La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2016 | LUXEMBOURG | N°35997

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 juin 2016, 35997


Tribunal administratif N° 35997 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 mars 2015 2e chambre Audience publique du 27 juin 2016 Recours formé par Madame …, … (D) contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, en présence de la … en matière de discipline

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35997 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 mars 2015 par Maître Fernando A. Dias Sobral, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, …, demeuran

t à D-…., tendant, d’une part, principalement à la réformation, sinon subsidiairement à ...

Tribunal administratif N° 35997 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 mars 2015 2e chambre Audience publique du 27 juin 2016 Recours formé par Madame …, … (D) contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, en présence de la … en matière de discipline

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35997 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 mars 2015 par Maître Fernando A. Dias Sobral, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, …, demeurant à D-…., tendant, d’une part, principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat redue le 9 décembre 2014, ayant prononcé à son encontre la peine disciplinaire de de l’amende d’un dixième d’une mensualité brute de son traitement de base et, d’autre part, à voir : « déclarer nulle l’instruction menée contre la requérante par la Commissaire du Gouvernement (…) ;

déclarer nulles les décisions des 14 fév. 2012 et du 14 mars 2012 prises par la Commissaire du Gouvernement (…) » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Michèle Wantz, agissant en remplacement de l’huissier de justice Tom Nilles, les deux demeurant à Esch-sur-Alzette, du 13 mars 2015, portant signification de ladite requête à l’établissement public …, inscrit au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représenté par sa direction actuellement en fonctions et établi et ayant son siège social à L-… ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mars 2015 par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la …, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 3 juin 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Albert Rodesch, au nom de la … ;

Vu le mémoire en réplique, intitulé « mémoire en réponse » de Maître Fernando A.

Dias Sobral déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juillet 2015 pour le compte de Madame … ;

Vu le mémoire en duplique déposé le 25 septembre 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Albert Rodesch, au nom de la … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Antonio Raffa, en remplacement de Maître Fernando A. Dias Sobral, et Maître Patricia Sondhi en remplacement de Maître Albert Rodesch en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 mars 2016.

Madame … occupant la fonction de conseiller de direction auprès de la …, désignée ci-

après par « la … », entra au service de l’Etat le 1er juillet 2002 et obtint sa nomination définitive le 1er juillet 2003.

En date du 16 juillet 2012 la … saisit le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire en application de l’article 56, paragraphe 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, désignée ci-après par « la loi du 16 avril 1979 » et de l’article 14 (2) de la loi modifiée du 23 décembre 1998 portant création d’une …, désignée ci-après par « la loi du 23 décembre 1998 », afin de procéder à une instruction disciplinaire à l’encontre de Madame ….

Le commissaire de gouvernement dressa son rapport d’instruction le 14 février 2014, suivi le 10 mars 2014 d’un rapport d’instruction complémentaire.

Par décision rendue le 9 décembre 2014, le Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, siégeant en audience publique prononça à l’égard de Madame … la sanction prévue à l'article 47, paragraphe 3 de la loi du 16 avril 1979, à savoir la sanction de l'amende d'un dixième d'une mensualité brute de son traitement de base. Cette décision est notamment fondée sur les motifs et considérations suivantes :

« (…) Deux fautes disciplinaires sont partant établies à charge de …, à savoir, d'une part, d'être partie à l'étranger le 24 mai 2012, alors qu'elle était en arrêt de maladie sans autorisation de sortie, et, d'autre part, au vu du refus de son employeur de lui accorder un congé exceptionnel pour le 25 mai 2012, d'avoir produit un nouveau certificat de maladie fallacieux pour cette date.

Ces faits non contestés, constituent les manquements suivants :

à l'article 9, paragraphe 1 du statut qui tient le fonctionnaire de se conformer consciencieusement aux lois et règlements qui déterminent les devoirs que l'exercice de ses fonctions lui impose et en l'occurrence de se conformer aux dispositions des articles 18, 20, 21, 22 et 23 du règlement grand-ducal du 3 février 2012 fixant le régime des congés des fonctionnaires et employés de 1'Etat en application desquels s'expose à une peine disciplinaire tout agent convaincu :

° d'avoir simulé une incapacité de travail ou d'avoir fait prolonger son congé pour raisons de santé alors que sa santé était rétablie ;

° de ne pas avoir repris son service dès que son état de santé le lui permettait ;

° d'avoir enfreint les dispositions de l'article 22 de ce même règlement qui dispose que l'agent mis en congé pour raisons de santé ne peut s'absenter de son domicile que pendant les heures de sortie autorisées par le médecin traitant, à moins que la sortie ne soit rendue nécessaire par une consultation médicale, un traitement médical ou un traitement hospitalier à l'article 10, paragraphe 1, alinéa 1, du statut général, en vertu duquel le fonctionnaire doit, dans l'exercice comme en dehors de l'exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public.

Le représentant de la … a souligné la gravité des faits.

Aux termes de l'article 53 du Statut, l'application des sanctions se règle notamment d'après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé. Elles peuvent être appliquées cumulativement.

… est agent de la … classé au grade 15, échelon 11. Elle est entrée en service le 1er juillet 2002 et tient sa nomination définitive du 1er juillet 2003. Aucun antécédent disciplinaire formel n'est consigné dans son dossier.

Le Conseil considère qu'il résulte des éléments d'appréciation du dossier d'instruction ainsi que de l'attitude de … qu'il y a lieu de prononcer à son égard la sanction disciplinaire prévue à l'article 47§3 du Statut, (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 mars 2015, Madame … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 9 décembre 2014 prononçant à son égard la sanction de l'amende d'un dixième d'une mensualité brute de son traitement de base et tendant, selon le dispositif de ladite requête à voir :

« déclarer nulle l’instruction menée contre la requérante par la Commissaire du Gouvernement (…) ; déclarer nulles les décisions des 14 fév. 2012 et du 14 mars 2012 prises par la Commissaire du Gouvernement (…) ».

Quant à la recevabilité du mémoire en réplique Dans le cadre de son mémoire en duplique, la … se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du mémoire en réplique de la demanderesse au motif que ledit mémoire aurait été déposé au greffe du tribunal administratif de manière tardive et plus précisément au-delà du délai d’un mois à compter du dépôt au greffe du tribunal administratif du mémoire en réponse.

Aux termes de l’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives : « (…) (5) Le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse, la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois.

(6) Les délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre. (…) » Il suit de cette disposition que le point de départ pour le mémoire en réplique étant la communication de la réponse à la partie défenderesse, c'est à partir de la réception du mémoire en réponse par cette dernière que court le délai de fourniture de la réplique1.

Il est constant en l’espèce, et d’ailleurs confirmé par la … dans le cadre de son mémoire en duplique, que la … a communiqué son mémoire en réponse à la demanderesse en date du 16 juin 2015. Dès lors, et indépendamment du fait que la … avait d’ores et déjà 1 Cour adm. 18 mai 2006, n° 21112C du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure contentieuse, n°716 et autres références y citées.

procédé au dépôt de son mémoire en réponse au greffe du tribunal administratif en date du 3 juin 2015, le mémoire en réplique déposé en cause par la demanderesse le 15 juillet 2015 a été déposé dans le délai légal d’un mois à compter de la communication du mémoire en réponse, de sorte que ledit mémoire en réplique n’est pas à écarter des débats.

Quant à la compétence du tribunal administratif et à la recevabilité du recours Aux termes de l’article 54, paragraphe 2, de la loi du 16 avril 1979 : « En dehors des cas où le Conseil de discipline statue en appel, le fonctionnaire frappé d'une sanction disciplinaire prononcée par le Conseil de discipline ou suspendu conformément à l'article 48, paragraphe 1er, peut, dans les trois mois de la notification de la décision, prendre recours au Tribunal administratif qui statue comme juge du fond. (…) ».

Madame … ayant été frappée d’une sanction disciplinaire prononcée par le Conseil de discipline en dehors des cas où celui-ci statue en appel, seul un recours en réformation a pu être introduit en l’espèce.

Tant dans le cadre du corps que du dispositif de sa requête introductive d’instance, Madame … demande à voir déclarer nulle l’instruction menée par le commissaire de gouvernement et plus précisément ses courriers des 14 février et 10 mars 2014, qu’elle qualifie de décisions, au motif d’une violation des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953, désignée ci-après par « la CEDH », et du principe du contradictoire ainsi qu’au motif d’un défaut d’impartialité objective et subjective du commissaire de gouvernement. A ce titre, le tribunal est amené à préciser que l’article 54, paragraphe 2 de la loi du 16 avril 1979 attribue compétence au tribunal administratif pour connaître uniquement des décisions du conseil de discipline, ne statuant pas en appel. Aucune disposition légale n’attribue compétence aux juridictions administratives pour connaître d’un recours en annulation contre des actes rendus par le commissaire de gouvernement au cours de la phase de l’instruction disciplinaire. D’ailleurs, les décisions que le commissaire de gouvernement est amené à prendre au niveau de l’instruction disciplinaire, constituent des actes purement préparatoires par rapport à la décision que le conseil de discipline sera, le cas échéant, amené à prendre dans le cadre de ses attributions2.

Il s’ensuit que le volet du recours tendant à voir « déclarer nulle l’instruction menée contre la requérante par la Commissaire du Gouvernement (…) ; déclarer nulles les décisions des 14 fév. 2012 et du 14 mars 2012 prises par la Commissaire du Gouvernement (…) », et tendant en substance à l’annulation de l’instruction disciplinaire menée par le commissaire de gouvernement et des décisions du commissaire de gouvernement des 14 février et 10 mars 2014, est irrecevable.

En revanche, le tribunal est compétent pour connaître du volet du recours en réformation introduit en ordre principal et visant la décision du conseil de discipline du 9 décembre 2014, lequel recours est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

2 trib. adm 21 décembre 2005, n°19981 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Actes administratifs, n°116.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Quant au fond Quand au fond, la demanderesse fait valoir en premier lieu différentes irrégularités au niveau de la procédure d’instruction. Ainsi, tel que précisé ci-avant, elle invoque à l’appui de son recours la nullité des courriers du commissaire de gouvernement des 14 février et 10 mars 2014 au motif d’une violation des articles 6 et 8 CEDH et du principe du contradictoire ainsi qu’au motif d’un défaut d’impartialité objective et subjective du commissaire de gouvernement. A cet égard, le tribunal rappelle qu’il vient de retenir qu’il n’est pas compétent pour connaître du volet du recours sous examen tendant à l’annulation des actes accomplis par le commissaire de gouvernement dans le cadre de la procédure d’instruction. Toujours est-il que la régularité des actes accomplis par le commissaire de gouvernement au niveau de la procédure d’instruction peut affecter la légalité externe de la décision du conseil de discipline.

Dès lors, le tribunal procèdera à l’analyse des moyens de la demanderesse tendant à l’annulation des courriers du commissaire de gouvernement des 14 février et 10 mars 2014 dans le contexte de l’examen de la légalité externe de la décision déférée du conseil de discipline.

 La demanderesse reproche en premier lieu au commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire d’avoir commis une violation du principe du contradictoire au regard de l'article 6 paragraphe 1er de la CEDH, au motif que dans son courrier du 14 février 2014 il l’aurait informée qu’il aurait décidé de transmettre le dossier au Conseil de discipline pour attribution, de sorte qu’il aurait d’ores et déjà pris sa décision, sans avoir attendu au moins les dix jours prévus à l’article 56, paragraphe 4 de la loi du 16 avril 1979 dans lesquels l’intéressé peut prendre connaissance du dossier d’instruction, présenter ses observations et les cas échéant demander un complément d’instruction. Cette disposition viserait, en effet, à garantir pour le fonctionnaire faisant l'objet de l'instruction le droit au respect du principe du contradictoire, le droit d'exercer ses droits de défense et le droit de participer à l'élaboration de la décision le concernant. D’ailleurs, « l’indication numérologique, ordonnée, logique et cohérente de ces dispositions » interdirait au commissaire du gouvernement de prendre la décision de saisir le conseil disciplinaire avant l'expiration du délai de dix jours, pendant lequel le fonctionnaire accusé peut présenter ses observations et demander un complément d'instruction.

