code civil que de l'article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 pour soutenir qu’il appartiendrait à l'administration des Contributions Directes de démontrer la réalité et le quantum du montant réclamé.

Enfin, le demandeur fait plaider que la créance de l’administration des Contributions directes constituerait une créance envers la société faillie conformément à l’article 136 alinéa 2 et alinéa 6 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu ainsi qu’une créance privilégiée, de sorte que l’administration des Contributions directes aurait eu l’obligation de produire une déclaration de créance dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société ….

Or, en s’arrogeant le droit de réclamer aux dirigeants d’une société faisant l’objet d’une procédure collective d’insolvabilité une créance d’impôts, l’administration des Contributions directes aurait outrepassé ses droits, ce sans que le curateur ait clôturé ladite procédure, le demandeur estimant que ce faisant l’administration des Contributions directes, en appliquant l’article 109 AO, aurait violé le principe de l’égalité devant la loi au sens de l’article 10bis de la Constitution, puisque ledit article, en permettant à l’administration des Contributions directes d’exercer une action ut singuli en cas de procédure collective d’insolvabilité aux fins de recouvrer une créance d’impôts, entraînerait une rupture d’égalité consistant dans une différence respectivement une inégalité de traitement injustifiée et disproportionnée quant à son but, alors qu’une telle action serait interdite à l’ensemble des autres créanciers en vertu du principe d’ordre public de suspension des poursuites.

Le délégué du gouvernement soutient quant à lui qu’aucune des conditions requises pour l’institution d’une mesure provisoire ne serait remplie en l’espèce. Il insiste plus particulièrement sur l’absence de préjudice grave et définitif en exposant l’état de fortune du demandeur.

En vertu de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999», un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 28 novembre 2016 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, l’affaire ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme celle relative à l’existence d’un intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui. Il ne saurait se prononcer définitivement sur des questions de recevabilité que pour autant que celles-ci touchent exclusivement à la demande en sursis à exécution.

En l’espèce, il appert toutefois que se pose directement la question de la recevabilité même de la requête telle que libellée, question soulevée et débattue contradictoirement lors de l’audience publique du 1er décembre 2016.

Il ressort en effet de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée que la compétence au provisoire du président du tribunal administratif est conditionnée par l’existence d’un recours au fond dirigé contre la même décision au sujet de laquelle une mesure provisoire est sollicitée.

En l’espèce, si le recours au fond tend à voir réformer, sinon annuler la décision précitée du directeur du 19 octobre 2016, le dispositif de la requête en obtention d’une mesure provisoire, pour sa part, tend formellement à voir ordonner le sursis à exécution du bulletin d’appel en garantie du 1er août 2016, étant rappelé que l’objet de la demande, consistant dans le résultat que le plaideur entend obtenir, est celui circonscrit dans le dispositif de la requête introductive d’instance, étant donné que les termes juridiques employés par un professionnel de la postulation sont à appliquer à la lettre, ce plus précisément concernant la nature du recours introduit, ainsi que son objet, tel que cerné à travers la requête introductive d’instance, le juge n’étant pas habilité à faire droit à des demandes qui n’y sont pas formulées sous peine de méconnaître l’interdiction de statuer ultra petita.

Par ailleurs, l’indication d’une décision erronée en tant qu’objet du recours ne saurait être admise comme simple erreur matérielle, c’est-à-dire comme erreur qui résulte d’un défaut d’attention et qui n’est pas de nature à affecter la portée ou la nature du recours.

Force est partant de retenir que le demandeur, s’il a certes déposé un recours au fond devant la composition collégiale du tribunal administratif à l’encontre de la décision directoriale du 19 octobre 2016, a formellement déposé une requête sollicitant l’octroi d’une mesure provisoire par rapport à une autre décision, à savoir le bulletin d’appel en garantie du 1er août 2016, étant par ailleurs souligné qu’en vertu de l’article 8 (3) 3. de la loi précitée du 7 novembre 1996, un bulletin d’impôt peut uniquement être directement déféré au tribunal administratif lorsqu’une réclamation au sens du paragraphe 228 AO ou une demande en application du paragraphe 131 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande, de sorte que lorsque le directeur a statué sur la réclamation par une décision définitive, un recours est irrecevable pour autant qu’introduit directement contre ledit bulletin1.

