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26/10/2016 | LUXEMBOURG | N°38610

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 octobre 2016, 38610


Tribunal administratif N° 38610 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 octobre 2016 Audience publique du 26 octobre 2016 Requête en institution d’une mesure provisoire introduite par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art.28 (1), L. 18.12.2015)

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 38610 du rôle et déposée le 24 octobre 2016 au greffe du tribunal administratif par MaÃ

®tre Bouchra FAHIME, avocat à la Cour, assistée de Maître Marcel MARIGO, avocat, tous les ...

Tribunal administratif N° 38610 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 octobre 2016 Audience publique du 26 octobre 2016 Requête en institution d’une mesure provisoire introduite par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art.28 (1), L. 18.12.2015)

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 38610 du rôle et déposée le 24 octobre 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Bouchra FAHIME, avocat à la Cour, assistée de Maître Marcel MARIGO, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Sénégal), de nationalité sénégalaise, demeurant actuellement à …, tendant à voir ordonner une mesure provisoire, consistant en l’institution d’un sursis à exécution par rapport à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 10 octobre 2016 par laquelle les autorités luxembourgeoises ont pris la décision de le transférer vers l’Italie, Etat membre compétent pour connaître de sa demande de protection internationale, un recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle du 10 octobre 2016, inscrit sous le numéro 38609, introduit le même jour, étant pendant devant le tribunal administratif ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée au fond ;

Maître Marcel MARIGO ainsi que Madame le délégué du gouvernement Elisabeth PESCH entendus en leurs plaidoiries à l’audience publique de ce jour.

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Le 31 mai 2016, Monsieur … introduisit auprès des autorités luxembourgeoises une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Par arrêté du 10 octobre 2016, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé le « ministre », informa l’intéressé que le Grand-Duché de Luxembourg n’était pas compétent pour examiner sa demande en reconnaissance d’un statut de protection internationale, en se référant aux dispositions de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire et à celles de l’article 12 (4) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dénommé ci-après « le règlement Dublin III », au motif que ce serait l’Italie qui serait responsable du traitement de sa demande d’asile, du fait qu’il serait titulaire d’un visa italien valable du 8 avril 2016 jusqu’au 30 avril 2016 et que les autorités italiennes auraient accepté le 6 septembre 2016 de reprendre en charge l’examen de sa demande de protection internationale.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 octobre 2016, inscrite sous le numéro 38609 du rôle, Monsieur … a introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 10 octobre 2016. Par requête séparée déposée en date du même jour, inscrite sous le numéro 38610 du rôle, il a encore introduit une demande en institution d’une mesure provisoire tendant en substance à voir surseoir à l’exécution de son transfert vers l’Italie et à se voir autoriser à séjourner provisoirement au Luxembourg jusqu’au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite de son recours au fond.

Le demandeur soutient que l’exécution de la décision attaquée risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif et que les moyens invoqués à l’appui de son recours au fond seraient sérieux.

Au titre du préjudice grave et définitif, il fait valoir que l’exécution de la décision ministérielle querellée lui causerait inévitablement un préjudice grave et définitif, et ce « en raison de son état de santé » (sic), le demandeur exposant être exposé en Italie à des actes de persécutions émanant de la communauté sénégalaise résidant en Italie en raison de son homosexualité.

Dans le cadre de son recours au fond, le demandeur développe davantage ce moyen en affirmant l’homosexualité serait pénalement répréhensible par la législation sénégalaise et reste un crime passible d’un emprisonnement de un à cinq ans, tandis que les homosexuels feraient l’objet d’une persécution constante de la part de la société toute entière, et ce, à tous les niveaux de la société sénégalaise, le demandeur prétendant encore que ce comportement social se serait exporté au-delà des frontières sénégalaises notamment en Italie, où résiderait une forte communauté sénégalaise, laquelle mènerait une guerre farouche contre ses compatriotes homosexuels.

Le demandeur, s’il admet que cette situation en Italie ne démontrerait certes pas une défaillance systémique dans le chef des autorités italiennes au sens de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes, estime néanmoins que cette situation ferait état d’une nouvelle forme de persécutions des homosexuels africains, particulièrement des homosexuels d’origine sénégalaise « qui sans doute est peu connue par les autorités italiennes ».

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause.

En vertu de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.

En l’espèce, force est au soussigné de constater que la décision déférée du 10 octobre 2016, prise en application de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015, a a priori un double objet, conformément à la même disposition, à savoir celle, d’une part, de transférer la personne concernée vers l’Etat membre compétent, et, d’autre part, de ne pas examiner sa demande de protection internationale, ce dernier volet étant la conséquence du premier volet de la décision.

Or, à cet égard, le demandeur reste en défaut de prouver en quoi la décision d’incompétence, respectivement de transfert, risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif.

En effet, la preuve de la gravité du préjudice implique en principe que le demandeur donne concrètement des indications concernant la nature et l’ampleur du préjudice prévu, et qui démontrent le caractère difficilement réparable du préjudice.

En l’espèce, la seule affirmation non autrement circonstanciée et aucunement étayée selon laquelle la décision risquerait de l’exposer à des persécutions en Italie de la part de ses compatriotes sénégalais, laisse manifestement de répondre aux exigences de la loi.

En effet - la condition de l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif étant en la présente matière étroitement liée à celle du caractère sérieux des moyens avancés au fond - si le demandeur, en substance, repose son argumentation sur la simple affirmation de l’existence d’un risque de persécutions en Italie, il admet explicitement que la persécution alléguée - laquelle n’est étayée par ne serait-ce que l’ombre d’une preuve - ne constitue pas une défaillance systémique en Italie susceptible de permettre au ministre d’activer la clause de souveraineté prévue par l’article 17 du règlement Dublin III et de reconnaître sa propre compétence.

Or, il résulte de la jurisprudence des juges du fond que comme le système européen commun d’asile repose sur la présomption - réfragable - que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient aux demandeurs de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées1.

Le soussigné relève encore qu’il résulte d’une jurisprudence récente des juges du fond2, reposant elle-même sur un arrêt de la Cour de l’Union européenne3, que des défaillances systémiques requièrent, pour être de nature à s’opposer à un transfert, d’être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Force est de constater qu’en l’état actuel d’instruction du dossier, aucun élément du dossier ne permet de dégager de telles défaillances systémiques.

1 Voir par exemple trib. adm. 1er juillet 2015, n° 36439 ; trib. adm. 1er juillet 2015, n° 36441 ; trib. adm. 14 octobre 2015, n° 36966 ; trib. adm. 21 octobre 2015, n° 36996 ; trib. adm. 28 octobre 2015, n° 37015.

2 Trib. adm. 26 avril 2016, n° 37591.

3 CJUE, 10 décembre 2013, C-394/12, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, point 62.

Le demandeur est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle de moyens sérieux avancés devant les juges du fond, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 octobre 2016 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence de Xavier Drebenstedt, greffier.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26 octobre 2016 Le greffier du tribunal administratif 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 38610
Date de la décision : 26/10/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-10-26;38610 ?

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