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15/03/2016 | LUXEMBOURG | N°37519

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 mars 2016, 37519


Tribunal administratif N° 37519 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 février 2016 Audience publique du 15 mars 2016 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37519 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 février 2016 par Maître Giulia Jaeger, avocat à la Cour,

inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … ...

Tribunal administratif N° 37519 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 février 2016 Audience publique du 15 mars 2016 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37519 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 février 2016 par Maître Giulia Jaeger, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Albanie), et de son épouse, Madame …, née le … à …, agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour compte de leur fille mineure …, née le … à …, tous de nationalité albanaise, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 2 février 2016 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à leur demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 février 2016 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le vice-président, présidant la 3e chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Maître Giulia Jaeger et Madame le délégué du gouvernement Christiane Martin en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 mars 2016.

Le 14 octobre 2015, Monsieur … et son épouse, Madame …, accompagnés de leur fille mineure …, introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 », entretemps abrogée par la loi du 18 décembre 2015 relative à l’accueil des demandeurs de protection internationale et de protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur … et de son épouse, Madame … sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-

ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.

Monsieur … et son épouse, Madame … furent entendus respectivement le 20 novembre et 31 décembre 2015 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.

Lors de cet entretien, Monsieur … déclara que la raison principale pour laquelle il aurait quitté son pays d’origine serait l’état de santé de sa fille qui serait autiste. Cette dernière aurait été discriminée à l’école et n’aurait par ailleurs pas reçu l’aide quelconque. Il déclara qu’un spécialiste dans une clinique privée à Tirana aurait diagnostiqué l’autisme chez sa fille à l’âge de deux ans et l’aurait suivi pendant trois mois, pourtant sans résultat. Il précisa que sa fille n’aurait pas suivi de thérapie telle que recommandée faute de moyens financiers propres et l’inexistence d’assurance. En raison de cette maladie il aurait dû retirer sa fille de la crèche après un an malgré le fait qu’elle aurait été acceptée dans un premier temps. Il se serait plaint auprès du directeur de la crèche ainsi qu’auprès du bourgmestre, pourtant sans résultat. Ainsi, depuis l’âge de trois ans, leur fille vivrait chez eux à la maison et elle risque d’être de l’enfermée dans une maison pour personnes atteintes d’une maladie mentale par les autorités.

Monsieur … déclara en outre qu’il aurait été licencié par son patron qui serait membre du parti socialiste et qui, après que ce parti avait gagné les élections, aurait licencié tous les membres d’autres partis politiques, Monsieur … étant membre du parti démocratique.

Enfin, Monsieur … se plaignit du manque de sécurité en Albanie tout en soulignant que sa fille serait traumatisée après qu’elle aurait été témoin d’un meurtre sur une plage il y a deux ans.

Madame … confirma lors de son entretien en substance les déclarations de son époux tout en ajoutant des précisions quant au suivi médical de leur fille.

Par décision du 2 février 2016, notifiée aux intéressés par lettre recommandée envoyée le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur … et son épouse, Madame …, qu’il avait statué sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27 paragraphe (1) sous a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 et que leur demande avait été refusée comme non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Le ministre estima en substance que le pays d’origine de Monsieur … et de son épouse, Madame …, en l’occurrence l’Albanie, serait à considérer comme pays d’origine sûr dans leur chef. Par ailleurs, les raisons qui les auraient amenés à quitter leur pays d’origine ne seraient pas motivées par un des critères de fond définis par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », sinon par la loi du 18 décembre 2015. En effet, leur demande de protection internationale reposerait uniquement sur des motifs d’ordre économique et médical. Le ministre ajouta, sur base d’un rapport de juillet 2015 de l’UNICEF, que des soins médicaux seraient dispensés gratuitement en Albanie pour les enfants.

Le ministre, pointant plusieurs incohérences dans le récit des demandeurs, estima en outre qu’il y aurait lieu d’émettre des doutes quant à la crédibilité de leur récit. Par ailleurs, comme leur fille aurait dépassé l’âge pour fréquenter une crèche, les faits exposés ne seraient dès lors plus d’actualité.

Quant au licenciement de Monsieur …, le ministre conclut qu’il n’aurait jamais entrepris une quelconque démarche contre ce licenciement, de sorte qu’il ne ressortirait pas des éléments lui soumis que les autorités étatiques, sinon d’autres organisations, ne pourraient ou ne voudraient pas lui accorder une protection adéquate.