Le soussigné relève ensuite que le demandeur lui demande de suspendre les effets dudit bulletin, « ce notamment jusqu’à ce qu’une décision définitive coulée en force de chose jugée quant à la confirmation sinon l’annulation du bulletin d’appel en garantie du 1er août 2016 soit rendue, sinon au moins jusqu’à l’issue de la procédure de liquidation judiciaire entière » : or, le juge statuant au provisoire est dessaisi dès que le tribunal a prononcé un jugement quant au fond de l’affaire, en tranchant le principal. Ainsi, la juridiction du président du tribunal, statuant au provisoire, cesse dès lors que le tribunal administratif a 1 Trib. adm. 6 janvier 1999, n° 10357 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 864 et autres références y citées.

rendu son jugement au fond. Le pouvoir de conférer un effet suspensif au recours appartient à partir de ce moment au seul tribunal administratif siégeant en formation collégiale, en vertu de l’article 35 de la loi du 21 juin 1999, et réciproquement le président du tribunal est incompétent pour conférer aux mesures qu’il ordonne un effet allant au-delà du jugement à rendre par le tribunal2. Dès lors, le soussigné ne saurait, en tout état de cause, accorder d’effet suspensif allant au-delà du jugement des juges du fond, et notamment jusqu’à ce que ce jugement devienne définitif, c’est-à-dire jusqu’à expiration du délai d’appel.

La requête sous analyse devrait dès lors encourir l’irrecevabilité.

Néanmoins, et ce dans l’intérêt bien compris tant du contribuable que de l’administration, le soussigné procèdera malgré tout à l’analyse du recours en obtention d’une mesure provisoire à l’aune des autres conditions édictées par l’article 11 de la loi du 21 juin 1999.

En ce qui concerne la seconde condition pour l’obtention d’un sursis à exécution, à savoir l’existence de moyens sérieux invoqués à l’appui du recours dirigé contre la demande, cette exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond.

Ainsi, le juge du référé est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante la réformation ou l’annulation de la décision attaquée.

La compétence du juge du référé est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme l’intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui.

Il s’ensuit que, face à une situation où le caractère sérieux des moyens soulevés au fond n’apparaît pas comme étant évident à première lecture, le juge du référé ne peut pas admettre que les moyens en question sont suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire.

Au niveau de l’examen des moyens invoqués à l’appui du recours au fond, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit 2 Trib. adm. prés. 4 août 2000, n° 12191 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Procédure contentieuse, n° 475.

se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, notamment au vu des solutions jurisprudentielles dégagées par le juge du fond, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée - les moyens devant offrir une apparence de droit suffisante ou un degré de vraisemblance tel que l’on peut nourrir des doutes importants quant à la légalité de l’acte3 -, étant rappelé que comme le sursis à exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

Il doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

A l’analyse du recours au fond, il apparaît que celui-ci est fondé en substance sur la contestation par le demandeur de toute inexécution fautive de ses obligations fiscales envers l’administration des Contributions directes, le demandeur contestant d’abord toute implication effective dans la gestion de la société … et ensuite toute inexécution fautive dans son propre chef, le demandeur contestant la décision directoriale telle que déférée au fond tant en ce qui concerne sa légalité externe que sa légalité interne.

Le moyen tiré d’une illégalité externe de la décision directoriale ne convainc toutefois guère.

