Tribunal administratif N° 37963 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mai 2016 Audience publique du 27 juin 2016 Recours formé par Monsieur …, Luxembourg, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)
___________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 37963 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 mai 2016 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à …(Kosovo), de nationalité kosovare, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation 1) d’une décision du ministre de l'Immigration et de l'Asile du 13 mai 2016 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 juin 2016 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Maître Marcel Marigo, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth Pesch en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 juin 2016.
Le 9 février 2016, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.
Le 17 mars 2016, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
A cette occasion, Monsieur …, de nationalité kosovare et d’ethnie serbe, déclara ne pas se sentir en sécurité dans son pays d'origine. Il expliqua qu’en 2010, une voiture se serait arrêtée à côté de lui et que les passagers auraient « (…) commencé à [lui] crier dessus (…) », sans qu’il n’ait cependant été en mesure de comprendre leurs paroles. Finalement, il aurait pris la fuite. Il précisa être convaincu de l’appartenance de ces personnes à l’ethnie albanaise, étant donné qu’elles auraient emprunté une route menant vers un village habité par des personnes appartenant à cette ethnie. Il indiqua encore ne pas avoir dénoncé cet incident à la police, au motif qu’à cette fin, il aurait dû se rendre à Gnjilane, dans la mesure où il n’y aurait pas de commissariat de police dans son village. Par la suite, son père l’aurait inscrit dans une école à Presevo (Serbie), où il aurait vécu entre 2010 et 2015. Chaque fois qu’il serait rentré au Kosovo, « (…) il y [aurait] (…) eu des provocations [et] du stress (…) ». En 2013 ou en 2014, pendant son absence, des Albanais inconnus auraient fait exploser une bombe près de la maison d’un voisin, qui serait un policier. Personne n’aurait été blessé, mais la voiture et la maison dudit voisin auraient été endommagées. La police, à laquelle la victime aurait fait appel, serait venue sur les lieux et aurait entamé des recherches qui seraient cependant restées infructueuses.
Le demandeur affirma qu’il serait possible que le destinataire véritable de cette bombe aurait été son père, qui aurait travaillé en tant que policier jusqu’en 1999. Il en déduisit que « (…) la dernière fois, la bombe a été jetée chez le voisin, mais demain, une bombe pourrait être jetée chez [lui] (…) ». Par ailleurs, il expliqua qu’au début du mois de mars 2016, une bombe aurait explosé dans une partie plus éloignée de son village.
Par décision du 13 mai 2016, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27 (1) a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mai 2016, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, premièrement, de la décision du ministre du 13 mai 2016 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, deuxièmement, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et, troisièmement, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Etant donné que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, le soussigné est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 27 mai 2016, telles que déférées.
Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.
A l’appui des trois volets de son recours et en fait, le demandeur renvoie, en substance, à ses déclarations faites lors de son audition par un agent du ministère en date du 17 mars 2016.
En droit, s’agissant en premier lieu du recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, le demandeur reproche au ministre d’avoir fait une appréciation erronée de la situation prévalant au Kosovo, notamment quant au respect, par les autorités kosovares, des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. En effet, nonobstant sa présence sur la liste des pays d'origine sûrs, qui ne serait plus justifiée au vu des violations récurrentes des droits et des libertés susvisés y commises, le Kosovo resterait « (…) miné par des tensions inter-
ethniques qui se solde[raient] parfois par de graves violences (…) ». A cet égard, le demandeur se prévaut d’un article publié le 22 janvier 2016 sur le site internet « www.news.vice.com », intitulé « Corruption, Hate and Violence : Kosovo in Crisis », faisant état d’actes de violence commis dans le cadre de manifestations anti-gouvernementales organisées par des partis d’opposition dans le contexte de tensions politiques causées par la conclusion, par les autorités kosovares, d’un accord ayant pour objet la promotion des droits des membres de la minorité serbe du Kosovo, et s’inscrivant dans un climat général de mécontentement de la population à l’égard du gouvernement, dont la cause profonde serait néanmoins le fait que le taux de chômage du pays serait très élevé. Par ailleurs, le demandeur fait valoir que contrairement à ce qu’aurait retenu le ministre, les faits invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale seraient pertinents, en ce qu’ils « (…) cadre[raient] avec les critères retenus par l’article 2 f) de la loi (…) du 18 décembre 2015 (…) ». En effet, il aurait fait l’objet d’actes de persécution en raison de son appartenance ethnique. Sur ce point, le demandeur se prévaut d’un jugement du 24 février 2016, inscrit sous le numéro 37457 du rôle, dans lequel le premier vice-
président du tribunal administratif, siégeant en sa qualité de président de la première chambre du même tribunal, a décidé que le recours introduit par d’autres ressortissants kosovares à l’encontre de la décision ministérielle de statuer sur leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée n’était pas manifestement infondé.