La … conclut au rejet de ce moyen.

En ce qui concerne tout d’abord l’affirmation de la demanderesse non autrement étayée en fait et en droit, selon laquelle le fait pour le commissaire de gouvernement d’indiquer dans le cadre de son courrier du 14 février 2014 qu’il aurait décidé de transmettre le dossier au Conseil de discipline constituerait une violation de l’article 6 CEDH, il convient de retenir qu’un tel moyen, à défaut de toute précision, n’est pas de nature à énerver la régularité de la décision litigieuse. En effet, des moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, ne sont pas à prendre en considération par le tribunal, étant donné qu’il n'appartient pas à ce dernier de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le moyen.

Pour autant que la demanderesse ait visé une violation de l’article 56, paragraphe 4 de la loi du 16 avril 1979, il y a d’abord lieu de préciser que ledit article dispose que : « Le fonctionnaire a le droit de prendre inspection du dossier dès que l’instruction est terminée, conformément aux dispositions de la loi du 1erdécembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse et du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Dans les dix jours, le fonctionnaire peut présenter ses observations et demander un complément d’instruction. Le commissaire du Gouvernement décide s’il y a lieu de donner suite à cette demande. ».

En l’espèce, le tribunal est amené à constater au regard des pièces lui soumises que, par courrier du 14 février 2014 le commissaire de gouvernement a informé la demanderesse de la clôture de l’instruction ainsi que de la possibilité de consulter le dossier et de présenter ses observations conformément à l’article 56, paragraphe 4 de la loi du 16 avril 1979, tandis que, par courrier du 10 mars 2014, le commissaire de gouvernement a informé la demanderesse de sa décision de transmettre le dossier au conseil de discipline.

Si la demanderesse tente de jouer sur les mots et de déduire une violation du principe du contradictoire et de l’article 56, paragraphe 4 de la loi du 16 avril 1979, d’une formulation malencontreuse du commissaire de gouvernement contenue dans son courrier du 14 février 2014 par laquelle il l’informa qu’il aurait décidé de transmettre le dossier au Conseil de discipline, et pouvant, a fortiori, laisser sous-entendre qu’il aurait d’ores et déjà pris une décision au sujet dudit dossier, le tribunal ne saurait suivre ce raisonnement. En effet, dans le cadre dudit courrier du 14 février 2014, le commissaire de gouvernement indique certes qu’il aurait décidé de transmettre le dossier au Conseil de discipline, il continue pourtant en informant la demanderesse de son droit de consulter le dossier ainsi que de prendre position par rapport au dossier et de demander, le cas échéant, un complément d’instruction. Il ressort, par ailleurs, des pièces déposées en cause que la demanderesse a transmis ses observations relatives au dossier d’instruction disciplinaire au commissaire de gouvernement par courrier du 27 février 2014, courrier par lequel elle a notamment sollicité un complément d’instruction en proposant de procéder à l’audition de différentes personnes en vue d’établir certains faits.

Suite audit courrier de la demanderesse du 27 février 2014, le commissaire de gouvernement, d’une part, s’est adressé par courrier du 28 février 2014 à Monsieur Fernando Dias Sobral pour l’inviter à déposer une attestation testimoniale et, d’autre part, est intervenu auprès du médecin de contrôle afin de recevoir certaines précisions. Force est dès lors de constater que le commissaire de gouvernement a procédé à un complément d’instruction suite à la prise de position de la demanderesse du 27 février 2014.

Il suit des considérations qui précèdent, premièrement, que le principe du contradictoire a amplement été respecté, dans la mesure où la demanderesse a pu prendre connaissance du dossier d’instruction et a pu déclencher un complément d’instruction, de sorte qu’elle a pu contribuer à l’élaboration de la décision à intervenir et, deuxièmement, qu’en date du 14 février 2014 le commissaire de gouvernement n’avait pas encore pris de décision au sujet du dossier de la demanderesse et que partant son courrier du 14 février 2014 adressé à la demanderesse ne constituait que l’information relative à la clôture de l’instruction et relative à ses droits au sens de l’article 56, paragraphe 4 de la loi du 16 avril 1979. En effet, ce n’est que par courrier du 10 mars 2014, que le commissaire de gouvernement a informé la demanderesse de sa décision de transmettre le dossier au conseil de discipline. Il ressort, d’ailleurs, à cet égard des pièces soumises au tribunal et, notamment, de la décision déférée elle-même que le dossier n’a été transmis pour attribution au conseil de discipline que par courrier du 10 mars 2014 et non point antérieurement.

Eu égard à l’ensemble des éléments qui précèdent aucune violation du principe du contradictoire ou encore de l’article 56, paragraphe 4 de la loi du 16 avril 1979 ne peut être constatée, de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

 La demanderesse argumente ensuite que dans le cadre de sa plaidoirie devant le conseil de discipline elle aurait fait valoir qu’en saisissant le conseil de discipline par courrier du 14 février 2014, qu’elle qualifie de décision, le commissaire de gouvernement n’aurait pas respecté l’article 56, paragraphe 4 de la loi du 16 avril 1979, de sorte que ladite décision devrait encourir l’annulation. La demanderesse invoque le même moyen dans le cadre du recours sous examen en soulevant à son appui soulève que le commissaire de gouvernement n’aurait pas pu décider du renvoi de l’affaire au conseil de discipline avant de l’avoir informé de la clôture de l’instruction, respectivement de ses droits.

Dans le même ordre d’idées, la demanderesse expose que le commissaire de gouvernement aurait été dessaisi par le fait de son courrier du 14 février 2014 décidant du renvoi au conseil de discipline, de sorte qu’il n’aurait plus été compétent pour prendre ultérieurement une seconde décision de saisine. Elle conclut que la décision du 10 mars 2014, qu’elle qualifie de nouvelle décision de saisine du conseil de discipline, devrait à son tour encourir l’annulation.

La … répond que le conseil de discipline n’aurait été saisi qu’en date du 10 mars 2014 et conclut au rejet du moyen afférent.

Le tribunal, venant de retenir que le volet du recours tendant à l’annulation des actes accomplis par le commissaire de gouvernement dans le cadre de la procédure d’instruction est irrecevable, procèdera à l’analyse de ce moyen dans le contexte de la légalité externe de la décision déférée du conseil de discipline.

Dans le cadre de l’examen du moyen de la demanderesse ayant trait à une violation de l’article 6 CEDH et de l’article 56, paragraphe 4 de la loi du 16 avril 1979, le tribunal vient de retenir, d’une part, que le courrier du 14 février 2014 adressé par le commissaire de gouvernement à la demanderesse, s’analyse, malgré une formulation malencontreuse, en courrier informant la demanderesse de la clôture de l’instruction disciplinaire, ainsi que de ses droits de consulter le dossier de l’instruction, de transmettre ses observations et de demander un complément d’instruction et, d’autre part, que la saisine du conseil de discipline ne s’est opérée qu’en date du 10 mars 2014. Il y a partant lieu de rejeter le moyen de la demanderesse - faisant valoir que le courrier du 14 février 2014 aurait constitué une décision de renvoi au conseil de discipline ayant opéré un dessaisissement du commissaire de gouvernement et que le courrier du 10 mars 2014 aurait constitué une deuxième décision de renvoi – pour n’être fondé ni en fait ni en droit.

 La demanderesse invoque ensuite un défaut d’impartialité objective dans le chef du commissaire de gouvernement au regard de l’article 6 de la CEDH. Elle soutient dans ce contexte que, contrairement à ce qu’aurait retenu la Cour administrative dans un arrêt prononcé le 10 mai 2011, inscrit sous le numéro 27528C du rôle, aux termes de l'article 56, paragraphe 5 de la loi du 16 avril 1979, le commissaire du gouvernement disposerait une fois l'instruction terminée, de quatre options et non pas de trois.

Ainsi, l'article 56, paragraphe 5a) de la loi du 16 avril 1979 prévoirait que le commissaire de gouvernement classe l'affaire 1) lorsqu'il résulte de l'instruction que le fonctionnaire n'a pas manqué à ses devoirs, 2) ou que le commissaire de gouvernement estime que l'application d'une sanction n'est pas indiquée. La deuxième partie de l'alinéa a) de l’article 56, paragraphe 5 de la loi du 16 avril 1979 prévoirait clairement que le commissaire du gouvernement pourrait exempter le fonctionnaire, ayant manqué à ses devoirs, de l'application d'une sanction. La demanderesse estime que l'application de ce pouvoir discrétionnaire et totalement subjectif attribuerait au commissaire du gouvernement la compétence pour prendre des « décisions dirimantes » contre le fonctionnaire. Elle affirme, ainsi, que le fait de ne pas exempter un fonctionnaire d'une sanction, comme en l'espèce, constituerait implicitement mais manifestement, une « décision dirimante » prise en défaveur de ce même fonctionnaire. La demanderesse fait encore valoir que l'exclusion par le commissaire du gouvernement de l'application de l'alinéa 56, paragraphe 5 b) de la loi du 16 avril 1979 sur base de son appréciation purement subjective, portant notamment sur la gravité de la faute, notion à son tour hautement subjective, pourrait à son tour être qualifiée de prise implicite de « décision dirimante » contre le fonctionnaire. D’ailleurs, le pouvoir de juger et de décider si des violations des devoirs ou obligations du fonctionnaire seraient uniquement susceptibles des trois premières sanctions du catalogue, renvoyant au ministre du ressort pour son application, ferait du Commissaire du gouvernement un juge, mais un juge n’offrant pas les garanties exigées par l'article 6 de la CEDH.

La demanderesse reproche encore une partialité subjective au commissaire de gouvernement, reproche qu’elle fonde sur quatre motifs.

En premier lieu, elle insiste sur le fait que l'obligation d'impartialité à laquelle le commissaire de gouvernement est soumis s'opposerait à ce qu’il prenne la décision de transmettre le dossier au conseil de disciplinaire avant d'attendre et d'analyser les observations présentées par le fonctionnaire poursuivi, respectivement d'attendre que ce dernier sollicite, le cas échéant, des mesures additionnels d'instruction. La demanderesse explique qu’en l’espèce, le commissaire de gouvernement n’aurait pas parlé dans son courrier du 14 février 2014 d'un projet de décision et n’aurait pas indiqué qu’il envisage de saisir le conseil disciplinaire. Il aurait, en revanche, indiqué expressément dans son courrier du 14 février 2014 qu’il aurait décidé de transmettre le dossier au Conseil de discipline pour attribution. La demanderesse souligne que dans son second courrier du 10 mars 2014, le commissaire de gouvernement aurait reproduit textuellement la formule utilisée dans sa décision du 14 février 2014.

En second lieu, la demanderesse reproche au commissaire de gouvernement de s’être autosaisi de faits qui n’auraient pas fait l’objet de la communication de la …. Elle affirme à cet égard qu’ « en outre, son défaut d'impartialité est manifeste alors que nonobstant le fait que la thèse fantaisiste sur le domicile ait été totalement contredite par les observations transmises, basées spécialement sur les éléments objectifs du dossier, la Commissaire du gouvernement n'abandonne pas, ou moins expressément, ces nouveaux chefs d'accusation relatifs au domicile, de sorte que la partie requérante ne savait/sait pas si elle devait/doit préparer sa défense par rapport à ces accusations fantaisistes, ».