Enfin, le ministre conclut que le récit de Monsieur … et de son épouse, Madame … ne contiendrait pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’ils courraient un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 février 2016, Monsieur … et son épouse, Madame …, ont fait déposer, en leur nom propre ainsi qu’au nom et pour compte de leur fille mineure …, un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision du ministre du 2 février 2016 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de celle portant refus de leur accorder une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, le soussigné est compétent pour connaître, du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 2 février 2016 telles que déférées.

Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’audience des plaidoiries, Maître Giulia Jaeger a déposé, après que le soussigné a fait le rapport, une farde de pièces supplémentaire. Sur question afférente, le délégué du gouvernement a sollicité le rejet de ces pièces.

Aux termes de l’article 8, paragraphe (6) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », : « Toute pièce versée après que le juge-rapporteur a commencé son rapport en audience publique est écartée des débats, sauf si le dépôt en est ordonné par le tribunal. » Au vu de la règle procédurale inscrite à l’article précité, le soussigné écarte des débats les pièces n° 10, 11 et 12 déposées par Maître Jaeger.

Quant à la compétence du magistrat siégeant en tant que juge unique en la présente matière, force est au soussigné de constater qu’aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification. Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.

Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il en résulte qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé, dans la négative, le recours étant renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

Le soussigné constate de prime abord que ni le texte législatif ni d’ailleurs les travaux parlementaires afférents, ne contiennent de définition de ce qu’il convient d’entendre par « recours manifestement infondé », et ce contrairement à l’ancienne loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, laquelle définissait en son article 9 la demande d’asile manifestement infondée1, définition complétée par le règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile en ses articles 32, 43, 54 et 65.

Il appartient dès lors au soussigné, saisi d’un recours basé sur la disposition légale citée ci-avant, de définir ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé » et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé. Comme le législateur s’est référé au 1 « Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile […]. » 2 « Une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande. Lorsque le demandeur invoque la crainte d’être persécuté dans son propre pays, mais qu’il résulte des éléments et renseignements fournis que le demandeur n’a aucune raison objective de craindre des persécutions, sa demande peut être considérée comme manifestement infondée. » 3 « Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur d’asile, invoquant des persécutions qui sont limitées à une zone géographique déterminée, aurait pu trouver une protection efficace dans une autre partie de son propre pays, qui lui était accessible. » 4 « 1) Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur d’asile provient d’un pays où il n’existe pas, en règle générale, de risque sérieux de persécution. 2) Le fait d’établir qu’un pays déterminé ne présente pas, en règle générale, de risques sérieux de persécution, n’entraînera cependant pas automatiquement le rejet de toute demande d’asile introduite par un ressortissant de ce pays, le principe de l’examen individuel de la demande restant acquis. » 5 « Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. » « recours », c’est-à-dire au recours contentieux, respectivement à la requête introductive d’instance, et non pas à la demande de protection internationale en tant que telle, la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées il convient d’ajouter que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé. En effet, en application de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

A l’appui de leur recours, les demandeurs font de prime abord valoir que l’enfant mineur … n’aurait jamais été entendu et n’aurait pas fait l’objet d’une analyse psychologique ou médicale, de sorte à ce que le ministre aurait violé l’article 14, paragraphe (3) point e) de la loi du 18 décembre 2015.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen.

A cet égard force est au tribunal de constater qu’aucune disposition légale n’oblige le ministre d’entendre personnellement un mineur au nom duquel un représentant légal a déposé une demande de protection internationale. Ainsi, l’article 2, point l) de la loi du 18 décembre 2015 définit la notion de mineur, alors que le point m) du même article définit le mineur non accompagné, de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire un amalgame entre les deux notions. Le tribunal rejoint dès lors la position de la partie étatique que le ministre n’est pas obligé d’entendre un mineur, à moins qu’il ne s’agisse d’un mineur non accompagné. Cette position est encore confortée par l’article 13, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015 offrant aux seules personnes majeures à charge d’un demandeur de protection internationale la possibilité de participer à un entretien personnel. S’il est exact que l’article 14, paragraphe (3), point e) de cette même loi règle les conditions dans lesquelles un entretien avec un mineur doit avoir lieu, cette disposition ne comporte pas d’obligation pour le ministre d’entendre un mineur à charge d’un demandeur de protection internationale.

Ce qui est par contre primordial, c’est que la situation et les faits en relation avec toute personne demandeur de protection internationale, c’est-à-dire également ceux en relation avec le mineur à charge d’un demandeur de protection internationale, soient pris en compte par le ministre dans le cadre de l’évaluation individuelle des demandes de protection internationale.