A l’appui de son recours dirigé contre la décision de refus de lui accorder une protection internationale, le demandeur fait valoir, en substance, qu’il craindrait avec raison, en cas de retour dans son pays d'origine, de faire à nouveau l’objet d’agissements tels que les actes de violence qu’il y aurait d’ores et déjà subis et qui seraient à qualifier d’actes de persécution d’ordre physique et mental, au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, ainsi que de la loi du 18 décembre 2015. A cet égard, le demandeur pr écise qu’« (…) il [ne serait] pas impossible que ces violences revêt[iraient] une gravité suffisante et abouti[raient] à une situation irrémédiable [pour lui] d’autant plus qu’il sera[it] obligé de partager la même localité avec [s]es agresseurs (…) ». A l’appui de sa demande tendant à l’obtention de la protection subsidiaire, le demandeur invoque, en substance, les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié, en insistant sur le fait que, d’une part, les faits invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale « (…) cadre[raient] avec les hypothèses retenues aux points a), b) et c) [de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015] (…) » et, d’autre part, les auteurs des agissements dont il aurait été victime, à savoir des Albanais inconnus, seraient à qualifier d’acteurs au sens de l’article 39 de la même loi. Sur ce dernier point, le demandeur précise que « (…) les [A]lbanais représente[raient] 90 % de la population[, de sorte que] (…) leur influence sur la vie quotidienne de [celle-ci] reste[rait] sans doute importante, surtout (…) dans un pays où les institutions étatiques reste[raient] en défaut d’assurer une protection adéquate de la minorité à cause de la corruption (…) ».
A l’appui de son recours tendant à la réformation de l’ordre de quitter le territoire, le demandeur soutient que son éloignement vers le Kosovo méconnaîtrait l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-
après désignée par « la CEDH », et « (…) constituerait sans doute une violation des instruments juridiques [visés à l’article 30 (2) de la loi du 18 décembre 2015] (…) ».
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, pris en son triple volet.
Aux termes de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification. Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.
Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale. Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».
Il ressort de cette disposition qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.
Le soussigné constate de prime abord que ni le texte légal ni d’ailleurs les travaux parlementaires afférents ne contiennent de définition de ce qu’il convient d’entendre par « recours manifestement infondé », et ce contrairement à l’ancienne loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, laquelle définissait en son article 9 la demande d’asile manifestement infondée1, définition complétée par le règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile en ses articles 32, 43, 54 et 65.