Quant aux faits dont le commissaire de gouvernement se serait autosaisi, la demanderesse fait valoir que dans la lettre de saisine du commissaire de gouvernement du 16 juillet 2012, la … aurait indiqué que « Madame … est fortement présumée avoir manqué à ses obligations statutaires et réglementaires pour :

-ne pas s'être conformé aux ordres de service de ses supérieures hiérarchiques, -s'être absenté de son domicile contrairement aux indications de son médecin traitant et avoir pris l'avion pour l'étranger le soir même du 24 mai 2012 (incompatible avec les certificats médicaux d'incapacité de travail) ».

Or, dans son rapport d'instruction le commissaire de gouvernement aurait reproché, en plus des faits énoncés par la …, à la demanderesse :

« -D'avoir simulé une incapacité de travail ou d'avoir fait prolonger son congé pour raisons de santé alors que sa santé était rétablie, -De ne pas avoir repris son service dés que son état de santé le lui permettait -d'avoir enfreint les dispositions de l'article 22 de ce même règlement qui dispose que l'agent mis en congé pour raisons de santé ne peut s'absenter de son domicile que pendant les heurs de sortie autorisées par le médecin traitant, à moins que la sortie ne soit rend ue nécessaire pour une consultation médicale, un traitement médical, ou un traitement hospitalier, -De l'article 10 du paragraphe 1 du Statut qui tient le fonctionnaire, dans l'exercice de se fonctions, d'éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à sa capacité d'exercer ses fonctions, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public, respectivement qui le tient de se comporter avec dignité et civilité dans les rapports avec ses supérieures et collègues, -De l'article 12 du paragraphe 1 du Statut qui interdit au fonctionnaire de s'absenter de son service sans autorisation -De l'article 13 du Statut qui tient le fonctionnaire de résider à un lieu qui se situe à une distance de son lieu de travail ne l'empêchant pas d'accomplir ses fonctions normalement, (…) » En troisième lieu, la demanderesse reproche au commissaire de gouvernement, outre de s’être autosaisi de trois nouveaux chefs d'accusation, qui ne n’auraient pas figuré dans l'acte de saisine envoyée par la …, de ne pas avoir entendu la fonctionnaire sur ces nouveaux chefs d'accusation avant de prendre la décision de saisir le conseil de discipline. Or, le droit d'être entendu sur les faits reprochés serait un droit essentiel du fonctionnaire, qui ne saurait être suppléé par le droit de présenter des observations après l'instruction. En ajoutant irrégulièrement des infractions desquelles il n’aurait pas été saisi, le commissaire de gouvernement aurait aggravé son appréciation de la gravité des faits et de la faute et aurait privé la demanderesse d'un renvoi devant le ministre du ressort.

Enfin, en quatrième lieu, la demanderesse reproche au commissaire de gouvernement d’avoir retenu, en dépit des « explications fournies et éléments de preuve apportés dans les observations », qu’elle aurait une résidence au Portugal. Elle affirme dans ce contexte que :

« la Commissaire du gouvernement a maintenu contre vents et marées, en tout cas de manière totalement arbitraire et dépourvu du sens de l'impartialité, ces nouvelles accusations fantaisistes sur le domicile », tout en soutenant que « compte tenu de sa décision initiale du 14 fév. 2014, la Commissaire du gouvernement n'avait plus ni l'impartialité ni l'humilité nécessaire, pour révoquer et modifier substantiellement sa décision et revenir en arrière. ».

La … conclut au rejet du moyen tiré d’une partialité objective et subjective du commissaire de gouvernement en insistant sur le fait que le commissaire de gouvernement n’aurait pas de compétence juridictionnelle et ne serait pas un juge. Elle ajoute que le commissaire de gouvernement aurait exercé sa mission conformément aux dispositions de l’article 56, paragraphes 2 et 4 de la loi du 16 avril 1979 en rassemblant tous les éléments à charge et à décharge de la demanderesse et en l’informant de la clôture de l’instruction, respectivement de ses droits.

Tout d’abord, en ce qui concerne la question de l’applicabilité de l’article 6, paragraphe 1er de la CEDH, aux termes duquel « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle […] », force est de constater que la procédure disciplinaire qui est critiquée en l’espèce par la demanderesse au regard des impératifs découlant de l’article 6 de la CEDH ne constitue qu’une étape d’un processus décisionnel et ne revêt pas en elle-même un caractère juridictionnel, mais a une nature purement administrative.

Si l’article 6, précité, impose certes des impératifs à respecter en matière de procès équitable, les garanties afférentes n’ont néanmoins pas pour autant vocation à s’appliquer au niveau d’une procédure disciplinaire purement administrative, en ce qu’elles n’entrent en ligne de compte qu’à un stade ultérieur, au niveau de l’instance juridictionnelle compétente pour connaître du recours dirigé contre la décision administrative traduisant l’aboutissement de ladite procédure disciplinaire.

Il s’ensuit que les moyens avancés par Madame …, en ce qu’ils sont basés sur une violation alléguée de l’article 6 de la CEDH au niveau de la procédure disciplinaire administrative ayant précédé la décision déférée sous examen, laissent d’être fondés.

Or, même si l’autorité administrative n’est pas formellement soumise au respect de l’article 6 de la CEDH, elle est néanmoins tenue d’observer les principes généraux du droit, tels que le principe d’équitable procédure, le principe du respect des droits de la défense ou encore le principe général d’impartialité, et ce même en l’absence d’un texte exprès3.

A cet égard, il échet d’une manière générale d’assurer que l’enquête disciplinaire soit conduite par une personne compétente à condition que son impartialité ne soit pas contestable.

Ainsi, à part le fait que l’organe enquêteur chargé de l’enquête disciplinaire doit être impartial d’un point de vue subjectif, en ce qu’il ne doit pas avoir procédé à des prises de position antérieures de nature à préjuger du résultat de la procédure disciplinaire, il est exigé que, d’un point de vue objectif, ledit enquêteur ne puisse pas être soupçonné de partialité objective, la partialité objective pouvant découler de conditions structurelles ou organisationnelles qui autoriseraient à suspecter l’impartialité d’un organe. Il en est de même de l’autorité amenée à prendre la décision sur la sanction à appliquer.

Quant au reproche d’une partialité objective du commissaire du gouvernement, il convient de relever que, d’après les dispositions de la loi du 16 avril 1979, le commissaire du gouvernement est essentiellement un organe d’instruction procédant à charge et à décharge qui, à la fin de l’instruction, peut prendre une triple décision suivant les options posées par l’article 56 paragraphe 5 de la loi du 16 avril 1979, consistant soit à classer l’affaire, soit à transmettre le dossier au ministre lorsqu’il estime que les faits établis par l’instruction constituent des manquements mineurs à sanctionner par les peines du bas de l’échelle y énoncées, soit encore à transférer le dossier au Conseil de discipline lorsqu’il estime que les 3 trib. adm. 12 mars 2008, n°21852a du rôle, Pas. adm. 2015, V° Fonction publique, n°213 et autres références y citées ainsi que les numéros suivants.

mêmes faits établis par l’instruction constituent des manquements devant être sanctionnés par des sanctions plus sévères.

A cet égard, il convient de préciser que, contrairement aux affirmations de la demanderesse, le commissaire de gouvernement dispose bien de trois options et non point de quatre options une fois l’instruction terminée. La demanderesse tente en effet d’établir de manière théorique que le commissaire de gouvernement disposerait de quatre options, à savoir : premièrement, classer l’affaire puisque le fonctionnaire n’a pas manqué à ses devoirs, deuxièmement, classer l’affaire, puisque l’application d’une sanction n’est pas indiquée, troisièmement, transmettre le dossier au ministre du ressort et, enfin, quatrièmement, transmettre le dossier au conseil de discipline. La demanderesse estime partant que deux options de classement seraient ouvertes au commissaire de gouvernement. Le tribunal constate cependant, de prime abord que l’article 56, paragraphe 5, a) de la loi du 16 avril 1979 énumère expressément trois cas de figure s’offrant au commissaire de gouvernement une fois l’instruction clôturée. Par ailleurs, il est vrai que le commissaire de gouvernement peut, en application de l’article 56, paragraphe 5, a) de la loi du 16 avril 1979 procéder au classement de l’affaire soit s’il résulte de l’instruction que le fonctionnaire n’a pas manqué à ses devoirs, soit s’il estime que l’application d’une sanction n’est pas indiquée, toutefois, dans cette hypothèse, il n’y a qu’une seule option qui s’offre au commissaire de gouvernement, à savoir le classement de l’affaire, ce dernier pouvant, en effet, s’effectuer sur base de deux motifs différents. Or, les motifs gisant à la base du classement ne sont pas à confondre avec l’opération de classement elle-même.

Par ailleurs, en instruisant à charge et à décharge, d’un côté, et en jouant le rôle d’organe de classement, sinon de transmission à la fin de l’instruction, de l’autre côté, le commissaire de gouvernement ne prend pas de « décision dirimante » en défaveur du fonctionnaire soumis à l’instruction disciplinaire, seul le classement mettant fin à la procédure et les transmissions suivant les deux autres options de la loi laissant en principe pleine liberté de jugement aux organes de décision respectivement saisis. En effet, le fait que le rapport du commissaire du gouvernement clôture l'instruction disciplinaire menée à charge et à décharge du fonctionnaire et qu'il délimite les faits mis à sa charge ne saurait pas être considéré comme mettant en cause son impartialité, le commissaire du gouvernement n'étant pas, par la suite, appelé à intervenir dans la procédure disciplinaire, et notamment lors de la procédure devant le Conseil de discipline4.

Il s’ensuit que la tâche du commissaire du gouvernement, telle qu’organisée par la loi du 16 avril 1979, ne révèle pas une impartialité objective, de sorte que le moyen afférent est à rejeter comme non fondé.

Quant au reproche d’une impartialité subjective du commissaire du gouvernement adjoint, il convient de relever, comme retenu ci-avant, qu’en vertu de l’article 56 paragraphe 2 de la loi du 16 avril 1979, celui-ci instruit - à charge et à décharge - par rapport à des éléments susceptibles d’avoir une influence sur la mesure à prendre. Il ne lui appartient cependant pas de se prononcer sur la sanction à appliquer, sous réserve de l’appréciation de la gravité de la faute qu’il est amenée à faire sur le fondement de l’article 56 paragraphe 5 de la loi du 16 avril 1979 afin de prendre la décision de classer l’affaire, de saisir le ministre ou le Conseil de discipline. Dans ce contexte, parmi les circonstances susceptibles d’avoir une influence sur la 4 Trib. adm. 12 mars 2008, n° 21852a du rôle, Pas. adm. 2015, V° Fonction publique n°224 et autres références y citées.

sanction à prononcer, il lui appartient de relever la nature et le grade des fonctions ainsi que les antécédents du fonctionnaire.

Force est au tribunal de constater qu’il ne peut déceler, en l’espèce, aucun élément permettant de retenir une partialité subjective dans le chef du commissaire du gouvernement.

Ainsi, il se dégage, de manière générale, du rapport d’instruction que le commissaire du gouvernement a relevé à la fois l’historique et la nature des faits reprochés à la demanderesse de même que son attitude par rapport à ces faits, son ancienneté de service, ainsi que ses antécédents disciplinaires.