En effet, il résulte de la jurisprudence des juges du fond4 dans un contexte et face à un moyen identiques que si en vertu du paragraphe 258 (1) AO, qui dispose que « Bei Zurückweisung des Rechtsmittels soll die Entscheidung das tatsächlich und rechtliche Vorbringen und die Beweisergebnisse würdigen […] », la décision du directeur doit être motivée par l’indication des éléments de fait et de droit à sa base, un reproche tenant à un défaut de motivation est toutefois à rejeter comme étant non fondé, lorsqu’il se dégage de la lecture de la décision déférée que le directeur a motivé à suffisance sa décision, les juges du fond ayant pour le surplus retenu que les contestations, tenant notamment à la question de la charge de la preuve, auraient davantage trait au bien-fondé de la décision, examen qui devrait être fait dans ce contexte, sans que de telles contestations ne soient pas de nature à entraîner une irrégularité de la décision sur le plan formel, les juges du fond ayant encore retenu qu’il en irait de même du reproche fondé sur un défaut de réponse aux moyens présentés par le contribuable dans sa réclamation, alors que si, le cas échéant, le directeur avait omis de répondre à un moyen, cette circonstance n’entraînerait cependant pas ipso facto l’irrégularité de sa décision d’un point de vue formel, mais serait tout au plus susceptible d’avoir des incidences sur le bien-fondé de la décision.

Par ailleurs il résulte d’une jurisprudence établie suite à un arrêt de la Cour administrative du 20 octobre 2009, n° 25783C du rôle, certes dans le cadre de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, a priori non applicable en matière fiscale, qu’il 3 Jean-Paul Lagasse, Le référé administratif, 1992, p.48.

4 Trib. adm. 22 juillet 2015, n° 34190 du rôle.

appartient au juge administratif, non pas de sanctionner une décision le cas échéant non motivée, mais plutôt de permettre à l’administration de produire ou de compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois pendant la phase contentieuse, tel qu’en l’espèce, où l’administration communale a précisé tant les bases réglementaires de son refus que les motifs en fait justifiant ladite décision, la question du bien-fondé de ces bases et motivations relevant de l’examen de la légalité intrinsèque du refus.

En ce qui concerne ensuite l’absence d’implication et a fortiori d’inexécution fautive du demandeur, le soussigné constate, au terme d’un examen nécessairement sommaire, qu’il appert que, d’une part, Monsieur … se voit réclamer les arriérés de la société au titre de la retenue d'impôt sur les salaires et traitements pour la seule année 2014 et, d’autre part, de manière incontestée et incontestable, que le demandeur a été nommé en date du 27 novembre 2012 aux fonctions d'administrateur et de délégué à la gestion journalière de la société …, société ayant seulement été déclarée en état de liquidation judiciaire en date du 17 novembre 2014.

Au vu de ce qui précède, il est dès lors probable que les juges du fond retiennent l’implication directe du demandeur, dans la gestion de la société …, le fait que le demandeur n’ait été qu’incomplètement rémunéré pour cette fonction ne constituant, a priori, pas un élément opposable aux tiers, et partant à l’administration des Contributions directes.

Il est encore probable que les juges du fond, en application d’une jurisprudence constante selon laquelle le paragraphe 103 AO met une obligation personnelle à charge des représentants légaux de la société, en ce compris les dirigeants de fait ou dirigeants apparents, c’est-à-dire ceux qui se comportent à l’égard des tiers comme s’ils avaient le pouvoir de disposer, aboutissent à la conclusion qu’en sa qualité d’administrateur-délégué de la société …, le demandeur ait été, en tant que représentant légal de ladite société, responsable de l’accomplissement des obligations fiscales incombant à ladite société au cours des exercices fiscaux visés par le bulletin d’appel en garantie et notamment celle de veiller à ce que les impôts dus soient provisionnés et payés au trésor public.

S’agissant de l’appréciation des manquements reprochés au demandeur, le soussigné constate que selon la jurisprudence constante des juges du fond, le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du paragraphe 109 (1) AO et pour pouvoir émettre à leur encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant en effet posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») des obligations du représentant de la société envers l’administration fiscale.