Il appartient dès lors au soussigné, saisi d’un recours basé sur la disposition légale citée 1 « Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile […]. » 2 « Une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande. Lorsque le demandeur invoque la crainte d’être persécuté dans son propre pays, mais qu’il résulte des éléments et renseignements fournis que le demandeur n’a aucune raison objective de craindre des persécutions, sa demande peut être considérée comme manifestement infondée. » 3 « Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur d’asile, invoquant des persécutions qui sont limitées à une zone géographique déterminée, aurait pu trouver une protection efficace dans une autre partie de son propre pays, qui lui était accessible. » 4 « 1) Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur d’asile provient d’un pays où il n’existe pas, en règle générale, de risque sérieux de persécution. 2) Le fait d’établir qu’un pays déterminé ne présente pas, en règle générale, de risques sérieux de persécution, n’entraînera cependant pas automatiquement le rejet de toute demande d’asile introduite par un ressortissant de ce pays, le principe de l’examen individuel de la demande restant acquis. » 5 « Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. » ci-avant, de définir ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé » et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.
Il convient de prime abord de relever que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé. Comme le législateur s’est référé au « recours », c’est-
à-dire au recours contentieux, en d’autres termes à la requête introductive d’instance, et non pas à la demande de protection internationale en tant que telle, la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.
Le recours est à qualifier de manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente. En d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement.
Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé. En effet, en application de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.
La décision ministérielle est en l’espèce fondée sur les dispositions des points a) et b) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquelles « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la présente loi ; (…) ».
Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27 (1) a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande, soit si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la même loi.
Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.
Concernant plus particulièrement le point b) de l’article 27 (1), précité, de la loi du 18 décembre 2015 visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément au paragraphe (2) ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne que si le demandeur est ressortissant dudit pays ou si l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle, et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.
(2) Un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève en s’appuyant sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres Etats membres du BEAA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes.
Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr:
a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;
b) le respect du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève;
c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.
La situation dans les pays tiers désignés comme pays d’origine sûrs conformément au présent paragraphe est régulièrement examinée par le ministre ».
Il est constant en cause que le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, tel que modifié par la suite, a désigné le Kosovo comme pays d’origine sûr et il se dégage en l’espèce des éléments du dossier que le demandeur a la nationalité kosovare.
Au vu du libellé de l’article 30 (1) de la loi du 18 décembre 2015, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier à lui seul le recours à une procédure accélérée, étant donné que cette disposition oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis des raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle et cela compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale.
En l’espèce, le ministre a conclu que le demandeur provient d’un pays qui, dans son chef, est à qualifier de pays d’origine sûr, de sorte qu’il y a lieu d’analyser si, conformément à l’article 30 (1) de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur a soumis des raisons sérieuses permettant de penser que le Kosovo n’est pas un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
Or, le demandeur omet d’établir l’existence, dans son chef, de pareilles raisons. En effet, l’analyse de la situation personnelle décrite par lui ne permet pas d’en dégager des éléments suffisants impliquant que le constat du ministre s’en trouve ébranlé, dans la mesure où il n’est manifestement pas établi en l’espèce que les autorités kosovares ne voudraient ou ne pourraient pas lui fournir une protection appropriée par rapport aux agissements d’Albanais inconnus dont il craint la réalisation.
Dans ce contexte, le soussigné relève qu’il se dégage des propres déclarations du demandeur que suite à l’explosion d’une bombe à la maison de son voisin, la police kosovare s’est rendue sur les lieux et a entamé des recherches, de sorte qu’elle n’est pas restée inactive mais a effectué des démarches concrètes en vue de rechercher et d’arrêter les auteurs des faits en question. Le simple fait que ces démarches n’aient pas été couronnées de succès ne permet pas de retenir que les autorités kosovares seraient dans l’incapacité ou ne voudraient pas fournir une protection appropriée au demandeur, étant précisé, dans ce contexte, que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. A défaut d’autres éléments, la même conclusion s’impose en ce qui concerne, d’une part, la référence, faite par le demandeur, à la subsistance, au Kosovo, de tensions inter-ethniques et, d’autre part, le fait qu’en janvier 2016, ce pays ait connu des tensions politiques s’inscrivant sur une toile de fond tant ethnique qu’économique, ainsi que cela se dégage de l’article susmentionné publié sur le site internet « www.news.vice.com », étant relevé, dans ce contexte, qu’il ressort des explications fournies par la partie étatique, sources internationales à l’appui, que les autorités kosovares ont mis en place des institutions – telles que l’Inspectorat de police du Kosovo et l’Ombudsman – permettant aux citoyens s’estimant victimes d’un comportement fautif d’un policier ou, plus généralement, d’une administration de faire valoir leurs droits. En outre, les contestations générales et non appuyées par un quelconque élément concret formulées par le demandeur quant au respect, par les autorités kosovares, des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ne permettent pas non plus de conclure que lesdites autorités ne voudraient ou ne pourraient pas lui fournir une protection adéquate.