Plus particulièrement, il y a encore lieu de constater que si la demanderesse reproche au commissaire de gouvernement d’avoir par courrier du 14 février 2014 pris la décision de saisir le conseil de discipline avant même de l’avoir entendue en ses explications sur les faits lui reprochés, le tribunal rappelle qu’il vient de retenir que tel n’est pas le cas. Ainsi, le tribunal est arrivé à la conclusion que par courrier du 14 février 2014 le commissaire de gouvernement a informé la demanderesse de la clôture de l’instruction ainsi que de la possibilité de consulter le dossier et de présenter ses observations conformément à l’article 56, paragraphe 4 de la loi du 16 avril 1979. Ce n’est que par courrier du 10 mars 2014, que le commissaire de gouvernement a informé la demanderesse de sa décision de transmettre le dossier au conseil de discipline et ce n’est qu’à cette date que le dossier a été transmis au conseil de discipline. Le tribunal vient également de retenir que la demanderesse a consulté le dossier d’instruction, qu’elle a formulé ses observations y relatives par courrier du 27 février 2014 et qu’elle a sollicité un complément d’instruction, auquel le commissaire de gouvernement a réservé des suites. Il ne peut partant pas être reproché au commissaire de gouvernement d’avoir décidé de manière anticipée de la saisine du conseil de discipline et aucun défaut d’impartialité subjective ne peut lui être reproché dans ce contexte, dans la mesure où il n’a pas procédé à une prise de position antérieure de nature à préjuger du résultat de la procédure.

Si la demanderesse reproche encore au commissaire de gouvernement de s’être autosaisi de faits qui n’auraient pas fait l’objet de la lettre de saisine lui adressée par la … en date du 16 juillet 2012, il convient d’abord de délimiter la mission du commissaire de gouvernement. Cette dernière est notamment énoncée à l’article 56, paragraphe 2 de la loi du 16 avril 1979 comme suit :

« Lorsque des faits, faisant présumer que le fonctionnaire a manqué à ses devoirs, sont à sa connaissance, le ministre du ressort compétent au moment des faits saisit le commissaire du Gouvernement qui procède à l’instruction disciplinaire.

Dans le cadre de cette instruction, il rassemble tous les éléments à charge et à décharge du fonctionnaire susceptibles d’avoir une influence sur les mesures à prendre.

(…) ».

L’article 56, paragraphe 5 de la loi du 16 avril 1979 ajoute que :

« Lorsque l’instruction disciplinaire est terminée, le commissaire du Gouvernement prend une des décisions suivantes:

a) il classe l’affaire lorsqu’il résulte de l’instruction que le fonctionnaire n’a pas manqué à ses devoirs ou qu’il estime que l’application d’une sanction n’est pas indiquée;

b) il transmet le dossier au ministre du ressort lorsqu’il est d’avis que les faits établis par l’instruction constituent un manquement à sanctionner de l’avertissement, de la réprimande ou de l’amende ne dépassant pas le cinquième d’une mensualité brute du traitement de base;

c) il transmet le dossier au Conseil de discipline lorsqu’il estime que les faits établis par l’instruction constituent un manquement à réprimer par une sanction plus sévère que celles mentionnées sous b). (…) ».

Ainsi et en résumé, le commissaire de gouvernement est saisi de faits faisant présumer que le fonctionnaire a manqué à ses devoirs et par rapport auxquels il rassemble tous les éléments à charge et à décharge du fonctionnaire susceptibles d’avoir une influence sur les mesures à prendre. Tel que précisé ci-avant, le commissaire de gouvernement dispose de trois options une fois l’instruction terminée, à savoir le classement de l’affaire, le renvoi au ministre du ressort, ou encore, le renvoi au conseil de discipline.

Le commissaire de gouvernement est partant saisi de faits qu’il doit analyser de manière circonstanciée à charge et à décharge pour ensuite procéder à la qualification desdits faits, afin de pouvoir aboutir dans un rapport disciplinaire à l’une des trois conclusions qui lui sont ouvertes en application de l’article 56, paragraphe 5 de la loi du 16 avril 1979.

Eu égard aux documents lui soumis en l’espèce, le tribunal ne saurait constater aucun défaut d’impartialité subjective du commissaire de gouvernement dans l’exercice de sa mission. Si la demanderesse lui reproche de s’être autosaisi de faits, il échet de constater en premier lieu qu’elle reste en défaut de préciser la raison pour laquelle une auto-saisine de faits constituerait une partialité subjective du commissaire de gouvernement et en second lieu que la demanderesse opère une confusion entre les faits mêmes et la qualification desdits faits.

En effet, en l’espèce, les faits reprochés à la demanderesse et dont le commissaire de gouvernement a été saisi par courrier de la … en date du 16 juillet 2012 sont ceux qui se sont déroulés entre le 22 et le 25 mai 2012 et qui peuvent se résumer en substance comme (i) la demande de congé - refusée - de Madame … adressée par courrier électronique du 23 mai 2012 à son employeur, la …, en vue d’un congé pour les 25 et 29 mai 2012 - le 28 mai 2012 ayant été un jour férié - ; (ii) la transmission le 24 mai 2012 d’un certificat médical d’incapacité de travail certifiant une incapacité de travail pour le 25 mai 2012 ; (iii) le fait d’avoir été injoignable à son domicile le 25 mai 2012, alors même que le certificat d’incapacité de travail indiquait que la sortie était médicalement contre-indiquée et que le médecin de contrôle a retenu le 24 mai 2012 que les symptômes de Madame … ne justifiaient pas nécessairement une incapacité de travail d’autant plus qu’elle était décidée de prendre l’avion le 24 mai 2012 pour rejoindre ses enfants en bas âge au Portugal.

Il ressort du rapport d’instruction dressé le 14 février 2014 par le commissaire de gouvernement et soumis au tribunal que seuls les faits précités ont été pris en considération par le commissaire de gouvernement dans le cadre de son analyse et qu’il a rassemblé les éléments à charge et à décharge de Madame … par rapport à ces seuls faits.

Si la … a encore indiqué dans le cadre de son courrier du 16 juillet 2012 que :

« Madame … est fortement présumée avoir manqué à ses obligations statutaires et réglementaires pour :

-ne pas s'être conformé aux ordres de service de ses supérieures hiérarchiques, -s'être absenté de son domicile contrairement aux indications de son médecin traitant et avoir pris l'avion pour l'étranger le soir même du 24 mai 2012 (incompatible avec les certificats médicaux d'incapacité de travail) », force est au tribunal de constater que ces développements constituent une qualification des faits reprochés à Madame … et non point les faits eux-mêmes. Or, la mission du commissaire de gouvernement, telle que définie ci-avant, impose que ce dernier n’est pas lié par la qualification des faits reprochés, opérée par l’autorité de saisine, mais qu’il dispose d’un pouvoir discrétionnaire d’appréciation et de qualification des faits afin de pouvoir procéder en toute indépendance soit au classement de l’affaire, soit au renvoi au ministre de ressort, soit au renvoi au conseil de discipline.

Si dès lors le commissaire de gouvernement a retenu dans le cadre de son rapport d’instruction qu’il serait reproché à la demanderesse « -D'avoir simulé une incapacité de travail ou d'avoir fait prolonger son congé pour raisons de santé alors que sa santé était rétablie, -De ne pas avoir repris son service dés que son état de santé le lui permettait -d'avoir enfreint les dispositions de l'article 22 de ce même règlement qui dispose que l'agent mis en congé pour raisons de santé ne peut s'absenter de son domicile que pendant les heurs de sortie autorisées par le médecin traitant, à moins que la sortie ne soit rendue nécessaire pour une consultation médicale, un traitement médical, ou un traitement hospitalier, -De l'article 10 du paragraphe 1 du Statut qui tient le fonctionnaire, dans l'exercice de se fonctions, d'éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à sa capacité d'exercer ses fonctions, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public, respectivement qui le tient de se comporter avec dignité et civilité dans les rapports avec ses supérieures et collègues, -De l'article 12 du paragraphe 1 du Statut qui interdit au fonctionnaire de s'absenter de son service sans autorisation -De l'article 13 du Statut qui tient le fonctionnaire de résider à un lieu qui se situe à une distance de son lieu de travail ne l'empêchant pas d'accomplir ses fonctions normalement, (…) », il a procédé à une qualification des faits dont il a été saisi, sans pour autant avoir procédé à une auto-saisine de nouveaux faits qui ne lui auraient pas été déférés par la ….

L’argumentation de la demanderesse selon laquelle le commissaire de gouvernement aurait fait état d’une partialité subjective au motif qu’il se serait autosaisi de nouveaux faits, parmi lesquels elle inclut le reproche du commissaire de gouvernement de ne pas avoir son domicile à l’adresse qu’elle a indiqué à la …, est partant à rejeter pour ne pas être fondée.

Dans le même ordre d’idées, il y a lieu de rejeter le reproche de la demanderesse selon lequel elle n’aurait pas été entendue par le commissaire de gouvernement sur les nouveaux chefs d’accusation. En effet, tel que le tribunal vient de le retenir, le commissaire de gouvernement ne s’est pas autosaisi de nouveaux faits, mais il s’est limité à qualifier les faits dont il a valablement été saisi par la …. Par ailleurs, le tribunal vient de retenir que la demanderesse a pu consulter le dossier d’instruction et qu’elle a utilement pu y prendre position.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent et dans le mesure où il ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal que le commissaire de gouvernement aurait procédé à une prise de position antérieure de nature à préjuger du résultat de la procédure disciplinaire, ou encore qu’il aurait été guidé dans sa prise de décision par un préjugé négatif à l’égard de la demanderesse, le tribunal est amené à rejeter le moyen tiré d’une partialité objective et subjective du commissaire de gouvernement pour ne pas être fondé.

 La demanderesse fait ensuite valoir que l’article 56, paragraphe 5 a), b) et c) de la loi du 16 avril 1979 ne serait pas conforme à l’article 31 de la Constitution, selon lequel les fonctionnaires publics ne pourraient être privés de leurs fonctions, honneurs et pensions que de la manière déterminée par la loi. Elle affirme que la discipline des fonctionnaires serait une matière constitutionnellement protégée et réservée à la loi. Dans ce contexte elle se réfère encore à un arrêt de la Cour Constitutionnelle du 29 novembre 2013, inscrit sous le numéro 108/13, aux termes duquel : « Considérant que d'après l'article 32 paragraphe 3, de la Constitution, tel que résultant de la loi du 19 novembre 2004, dans les matières réservées par la loi fondamentale à la loi, l'essentiel du cadrage normatif doit résulter de la loi, y compris les fins, les conditions et les modalités suivant lesquelles des éléments moins essentiels peuvent être réglés par des règlements et arrêtés pris par le Grand-Duc.

Considérant qu'en disposant, dans une matière réservée à la loi à la fois pour tous les membres de tous grades de la Force publique comprenant plusieurs corps, dont l'armée luxembourgeoise, et en ne distinguant notamment pas suivant ces corps, ni suivant les tâches des différents membres de ces corps se rapprochant, les unes, des fonctions civiles, et les autres, des tâches classiques d'ordre militaire, ni suivant les critères de prolongation éventuelle dans le temps, l'article de loi sous revue omet de préciser les fins, les conditions et les modalités appelées à être spécifiées au niveau de la loi pour que, depuis la réforme du 19 novembre 2004, en matière réservée à la loi, celle-ci puisse valablement habiliter le pouvoir exécutif à arrêter utilement des dispositions réglementaires en la matière (…) ».

La demanderesse se réfère encore à la jurisprudence du conseil constitutionnel français qui aurait rappelé l’un des objectif de valeur constitutionnel, à savoir l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi, même en dehors du domaine pénal, afin de s’assurer que les citoyens disposent d'une connaissance suffisante des normes qui leurs sont applicables.

