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09/03/2016 | LUXEMBOURG | N°37614

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 mars 2016, 37614


Tribunal administratif N° 37614 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mars 2016 Audience publique du 9 mars 2016 Requête en institution d’une mesure provisoire introduite par Monsieur … et Madame …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L. 18.12.2015)

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 37614 du rôle et déposée le 4 mars 2016 au greffe du tribunal administratif par M

aître Ibtihal EL BOUYOUSFI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à ...

Tribunal administratif N° 37614 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mars 2016 Audience publique du 9 mars 2016 Requête en institution d’une mesure provisoire introduite par Monsieur … et Madame …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L. 18.12.2015)

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 37614 du rôle et déposée le 4 mars 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Ibtihal EL BOUYOUSFI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Syrie), et de son épouse, Madame …, née le … (Arabie Saoudite), agissant en leurs noms personnels ainsi qu’en leurs qualités de représentants légaux de leurs enfants …, tous de nationalité indéterminée, ayant élu domicile en l’étude de leur mandataire sise à L-2374 Luxembourg, 1, rue du Potager, tendant à voir ordonner une mesure provisoire, consistant en l’institution d’un sursis à exécution, sinon d’une reprise en charge immédiate par le Grand-

Duché de Luxembourg, par rapport à 1) une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 17 février 2016 par laquelle les autorités luxembourgeoises ont pris la décision de les transférer vers la République Fédérale d’Allemagne, Etat membre compétent pour connaître de leur demande de protection internationale, et à 2) la décision, ainsi qualifiée, du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 22 février 2016 ayant ordonné leur transfert vers l’Allemagne pour le 29 février 2016, un recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle du 17 février 2016, ainsi que contre la décision, ainsi qualifiée, du 22 février 2016, inscrit sous le numéro 37603, introduit le 3 mars 2016, étant pendant devant le tribunal administratif ;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée au fond ;

Madame le délégué du gouvernement Elisabeth PESCH entendue sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour, Maître Ibtihal EL BOUYOUSFI n’ayant pour sa part été ni présente, ni représentée.

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Le 30 décembre 2015, Monsieur … et son épouse, Madame …, accompagnés de leurs enfants … ainsi que des neveux mineurs …, « les consorts … », introduisirent une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Par arrêté du 17 février 2016, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé le « ministre », informa les consorts … que le Grand-Duché de Luxembourg n’était pas compétent pour examiner leur demande en reconnaissance d’un statut de protection internationale, en se référant aux dispositions de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire et à celles de l’article 18, paragraphe 1b), du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dénommé ci-après « le règlement Dublin III », au motif que ce serait l’Allemagne qui serait responsable du traitement de leur demande d’asile, du fait qu’ils y auraient introduit le 11 décembre 2015 une demande de protection internationale et que les autorités allemandes auraient accepté le 15 février 2015 de reprendre en charge l’examen de leur demande de protection internationale.

Par courrier du 22 février 2016, le ministre informa les consorts … que leur transfert vers l’Allemagne aurait lieu le 29 février 2016, transfert qui fut effectivement exécuté à cette date.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2016, inscrite sous le numéro 37603 du rôle, les consorts … ont introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 17 février 2016 ainsi que contre celle, ainsi qualifiée, du ministre du 22 février 2016 ayant ordonné leur transfert vers l’Allemagne pour le 29 février 2016. Par requête séparée déposée en date du 4 mars 2016, inscrite sous le numéro 37614 du rôle, ils ont encore introduit une demande en institution d’une mesure provisoire tendant en substance à voir surseoir à l’exécution de leur transfert vers l’Allemagne, sinon à voir ordonner leur reprise en charge immédiate par les autorités luxembourgeoises jusqu’au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite de leur recours au fond.

Les demandeurs soutiennent qu’ils subiraient du fait des décisions attaquées par le recours au fond un dommage grave et définitif.