En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le ministre a pris position par rapport aux faits concernant l’enfant …, de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour être manifestement infondé.

Les demandeurs concluent encore à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre dans la mesure où leur demande de protection internationale aurait été traitée dans une décision unique alors que l’article 10, point a) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que les demandes sont examinées et les décisions sont prises individuellement.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

Force est au tribunal de constater que s’il est certes exact que l’article 10, point a) de la loi du 18 décembre 2015 imposant au ministre de prendre une décision individuelle en cette matière, a pour but de conférer aux demandeurs de protection internationale le droit que les faits les touchant individuellement soient examinés et pris en considération par le ministre dans le cadre de l’examen de leur demande de protection internationale, cet article n’est cependant pas de nature à prohiber que le ministre prenne une décision unique à l’égard de demandeurs de protection internationale qui appartiennent à une même famille et qui se basent sur les mêmes faits.

Le moyen afférent est partant à rejeter pour être manifestement infondé.

Les demandeurs, sur base de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes ainsi que sur l’article 34 de la loi du 18 décembre 2015, estiment que la décision déférée ne serait pas suffisamment motivée.

En effet, le ministre aurait employé que des formules générales et abstraites prévues par la loi sans qu’aucun lien n’aurait été effectué avec les raisons de fait les concernant personnellement.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen.

De prime abord, en ce qu’il concerne l’application de la procédure administrative non contentieuse en la présente matière, force est au tribunal de constater qu’aux termes de l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse : « Les règles établies par le règlement grand-ducal visées à l’article 1er s’appliquent à toutes les décisions administratives individuelles pour lesquelles un texte particulier n’organise pas une procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l’administré ».

S’il est exact que l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 prévoit qu’une décision administrative, notamment celle refusant de faire droit à la demande de l’intéressé, énonce au moins de manière sommaire la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, il n’en reste pas moins, tel que relevé par les demandeurs eux-

mêmes, que l’article 34, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que : « […] Toute décision négative est motivée en fait et en droit […] ». Dès lors, le tribunal est amené à conclure que l’article 34, paragraphe (1) précité de la loi du 18 décembre 2015 exige une motivation qui ne peut pas être simplement sommaire, de sorte à organiser une procédure plus protectrice pour les administrés que celle prévue par le règlement grand-ducal du 8 juin 1979.

Par voie de conséquence, la conclusion s’impose que le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 n’est pas applicable en la matière de protection internationale.

En ce qui concerne le moyen basé sur l’article 34, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, force est au tribunal de conclure, hormis la question de savoir quelle serait la sanction adéquate d’un défaut de motivation, qui, selon la Cour administrative, réside en la suspension des délais de recours, qu’en l’espèce la décision déférée n’est pas seulement motivée par des considérations abstraites, mais qu’elle prend en considération le vécu personnel des demandeurs. Par ailleurs, le délégué du gouvernement a encore amplement complété la décision déférée à travers le mémoire en réponse déposé dans le cadre de la présente procédure contentieuse, de sorte que le soussigné est amené à conclure que le moyen afférent est manifestement infondé.

Quant au fond, et quant au volet du recours en réformation en ce qu’il est dirigé contre la décision déférée du ministre de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, les demandeurs font valoir, après un rappel des dispositions pertinentes en la matière, que la reconnaissance du statut de réfugié ne serait pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais également et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile.

En ce qui concerne la situation générale en Albanie, les demandeurs font valoir, sur base d’un rapport de la Commission européenne du 10 novembre 2015, que l’indépendance du système judiciaire ne serait pas garantie et que la corruption serait répandue. Ainsi, il serait recommandé que l’Albanie intensifie ses efforts pour réformer l’administration publique et le système judiciaire et poursuive la lutte contre la criminalité organisée. Les demandeurs donnent encore à considérer que si l’Albanie aurait légiféré en matière d’inclusion, la mise en pratique de ces mesures serait difficile en raison de contraintes budgétaires.

En ce qui concerne leur situation concrète, ils renvoient à leur récit en ce qui concerne les discriminations en relation avec la maladie de leur fille et les actes subis par Monsieur … en raison de ses idées politiques. Ils mettent plus particulièrement en exergue le fait que Monsieur … aurait essayé de remédier à la situation de sa fille en s’adressant au directeur de la crèche ainsi qu’au bourgmestre sans qu’il n’aurait eu de l’aide de leur part.

Les demandeurs en concluent qu’ils ne pourraient pas s’attendre d’une protection adéquate de la part des autorités albanaises.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce volet du recours.