La demanderesse fait valoir qu'en l'espèce, la lecture de l'article 56, paragraphe 5 a) de la loi du 16 avril 1979 ferait ressortir que la loi accorde le pouvoir au commissaire du gouvernement d’exempter le fonctionnaire de la sanction sans que la loi ne préciserait dans quels cas et dans quelles circonstances cette exemption peut être accordée par le commissaire du gouvernement. Par ailleurs, l’article 56, paragraphe 5 b) de la loi du 16 avril 1979 accorderait le pouvoir au commissaire du gouvernement de décider suivant son appréciation purement subjectif si les faits établis par l'instruction constituent un manquement à sanctionner de l'avertissement, de la réprimande ou de l'amende ne dépassant pas le cinquième d'une mensualité brute du traitement de base, et de transmettre au ministre du ressort, sans que la loi ne fournirait le moindre critère, ni le moindre exemple comparatif permettant de guider le commissaire du gouvernement dans sa décision. Finalement l’article 56, paragraphe 5 c) de la loi du 16 avril 1979 accorderait le pouvoir de décider, de manière subjective, de transmettre le dossier au conseil disciplinaire, qui, pourrait lui-même, suivant son appréciation subjective, condamner par exemple le fonctionnaire aux trois premières sanctions du catalogue. Selon la demanderesse le manque de précision de l'article 56 paragraphe 5 a), b) et c) serait aggravé par la formulation de l'article 44 de la même loi qui énoncerait que tout manquement à ses devoirs exposerait le fonctionnaire à une sanction disciplinaire. La demanderesse attire dans le même contexte l’attention sur le fait que le commissaire de gouvernement ne serait pas un organe collégial. Elle conclut que l'article 56, paragraphe5 a) b) et c) serait dépourvu de la densité nécessaire pour garantir la sécurité juridique.

La demanderesse sollicite dès lors que la Cour constitutionnelle soit saisie des questions préjudicielles suivantes :

« 1- L'article 56§5 a) qui laisse au seul critère subjectif du Commissaire du gouvernement de décider s'il y a lieu d'exempter le fonctionnaire, pourtant fautif, d'une sanction, sans que la loi n'apporte la moindre précision, ni critères, ni exemple comparatif à une notion si fertile, vague, subjective et vaporeuse, comme la gravité de la faute, viole -t-il l'article 31 de la Constitution, 2- L'article 56§5 b) qui laisse au seul critère subjectif du Commissaire du gouvernement de décider s'il y a lieu de sanctionner le fonctionnaire d'une des trois premières sanctions du catalogue sans que la loi n'apporte aucune précision, ni critères ni exemple comparatif à une notion si fertile, vague, subjective et vaporeuse, comme la gravité de la faute, viole-t-il l'article 31 de la Constitution, 3- L'article 56§5 c) qui laisse au seul critère subjectif du Commissaire du gouvernement de décider s'il y a lieu de renvoyer le fonctionnaire devant le Conseil de discipline, sans que la loi n'apporte aucune précision, ni critère ni exemple comparatif à une notion si fertile, vague, subjective et vaporeuse, comme la gravité de la faute, viole-t-il l'article 31 de la Constitution ».

La … conclut au rejet de ce moyen, au motif qu’il n’existerait aucun lien entre les questions préjudicielles dont la demanderesse souhaite saisir la Cour constitutionnelle et le fond du litige sous examen. Elle rappelle que la décision déférée en l’espèce aurait pour objet une sanction disciplinaire infligée à la demanderesse pour absence injustifiée. Ainsi, une des conditions de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, désignée ci-après par « la loi du 27 juillet 1997 », ne serait pas remplie.

Enfin, la … estime qu’une décision du commissaire de gouvernement ne pourrait pas comporter une violation de l’article 31 de la Constitution, puisqu’il n’aurait aucune compétence pour priver un fonctionnaire de ses fonctions, honneurs et pensions.

Aux termes de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 : « Lorsqu'une partie soulève une question relative à la conformité d'une loi à la Constitution devant une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.

Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu'elle estime que:

a) une décision sur la question soulevée n'est pas nécessaire pour rendre son jugement;

b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement;

c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet ».

Les juridictions administratives sont partant en principe tenues de sa isir la Cour constitutionnelle d’une question d’inconstitutionnalité d’une loi soulevée par une partie.

Toutefois, les juridictions sont dispensées de poser la question préjudicielle, notamment si cette dernière est dénuée de tout fondement.

En l’espèce, la demanderesse soulève la non-conformité à l’article 31 de la Constitution de l’article 56, paragraphe 5 a), b) et c) précité de la loi du 16 avril 1979 aux termes duquel :

« 5. Lorsque l’instruction disciplinaire est terminée, le commissaire du Gouvernement prend une des décisions suivantes:

a) il classe l’affaire lorsqu’il résulte de l’instruction que le fonctionnaire n’a pas manqué à ses devoirs ou qu’il estime que l’application d’une sanction n’est pas indiquée;

b) il transmet le dossier au ministre du ressort lorsqu’il est d’avis que les faits établis par l’instruction constituent un manquement à sanctionner de l’avertissement, de la réprimande ou de l’amende ne dépassant pas le cinquième d’une mensualité brute du traitement de base;

c) il transmet le dossier au Conseil de discipline lorsqu’il estime que les faits établis par l’instruction constituent un manquement à réprimer par une sanction plus sévère que celles mentionnées sous b). » L’article 31 de la Constitution dispose que : « Les fonctionnaires publics, à quelque ordre qu’ils appartiennent, les membres du Gouvernement exceptés, ne peuvent être privés de leurs fonctions, honneurs et pensions que de la manière déterminée par la loi. ».

Force est au tribunal de constater que les dispositions de l’article 56, paragraphe 5 de la loi du 16 avril 1979 n’ont pas trait à la privation des fonctions, honneurs et pensions d’un fonctionnaire, mais déterminent la mission du commissaire de gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, une fois l’instruction terminée. En effet, le commissaire de gouvernement intervenant en application de l’article 56 de la loi du 16 avril 1979 uniquement au niveau de l’instruction disciplinaire n’est pas doté de la compétence de prononcer une mesure disciplinaire à l’encontre d’un fonctionnaire. Sa mission est ainsi limitée strictement au rassemblement des éléments à charge et à décharge du fonctionnaire par rapport aux faits dont il a été saisi, à l’analyse minutieuse de l’ensemble desdits faits et circonstances, à la rédaction d’un rapport sur l’instruction disciplinaire et enfin, à la prise d’une décision pouvant consister soit dans le classement de l’affaire, soit dans le renvoi du dossier au ministre du ressort ou encore au renvoi du dossier au conseil de discipline. La … affirme partant à juste titre que le commissaire de gouvernement n’a aucune compétence pour priver un fonctionnaire de ses fonctions, honneurs et pensions et qu’elle n’aperçoit aucun motif pouvant expliquer que les dispositions légales déterminant les missions du commissaire de gouvernement soient contraires à l’article 31 de la Constitution.

La question préjudicielle tirée d’une non-conformité à l’article 31 de la Constitution des dispositions de l’article 56, paragraphe 5 a), b) et c) de la loi du 16 avril 1979 est partant à écarter pour être dénuée de tout fondement.

 La demanderesse est encore d’avis que l'article 56 paragraphe 5 a), b) et c) de la loi du 16 avril 1979 poserait un problème manifeste de respect du principe d'égalité.

Elle soutient ainsi : « Qu'on voit clairement que de telles normes, appliquées sur base des conceptions purement subjectives du Commissaire du Gouvernement, organe de surcroit non collégiale, sans aucun contrôle et sans recours* sont la porte ouverte aux traitements de faveur, ou népotisme, etc, (sic) ».

Elle argumente que le fonctionnaire lésé pourrait certes exercer un recours, mais que le fonctionnaire bénéficiant d'un traitement de faveur n'exercerait certainement pas de recours ce qui rendrait impossible le contrôle judiciaire de ces cas. Or, le principe d'égalité s'opposerait et devrait combattre les traitements inégalitaires, ce qui serait d’ailleurs également confirmé par le conseil constitutionnel français.

Dès lors, la demanderesse propose de saisir la Cour constitutionnelle des questions préjudicielles suivantes :

« 4- L'article 56§5 a) qui laisse au seul critère subjectif du Commissaire du gouvernement de décider s'il y a lieu d'exempter le fonctionnaire, pourtant fautif, d'une sanction, sans que la loi ne précise nullement une notion si fertile, vague, subjective et vaporeuse, comme la gravité de la faute, ouvrant la porte à toute sorte de traitements de faveur, viole-t-il l'article 10 bis de la Constitution, 5- L'article 56§5 b) qui laisse au seul critère subjectif du Commissaire du gouvernement de décider s'il y a lieu de sanctionner le fonctionnaire d'une des trois premières sanctions du catalogue sans que la loi ne précise nullement une notion si fertile, vague, subjective et vaporeuse, comme la gravité de la faute, ouvrant la porte à toute sorte de traitements de faveur, viole-t-il l'article 10 bis de la Constitution, 6- L'article 56§5 c) qui laisse au seul critère subjectif du Commissaire du gouvernement de décider s'il y a lieu de renvoyer le fonctionnaire devant le Conseil de discipline, sans que la loi ne précise nullement une notion si fertile, vague, subjective et vaporeuse, comme la gravité de la faute, ouvrant la porte à toute sorte de traitements de faveur, viole-t-il l'article 10 bis de la Constitution, 7- l'article 56§5 a)b)et c), combinés, qui attribuent compétence au Commissaire du Gouvernement de décider qui est renvoyé devant le Conseil disciplinaire et qui ne l'est pas, pouvant de surcroît exempter certains fonctionnaire fautifs de la sanction et de décider de la seule application des trois premières sanctions du catalogue pour d'autres, sur base de son seul critère subjectif, constitue-t-il un traitement discriminatoire, contraire à l'article 10 bis de la Constitution, ».

Quant au moyen tiré d’une violation de l’article 10bis de la Constitution, la … renvoie à ses développements quant à la violation alléguée de l’article 31 de la Constitution. Elle ajoute que le commissaire de gouvernement ne déciderait pas « qu’il y a lieu de sanctionner le fonctionnaire » mais qu’il ne ferait que transmettre le dossier au ministre, respectivement au conseil de discipline.

Force est au tribunal de constater que les quatre questions préjudicielles dont la demanderesse estime qu’il y aurait lieu de saisir la Cour constitutionnelle relative à une contrariété à l’article 10bis de la Constitution sont dénuées de tout fondement à deux égards.

Ainsi, la demanderesse fait valoir qu’il existerait un traitement inégalitaire entre le fonctionnaire dont le dossier est classé par le commissaire de gouvernement et le fonctionnaire dont le dossier est renvoyé au ministre, respectivement au conseil de discipline.

Force est à cet égard d’abord au tribunal de constater que le fait que le commissaire de gouvernement est un organe non collégial, dont les décisions, qui sont prises sur base du dossier d’instruction qu’il a dressé, ne sont pas susceptibles d’appel, vaut, tant pour les fonctionnaires dont le dossier est classé à la fin de la procédure d’instruction que pour ceux dont le dossier est renvoyé au ministre ou au conseil de discipline. Il s’ensuit qu’aucun traitement inégalitaire ne peut être constaté à ce niveau.

Outre les considérations qui précèdent, il échet, encore, de constater qu’il résulte des développements de la demanderesse qu’elle n’affirme pas que les dispositions de l’article 56, paragraphe 5 de la loi du 16 avril 1979 en elles-mêmes seraient contraires à l’article 10bis de la Constitution mais que l’application desdites dispositions telle qu’opérée par le commissaire de gouvernement pourrait conduire à un traitement inégalitaire de fonctionnaires, contraire à l’article 10bis de la Constitution. Elle affirme ainsi que le classement par le commissaire de gouvernement d’un dossier en violation des dispositions de l’article 56, paragraphe 5 de la loi du 16 avril 1979 - c’est-à-dire, dans l’hypothèse d’un fonctionnaire qui aurait commis une faute qui mériterait une sanction - pourrait mener à une situation inégalitaire, puisque cette décision de classement ne pourrait plus faire l’objet d’un contrôle judiciaire, contrairement à la décision de renvoi au ministre ou au conseil de discipline. Par conséquent, la demanderesse fait valoir une violation de l’article 10bis de la Constitution non point par l’article 56, paragraphe 5 de la loi du 16 avril 1979, mais par une application irrégulière dudit article.

