Tribunal administratif N° 36274 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 mai 2015 Audience publique du 13 mai 2015 Requête en institution d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur XXX, Findel, par rapport à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers
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ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 36274 du rôle et déposée le 11 mai 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX, né le XXX, de nationalité kosovare, actuellement retenu au Centre de rétention, sis à L-1714 Findel, 10, Beim Haff, tendant à voir instituer une mesure de sauvegarde par rapport à une décision d’éloignement du territoire luxembourgeois vers son pays d’origine « nécessairement sous-jacent à la mesure de rétention » prise par le ministre de l’Immigration et de l’Asile à son encontre le 28 avril 2015, un recours en annulation dirigé contre ladite décision ministérielle, inscrit sous le numéro 36273 du rôle, introduit le 11 mai 2015, étant pendant devant le tribunal administratif ;
Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées en cause ;
Maître Louis TINTI, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-
JACQUES entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.
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Monsieur XXX et son épouse, Madame XXX, accompagnés de leurs enfants XXX, ci-après « les consorts XXX », virent rejeter leur demande de protection internationale du 1er février 2012 par décision du ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Immigration en date du 30 janvier 2013, le ministre exprimant en outre à leur encontre l’ordre de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Le recours contentieux dont les consorts XXX avaient saisi les juridictions administratives fut définitivement rejeté par arrêt de la Cour administrative du 30 janvier 2014, numéro 33623C du rôle.
1 Les consorts XXX bénéficièrent par la suite d’un sursis à l’éloignement en raison de l’état de santé de Madame XXX jusqu’au 28 janvier 2015.
Le 16 janvier 2015, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par le « ministre », rejeta leur demande tendant à voir prolonger les effets de ce sursis à l’éloignement Le 1er avril 2015, le ministre rejeta le recours gracieux introduit le 5 mars 2015 contre cette décision ministérielle du 16 janvier 2015.
Le 28 avril 2015, le ministre ordonna le placement en rétention des consorts XXX en attendant leur éloignement du territoire luxembourgeois.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mai 2015, inscrite sous le numéro 36267 du rôle, les consorts XXX ont introduit un recours en annulation contre les décisions ministérielles précitées des 16 janvier et 1er avril 2015.
Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 36268 du rôle, ils ont encore introduit une demande tendant à voir ordonner une mesure de sauvegarde consistant à voir autoriser provisoirement leur séjour sur le territoire luxembourgeois jusqu'au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite de leur recours au fond.
Cette demande a été rejetée par ordonnance du soussigné en date de ce jour pour manquer de fondement.
Par une autre requête encore déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mai 2015, inscrite sous le numéro 36273 du rôle, Monsieur XXX a introduit un recours en annulation contre décision d’éloignement du territoire luxembourgeois vers son pays d’origine « nécessairement sous-jacente à la mesure de rétention » prise par le ministre entre autres à son encontre le 28 avril 2015.
Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 36274 du rôle, il a introduit une demande tendant à voir ordonner une mesure de sauvegarde consistant à voir autoriser provisoirement son séjour sur le territoire luxembourgeois jusqu'au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite de son recours au fond.
Le demandeur fait soutenir que son éloignement du territoire luxembourgeois l’exposerait à un risque de préjudice grave et définitif en ce qu’il ne pourrait pas terminer avec succès son année scolaire pour laquelle il se serait particulièrement investi.
Il estime encore que les moyens invoqués à l’appui de son recours au fond seraient sérieux.
2Au fond, il reproche en substance à la décision ministérielle litigieuse de reposer sur une appréciation erronée des faits, sinon d’être le fruit d’une violation de la loi sinon d’une fausse application de celle-ci.
Il fait valoir que même si « le droit de séjourner sur le sol luxembourgeois en vue de terminer son année scolaire relève du pouvoir discrétionnaire du ministre, celui-ci ne saurait s'exercer de façon arbitraire ». Or, tel serait le cas en l’espèce, au motif que la décision ministérielle ne ménagerait pas un juste équilibre entre les buts légitimement poursuivis dans le cadre d'une politique de l'immigration nécessaire à toute société et ses intérêts particuliers légitimes.
Le délégué du gouvernement estime que les conditions légales pour justifier l’institution d’une mesure provisoire ne seraient pas remplies en cause. Il insiste sur ce que l’éloignement et la décision de placement du demandeur se feraient en exécution de la décision ministérielle prévisée de retour du 30 janvier 2013, qui aurait acquis « autorité de chose jugée » et qu’aucune autre décision d’éloignement n’aurait été prise.
En vertu de l’article 11 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.
Une mesure de sauvegarde, prévue à l’article 12 de la loi précitée du 21 juin 1999, requiert, sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, les mêmes conditions tenant au sérieux des moyens et au risque d’un préjudice grave et définitif.
L'exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l'instruction, les chances de succès du recours au fond.
En l’espèce, force est de constater que l’éloignement du demandeur ne se fait pas en exécution d’une décision d’éloignement implicite qu’il entend voir dégager du fait de la prise d’un arrêté ministériel de placement à l’encontre des consorts XXX, mais, il se fait en exécution d’une décision ministérielle expresse de retour prise à leur encontre en date du 30 janvier 2013, décision à laquelle l’arrêté de placement renvoie d’ailleurs expressément. Il n’appert pas non plus qu’une autre décision d’éloignement ait été prise à l’égard du demandeur, ni que ce dernier ait sollicité, à un moment ou un autre, la délivrance d’une autorisation de séjour notamment en vue de la poursuite d’études au Luxembourg.
Or, la décision de retour du 30 janvier 2013 a fait l’objet d’un recours contentieux, duquel les consorts XXX ont définitivement été déboutés par l’arrêt de la Cour administrative précité du 30 janvier 2014. Ainsi, il n’est guère probable que les juges du fond déclareront cet itératif recours contre la décision de retour recevable.
3Il s’ensuit que le recours au fond, au stade actuel de son instruction et sur base d’une analyse nécessairement sommaire, n’apparaît pas comme ayant de sérieuses chances de succès.
Le demandeur est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure de sauvegarde sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question du risque d’un préjudice grave et définitif dans son chef, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.
Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique ;
reçoit la requête en institution d’une mesure de sauvegarde en la forme ;
au fond, la déclare non justifiée et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 13 mai 2015, par M. CAMPILL, président du tribunal administratif, en présence de M. WEBER, greffier.
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