Par ailleurs, le soussigné relève que si le demandeur s’était senti menacé ou insulté par les Albanais inconnus qui lui auraient « (…) cri[é] dessus (…) » en 2010, tel que suggéré dans la requête introductive d'instance, il lui aurait appartenu de déposer une plainte à leur encontre.
Si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection, s’il n’a pas lui-même tenté formellement d’obtenir une telle protection. En effet, il faut en toute hypothèse que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’État fait défaut. 6 Or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence de menaces et d’insultes, communément la forme d’une plainte.
En l’espèce, le demandeur est resté en défaut de fournir des raisons valables permettant de justifier son inaction à cet égard, son affirmation selon laquelle il n’existerait pas de commissariat de police dans son village, de sorte qu’il aurait dû se rendre à Gnjilane pour déposer une plainte étant manifestement insuffisante à cet égard, étant donné qu’outre le constat que le simple fait, pour le demandeur, de ne pas avoir eu envie d’effectuer un déplacement à l’intérieur de son pays d'origine pour réclamer la protection des autorités kosovares ne saurait, de toute évidence, justifier l’absence de dépôt de plainte, il se dégage des explications fournies par la partie étatique, non contestées sur ce point par le demandeur, qu’au sein de la commune 6 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.
de Partes, dont fait partie la localité de …, dont l’intéressé est originaire, il existe bel et bien un commissariat de police, qui est, d’ailleurs, composé majoritairement d’agents appartenant à l’ethnie serbe, tel que le demandeur, de sorte que celui-ci ne saurait raisonnablement se prévaloir d’obstacles matériels à un dépôt de plainte.
Dans ces circonstances, le soussigné est amené à conclure que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à déclarer manifestement infondé, en ce sens que le demandeur n’a manifestement fourni aucune raison sérieuse permettant de retenir que compte tenu de sa situation personnelle et compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale, le Kosovo, inscrit sur la liste des pays d’origine sûr conformément au règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, ne constitue pas un pays d’origine sûr dans son chef, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les moyens fondés sur l’article 27 (1) a) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen devenant surabondant.
S’agissant ensuite du recours dirigé contre le refus du ministre d’accorder au demandeur une protection internationale, le soussigné relève qu’aux termes de l’article 2 b) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci -
avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.
Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.
Force est de constater que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire est la preuve, à rapporter par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à lui fournir une protection.
Or, le soussigné vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse de la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, qu’il n’est manifestement pas établi en l’espèce que les autorités kosovares seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas fournir au demandeur une protection appropriée. Dès lors, dans la mesure où, dans le cadre du présent recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de refus d’octroi d’un statut de protection internationale, le soussigné ne s’est pas vu soumettre d’élément permettant d’énerver cette conclusion – l’argumentation non autrement étayée du demandeur selon laquelle « (…) les [A]lbanais représente[raient] 90 % de la population[, de sorte que] (…) leur influence sur la vie quotidienne de [celle-ci] reste[rait] sans doute importante, surtout (…) dans un pays où les institutions étatiques reste[raient] en défaut d’assurer une protection adéquate de la minorité à cause de la corruption (…) » étant manifestement insuffisante à cet égard –, les faits invoqués par Monsieur … à l’appui de sa demande de protection internationale ne sauraient manifestement justifier ni l’octroi du statut de réfugié, ni l’octroi de la protection subsidiaire.