Force est au tribunal de constater qu’en l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a) et b) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquels :

« (1) Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la présente loi ; (…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande en obtention d’une protection internationale, ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015.

Par ailleurs, les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, le fait qu’une seule des conditions soit valablement remplie justifie la décision ministérielle à suffisance. Il s’en dégage encore qu’au cas où le recours du demandeur de protection internationale fait ressortir que ce dernier ne tombe sous aucune des conditions relevées dans cette disposition légale, telles que retenues par la décision ministérielle afférente, ledit recours ne peut être considéré comme étant manifestement infondé.

Plus particulièrement, en ce qui concerne le point b) de l’article 27, paragraphe (1), précité, visant l’hypothèse dans laquelle le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, il convient de relever qu’un pays est à considérer comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 dans les conditions suivantes :

« (1) Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément au paragraphe (2) ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne que si le demandeur est ressortissant dudit pays ou si l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle, et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.

(2) Un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève en s’appuyant sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres Etats membres, du BEAA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes ».

Il est constant en cause que le règlement grand-ducal du 27 décembre 2007 a désigné l’Albanie comme pays d’origine sûr et il se dégage des éléments du dossier que les demandeurs ont la nationalité albanaise.

Au vu du libellé de l’article 30, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier à lui seul le recours à une procédure accélérée, étant donné que cette disposition oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis des raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle et cela compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

A cet égard, il convient de préciser que comme l’article 30, paragraphe (1) précité dispose que l’examen individuel que le ministre a l’obligation d’effectuer doit l’être « compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale », et comme par rapport à la question de savoir si un pays est à considérer comme pays d’origine sûr pour un demandeur compte tenu de sa situation personnelle, il échet de vérifier si les demandeurs invoquent des éléments de nature à établir que dans leur chef et au vu de leur situation personnelle l’Albanie ne peut pas être considérée comme étant un pays d’origine sûr.

Or, il ne se dégage ni des rapports d’audition précités ni des éléments soumis à l’appréciation du tribunal à travers la requête introductive d’instance, un quelconque élément qui soit de nature à mettre en doute que, dans le chef des demandeurs, l’Albanie puisse être considérée comme étant un pays d’origine sûr. En effet, les réserves émises par la Commission européenne dans le rapport cité par extrait par les demandeurs, ne sont pas de nature à établir que l’Albanie ne s’est pas dotée d’une structure policière et judiciaire d’un Etat de droit, étant précisé par ailleurs que la seule circonstance que des améliorations sont souhaitables n’énerve pas cette conclusion. Par ailleurs, en ce qui concerne la situation particulière des demandeurs, force est au tribunal de conclure que s’il ressort certes de leurs explications qu’ils n’ont pas eu d’aide de la part du directeur de la crèche ainsi que du bourgmestre, il n’en reste pas moins que la défaillance des autorités locales n’est pas suffisante pour conclure, de manière générale, à une absence de protection de la part des autorités albanaises. En effet, tel que relevé à juste titre par le délégué du gouvernement, les demandeurs auraient dû s’adresser à un niveau hiérarchique plus élevé et, le cas échéant, s’adresser à l’Ombudsman pour qu’il puisse débloquer la situation.

En ce qui concerne le licenciement de Monsieur …, force est au tribunal de constater que ce dernier a accepté ce licenciement sans s’adresser à une quelconque autorité pour protester contre les motifs à sa base, de sorte qu’il y a lieu de conclure que les demandeurs omettent de soumettre au tribunal des éléments de preuve de nature à renverser la présomption se dégageant du règlement du 21 décembre 2007 selon laquelle l’Albanie est à considérer comme un pays d’origine sûr.

Le soussigné est dès lors amené à conclure que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale sous analyse dans le cadre d’une procédure accélérée est à déclarer manifestement infondé, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner le moyen ainsi que l’argumentation fondés sur l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen devenant surabondant.

A l’appui du recours en réformation en ce qu’il est dirigé contre la décision déférée du ministre portant refus de leur accorder une protection internationale, les demandeurs font valoir qu’ils contestent formellement que leur situation serait un simple sentiment général d’insécurité. Ils contestent encore la conclusion du ministre que des autorités albanaises pourraient leur apporter une protection adéquate, de sorte que le statut de réfugié devrait leur être accordé, notamment en raison des idées politiques de Monsieur … ainsi que de l’appartenance de leur fille à la minorité des enfants handicapés.