Partant, la question préjudicielle afférente dont la demanderesse veut saisir la Cour constitutionnelle est manifestement dénuée de tout fondement dans la mesure où elle n’a pas trait à l’inconstitutionnalité d’une loi, mais uniquement à son application, le cas échéant erronée.

 La demanderesse fait ensuite valoir que le commissaire du gouvernement se serait vu attribuer par la loi des compétences qui feraient de lui un juge au sens de l'article 6 de la CEDH. Elle estime qu'aux termes de l'article 56 paragraphe 5a) de la loi du 16 avril 1979 , le commissaire de gouvernement pourrait exempter le fonctionnaire poursuivi de l'application d'une sanction, même lorsque les faits seraient établis. Or, un tel pouvoir, non autrement réglementé, serait la porte ouverte à toute sorte de traitements de faveur, sans que la loi n’ait prévu les garanties nécessaires pour garantir l'indépendance du commissaire du gouvernement à l'égard de l'exécutif. La demanderesse conclut qu’une telle procédure serait contraire à l’article 6 de la CEDH ainsi qu’à la Constitution de sorte qu’il y aurait lieu de saisir la Cour constitutionnelle des questions préjudicielles suivantes :

« 8-L'article 56§5 a) qui laisse au seul critère subjectif du Commissaire du gouvernement de décider s'il y a lieu d'exempter le fonctionnaire, pourtant fautif d'une sanction, sans que la loi n'apporte aucune précision, critère au exemple à une notion si fertile, vague, subjective et vaporeuse, comme la gravité de la faute, et sans que la loi ne garantisse son indépendance à l'égard de l'exécutif viole-t-il l'article 49§1 de la Constitution, sinon l'article 84 de la Constitution, le cas échéant combinés, 9-L'article 56§5 b) qui laisse au seul critère subjectif du Commissaire du gouvernement de décider s'il y a lieu de sanctionner le fonctionnaire d'une des trois premières sanctions du catalogue sans que la loi n'apporte aucune précision, critère ou exemple à une notion si fertile vague, subjective et vaporeuse, comme la gravité de la faute, et sans que la loi ne garantisse son indépendance à l'égard de l'exécutif viole-t-il l'article 49§1 de la Constitution, sinon l'article 84 de la Constitution, le cas échéant combinés, 10- L'article 56§5 c) qui laisse au seul critère subjectif du Commissaire du gouvernement de décider s'il y a lieu de renvoyer le fonctionnaire devant le Conseil de discipline, sans que la loi n'apporte la moindre précision, critère au exemple, à notion si fertile vague, subjective et vaporeuse, comme la gravité de la faute, et sans que la loi ne garantisse son indépendance à regard de l'exécutif, viole-t-il l'article 49§1 de la Constitution, sinon l'article 84 de la Constitution, le cas échéant combinés, ».

Aux termes de l’article 49, alinéa 1er de la Constitution : « La justice est rendue au nom du Grand-Duc par les cours et tribunaux. », tandis que l’article 84 de la Constitution dispose que : « Les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux. ». De plus, l’article 49 de la Constitution figure au paragraphe 3 intitulé « De la Justice » du Chapitre III intitulé : « De la puissance souveraine » de la Constitution, tandis que l’article 84 figure au Chapitre VI intitulé : « De la Justice » de la Constitution. Si la signification des notions de « cours et tribunaux » et plus généralement de « pouvoir judiciaire » peut prêter à discussion en droit constitutionnel luxembourgeois, il est toutefois constant que seuls des organes juridictionnels tombent sous le champ d’application des articles 49, alinéa 1er et de l’article 84 de la Constitution. Or, suivant le droit national, ni le commissaire de gouvernement, ni d’ailleurs le conseil de discipline, ne constituent une juridiction5. Le commissaire de gouvernement est un organe opérant exclusivement au niveau précontentieux, qui est chargé dans ce contexte de l’instruction disciplinaire c’est-à-dire, chargé de dresser un rapport disciplinaire en rassemblant les éléments à charge et à décharge de l’intéressé en rapport avec les faits dont il a été saisi. En effet, tel que précisé ci-avant, les décisions que le commissaire de gouvernement est amené à prendre au niveau de l’instruction disciplinaire constituent des actes purement préparatoires par rapport à la décision que le conseil de discipline sera, le cas échéant, amenée à prendre dans le cadre de ses attributions.

L’article 56 de la loi du 16 avril 1979, en ce qu’il détermine la procédure de l’instruction disciplinaire menée par le commissaire de gouvernement, ne tombe partant même pas dans le champ d’application des articles 49, paragraphe 1er et 84 de la Constitution, dont la demanderesse invoque une violation. Il s’ensuit que les questions préjudicielles que la demanderesse souhaite déférer à la Cour constitutionnelle relatives à une éventuelle contrariété auxdits article 49, alinéa 1er et 84 de la Constitution sont dénuées de tout fondement.

En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 6 de la CEDH, le tribunal est encore amené à rappeler qu’il vient de préciser que les dispositions de l’article 6 de la CEDH n’ont pas vocation à s’appliquer au niveau d’une procédure disciplinaire purement administrative et précontentieuse. Dès lors, le moyen afférent de Madame …, basé sur une violation de l’article 6 de la CEDH est à rejeter pour ne pas être fondé.

Dans le même contexte, la demanderesse critique le conseil de discipline pour ne pas avoir saisi la Cour constitutionnelle des dix questions préjudicielles qu’elle aurait d’ores et déjà soulevé devant lui.

La … souligne de manière succincte que le conseil de discipline ne serait pas une juridiction de sorte qu’il n’aurait pas à saisir la Cour constitutionnelle.

Le tribunal constate que, tel que précisé ci-avant, l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 ne se réfère qu’aux juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif pour leur imposer de saisir la Cour constitutionnelle dans l’hypothèse où une partie soulève une question d’inconstitutionnalité d’une loi. Or, le tribunal vient de retenir que le conseil de 5 V. en ce sens : Cous adm. 17 décembre 2009, n°25839C du rôle, Pas. adm. 2015, V° Fonction publique, n°230.

discipline ne constitue pas une juridiction. En effet, il s’agit d’un organe siégeant au niveau précontentieux dont les décisions peuvent ensuite être déférées au niveau contentieux devant les juridictions administratives, où le double degré de juridiction devant des organes juridictionnels est garanti6. Il s’ensuit que le conseil de discipline, n’étant pas une juridiction au sens de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997, n’est pas obligé de saisir la Cour constitutionnelle des questions d’inconstitutionnalité d’une loi soulevées devant lui. Cette conclusion n’est pas énervée par les considérations retenues par la Cour constitutionnelle dans son arrêt inscrit sous le numéro 28/05 du 23 décembre 2005, auquel la demanderesse se réfère. En effet, par ledit arrêt, la Cour constitutionnelle s’est prononcée sur la question, lui déférée par le conseil de discipline du collège médical, de la conformité de l’article 18 alinéa 2 de la loi du 29 avril 1983 concernant l’exercice de la profession de médecin, médecin-

dentiste et de médecin-vétérinaire à l’article 36 ancien de la Constitution. La Cour constitutionnelle n’y a pas pris position quant à la possibilité ou l’obligation d’un conseil de discipline de la saisir de questions de constitutionnalité d’une loi et elle n’a pas non plus déclaré, ne serait-ce que de manière implicite, l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 contraire à l’article 95ter, paragraphe 2 de la Constitution, tel que la demanderesse le fait valoir.

En guise de conclusion, le tribunal est amené à retenir que dans la mesure où les dix questions préjudicielles soulevées par la demanderesse, relatives à une violation par l’article 56, paragraphe 5 de la loi du 16 avril 1979 des articles 31, 10bis, 49, alinéa§ 1er et 84 de la Constitution, sont dénuées de tout fondement, le tribunal est dispensé d’en saisir la Cour constitutionnelle, en application de l’article 6, précité de la loi du 27 juillet 1997.

 La demanderesse estime ensuite que la visite au domicile du fonctionnaire, en l'espèce la visite d’un fonctionnaire de la … à son domicile, qui serait prévue par le règlement grand-ducal du 3 février 2012 fixant le régime des congés des fonctionnaires et employés de l’Etat, désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 3 février 2012 », s'analyserait en une ingérence dans le droit au respect de son domicile garanti par l'article 8 de la CEDH. Elle affirme qu’il ne pourrait y avoir d’ingérence dans l’exercice d’un droit prévu à l’article 8, paragraphe 1er de la CEDH que pour autant que cette ingérence soit prévue par une loi. Or, en l’espèce, la visite au domicile du fonctionnaire par l’employeur ne serait pas prévue par une disposition légale, mais par une disposition règlementaire. Elle en conclut que la visite au domicile effectuée en l’espèce aurait été contraire à l’article 8 de la CEDH.

La … conclut au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 8 de la CEDH : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. » L’article 8 de la CEDH garantit certains droits dans l’exercice desquels il ne peut y avoir d’ingérence par une autorité publique que sous certaines conditions, dont notamment 6 V. en ce sens : Ibid.

celle que l’ingérence doit être prévue par une loi. Il s’ensuit que la vérification de la légalité d’une ingérence dans l’exercice d’un des droits garantis par l’article 8, paragraphe 1er de la CEDH, présuppose l’existence d’une telle ingérence.

Or, en l’espèce, aucune ingérence au droit au respect du domicile garanti par l’article 8 de la CEDH ne saurait être retenue pour la simple raison que le fonctionnaire chargé par la … de procéder à un contrôle au domicile de Madame … n’a pas pu trouver ledit domicile à l’adresse indiquée par Madame …, ni, a fortiori, s’y présenter ou y accéder. En effet, il ressort du rapport sur l’instruction disciplinaire du 14 février 2014 dressé par le commissaire de gouvernement et non contesté sur ces points, que le 25 mai 2012 Monsieur Georges …, membre du service du personnel de la …, s’est rendu à l’adresse indiquée par Madame … comme étant son domicile (6, boulevard de la Foire L-1528 Luxembourg) en vue de procéder à la visite du domicile en application de l’article 18 du règlement grand-ducal du 3 février 2012. Il ressort encore dudit rapport qu’à l’adresse précitée se situait l’étude du mandataire de la demanderesse, dont un collaborateur a expliqué à Monsieur … que la demanderesse était injoignable. Enfin, il ressort du rapport d’instruction du commissaire de gouvernement et plus particulièrement des explications des témoins qu’en mai 2012, il n’existait à l’adresse indiquée par la demanderesse comme étant son domicile pas de boîte aux lettres ni de sonnette à son nom. Le domicile de Madame … n’ayant ainsi pas pu être localisé et le fonctionnaire de la … n’ayant pas pu s’y présenter, la question d’une ingérence dans l’exercice du droit au respect du domicile au sens de l’article 8 de la CEDH ne se pose dès lors pas, ni par la force des choses, la question de savoir si une telle ingérence aurait été prévue par une disposition légale.

Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

 La demanderesse conteste ensuite, d’une part, la régularité du contrôle médical effectué et, d’autre part, elle fait valoir que ledit contrôle médical aurait constitué une ingérence dans l’exercice de son droit à la vie privée pourtant protégé par l’article 8 de la CEDH.

