La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/04/2016 | LUXEMBOURG | N°37767

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 avril 2016, 37767


Tribunal administratif N° 37767 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 avril 2016 Audience publique du 27 avril 2016 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37767 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 avril 2016 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour,

inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (...

Tribunal administratif N° 37767 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 avril 2016 Audience publique du 27 avril 2016 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37767 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 avril 2016 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo), ainsi que de son épouse, Madame …, née le …. agissant en leur nom personnel ainsi qu’au nom et pour compte de leur enfant mineur … (Kosovo), tous de nationalité kosovare, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 25 mars 2016 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à leur demande en obtention d’une protection internationale et à l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 avril 2016 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le premier juge présidant la 1re chambre du tribunal administratif entendu en son rapport, et Maître Marcel Marigo, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Christiane Martin en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 avril 2016.

Le 5 novembre 2015, Monsieur … et Madame …, accompagnés de leur enfant mineur …, ci-après désignés par « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 », entretemps abrogée par la loi du 18 décembre 2015 relative à l’accueil des demandeurs de protection internationale et de protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations des consorts … sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.

En date du 4 décembre 2015, Monsieur … et son épouse, Madame …, firent, chacun, l’objet d’un entretien séparé auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de leur demande de protection internationale en vertu du règlement UE 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des états membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».

Monsieur … et son épouse furent encore entendus séparément en dates des 4 février et 8 février 2016 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.

Par décision du 25 mars 2016, notifiée aux intéressés par lettre recommandée envoyée le 29 mars 2016, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », résuma les déclarations des consorts … comme suit :

« Monsieur, il résulte de vos déclarations que votre famille, et plus particulièrement votre père, aurait été menacée par un Albanais, qui voudrait lui acheter un potager depuis juin 2013. Votre père aurait tout de même refusé de céder son terrain malgré le fait que vos oncles auraient vendu les leurs avant de partir habiter en Serbie. Vous précisez que suite à ce rejet, cette personne aurait commencé à menacer votre famille par téléphone, en déclarant « qu’il allait tout faire pour vous mettre dehors. » (entretien, p.4/11) Dans ce contexte, vous soulevez que votre père aurait trouvé par hasard deux bombes dans votre jardin, qui auraient été désamorcées et enlevées par une unité spéciale de la police, après que vous auriez déclaré cette découverte auprès des autorités locales. Vous ne pouvez pas apporter des précisions quant au responsable de ces faits. De plus, vous ignorez la raison pour laquelle ces deux bombes auraient pu être posées dans votre jardin à la chronologie des événements.

Dans ce contexte, vous soulevez que vous n’auriez pas eu de problèmes entre décembre 2013 et mars 2014, avant que les menaces et harcèlements par téléphone aient repris.

D’après vos dires, votre femme aurait même trouvé un objet en plastique ressemblant à une bombe, sur lequel aurait été marqué « FUND », ce qui signifierait « fin » en albanais, dans votre jardin. Vous observez en outre qu’une note cachée à l’intérieur de cette soi-disant bombe indiquait : « que je devais partir de là. » (entretien, p.7/11). Vous n’auriez tout de même pas déclaré cet incident à la police. Après cet incident vous seriez partis vivre pendant deux mois chez votre tante en Serbie et votre femme aurait donné naissance à votre fils à l’hôpital de Vranje. Après votre retour au Kosovo les menaces téléphoniques auraient repris et des personnes inconnues auraient endommagé votre voiture en crevant les quatre pneus et en cassant l’essuie-glace. Vous mentionnez en outre que ces inconnus auraient jeté de pierres sur votre maison, un incident que vous auriez dénoncé auprès de la police locale.

Monsieur, l’agression au couteau envers votre connaissance …par des Albanais vous aurait finalement incité à quitter votre pays en arguant « c’est arrivé au jeune et je pensais que cela pourrait m’arriver aussi ». (entretien, p.4/11).

Madame, vous confirmez les déclarations de votre époux, en précisant que votre fils aurait trouvé la présumée bombe en plastique au jardin en août 2015 et que vous n’auriez pas déclaré les faits auprès de la police pour ne pas aggraver les problèmes. En ce qui concerne votre réaction relative aux menaces téléphoniques, vous caractérisez ces dernières comme « rien de plus grave que ça ». (entretien, p.4 /11). Vous précisez en outre que deux jours après l’incident avec votre voiture, des inconnus auraient lancé une pierre dans votre maison, avec un message indiquant « partez d’ici car cela m’appartient ». (entretien, p.4/11).