Par ailleurs, suivant une jurisprudence bien établie en la matière, au vœu du paragraphe 7 (3) StAnpG, disposant que « jeder Gesamtschuldner schuldet die ganze Leistung. Dem Finanzamt steht es frei an welchen Gesamtschuldner es sich halten will. Es kann die geschuldete Leistung von jedem Gesamtschuldner ganz oder zu einem Teil fordern », le pouvoir du bureau d’imposition d’engager une poursuite du tiers responsable, et plus particulièrement, contre le représentant d’une société, ne relève pas d’une compétence liée, mais constitue un pouvoir discrétionnaire dans son chef et ce à un double titre, d’abord en ce qui concerne l’appréciation du degré fautif du comportement de la personne visée, et ensuite en ce qui concerne le choix du ou des codébiteurs contre lesquels l’émission d’un bulletin d’appel en garantie est décidée, chaque fois compte tenu des circonstances particulières de l’espèce. Quant à l’exercice du pouvoir d’appréciation par l’administration, le paragraphe 2 StAnpG dispose que « (1) Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessensentscheidungen) müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht.

(2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessensentscheidungen nach Billigkeit und Zweckmäβigkeit zu treffen ». Ainsi, l’administration investie d’un pouvoir d’appréciation doit procéder selon des considérations d’équité et d’opportunité et partant se livrer à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles en opportunité et en équité de fonder sa décision.

Le soussigné constate à cet égard, d’une part, que l’examen prima facie de la thèse soutenue par le directeur et la partie étatique fait apparaître qu’elle n’est pas insusceptible d’être entérinée par les juges du fond. En effet, au regard d’une certaine jurisprudence en la matière, la faute d’un dirigeant de société n’implique pas de la part de celui-ci un agissement fautif, sa responsabilité pouvant être engagée par son attitude passive, sa négligence ou son incurie et, par conséquent, le comportement d’un dirigeant consistant en une légèreté ou une insouciance impardonnable devrait être considérée comme faute grave, à savoir une faute qu’un dirigeant raisonnablement diligent et prudent n’aurait pas commise et qui heurte les normes essentielles de la vie en société, ou du moins les normes importantes5.

Si le demandeur certes entend reprocher à la partie étatique de ne pas avoir indiqué les raisons d’équité et d’opportunité ayant condit l’administration des Contributions directes à le poursuivre personnellement, il n’appert pas que pareil moyen ait de réelles chances de prospérer, la décision directoriale ayant en effet indiqué que sa responsabilité serait recherchée en qualité de représentant légal de la société faillie, pour avoir, par l’inexécution fautive de ses obligations, omis de veiller à ce que soient payées au Trésor public les sommes redues au titre d’impôts sur les salaires.

Or, il appert à cet égard de la jurisprudence que celui qui agit en lieu et place d’autrui doit veiller à l’exécution des obligations fiscales de celui qu’il représente, tandis que l’une de ces obligations consiste ainsi pour le représentant de fait d’une société à opérer, déclarer et verser les retenues d’impôt et, de manière générale, à payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable6. Par ailleurs, toujours selon la jurisprudence des juges du fond, les membres d’un conseil d’administration n’échappent pas à leurs responsabilités parce qu’ils délèguent en tout ou en partie, celles-ci à d’autres ; ils doivent au contraire assumer une surveillance constante de ceux à qui ils donnent pareille délégation, puisque nonobstant l’existence dans une société d’un délégué à la gestion journalière, les administrateurs devraient aussi répondre d’un défaut de surveillance du délégué à la gestion journalière, principe que la Cour administrative a récemment confirmé et que le tribunal administratif a tout récemment repris7 : partant, il est probable que les juges du fond confirment l’analyse du directeur selon laquelle, in fine, la négligence flagrante et inexcusable affichée par le demandeur - ce dernier ayant admis n’avoir aucunement veillé à ses obligations, alors que son rôle se serait limité à une « simple participation formelle » (sic) - tant en ce qui concerne le respect des obligations légales et statutaires des administrateurs qu’en ce qui concerne son devoir de surveillance de l’administrateur-délégué constituant en effet une « schuldhafte Verletzung »8.