Ils estiment par ailleurs qu’ils feraient état de craintes justifiées de devoir subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 en cas de retour dans leur pays d’origine.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce volet de la requête introductive d’instance.

S’agissant du recours dirigé contre le refus du ministre d’accorder aux demandeurs une protection internationale, force est de constater qu’aux termes de l’article 2 b) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

Aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015:

« Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».

Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient déposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. » Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que les demandeurs ne sauraient bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que les demandeurs avancent, du risque d’être persécuté qu’ils encourent en cas de retour dans leur pays d’origine.

En l’espèce, force est au tribunal de conclure que si le licenciement de Monsieur … a eu lieu sur une toile de fond politique et que s’il est encore vrai que leur enfant … a subi les actes invoqués en raison son appartenance au groupe social de personnes handicapées, et si ces faits sont encore d’une certaine gravité, il n’en reste moins que le dernier élément nécessaire afin de qualifier un acte de persécution, en l’occurrence le refus ou l’incapacité des autorités du pays d’origine des demandeurs de protection internationale de leur accorder une protection adéquate, n’est pas, tel que relevé dans le cadre de l’analyse du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale sous analyse dans le cadre d’une procédure accélérée, établi en l’espèce.

Il s’ensuit que les moyens dirigés par les demandeurs à l’encontre de la décision ministérielle déférée de leur refuser l’octroi du statut de réfugié sont manifestement infondés.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef du demandeur d’un statut de protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par les demandeurs, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 g), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que les demandeurs avancent, du risque réel de subir des atteintes graves qu’ils encourent en cas de retour dans son pays d’origine.

Force est au tribunal de conclure que dans le cadre de la protection subsidiaire, l’absence de protection de la part des autorités du pays d’origine des demandeurs constitue une des conditions cumulatives pour qualifier un acte d’atteinte grave au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, condition qui fait, tel que relevé ci-avant, défaut en l’espèce, il y a lieu de conclure que les moyens dirigés contre la décision ministérielle déférée portant refus d’octroyer aux demandeurs une protection subsidiaire sont à qualifier de manifestement infondés.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les demandeurs sont à débouter de leur demande de protection internationale.

En ce qui concerne le volet de la requête introductive d’instance dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, les demandeurs sollicitent la réformation de cette décision comme conséquence de la réformation de la décision de refus de leur accorder une protection internationale. A titre subsidiaire, les demandeurs concluent à la réformation de la décision portant ordre de quitter le territoire pour être contraire à l’article 129 de la loi du 29 août 2008.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2) précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées uniquement les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où le soussigné vient de retenir que le recours dirigé contre la décision portant refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Cette conclusion n’est pas énervée par le moyen des demandeurs basé sur l’article 129 de la loi du 29 août 2008, applicable en la présente matière en vertu de l’article 34, paragraphe (2), alinéa 3 de la loi du 18 décembre 2016, visant l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après désignée par « la CEDH ».

En effet, en ce qui concerne la compatibilité de la décision déférée avec l’article 3 précité de la CEDH prohibant des traitements ou sanctions dégradantes et inhumaines, le soussigné est amené à conclure que les faits invoqués par les demandeurs, c’est-à-dire les discriminations subies par leur enfant … à la crèche, les difficultés de traiter sa maladie ainsi que le licenciement de Monsieur …, ne sont pas d’une gravité suffisante pour être qualifiés de traitements inhumains ou dégradants au sens de cet article. En effet, au vu des explications de la partie étatique, et notamment du fait que les soins médicaux sont gratuits pour les enfants en Albanie, le seuil de gravité défini par le Cour européenne des droits de l’homme, qui en cette matière est extrêmement élevé, n’est pas atteint en l’espèce. Par voie de conséquence, le soussigné est amené à conclure que les moyens présentés par les demandeurs à l’appui du recours en réformation en ce qu’il est dirigé contre la décision portant ordre de quitter le territoire sont manifestement infondés.

Par ces motifs, le vice-président du tribunal administratif, siégeant en sa qualité de président de la troisième chambre du tribunal, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre les décisions ministérielles du 2 février 2016 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

dit que ledit recours est manifestement infondé ;

partant, déboute les demandeurs de leur demande de protection internationale ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 mars 2016, par le soussigné Claude Fellens, vice-président du tribunal administratif, en présence du greffier Goreti Pinto.

s. Goreti Pinto s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 mars 2016 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Siégeant en sa qualité de président de la troisième chambre du tribunal
Numéro d'arrêt : 37519
Date de la décision : 15/03/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-03-15;37519 ?

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