Enfin, il ressort du rapport d’entretien du 4 et 8 février 2016 qu’il n’y a plus d’autres faits à invoquer au sujet de vos demandes de protection internationale et aux déclarations faites dans ce contexte ». Le ministre informa ensuite les consorts … qu’il avait statué sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1) sous a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 et que leur demande avait été refusée comme non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Le ministre estima que les consorts …, ayant la nationalité kosovare, proviendraient d’un pays d’origine sûr au sens du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûr au sens de la loi du 5 mai 2006, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », c’est-à-dire d’un pays où il n’y aurait, de manière générale et uniformément, pas de persécutions au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et que ce constat ne serait pas contredit par l’examen individuel de la demande de protection internationale des consorts ….

Le ministre estima ensuite que les raisons ayant amené les consorts … à quitter leur pays d’origine ne seraient pas liées à un des critères de fond de la Convention de Genève et trouveraient leur origine dans un conflit foncier, qui, de plus, viserait davantage le père de Monsieur …, que ces faits ne seraient pas d’une gravité suffisante pour fonder une demande de protection internationale et qu’un défaut de protection par les autorités kosovares ne serait pas établi en l’espèce. Il ne pourrait être exclu que les raisons ayant poussé les consorts … à quitter leur pays d’origine soient d’ordre plutôt matériel.

Le ministre évoqua encore la possibilité d’une fuite interne, et estima, enfin, que le récit des consorts … ne contiendrait pas non plus de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’ils courraient un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 avril 2016, les consorts … ont fait déposer un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 25 mars 2016 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à leur demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement a soulevé une incohérence contenue dans la requête introductive d’instance dans la mesure où les requérants ont, dans le corps de la requête, déclaré introduire un recours en annulation contre le choix de la procédure accélérée et contre l’ordre de quitter le territoire, mais qu’au dispositif de la requête introductive d’instance ils sollicitent la réformation de ces deux décisions.

En conséquence, le délégué du gouvernement déclare se rapporter à prudence de justice quant à la recevabilité du recours en la pure forme.

Force est de constater qu’aux termes tant de l’introduction de la requête introductive d’instance que de son dispositif, les requérants déclarent introduire un recours en réformation contre les trois décisions visées par eux. Si certes dans le corps de la requête introductive d’instance ils déclarent introduire un recours en annulation contre le choix de la procédure accélérée et contre l’ordre de quitter le territoire, et si cette déclaration est en contradiction avec le reste de la requête introductive d’instance, force est de constater que le mandataire a déclaré à l’audience des plaidoiries sur question afférente de la soussignée que ses parties ont entendu introduire un recours en réformation contre les trois décisions visées, tel que cela se dégage plus particulièrement du dispositif de la requête introductive d’instance.

Il y a dès lors lieu d’admettre que les requérants ont entendu introduire un recours en réformation à la fois contre la décision de statuer dans le cadre de la procédure accélérée, que contre celle de refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une la demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation introduit contre les trois décisions déférées.

Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

A l’appui du recours dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée, les demandeurs reprochent au ministre d’avoir appliqué les points a) et b) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015.

Ils font valoir que l’appréciation faite par le ministre de leur situation en termes de respect des droits et libertés fondamentaux dans son pays d’origine serait erronée au vu de violations récurrentes de ces droits dans leur pays d’origine.

En citant un extrait d’un document intitulé « la situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe » daté du 8 janvier 2016 et portant le numéro 13939, les demandeurs soutiennent que le Kosovo ne présenterait pas les garanties requises pour être considéré comme un Etat respectueux des droits et libertés fondamentaux et partant de pays d’origine sûr.

Les demandeurs contestent encore l’affirmation du ministre tenant au caractère impertinent et insignifiant des éléments de faits invoqués par eux.

Il s’ensuivrait que les conditions d’obtention d’une protection internationale seraient remplies dans leur chef.

S’agissant du recours en réformation dirigé contre le refus d’accorder une protection internationale, les demandeurs reprochent au ministre une interprétation erronée des faits.

En l’occurrence, ils reprochent au ministre d’avoir retenu que la situation générale de leur pays d’origine ne pourrait être prise en compte, mais qu’il faudrait apprécier leur situation particulière. Or, un examen sérieux et objectif d’une demande de protection internationale ne pourrait être effectué en faisant abstraction de la situation du pays d’origine.

En outre, les demandeurs font valoir qu’ils rempliraient la triple condition de reconnaissance du statut de réfugié découlant des articles 2 a), 42, paragraphe 1 et 39 de la loi du 18 décembre 2015. La demande serait liée aux critères retenus par l’article 1 A) de la Convention de Genève puisque les agressions et persécutions dirigées contre eux et leurs biens seraient motivée par leur appartenance à un groupe social, à savoir l’ethnie serbe.