5 Trib. adm. 6 juillet 2016, n° 36437 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

6 Trib. adm. 20 juillet 2016, n° 36466 du rôle.

7 Cour adm. 18 octobre 2016, n°37845C et 37846C du rôle ; trib. adm. 8 novembre 2016, n° 36410 du rôle.

8 Voir : trib. adm. 8 novembre 2016, n° 36410 du rôle.

Si le demandeur reproche encore à l’administration des Contributions directes de ne pas avoir précisé et justifié le montant lui réclamé, cette omission, outre de méconnaître a priori la présomption de régularité des actes administratifs, méconnaît encore que selon la jurisprudence des juges du fond, il était censé avoir connaissance des sommes redues, résultant des sommes retenues ou qui auraient dû être retenues et continuées au fisc à titre d'impôt sur les salaires, de sorte qu’il ne paraît guère probable qu’il puisse se prévaloir de son ignorance a priori fautive pour obtenir l’annulation de la décision déférée ; par ailleurs, il n’est guère probable que ce reproche puisse per se encore entraîner l’annulation de la décision déférée, l’administration disposant, vu de la jurisprudence citée ci-dessus, de la possibilité de compléter, sinon de préciser sa motivation.

Enfin, les développements du demandeur, consistant en substance à critiquer les dispositions du paragraphe 109 AO pour entraîner une rupture de l’égalité devant la loi et partant une violation de l’article 10bis de la Constitution, en ce sens que ledit article permettrait à l’administration des Contributions Directes d’exercer une action ut singuli en cas de procédure collective d’insolvabilité aux fins de recouvrer une créance d’impôts, , alors qu’une telle action serait interdite à l’ensemble des autres créanciers en vertu du principe d’ordre public de suspension des poursuites, ne convainquent guère non plus, le tribunal administratif venant tout récemment9 d’écarter une argumentation identique, en retenant, d’une part, notamment que l’action de l’administration des Contributions directes ne vise pas la société déclarée en faillite, mais l’un de ses administrateurs, ne bénéficiant pas de la suspension des poursuites individuelles, et d’autre part, notamment, que le préjudice individuel subi par l’administration des Contributions directes du fait du non versement des retenues d’impôt est étranger aux autres créanciers de la masse, dont les intérêts ne se trouvent pas affectés suite à ces agissements fautifs de la société, voire de ses représentants, de sorte que « c’est dès lors à tort que le demandeur affirme qu’en vertu du principe de la suspension des poursuites individuelles, aucun bulletin d’appel en garantie n’aurait pu être émis à son encontre », le tribunal ayant, dans le même jugement, expressément retenu que l’administration des Contributions directes se trouve dans une situation juridique différente de celle des créanciers de la masse, et ce tant du point de vue du préjudice subi, que du point de vue de sa qualité de créancière des représentants de la société, de sorte que le fait qu’elle dispose d’une action ut singuli à l’égard de ces mêmes représentants de la société faillie, en émettant un bulletin d’appel en garantie à leur égard et ce en leur qualité de garant des dettes fiscales de celle-ci, ne saurait laisser conclure à une violation de l’article 10bis de la Constitution.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’au stade actuel de l’instruction de l’affaire au fond et sur base d’une analyse nécessairement sommaire, l’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués à l’appui de la demande de réformation sinon d’annulation de la décision entreprise au fond n’est pas remplie en cause.

Finalement, en ce qui concerne la question du préjudice grave et définitif, question abordée à titre superfétatoire, le délégué du gouvernement a soumis au soussigné ainsi qu’au litismandataire du demandeur une farde de pièces relative à l’état de fortune du demandeur.