Dans ces circonstances, le soussigné retient que le recours sous examen est à déclarer manifestement infondé et que le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.
Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, le soussigné relève qu’aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où le soussigné vient de retenir que le recours dirigé contre la décision ministérielle de refus d’une protection internationale est manifestement infondé et que c’est partant à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, ladite décision a, a priori, valablement pu être assortie d’un ordre de quitter le territoire.
Le demandeur soutient encore que l’ordre de quitter le territoire devrait encourir la réformation, au motif qu’il violerait l’article 3 de la CEDH.
Il convient de rappeler que si l’article 3 de la CEDH proscrit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, encore faut-il que le risque de subir des souffrances mentales ou physiques présente une certaine intensité.
En effet, si une mesure d’éloignement – tel qu’en l’espèce consécutive à l’expiration du délai imposé au demandeur pour quitter le Luxembourg – relève de la CEDH dans la mesure où son exécution risquerait de porter atteinte aux droits inscrits à l’article 3, ce n’est cependant pas la nature de la mesure d’éloignement qui pose un problème de conformité à la CEDH, spécialement à l’article 3, mais ce sont les effets de la mesure en ce qu’elle est susceptible de porter atteinte aux droits que l’article 3 garantit à toute personne. C’est l’effectivité de la protection requise par l’article 3 qui interdit aux Etats parties à la CEDH d’accomplir un acte qui aurait pour résultat direct d’exposer quelqu’un à des mauvais traitements prohibés. S’il n’existe pas, dans l’absolu, un droit à ne pas être éloigné, il existe un droit à ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, de sorte et a fortiori qu’il existe un droit à ne pas être éloigné quand une mesure aurait pour conséquence d’exposer à la torture ou à une peine ou des traitements inhumains ou dégradants.
Cependant, dans ce type d’affaires, la Cour européenne des droits de l’Homme soumet à un examen rigoureux toutes les circonstances de l’affaire, notamment la situation personnelle du requérant dans l’Etat qui est en train de mettre en œuvre la mesure d’éloignement. La Cour européenne des droits de l’Homme recherche donc s’il existait un risque réel que le renvoi du requérant soit contraire aux règles de l’article 3 de la CEDH. Pour cela, la Cour évalue ce risque notamment à la lumière des éléments dont elle dispose au moment où elle examine l’affaire et des informations les plus récentes concernant la situation personnelle du requérant.
Le soussigné procède donc à la même analyse de l’affaire sous examen.
En l’espèce, le demandeur n’a manifestement pas fait état d’une crainte fondée d’être persécuté, ni d’un risque réel de subir des atteintes graves, tel que retenu ci-avant dans le cadre de l’examen du recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant refus de sa demande de protection internationale. Dès lors, compte tenu du seuil élevé fixé par l’article 3 de la CEDH,7 le soussigné est amené à retenir qu’il n’existe manifestement pas de risque suffisamment réel pour que le renvoi du demandeur dans son pays d’origine soit dans ces circonstances incompatible avec l’article 3 de la CEDH. Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter.
Il en est de même en ce qui concerne l’argumentation, non autrement étayée en fait et en droit, du demandeur selon laquelle l’ordre de quitter le territoire « (…) constituerait sans doute une violation des instruments juridiques [visés à l’article 30 (2) de la loi du 18 décembre 2015] (…) », étant précisé, dans ce contexte, qu’il n’appartient pas au soussigné de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.
7 CedH, arrêt Lorsé et autres c/ Pays-Bas, 4 février 2004, § 59.
Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.
Par ces motifs, le juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 13 mai 2016 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;
au fond, déclare le recours dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;
déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 juin 2016, à 17.00 heures, par le soussigné, Daniel Weber, juge au tribunal administratif, en présence du greffier Goreti Pinto.
s. Goreti Pinto s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 27 juin 2016 Le greffier du tribunal administratif 11