Quant à la régularité du contrôle médical, elle soutient que la … n’aurait pas respecté l’article 4, paragraphe 2 du règlement grand-ducal modifié du 5 mars 2004 concernant la santé et la sécurité du travail et le contrôle médical dans la fonction publique, désigné ci -après par « le règlement grand-ducal du 5 mars 2004 », selon lequel le médecin de contrôle serait directement saisi par l'autorité compétente de l'institution qui désire faire examiner un de ses agents et la convocation de l'agent serait faite sous forme de lettre recommandée par le médecin qui fixerait la date et le lieu de l'examen. Or, en l’espèce, cette procédure prévue aux fins de contrôle médical n'aurait pas été suivie, puisque ce ne serait pas le médecin de contrôle qui aurait convoqué la demanderesse, mais par courrier du 24 mai 2012, la … aurait fixé le rendez-vous chez le médecin de contrôle.

Aux termes de l’article 4 du règlement grand-ducal du 5 mars 2004 : « 1. Le médecin est chargé de l’examen médical des agents dans tous les cas où l’examen est ordonné dans l’intérêt du personnel ou dans l’intérêt du service par le ministre de la Fonction publique, s’il s’agit de l’ensemble des fonctionnaires, et par le ministre du ressort s’il s’agit de tout ou partie des fonctionnaires d’un ministère ou des administrations et services qui en dépendent, respectivement par le Collège des Bourgmestre et échevins.

A cette fin, le médecin est directement saisi par l’autorité compétente précitée de l’institution qui désire faire examiner ses agents. La convocation des agents est faite sous forme de lettre recommandée par le médecin qui fixe la date et le lieu de l’examen. (…) ».

Le tribunal constate que la … fait valoir à juste titre que les dispositions de l’article 4, paragraphe 2 du règlement grand-ducal du 5 mars 2004 invoquées par la demanderesse ne sont pas applicables en matière de médecine de contrôle. En effet, le règlement grand-ducal du 5 mars 2004 s’applique, tel que son nom l’indique, à la santé et à la sécurité du travail dans la fonction publique, ainsi qu’au contrôle médical dans la fonction publique et est en conséquence divisé en deux chapitres afférents, dont le premier est intitulé « Médecine du travail » et le second est intitulé « Médecine de contrôle ». Or, l’article 4, paragraphe 1er alinéa 2e du règlement grand-ducal du 5 mars 2004, invoqué par la demanderesse, figure au chapitre 1er dudit règlement grand-ducal réservé à la médecine du travail. Le second chapitre dudit règlement grand-ducal réservé à la médecine de contrôle ne contient pas de disposition similaire, relative aux modalités de convocation du fonctionnaire. Il s’ensuit que l’article 4 du règlement grand-ducal du 5 mars 2004 n’est pas applicable en matière de médecine de contrôle et que partant le moyen afférent de la demanderesse tiré d’une violation des dispositions dudit article dans le contexte de sa convocation auprès du médecin de contrôle, est à rejeter pour ne pas être fondé.

La demanderesse estime encore que du fait du contrôle médical auquel elle aurait dû se soumettre, son droit au respect de la vie privée, prévu à l’article 8 de la CEDH n’aurait pas été respecté. Elle fait valoir que ce droit, devrait conduire à proscrire tout contrôle médical, respectivement tout contrôle domiciliaire, à défaut d'antécédents, respectivement de dossier permettant de supposer que le fonctionnaire n’aurait pas respecté ses obligations ou aurait abusé du congé de maladie. Dès lors, à défaut d'antécédents dans le chef du fonctionnaire intéressé, l'employeur, y inclus l’Etat, n'aurait pas le droit « d'aller fouiller dans la santé du fonctionnaire », ni de faire des contrôles à domicile aux mêmes fins. La demanderesse conclut qu’à son égard aucun antécédent, aucun dossier, aucun élément n’auraient permis de supposer qu’elle abuserait de son congé de maladie. D’ailleurs le contrôle médical effectué n’aurait fait que confirmer qu’elle aurait effectivement été malade.

Dans le même contexte, la demanderesse reproche au conseil de discipline d’avoir appliqué la théorie suivant laquelle les fins justifient les moyens, en retenant que « les faits démontrent que l'employeur avait de très bonnes raisons de se méfier du caractère fallacieux de la déclaration de maladie ».

La … répond que la demanderesse aurait eu connaissance du fait que le contrôle médical avait été ordonné par son employeur conformément à l’article 18 du règlement grand-

ducal du 3 février 2012. Elle se serait par ailleurs librement présentée au contrôle et le médecin l’aurait examinée. La … fait valoir que tout employeur privé aurait le droit de demander à ses salariés de se présenter à un contrôle médical sans que cela ne porte atteinte à la vie privée du salarié. Il s’agirait en effet d’un contrôle effectué dans un contexte professionnel qui serait absolument indispensable au regard des risques manifestes d’abus.

Elle conteste encore qu’un contrôle médical devrait être subordonné à la condition de l’existence d’antécédents dans le chef du fonctionnaire concerné. Une telle condition ne serait pas prévue par le règlement grand-ducal du 3 février 2012 et la finalité du contrôle serait de garantir que le fonctionnaire n’abuse pas des congés de maladie de très courte durée.

Le tribunal constate que le droit au respect de la vie privée, consacré par l'article 8 de la CEDH et qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres, constitue l'un des droits fondamentaux protégés par l'ordre juridique communautaire Il comporte notamment le droit d'une personne de tenir son état de santé secret. Toutefois, des restrictions peuvent être apportées aux droits fondamentaux, à condition qu'elles répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général et qu'elles ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit protégé7.

Or, si la législation permettant à l’administration, employeur, de contraindre le fonctionnaire à se présenter auprès d’un médecin de contrôle, afin de faire vérifier l’incapacité de travail alléguée, peut, le cas échéant s’analyser en une ingérence dans la vie privée dudit fonctionnaire8, il n’en demeure pas moins que cette ingérence se justifie au sens de l’article 8 §2 de la CEDH, par l’intérêt légitime de l’administration, et plus généralement par le bien-

être économique du pays, dans la mesure où tout employeur, afin de pouvoir accomplir sa mission ou gérer son entreprise, doit être mis en mesure de vérifier si l’employé n’abuse pas de son congé pour raison médicale.

L’éventuelle ingérence dans la vie privée de Madame … par le fait d’avoir dû se présenter auprès d’un médecin de contrôle se justifie partant au regard de l’article 8 §2 de la CEDH, de sorte que le moyen afférent est, à son tour, à rejeter pour ne pas être fondé.

 En dernier lieu, la demanderesse fait valoir qu’à son avis le droit au respect de sa vie familiale tiré de l'article 8 de la CEDH, ferait obstacle à ce que l'employeur, y inclus l'Etat, puisse changer à l'improviste les règles ou les pratiques en matière de prise de congés de très courte durée. Elle soutient que des changements intempestifs et sans avertissement auraient mis en cause « sa vie familiale de mère de trois petits enfants dont deux nourrissons ». Elle fait encore valoir qu’ « une foultitude de normes, internes et supranationales, protègent la femme, plus particulièrement la mère de manière à ce qu'elle puisse concilier sa vie de mère et sa vie professionnelle, double tâche, particulièrement ardue et nécessitant beaucoup d'organisation ».

La demanderesse fait valoir qu’elle présenterait un parcours et une assiduité irréprochables et qu'elle n’aurait jamais fait l'objet d’une réclamation ou d’un avertissement.

Elle soutient encore avoir été à son domicile à Luxembourg puisqu’elle aurait reçu en mains propres la convocation pour le contrôle médical. De plus, le médecin de contrôle, aurait reconnu, implicitement, que son état de maladie serait véritable, puisqu’il aurait relevé le troisième jour, partant le dernier jour de l'incapacité de travail, que ses symptômes ne justifieraient pas nécessairement une incapacité de travail, le jour même, respectivement le jour d’après. Selon la demanderesse le rapport du médecin de contrôle signifierait a contrario, qu’elle aurait présenté des symptômes.

7 C.J.C.E., 5 octobre 1994, J.L.M.B. affaire C-404/92P, cité par Jacques Velu et Rusen Ergec dans Convention européenne des droits de l’homme, Répertoire pratique du droit belge, 2e édition par Rusen Ergec, Bruylant 2014, n°660, p.668.

8 V. par analogie l’exemple d’une législation, qui astreint les candidats à la fonction publique à subir un examen médical préalable destiné à établir s’ils sont aptes à s’acquitter des fonctions postulées, qui a été qualifiée d’ingérence dans la vie privée appelant une justification au regard de l’article 8§2, cité par Jacques Velu et Rusen Ergec, op. cit, n°660, p.667. Voir également dans le même sens : Emmanuel Decaux et Pierre-Henri Imbert, La Convention Européenne des Droits de l’Homme, Commentaire article par article, 2e édition, Economica 1999,p.328 et s.

La demanderesse fait ensuite valoir que « la responsabilité totale de l'incident qui c'est produit et qui l'a conduit devant le Conseil de Discipline, est à mettre entièrement à charge de la …, ou plutôt de certains fonctionnaires qui, après avoir constaté que leur intrigue n'avait pas fonctionné, l'ont mis, par un comportement manifestement fautif, d'une part, en état de choc, ce qui a justifié la prolongation de son état d'incapacité de travail, et, d'autre part, face au dilemme de devoir choisir entre obéir aux ordres de l'hiérarchie ou à ses droits et obligations impératifs de mère de trois petits enfants, dont des jumeaux nourrissons, déduits de son droit au respect de sa vie familiale, tiré de l'article 8 de la CESDH ».

Elle explique qu’elle aurait demandé à son supérieur hiérarchique de prendre un congé de courte durée, en l'espèce d'une journée et demie. Selon la demanderesse, la prise de ce type de congés de courte durée, qui n’auraient jamais été refusés, se serait d’habitude fait de manière très informelle. Cette informalité se justifierait d'ailleurs par la nature et la spécificité de ces congés, « pris de manière exceptionnelle, souvent à la dernière minute et de dehors du lieu de travail ». La demanderesse estime qu’elle aurait légitimement pu s'attendre à ce que la pratique habituelle « soit également suivie et respectée dans son cas, c'est-à-dire qu'on ne lui refuse pas sa demande de congé de courte durée ». En tout état de cause, elle aurait légitimement pu s'attendre à ce qu'en cas de refus, « celui-ci le fusse immédiatement signifié et non une journée et demie après avoir effectué sa demande ». Or, selon la demanderesse, le « retard fautif dans le chef de la … » aurait provoqué l'incident qui aurait par la suite conduit une fonctionnaire irréprochable devant les instances disciplinaires et administratives.

La demanderesse explique encore que le refus de congé de courte durée aurait été signifié une journée et demi après sa demande, via conference call, en présence de quatre supérieurs hiérarchiques, ce qui serait particulièrement significatif, disproportionné et laisserait entrevoir l'intrigue. En outre, ce refus du congé de courte durée aurait été signifié deux heures après la remise en mains propres de la lettre de convocation chez le médecin de contrôle, et une heure avant la consultation chez ce dernier. Elle ajoute que la remise de la lettre des motifs gisant à la base du refus de la prolongation de son congé à mi-temps, aurait été le prétexte pour le contrôle administratif du 25 mai 2012, alors même que la demande afférente aurait été introduite quatre mois auparavant. La demanderesse conclut que l’enchaînement des évènements porterait à croire qu’elle aurait été la victime d'un plan prémédité, d’une intrigue qui aurait visé à la léser et à lui porter préjudice.

La demanderesse répète que « ce refus de congé de très courte durée, signifié, via conférence call, en présence de quatre supérieurs hiérarchiques, une journée et demi après sa demande, après [qu’elle] ai[t] organisée sa vie familiale, l'a mis en état de choc ». Cet état de choc l’aurait même conduite en consultation et en traitement chez une psychologue.

