Tribunal administratif N° 34162 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 mars 2014 Audience publique du 13 mars 2014 Requête en institution d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur , , par rapport à une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures, en matière de permis de conduire
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ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 34162 du rôle et déposée le 6 mars 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Vic KRECKE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur , né le , actuellement sans emploi, déclarant demeurer à L- , tendant à l’institution d’une mesure de sauvegarde consistant en substance en un sursis total ou partiel de l’exécution de la décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures, du 30 septembre 2013 portant retrait de son permis de conduire un véhicule automoteur, cette requête s’inscrivant dans le cadre d’un recours en annulation, sinon en réformation devant le tribunal administratif dirigé contre ladite décision ministérielle introduit le 24 février 2014 et portant le numéro 34088 du rôle ;
Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Maître Christian BOCK, en remplacement de Maître Vic KRECKE, pour le demandeur, et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.
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Par décision du 30 septembre 2013, le ministre du Développement durable et des Infrastructures, ci-après dénommé le « ministre », retira le permis de conduire un véhicule automoteur qui avait été délivré à Monsieur , ainsi que les permis de conduire internationaux lui délivrés sur le vu de son permis national.
Cette décision de retrait du permis de conduire était motivée sur le fait que l’intéressé souffrirait « d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire ».
Par requête déposée le 24 février 2014, inscrite sous le numéro 34088 du rôle, Monsieur a introduit un recours en annulation, sinon en réformation contre cette décision ministérielle.
Par requête déposée le 6 mars 2014, inscrite sous le numéro 34162 du rôle, il a encore sollicité l’institution d’une mesure de sauvegarde consistant en substance en un sursis total ou partiel de l’exécution de la décision ministérielle de retrait de son permis de conduire.
Il estime que les conditions légales requises en vue de l’institution de la mesure provisoire sollicitée sont remplies.
Ainsi, il soutient que l’exécution de la décision de retrait de son permis de conduire lui causerait un préjudice, matériel ou moral, grave et irréversible ou difficilement réparable.
Dans ce contexte, il relève détenir son permis de conduire depuis 12 ans, sans jamais avoir subi de condamnation et sans jamais avoir été impliqué dans un accident de la circulation et s’estime sévèrement sanctionné du « fait que la consommation de cannabis avouée s'explique par le fait qu'elle est prescrite médicalement par les médecins-traitants de l'exposant qui souffre depuis de longues années du syndrome ADS (Attention Deficit Syndrom) ».
Sur ce, il fait état de ce qu’en tant que « jeune chômeur », âgé de 31 ans, inscrit comme demandeur d'emploi auprès de l'ADEM, le retrait de son permis de conduire, diminuerait sensiblement ses chances de retrouver un emploi.
Il précise que l'organisation « Forum pour l'Emploi » lui aurait soumis une « proposition d'un « apprentissage pour adultes » (dans la profession de jardinier-
paysagiste), ceci tout en spécifiant que le lieu de travail est situé dans la région de Clervaux, alors que l'exposant est actuellement domicilié à ».
A l’appui de son recours au fond, le demandeur soulève différents moyens tirés entre autres de la composition de la « commission médicale » prévue par l'article 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques ; de différentes prétendues irrégularités procédurales, dont un défaut d’audition de l’intéressé et un défaut de communication d’un avis supplémentaire de la commission médicale ; d’une violation de l’obligation légale de motivation ; d’une erreur d'appréciation dans le chef de l’autorité décisionnelle et d’une violation du principe de proportionnalité.
Le délégué du gouvernement conteste tant le sérieux des moyens invoqués à l’appui du recours au fond que l’existence d’un préjudice grave et définitif subi par le demandeur.
En vertu de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.
Une mesure de sauvegarde, prévue à l’article 12 de la loi du 21 juin 1999, requiert, sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, les mêmes conditions tenant au sérieux des moyens et au risque d’un préjudice grave et définitif.
Un préjudice est grave lorsqu'il dépasse par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu'impose la vie en société et doit dès lors être considéré comme une violation intolérable de l'égalité des citoyens devant les charges publiques.
Il est définitif lorsque le succès de la demande présentée au fond ne permet pas ou ne permet que difficilement un rétablissement de la situation antérieure à la prise de l'acte illégal, la seule réparation par équivalent du dommage qui se manifeste postérieurement à son annulation ou sa réformation ne pouvant être considérée à cet égard comme empêchant la réalisation d'un préjudice définitif.
Le soussigné est amené à constater que la condition d'un risque de préjudice grave et définitif n'est pas remplie en l'espèce.
En premier lieu, il convient de relever qu’en cas de succès de la demande au fond, c’est-à-dire en cas d’annulation de la décision querellée, la situation antérieure à la prise de cet acte sera parfaitement rétablie et le demandeur pourra à nouveau bénéficier du droit de conduire, de sorte que le préjudice invoqué ne se révèle pas définitif sous ce rapport.
Concernant la privation temporaire du permis de conduire dans l’attente de la solution du litige au fond, le demandeur omet d’invoquer en quoi l’exécution immédiate de l’acte attaqué serait de nature à lui causer un préjudice irréversible, dans le sens de gênes ou de sacrifices dépassant ceux que peut imposer momentanément la vie en société.
En effet, il ne se dégage pas à suffisance de droit des éléments d’appréciation soumis en cause qu’il y ait un risque concret pour l’avenir professionnel de l’intéressé et le fait qu’il devra temporairement se réorganiser et recourir notamment aux moyens de transport publics n’appert pas être source d’un préjudice grave ou définitif, étant relevé l’existence d’une liaison ferroviaire facilement accessible -et bien moins coûteuse qu’un déplacement en voiture- garantissant son transport entre la localité de , où le demandeur est déclaré et où il affirme aussi s’installer prochainement, et la localité de Clervaux, où il semble pouvoir bénéficier d’une possibilité d’embauche.
Par conséquent, le demandeur doit être débouté de sa demande en institution d’une mesure provisoire sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question des chances de succès de son recours au fond, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.
Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique ;
déclare le recours en institution d’une mesure provisoire non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 13 mars 2014 par M. CAMPILL, président du tribunal administratif, en présence de M. WEBER, greffier.
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