Sur base des renseignements se dégageant des pièces ainsi versées, le représentant étatique estime que le demandeur disposerait des moyens financiers adéquats pour procéder au 9 Trib. adm. 8 novembre 2016, n° 36410 du rôle.

paiement des sommes lui réclamées sur base de la décision directoriale sous examen, de sorte que la condition du préjudice grave et définitif ne serait pas remplie en cause.

En ce qui concerne cette condition tenant à l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, il convient de rappeler que le risque du préjudice s’apprécie in concreto et qu’il appartient au demandeur d’apporter des éléments à cette fin.

Un préjudice est grave lorsqu’il dépasse par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu’impose la vie en société et doit dès lors être considéré comme une violation intolérable de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.

Il est définitif lorsque le succès de la demande présentée au fond ne permet pas ou ne permet que difficilement un rétablissement de la situation antérieure à la prise de l’acte illégal, la seule réparation par équivalent du dommage qui se manifeste postérieurement à son annulation ou sa réformation ne pouvant être considérée à cet égard comme empêchant la réalisation d’un préjudice définitif. Pour l’appréciation du caractère définitif du dommage, il n’y a pas lieu de prendre en considération le dommage subi pendant l’application de l’acte illégal et avant son annulation ou sa réformation. Admettre le contraire reviendrait à remettre en question le principe du caractère immédiatement exécutoire des actes administratifs, car avant l’intervention du juge administratif, tout acte administratif illégal cause en principe un préjudice qui, en règle générale, peut être réparé ex post par l’allocation de dommages-

intérêts. Ce n’est que si l’illégalité présumée cause un dommage irréversible dans le sens qu’une réparation en nature, pour l’avenir, ne sera pas possible, que le préjudice revêt le caractère définitif tel que prévu par l’article 11 de la loi du 21 juin 1999.

Un préjudice de nature essentiellement pécuniaire n’est pas, en soi, grave et difficilement réparable. En effet, pareil préjudice est, en principe, réparable puisqu’il peut être entièrement compensé par l’allocation de dommages et intérêts.

Il incombe partant au demandeur d’établir l’existence d’une circonstance particulière rendant le préjudice pécuniaire grave ou difficilement réparable.

S’il est vrai, comme le fait soutenir le demandeur, qu’un préjudice financier, notamment du fait d’une dépense importante qu’il serait contraint de faire en cas d’exécution de l’acte administratif querellé, est susceptible de constituer un préjudice grave et difficilement réparable, il n’en reste pas moins qu’il lui incombe de démontrer concrètement non seulement l’envergure de la dépense, mais aussi les répercussions graves risquant de le placer dans une situation financière intenable.

Or, en l’espèce, force est de constater qu’il ressort des pièces versées en cause par le délégué du gouvernement que le demandeur a acquis en 2013 un immeuble au Luxembourg d’une valeur de … euros, de sorte que le paiement d’un montant de … euros ne paraît pas devoir le placer dans une situation financière précaire, étant encore souligné que si le demandeur ne perçoit actuellement apparemment qu’un salaire mensuel net de … euros -

l’affirmation d’absence de toute épargne ou de tous autres moyens financiers restant en l’état de simple allégation -, le paiement du montant réclamé ne devrait pas fondamentalement impacter sur la situation financière du demandeur, le recouvrement du montant devant, le cas échéant, respecter les plafonds relatifs à la partie saisissable du salaire.

Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, il échet partant d’en conclure qu’il n’est pas non plus établi que l’exécution de la décision litigieuse risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif.

Les deux principales conditions posées par l’article 11 de la loi du 21 juin 1999 n’étant par conséquent pas remplies, il y a partant lieu de débouter le demandeur de sa demande en institution d’un sursis à exécution, Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique ;

rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 décembre 2016 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 décembre 2016 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 38771
Date de la décision : 05/12/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-12-05;38771 ?

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