La demanderesse conclut que : « Compte tenu de la faute commise par la …, qui est la seule responsable de l'incident, considérant la nature des droits et obligations en conflit, la dignité de son droit au respect de sa vie familiale, du caractère impératif de ses obligations de mère de trois petits enfants, dont deux nourrissons, au regard du droit au respect de sa vie familiale, la requérante était, en tout état de cause, fondée à faire primer ses droits et obligations familiales sur celles de son employeur », et elle conteste dans le même contexte la nécessité de sa présence le 25 mai 2012, alléguée par la …, à son poste de travail.

Enfin, en guise de conclusion, la demanderesse « demande à voir analyser tous ces faits au regard de son droit au respect de la vie familiale, tiré de l'article 8 CEDH, et de dire que face à la responsabilité de la … dans la production des faits, qui l'a mis en état de choc et face au dilemme ci-dessus exposé, [elle] était fondée à faire primer son droit au respect de sa vie familiale, ses droits et obligations impératives inhérents à la qualité de mère de trois petits enfants, dont deux nourrissons, sur l'ordre de son employeur ».

La … conclut au rejet de ce moyen.

En substance, la demanderesse a présenté deux arguments. Premièrement, elle invoque une violation de l’article 8 de la CEDH et elle estime à ce titre qu’en lui refusant son congé, la … aurait commis une ingérence injustifiée dans sa vie privée. Deuxièmement, elle fait valoir une cause d’exonération en affirmant que les faits pour lesquels elle aurait été condamnée seraient imputables à la … en raison de sa réponse tardive à la demande de congé et en raison de sa modification intempestive des règles pour solliciter un congé de courte durée.

En ce qui concerne tout d’abord le reproche selon laquelle la … aurait, d’une part, modifié les règles pour solliciter un congé de courte durée et, d’autre part, répondu tardivement à la demande de congé lui présentée, force est au tribunal de constater qu’il ne saurait suivre le raisonnement de la demanderesse. En effet, la procédure pour solliciter un congé de récréation – de courte ou de longue durée – est ancrée tant dans la loi du 16 avril 1979 que dans le règlement grand-ducal du 3 février 2012. Ainsi, l'article 12 de la loi du 16 avril 1979 qui prévoit que le fonctionnaire ne peut s'absenter de son service sans autorisation implique nécessairement l'existence d'une autorisation préalable. Cet article est de surcroît à lire en combinaison avec les articles 9 et 10 du règlement grand-ducal du 3 février 2012, disposant que l’agent obtient, sur demande, chaque année un congé de récréation et que le congé est en principe accordé selon le désir de l’agent, à moins que les nécessités du service ou les désirs justifiés d’autres agents ne s’y opposent. Si cet article précise en effet que le congé de récréation est en principe accordé selon le désir de l'agent, il prévoit également la faculté pour le chef d'administration de refuser le congé sollicité lorsque les nécessités du service ou les désirs justifiés d'autres agents s'y opposent. Il s'ensuit que, d'une part, le droit pour l'agent d'exiger et d'obtenir le congé aux dates sollicitées, est soumis à l'obtention d'une autorisation préalable et d'autre part, ce droit ne constitue pas un droit automatique s'imposant à l'administration, mais un droit relatif devant, le cas échéant, céder aux impératifs du service ou aux désirs justifiés des autres agents. La condition d'une autorisation préalable découle en effet de la nécessité pour le chef d'administration de veiller au bon fonctionnement de son service en veillant notamment à la présence d'un nombre suffisant d'agents pour assurer le service. Il importe à cette fin que le chef d'administration soit informé à l'avance de l'état de présence de ses agents afin de lui permettre d'organiser son service, quitte, le cas échéant, à refuser les demandes de congé qui nuiraient aux intérêts du service. L’agent, en ne sollicitant pas préalablement et en temps utile l'autorisation de prendre congé, dérange ainsi non seulement le bon fonctionnement du service, mais fait encore preuve de peu de collégialité, en forçant nécessairement ses collègues à reprendre une partie des tâches lui incombant à leur charge9.

Il ressort encore des pièces soumises au tribunal que la procédure au sein de la … exige que l’agent obtienne l’autorisation préalable de son supérieur hiérarchique pour tout congé de récréation. Ainsi, lors de son audition par le commissaire de gouvernement Monsieur …, chef de service adjoint du service personnel auprès de la …, a affirmé qu’ « En tout état de cause, il faut obtenir l’accord de son supérieur », outre le fait de devoir remplir une fiche de demande 9 trib. adm. 12 mars 2008, n°21852a du rôle, Pas. adm. 2015, V°Fonction publique, n° 426.

de congé pour solliciter un congé de récréation. Il ressort encore d’un message électronique envoyé le 29 novembre 2011 par le supérieur hiérarchique du service OPC de la … à l’ensemble dudit service que le congé de récréation doit être sollicité auprès du chef d’administration ou son remplaçant et être validé par ce dernier.

Il suit des considérations qui précèdent que tant les dispositions légales que la procédure interne auprès de la … sont claires et convergent en ce que tout congé de récréation est subordonné à l’autorisation préalable du supérieur hiérarchique. Madame … s’étant en l’espèce vu refuser un congé de récréation de courte durée de la part de son supérieur hiérarchique, elle ne saurait partant pas, en l’absence de tout élément supplémentaire, reprocher à la … d’avoir modifié à son égard les règles pour solliciter un congé de récréation.

Elle ne pouvait, en l’occurrence, pas légitimement partir du principe que sa demande de congé serait approuvée, dans la mesure où elle savait que son supérieur hiérarchique pouvait s’y opposer.

Dans le même ordre d’idées il y a encore lieu d’ajouter que la demanderesse ne peut pas reprocher à la … de lui avoir communiqué de manière tardive le refus de congé. En effet, Madame … a envoyé le 23 mai 2012 à 9.41 heures un SMS à Monsieur …, chef de division du groupe de travail auquel était affecté Madame …, de la teneur suivante : « Salut … suis encore en arret de maladie jusqu’à jeudi inclus pour ve et ma prochain j’avais prévu du congé merci … ». Suite à la demande de Monsieur …, Madame … a envoyé un message électronique à ses supérieures hiérarchique le soir du 23 mai 2012 à 21.24 heures de la teneur suivante :

« Comme déjà communiqué à … aujourd’hui je suis en arrêt de maladie jusqu’au 24.05 et le 25 et 29 j’ai pris congé merci … ». Si ces messages, revêtant davantage le caractère d’une information ou d’une affirmation, étaient à interpréter comme demande en vue d’un congé de récréation force est au tribunal de constater que ladite demande a été présentée aux supérieures hiérarchiques de la demanderesse le 23 mai 2012 au matin et réitérée le soir à 21.24 heures. Il ressort par ailleurs des documents soumis au tribunal que le 24 mai 2012 à 14.15 heures quatre agents de la … dont notamment Monsieur … ont appelé la demanderesse pour l’informer que sa demande de congé de récréation sollicité pour les 25 et 29 mai 2012 était refusée. Sur demande de Madame …, la motivation de ce refus lui a été communiquée par courrier électronique du même 24 mai 2012 à 16.55 heures.

En résumé, Madame … a sollicité un congé de récréation le 23 mai 2012 à 9.41 heures qui lui a été refusé le 24 mai 2012 à 14.15 heures, soit 28 heures après sa demande. Or, un délai de 28 heures ne peut pas être qualifié d’anormalement long, ni de déraisonnable, étant entendu que le supérieur hiérarchique doit analyser si l’organisation du service permet d’accorder un congé de récréation à un agent et qu’une telle analyse ne peut pas nécessairement se faire instantanément.

Le moyen tiré d’une communication tardive du refus de congé de récréation et d’une modification des règles pour solliciter un congé de récréation est partant à rejeter dans son intégralité pour ne pas être fondé.

Quant au moyen de la demanderesse selon lequel le refus d’accorder un congé de récréation constituerait une atteinte à sa vie privée, il échet au tribunal de constater que le seul refus d’une demande de congé d’un agent tombant sous l’application de la loi du 16 avril 1979 ne peut en principe pas être qualifié d’atteinte à la vie privée ou familiale dudit agent.

En effet, tel que précisé ci-avant, tout congé de récréation est subordonné à l’autorisation préalable du chef d’administration, en application de l’article 12 de la loi du 16 avril 1979 et des articles 9 et 10 du règlement grand-ducal du 3 février 2012. Il s’ensuit qu’il appartient à l’agent dont le congé de récréation sollicité n’a pas encore été accordé, d’organiser sa vie privée et familiale en conséquence en prévoyant tant l’hypothèse d’un éventuel refus de congé que l’hypothèse où le congé serait accordé.

En l’espèce, la demanderesse ayant sollicité un congé de récréation deux jours seulement avant la prise d’effet dudit congé et en organisant sa vie privée et familiale en partant du principe que ce congé serait accordé, tout en ignorant la possibilité d’un refus dudit congé, ne peut pas reprocher une ingérence dans sa vie privée et familiale à la …. Le moyen tiré d’une violation de l’article 8 de la CEDH au motif que le refus de congé sollicité par la demanderesse aurait constitué une ingérence non justifiée dans sa vie privée est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

En guise de conclusion, le tribunal précise que s’il est investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond, il n'en demeure pas moins que saisi d'un recours contentieux portant contre un acte déterminé, l'examen auquel il doit se livrer ne peut s'effectuer que dans le cadre des moyens invoqués par le demandeur pour contrer les motifs de refus spécifiques à l'acte déféré. Le rôle du tribunal administratif ne consiste, en effet, pas à procéder indépendamment des moyens avancés à un réexamen général et global de la situation de l’intéressé10. Dès lors, eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence de tout autre moyen soulevé par la demanderesse, relatif, notamment, à la matérialité des faits lui reprochés, à la nature, la gravité et la répétition des manquements lui reprochés, respectivement à la sanction prononcée à son égard, le tribunal est amené à rejeter le recours dans son intégralité pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

Enfin, compte tenu de l’issue du litige et plus particulièrement du fait que l’ensemble des moyens soulevés par la demanderesse sont rejetés pour ne pas être fondés et en l’absence d’une quelconque contestation relative à la matérialité des faits lui reprochés, à la nature, à la gravité et à la répétition des manquements lui imputés, respectivement à la sanction prononcée et au vu de l’article 33 de la loi précitée du 21 juin 1999, il paraît inéquitable de laisser en l’espèce à la charge du tiers intéressé les frais exposés par lui et non compris dans les dépens, de sorte qu’il y a lieu de faire droit à sa demande et de lui accorder une indemnité de procédure évaluée ex æquo et bono au montant de 1.000 euros.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare irrecevable le recours pour autant qu’il tend à voir « déclarer nulle l’instruction menée contre la requérante par la Commissaire du Gouvernement (…) ;

déclarer nulles les décisions des 14 fév. 2012 et du 14 mars 2012 prises par la Commissaire du Gouvernement (…) » ;

pour le surplus, reçoit le recours principal en réformation en la pure forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

10 En ce sens : trib. adm. 17 novembre 2004, n° 18360a du rôle, Pas. adm. 2015, V° Recours en réformation, n°22 et autres références y citées.

condamne Madame … à payer une indemnité de procédure d’un montant de 1.000 euros à la … ;

condamne Madame … aux frais ;

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Hélène Steichen, juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique du 27 juin 2016 par le vice-président, en présence du greffier Goreti Pinto.

s. Goreti Pinto s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 04 juillet 2016 Le greffier du tribunal administratif 29


Synthèse
Numéro d'arrêt : 35997
Date de la décision : 27/06/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-06-27;35997 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award