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05/10/2016 | LUXEMBOURG | N°38550

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 octobre 2016, 38550


Tribunal administratif N° 38550 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 octobre 2016 Audience publique du 5 octobre 2016 Requête en institution d’une mesure provisoire introduite par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 38550 du rôle et déposée le 4 octobre 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cou

r, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à …...

Tribunal administratif N° 38550 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 octobre 2016 Audience publique du 5 octobre 2016 Requête en institution d’une mesure provisoire introduite par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 38550 du rôle et déposée le 4 octobre 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Erythrée), de nationalité érythréenne, agissant en son propre nom ainsi qu’en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure …, née le … à …, retenues actuellement au Centre de rétention à Findel, tendant à voir ordonner une mesure provisoire, consistant en l’institution d’un sursis à exécution par rapport à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 3 mars 2016, lui notifiée le 7 mars 2016, par laquelle les autorités luxembourgeoises ont pris la décision de les transférer vers la Suisse, Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale ;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées et notamment la décision déférée ;

Maître Pascale PETOUD, pour la demanderesse, et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth PESCH entendues en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

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Le 7 décembre 2015, Madame … introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale, au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Le 22 janvier 2016, elle introduisit auprès du ministère une demande de protection internationale, au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 », ayant abrogé et remplacé la loi du 5 mai 2006, précitée, au nom et pour le compte de sa fille mineure …, née le ….

Par une décision du 3 mars 2016, notifiée à l’intéressée par courrier recommandé envoyé le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé le « ministre », informa Madame …, que le Grand-Duché de Luxembourg avait, en vertu de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 18, paragraphe (1) d) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après dénommé le « règlement DUBLIN III », pris la décision de la transférer vers la Suisse, qui serait l’Etat responsable de l’examen de sa demande, au motif, d’une part, qu’elle y aurait déposé une demande de protection internationale le 11 août 2011 et, d’autre part, que les autorités suisses auraient, en date du 12 février 2016, accepté de prendre, respectivement de reprendre en charge l’examen de sa demande de protection internationale.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 mars 2016, inscrite sous le numéro 37683 du rôle, Madame …, agissant tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte de sa fille mineure …, fit introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle de transfert précitée du 3 mars 2016. Par requête séparée déposée en date du même jour, inscrite sous le numéro 37684 du rôle, elle fit encore introduire une demande en institution d’une mesure provisoire tendant en substance à voir surseoir à l’exécution de la susdite décision, demande dont elle fut déboutée par ordonnance du 22 mars 2016.

Par jugement du 17 mai 2016, inscrit sous le numéro 37683 du rôle, le tribunal administratif rejeta encore le recours en annulation de Madame … comme étant non fondé.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2016, inscrite sous le numéro 38235 du rôle, Monsieur … forma tierce-opposition à l’encontre du jugement précité du 17 mai 2016.

Par requête séparée déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2016, inscrite sous le numéro 38236 du rôle, il fit encore introduire une demande tendant à l’institution d’un sursis à exécution « et/ou » d’une mesure de sauvegarde par rapport à la décision du 3 mars 2016. Si par ordonnance du 26 juillet 2016, numéro 38236 du rôle, le juge statuant au provisoire autorisa la demanderesse et son enfant mineur à séjourner provisoirement sur le territoire jusqu’au jour où le tribunal administratif aura statué au fond sur le recours introduit sous le numéro 38235 du rôle, le tribunal, statuant en composition collégiale, décida par jugement du 24 août 2016, de rejeter ladite tierce-opposition.

Le 30 septembre 2016, le ministre ordonna le placement en rétention de Madame … et son enfant mineur …… pour une durée de 72 heures à partir de la notification de cette décision.

Le 4 octobre 2016, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation de l’arrêté précité du 30 septembre 2016 ordonnant son placement en rétention ; par requête du même jour, Madame … a fait introduire une requête en instauration d’une mesure de sauvegarde par rapport à la décision ministérielle de transfert précitée du 3 mars 2016.

La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme celle relative à l’existence d’un intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui. Il ne saurait se prononcer définitivement sur des questions de recevabilité que pour autant que celles-ci touchent exclusivement à la demande en sursis à exécution.

