Tribunal administratif N° 34441 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 avril 2014 Audience publique du 28 avril 2014 Requête en institution d’une mesure provisoire introduite par Monsieur , alias , Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers
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ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 34441 du rôle et déposée le 25 avril 2014, à 17.55 heures, au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur , né le à /Maroc, de nationalité marocaine, alias , né le à /Algérie, de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention à Findel, tendant à voir ordonner un sursis à exécution par rapport à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 3 avril 2014 par laquelle les autorités luxembourgeoises ont ordonné son transfert vers l’Allemagne, ainsi qu’une autorisation de séjour provisoire, un recours en réformation sinon en annulation dirigé contre cette décision ministérielle, inscrit sous le numéro 34440, introduit le même jour, étant pendant devant le tribunal administratif ;
Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée au fond ;
Maître Loïc PALGEN, en remplacement de Maître Philippe STROESSER, pour le demandeur, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour, à 8.45 heures.
Il se dégage des explications de la partie étatique et des pièces figurant dans le dossier administratif que Monsieur , déclarant être né le à (Maroc), et être de nationalité marocaine, également connu sous le nom de , né le à (Algérie), de nationalité algérienne, fut placé en détention préventive au centre pénitentiaire de Schrassig et fit l’objet d’une décision de retour prise en date du 27 mars 2014 par le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après le « ministre », sur base des articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, par laquelle le ministre constata le séjour irrégulier de Monsieur sur le territoire luxembourgeois au motif qu’il n’était en possession ni d’un passeport, ni d’un visa en cours de validité, qu’il n’était pas en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ni d’une autorisation de travail, et qu’il existait un risque de fuite non négligeable dans son chef, et lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, à savoir le Maroc, ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner, tout en assortissant cette décision de retour d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de trois ans.
Par arrêté du même jour, notifié à Monsieur le jour même, le ministre ordonna son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification.
Ledit arrêté est basé sur les considérations et motifs suivants :
« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu ma décision de retour du 27 mars 2014, comportant une interdiction d’entrée sur le territoire de trois ans ;
Attendu que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;
Attendu qu'au vu de la situation particulière de l'intéressé, il n'existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu'une mesure de placement alors que les conditions d'une assignation à domicile conformément à l'article 125 (1) ne sont pas remplies ;
Attendu qu'il existe un risque de fuite non négligeable dans le chef de l'intéressé ;
Considérant que l'intéressé se trouvait en détention ;
Considérant que l'intéressé est signalé au système EURODAC comme ayant déposé cinq demandes d'asile, en Italie en date du 1er avril 2008, en Suisse en date des 11 août 2011 et 29 décembre 2011 et en Allemagne en date des 8 mars 2012 et 16 novembre 2012 ;
qu'une demande de reprise en charge en vertu de l'article 18§1b du règlement (CE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 sera adressée aux autorités compétentes dans les meilleurs délais ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les meilleurs délais ;
Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».
Par arrêté du 3 avril 2014, le ministre informa Monsieur , en se référant aux dispositions du règlement (CE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride que la République fédérale d’Allemagne aurait accepté de reprendre en charge l’examen de sa demande d’asile et ordonna son transfert vers la République fédérale d’Allemagne.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2014 et inscrite sous le numéro 34440 du rôle, Monsieur a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle de transfert prévisée du 3 avril 2014. Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 34441 du rôle, il a introduit encore introduit une demande en institution d’une mesure provisoire tendant en substance à voir surseoir à l’exécution de son transfert vers l’Allemagne jusqu'au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite de leur recours au fond.
Le demandeur fait soutenir que l’exécution de la décision attaquée risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif en ce qu’il serait privé de toute possibilité de recours et que ses droits de la défense seraient lésés. Il estime aussi que son recours au fond aurait de sérieuses chances de succès. A l’appui de ce recours au fond, il critique le ministre de ne pas avoir été suffisamment diligent et d’avoir manqué d’avoir formulé sa demande de reprise aux autorités allemandes dans un bref délai, parallèlement et en même temps, il reproche au ministre d’avoir agi trop vite, alors qu’il disposerait d’un délai de recours de trois mois endéans lequel l’organisation de son transfert ne saurait avoir lieu sous peine de le priver d’un recours effectif.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause.
En vertu de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.
Une mesure de sauvegarde, prévue à l’article 12 de la loi du 21 juin 1999, requiert, sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, les mêmes conditions tenant au sérieux des moyens et au risque d’un préjudice grave et définitif.
L'exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l'instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.
Ainsi, le juge du référé est appelé, d'une part, à procéder à une appréciation de l'instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l'instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l'instruction de l'affaire et, d'autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l'annulation de la décision attaquée.
En l’espèce, le soussigné, sur base d’une analyse nécessairement sommaire, arrive à la conclusion provisoire qu’au stade actuel de l’instruction de l’affaire au fond, l’argumentaire développé à l’appui du recours au fond n’apparait pas comme étant suffisamment sérieux pour justifier l’institution de la mesure sollicitée.
En effet, cet argumentaire appert être incohérent en ce qu’il ne saurait être reproché au ministre d’avoir agi au mépris de la célérité requise tout en lui reprochant d’avoir agi trop rapidement. Pour le surplus, il n’appert pas en quoi la décision ministérielle ne relèverait pas d’une juste application de la loi, étant précisé que des considérations relativement à l’exécution d’une décision ne paraissent pas être de nature à affecter sa légalité.
Si ainsi la première condition légale pour justifier l’institution de la mesure sollicitée n’est pas remplie et que le demandeur est partant à débouter de sa demande sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question du risque d’un préjudice grave et définitif dans son chef, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande, il convient de remarquer à titre superflu que la deuxième condition ne l’est pas non plus, un risque de préjudice grave et définitif n’étant pas rapporté en preuve, en ce que le demandeur n’est point empêché d’agir en justice pour assurer la sauvegarde de ses intérêts, comme de fait il a d’ores et déjà pu le faire en introduisant un recours au fond contre la décision de transfert -de même que contre la décision de placement prévisée-, et ses droits de la défense ne sont pas lésés en cas d’éloignement vers l’Allemagne, le procès au fond pouvant parfaitement suivre son cours normal.
Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique ;
reçoit la requête en institution d'une mesure provisoire en la forme ;
au fond, la déclare non justifiée et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 28 avril 2014, à 9.45 heures, par M.
CAMPILL, président du tribunal administratif, en présence de M. WEBER, greffier.
s. WEBER s. CAMPILL 5