Ils insistent encore sur un défaut de protection de la part de la police kosovare, qui, malgré les cris de détresse lancés par eux, n’auraient pas pu éviter la survenance des agressions dont ils auraient fait l’objet. Ils ajoutent que les persécutions subies par eux seraient d’ordre physique et mental. Ils craindraient avec raison d’être à nouveau contraint de subir les violences en cas de retour dans leur pays d’origine, tout en soulignant qu’il ne serait pas impossible que ces violences revêtent une gravité suffisante et aboutiraient à une situation irrémédiable pour eux.

Par ailleurs, ils contestent la possibilité d’une fuite interne puisque leur situation au Kosovo serait insoutenable.

S’agissant de la protection subsidiaire, les demandeurs soutiennent qu’ils rempliraient les conditions de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que la décision serait à réformer.

Enfin, ils concluent à la réformation de l’ordre de quitter le territoire en raison du caractère indissociable de cette décision avec le refus d’une protection internationale.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification. Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.

Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il en résulte qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé, dans la négative, le recours étant renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par « recours manifestement infondé », il appartient à la soussignée, saisie d’un recours basé sur la disposition légale citée ci-avant, de définir ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé » et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé. Comme le législateur s’est référé au « recours », c’est-à-dire au recours contentieux, respectivement à la requête introductive d’instance, et non pas à la demande de protection internationale en tant que telle, la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours, englobant toutefois nécessairement aussi le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement.

Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé. En effet, en application de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

La décision ministérielle est en l’espèce fondée sur les dispositions des points a) et b) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquelles « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la présente loi ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1) sous a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande, soit que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la même loi.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Concernant plus particulièrement le point b) de l’article 27, paragraphe (1) précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément au paragraphe (2) ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne que si le demandeur est ressortissant dudit pays ou si l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle, et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.

(2) Un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève en s’appuyant sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres Etats membres du BEAA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes.

Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr:

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

b) le respect du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.

La situation dans les pays tiers désignés comme pays d’origine sûrs conformément au présent paragraphe est régulièrement examinée par le ministre ».

Il est constant en cause que le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, tel que modifié le 19 juin 2013, a désigné le Kosovo comme pays d’origine sûr et il se dégage en l’espèce des éléments du dossier que les demandeurs ont la nationalité kosovare.

Au vu du libellé de l’article 30, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier à lui seul le recours à une procédure accélérée, étant donné que cette disposition oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis des raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle et cela compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

Force est de constater que, par rapport au constat du ministre que leur pays d’origine est à considérer comme pays d’origine sûr, les demandeurs n’ont invoqué aucun moyen pertinent susceptible d’énerver la légalité de la décision d’examiner leur demande dans le cadre de la procédure accélérée.

En effet, force est à la soussignée de constater que les demandeurs se limitent à contester que leur pays d’origine puisse être considéré comme un pays sûr, sans autrement étayer ou expliquer leurs affirmations, si ce n’est par la citation d’un extrait d’un rapport international et dont ils ne précisent même pas l’auteur.

Or, l’extrait de ce rapport, que les demandeurs n’ont pas soumis au tribunal à tire de pièce, ni n’ont-ils indiqué les références, ne permet pas de conclure que le Kosovo ne puisse pas être considéré comme pays d’origine sûr compte tenu de la situation individuelle des demandeurs, puisque l’extrait cité se limite à faire allusion à une certaine répartition de la corruption et de ses répercussion sur la vie de la population du Kosovo et du développement économique dans ce pays et contient, par ailleurs, des considérations tout à fait générales dans le domaine de la démocratie et de l’activité législative. Il contient pour le surplus, s’agissant de la question de la protection des droits de l’homme et de relations intercommunautaires, la mention que malgré une amélioration de la situation sécuritaire, les autorités devraient rester vigilantes.

La soussignée est dès lors amenée à conclure que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à déclarer manifestement infondé, en ce sens que les demandeurs n’ont manifestement fourni aucun moyen susceptible de mettre en cause la légalité ou le bien-fondé du constat du ministre qu’ils proviennent d’un pays d’origine sûr et qu’il n’existe pas d’élément de nature à conclure que compte tenu de leur situation personnelle et compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale, le Kosovo, inscrit sur la liste des pays d’origine sûr conformément au règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007, ne constitue pas un pays d’origine sûr dans leur chef, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les moyens fondés sur l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen devenant surabondant.

S’agissant du recours dirigé contre le refus du ministre d’accorder aux demandeurs une protection internationale, aux termes de l’article 2 b) de la loi du 18 décembre 2016, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-

avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que les demandeurs ne sauraient bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

A titre liminaire, la soussignée relève que les reproches des demandeurs que le ministre n’aurait pas pris en considération la situation générale de leur pays sont manifestement infondés étant donné qu’il ressort clairement de l’examen de la décision du ministre que celui-

ci a analysé à la fois la situation générale du pays d’origine des demandeurs que leur situation personnelle.