En l’espèce, il appert toutefois que se pose directement la question de la recevabilité même de la requête telle que libellée, question soulevée et débattue contradictoirement lors de l’audience publique de ce jour.

Le soussigné rappelle en effet qu’en vertu de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, tandis que le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance. Par ailleurs, une mesure de sauvegarde, prévue à l’article 12 de la loi du 21 juin 1999, requiert, sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, les mêmes conditions tenant au sérieux des moyens et au risque d’un préjudice grave et définitif.

Le soussigné constate d’emblée à cet égard qu’en ce qui concerne la décision lui soumise au provisoire, à savoir la décision de transfert du 3 mars 2016, que le recours contentieux afférent a été rejeté par jugement du 17 mai 2016, inscrit sous le numéro 37683 du rôle, tandis que la tierce-opposition afférente a été définitivement rejetée par jugement du 24 août 2016, numéro 38235 du rôle.

Or, l’une des conditions de recevabilité d’une requête tendant soit au sursis à exécution d’une décision administrative, soit à l’institution d’une mesure de sauvegarde constitue l’introduction préalable d’un recours au fond dirigé contre ladite décision administrative. Lorsque le tribunal a prononcé un jugement quant au fond de l’affaire, en tranchant définitivement le principal, son pouvoir de juridiction est épuisé, de sorte qu’il est dessaisi de l’affaire et le président du tribunal n’est partant plus compétent pour connaître d’une demande, introduite ultérieurement au prononcé du jugement tranchant le principal, et tendant soit au sursis à exécution, soit en institution d’une mesure de sauvegarde1. Il s’ensuit que par le jugement en question, le tribunal a épuisé son pouvoir de juridiction, de sorte qu’au jour de l’introduction de la requête sous examen, en date du 19 septembre 2016, un recours au fond par rapport auquel le demandeur souhaitait obtenir une mesure provisoire, n’existait plus. Il s’ensuit que l’une des conditions de recevabilité de la requête sous examen fait défaut, de sorte que celle-ci est à déclarer irrecevable dans la mesure où elle entend soumettre au soussigné la décision du 3 mars 2016.

A titre superfétatoire, il échet encore de constater que tant l’article 11, paragraphe (2), que l’article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée exigent, comme condition de recevabilité d’une requête tendant soit au sursis à exécution d’une décision administrative soit à l’institution d’une mesure de sauvegarde, l’introduction préalable d’un recours au fond dirigé contre ladite décision administrative. Un tel recours au fond doit nécessairement avoir 1 cf trib. adm. (prés.) 26 mai 2011, n° 28443 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Procédure contentieuse, n° 465 ainsi que tout récemment trib. adm. (prés.) 18 juillet 2016, n° 38184.

été introduit auprès du tribunal administratif dont le président ou le juge qui le remplace est compétent pour examiner le recours en effet suspensif ou en institution d’une mesure de sauvegarde2, la compétence au provisoire du président du tribunal administratif étant en effet conditionnée par l’existence d’un recours au fond dirigée contre la décision au sujet de laquelle une mesure provisoire est sollicitée3.

Or, en l’espèce, force est de constater que la demanderesse, si elle a certes déposé un recours au fond devant la composition collégiale du tribunal administratif à l’encontre de la décision ministérielle ayant ordonné son placement en rétention, n’a pas pu - pour les raisons exposées ci-avant - déposer de recours au fond à l’encontre de la décision ministérielle au sujet de laquelle elle sollicite actuellement une mesure provisoire, à savoir la décision de transfert du 3 mars 2016.

Il suit dès lors encore de ce qui précède que l’une des conditions de recevabilité de la présente requête n’est pas remplie en l’espèce, de sorte que celle-ci est en tout état de compte à déclarer irrecevable.

Il s’ensuit que la demanderesse est à débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire par rapport à la décision ministérielle du 3 mars 2016.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement en audience publique ;

rejette la requête en obtention d’une mesure provisoire ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 octobre 2016 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence de Xavier Drebenstedt, greffier.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 octobre 2016 Le greffier du tribunal administratif 2 Trib. adm. (prés.) 9 août 2007, n° 23327.

3 Trib. adm. (prés.) 20 février 2001, n° 11940, ainsi que trib. adm. (prés.) 12 août 2012, n° 31194.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 38550
Date de la décision : 05/10/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-10-05;38550 ?

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