A ce titre, ils font valoir que les neveux … auraient dû assister à l’assassinat de leurs parents et de leur fratrie, tandis que leurs propres enfants … auraient également vécu le deuil de leur oncle, tante et cousins, ainsi que la crainte quotidienne d’être tués ou voir leurs parents tués ; quant aux parents, ceux-ci, outre d’avoir été confrontés au même assassinat, ils auraient dû affronter la crainte quotidienne d’être tués en raison du nom …. Ils affirment encore avoir vécu un voyage périlleux, pour finalement aboutir au Luxembourg, pays ayant accueilli environ deux mois avant leur arrivée deux frères du demandeur Monsieur … ; aussi, ils affirment avoir eu dès le départ l’intention de demander la protection internationale au Grand-Duché de Luxembourg. Ils exposent encore que suite à leur arrivée au Luxembourg, ils auraient été placés au foyer jouxtant le Centre Hospitalier de Luxembourg installé dans l’ancienne maternité en raison de l’état de santé très dégradé de la jeune …. Ils exposent encore que les différents enfants seraient actuellement scolarisés, et qu’ils auraient enfin trouvé un sentiment de sécurité grâce aux efforts des éducateurs et enseignants et auraient tissé des liens d’amitié avec d’autres enfants ; par ailleurs, toute la famille serait heureuse de pouvoir se réunir avec les oncles et frères se trouvant déjà au Luxembourg.

Or, à cause des décisions entreprises au fond, leur départ vers l’Allemagne aurait été précipité, ce qui aurait porté atteinte à l’équilibre psychique difficilement retrouvé des enfants, ainsi qu’à la stabilité de la santé de l’enfant mineur … : ils affirment ne pas pouvoir retrouver cet équilibre et le soutien familial des oncles paternels en Allemagne, de sorte que les traumatismes de ce transfert et de cette nouvelle séparation seraient irrécupérables.

Dès lors, ils font plaider que l’intérêt supérieur des enfants, « critère déterminant » du règlement Dublin III, imposerait leur retour imminent au Luxembourg sans attendre qu’un jugement au fond soit rendu, les demandeurs invoquant encore leur droit à la vie privée et familiale.

A l’appui de leur recours au fond, ils soutiennent en substance n’avoir jamais introduit de demande de protection internationale ailleurs et encore moins en Allemagne, où ils ne seraient restés que quelques heures.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause.

En vertu de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.

Une mesure de sauvegarde, prévue à l’article 12 de la loi du 21 juin 1999, requiert, sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, les mêmes conditions tenant au sérieux des moyens et au risque d’un préjudice grave et définitif.

Or, à cet égard, lorsqu’une mesure dont le sursis à exécution est demandé a d’ores et déjà été exécutée au moment où le président du tribunal est appelé à statuer, la demande de sursis à exécution a perdu son objet et elle doit être déclarée irrecevable. En effet, il n’y a pas lieu de faire droit à des conclusions à fin de sursis dès lors que la décision est déjà exécutée et que la mesure n’est plus susceptible de produire d’effet utile. En d’autres termes, même à admettre que l’exécution de la mesure incriminée ait été susceptible de causer au demandeur un préjudice grave et définitif, qu’il s’agissait de prévenir, ce préjudice est consommé par l’exécution de la mesure litigieuse et la juridiction du président du tribunal est dès lors épuisée1. En effet, la demande de suspension a pour objet d’empêcher, temporairement, la 1 Trib. adm. 10 avril 2001, n° 13203, Pas. adm. 2015, V° Procédure contentieuse, n° 535, et autres références y citées.

survenance d’un préjudice grave et définitif ; les effets de la suspension étant d’interdire à l’auteur de l’acte de poursuivre l’exécution de la décision suspendue.

Or, en l’espèce, force est au soussigné de constater que la décision déférée du 17 février 2016, prise en application de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015, a un double objet, conformément à la même disposition, à savoir celle, d’une part, de transférer les personnes concernées vers l’Etat membre compétent, et, d’autre part, de ne pas examiner leur demande de protection internationale, ce dernier volet étant la conséquence du premier volet de la décision, ces deux objets ayant été matériellement exécutés par le transfert des demandeurs en Allemagne le 29 février 2016.

Il s’ensuit, outre que le courrier du ministre du 22 février 2016 informant les consorts … de la date et de l’heure de leur transfert vers l’Allemagne ne constitue manifestement pas une décision administrative susceptible de recours, mais un simple courrier d’information concernant les modalités d’exécution de la décision du 17 février 2016, que la seule décision administrative valablement déférée au soussigné a d’ores et déjà été exécutée, de sorte qu’il ne reste au juge du provisoire qu’à déclarer la demande irrecevable pour défaut d’objet.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, déclare le recours en obtention d’un sursis à exécution, sinon d’une mesure de sauvegarde irrecevable, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 mars 2016 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence d’Arny Schmit, greffier en chef.

Arny Schmit Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9/3/2016 Le Greffier du Tribunal administratif 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 37614
Date de la décision : 09/03/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-03-09;37614 ?

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