Force est de constater que d’après les explications fournies par les demandeurs dans le cadre de leurs auditions, les raisons les ayant poussé à quitter leur pays d’origine sont liées à des menaces répétées reçues de la part d’une personne d’origine albanaise, dont ils ne connaissent pas le nom, qui aurait insisté essentiellement auprès du père du demandeur afin que celui-ci lui vende son terrain. A l’appui de leur requête introductive d’instance, à part l’affirmation tout à fait générale que les faits invoqués par eux rentreraient dans le champ d’application de la Convention de Genève, les demandeurs n’ont pas autrement expliqué l’origine de leurs difficultés.

Encore que la question du lien des faits invoqués par les demandeurs avec un des critères de la Convention de Genève puisse, le cas échéant, susciter des discussions, en ce que les menaces proviennent d’une personne d’origine albanaise, partant d’une personne d’une autre ethnie que celle des demandeurs, et que la demanderesse a fait allusion d’une manière tout à fait générale à des difficultés entre la population albanaise et d’origine serbe, sans autrement expliquer les conséquences sur leur propre situation, la soussignée relève que l’octroi du statut de réfugié est conditionné, si les persécutions invoquées proviennent de personnes privées, comme cela est le cas en l’espèce, par la preuve à fournir par le demandeur de protection internationale d’un défaut de protection par les autorités du pays d’origine, soit que la personne concernée refuse valablement de demander la protection des autorités du pays dont elle a la nationalité, soit qu’elle n’y a pas accès, cette condition étant commune avec celle visant l’octroi d’une protection subsidiaire.

Par rapport à cette condition, il faut que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut1.

Force est de constater, que les demandeurs ont admis ne pas avoir déposé plainte auprès de la police, si ce n’est à deux reprises en relation avec la découverte de bombes dans leur jardin respectivement en relation avec des jets de pierres en direction de leur maison.

Or, il se dégage des déclarations des demandeurs que lorsqu’ils ont déclaré la découverte d’une bombe dans leur jardin, la police s’est déplacée sur les lieux et qu’une unité spéciale a enlevé ladite bombe. Il ne se dégage par ailleurs pas des explications des demandeurs que la police n’ait, pour le surplus, pas entrepris les démarches nécessaires afin de trouver les coupables, recherches qui évidemment sont d’autant plus difficiles à défaut par les demandeurs d’avoir pu indiquer le nom de la personne qui les menaçait. Au regard de ces éléments, la soussignée ne dispose pas d’éléments permettant de retenir que la police kosovare, dans les cas où elle a été saisie par les demandeurs, ne soit pas disposée ou capable de leur fournir une protection.

Pour le surplus, force est de constater que lors de leurs auditions, les demandeurs ont admis ne pas avoir recherché la protection des autorités de leur pays d’origine et plus particulièrement ne pas avoir déposé une plainte auprès de la police, en expliquant leur inaction par les menaces reçues.

Or, à défaut d’avoir recherché la protection des autorités de leur pays d’origine, la soussignée est amenée à conclure qu’il ne ressort manifestement pas des déclarations des demandeurs ni des pièces au dossier, que les autorités kosovares compétentes auraient refusé ou auraient été dans l’incapacité de leur fournir une protection quelconque contre les agissements dont ils déclarent avoir été les victimes, respectivement contre les menaces dont ils font état. A cet égard, les déclarations vagues et générales, non étayées, fournies par les demandeurs, face aux explications fournies par la partie étatique, appuyées par des sources internationales relativement au fonctionnement de la police kosovare, sont insuffisantes pour justifier leur inaction du moins partielle.

1 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce un réfugié ? Edition Bruylandt, 1998, p. 754 Les demandeurs n’ayant manifestement pas établi que les autorités de leur pays d’origine ne sont pas disposées ou capables de leur fournir une protection, le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de refus d’une protection internationale est à déclarer comme manifestement infondé, au moins d’une des conditions d’octroi de ces deux statuts ne se trouvant manifestement pas remplies, et que les demandeurs sont à débouter de leur demande de protection internationale.

Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, les demandeurs font valoir que cette décision devrait être annulée comme conséquence de la réformation du refus d’accorder une protection internationale.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce volet du recours.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le ministre a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le premier juge présidant la 1re chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 25 mars 2016 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre la décision portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute les demandeurs de leur demande de protection internationale ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 avril 2016, par la soussignée, Annick Braun, premier juge présidant la 1re chambre, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

Michèle Hoffmann Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 27/4/2016 Le Greffier du Tribunal administratif 12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 37767
Date de la décision : 27/04/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-04-27;37767 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award