Tribunal administratif N° 34182 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 mars 2014 Audience publique du 12 mars 2014 Requête en institution d’une mesure de sauvegarde introduite par Madame , , par rapport à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale
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ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 34182 du rôle et déposée le 12 mars 2014, à 11.55 heures, au greffe du tribunal administratif par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame , née le à , déclarant demeurer à L- , tendant à voir ordonner une mesure de sauvegarde consistant à voir suspendre son transfert vers la Belgique et à se voir autoriser à séjourner provisoirement sur le territoire luxembourgeois dans le contexte d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 30 janvier 2014 par laquelle les autorités luxembourgeoises se sont déclarées incompétentes pour connaître de sa demande de protection internationale, tout en déclarant le Royaume de Belgique compétent pour ce faire, un recours en annulation dirigé contre cette décision ministérielle d’incompétence, inscrit sous le numéro 34158, introduit le 5 mars 2014, étant pendant devant le tribunal administratif ;
Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée au fond ;
Maître Pascale PETOUD, pour la demanderesse, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES entendues en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour à 16.30.
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Le 24 octobre 2013, Madame introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après la « loi du 5 mai 2006 ».
Par arrêté du 30 janvier 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé le « ministre », informa Madame que le Grand-Duché de Luxembourg n’était pas compétent pour examiner sa demande en reconnaissance d’un statut de protection internationale, en se référant aux dispositions de l’article 15 de la loi du 5 mai 2006 et à celles de l’article 16, paragraphe 1e, du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers, ci-après dénommé le « règlement DUBLIN II », au motif que ce serait le Royaume de Belgique qui serait responsable du traitement de sa demande d’asile, du fait qu’elle y aurait déposé une demande d’asile, en l’occurrence en date du 12 novembre 2012.
Ledit arrêté fait encore état de ce que les autorités belges auraient accepté, en date du 16 décembre 2013, de reprendre en charge l’examen de sa demande d’asile.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mars 2014, inscrite sous le numéro 34158 du rôle, Madame a introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 30 janvier 2014.
Par requête déposée en date de ce jour à 11.55 heures, inscrite sous le numéro 34182 du rôle, elle a introduit une demande en institution d’une mesure provisoire tendant à voir suspendre son transfert vers la Belgique et à se voir autoriser à séjourner provisoirement sur le territoire luxembourgeois jusqu'au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite de son recours au fond.
La demanderesse expose que son « retour » en Belgique « est en principe fixé au 12 mars 2014, sans précision quant à l’heure ».
Elle fait encore soutenir qu’ « il ne fait aucun doute que la décision entreprise risque de causer à la requérante un préjudice grave et définitif » et que les moyens invoqués à l’appui de son recours au fond seraient sérieux.
A l’appui de son recours au fond, la demanderesse soutient en substance que le Grand-Duché de Luxembourg aurait dû user de la clause humanitaire de l’article 15 du règlement DUBLIN II, au motif qu’elle serait enceinte de Monsieur , ressortissant résidant à Luxembourg, avec lequel elle envisagerait de se marier.
La déléguée du gouvernement estime que les conditions légales justifiant le prononcé d’une mesure provisoire ne seraient pas remplies en cause.
En vertu de l’article 11 (2) de la loi du 21 juin 1999, un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.
Une mesure de sauvegarde, prévue à l’article 12 de la loi du 21 juin 1999, requiert, sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, les mêmes conditions tenant au sérieux des moyens et au risque d’un préjudice grave et définitif.
Concernant la condition relative à l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, il convient de relever liminairement qu’aux termes de son premier considérant, le règlement DUBLIN II considère qu’une politique commune dans le domaine de l’asile, incluant un régime d'asile européen commun, est un élément constitutif de l’objectif de l’Union européenne visant à mettre en place progressivement un espace de liberté, de sécurité et de justice ouvert à ceux qui, poussés par les circonstances, recherchent légitimement une protection dans la Communauté. Tablant sur l’équivalence des procédures devant assurer la protection des demandeurs d'asile applicables dans les différents Etats membres, le règlement en question fixe des règles de compétence en vue de déterminer l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile émanant d'un ressortissant d'un Etat tiers.
Il s’ensuit qu'un demandeur d'asile ne saurait en principe se prévaloir d'un préjudice quelconque qu'il risquerait de subir au cas où sa demande d’asile serait examinée dans un Etat membre plutôt que dans un autre.
Par conséquent, ni le fait que le ministre se soit déclaré incompétent en faveur des autorités belges, ni le transfert de la demanderesse vers la Belgique, dont les autorités ont accepté de reprendre en charge l’examen de sa demande de protection internationale, ne paraissent de nature à causer un préjudice à la demanderesse.
Au-delà, force est de constater que dans sa requête introductive d’instance, la demanderesse reste en défaut ne serait-ce d’exposer la moindre considération concrète ayant trait à une source de risque de subir un préjudice grave et définitif.
Lors de l’audience des plaidoiries, le mandataire de la demanderesse entend voir suppléer à cette carence initiale en invoquant le fait que la demanderesse est enceinte et que son projet de mariage avec le présumé père de l’enfant à naître serait menacé, de sorte qu’il serait portée une atteinte à sa vie privée, arguments auxquels la déléguée entend opposer le fait qu’il n’y aurait aucune communauté de vie entre la demanderesse et le présumé père de l’enfant et que le transfert en Belgique ne couperait pas nécessairement la relation entre la demanderesse et le présumé père de l’enfant à naître, ni n’empêcherait leur projet de mariage.
Le risque ainsi invoqué appert non seulement être essentiellement hypothétique, mais encore et surtout il n’est pas définitif en ce sens qu’en cas de gain de cause dans l’affaire au fond -qui est déjà fixée pour plaidoiries au 31 mars 2014-, c’est-à-dire en cas d’annulation de la décision querellée, la situation antérieure à la prise de l’acte attaqué sera parfaitement -et rapidement- rétablie et la demanderesse verra sa demande examinée par les autorités luxembourgeoises et se verra prise en charge par les autorités luxembourgeoises, un éventuel contretemps au niveau du projet de mariage n’étant quant à lui pas à qualifier de préjudice grave.
Il suit de ce qui précède que la demanderesse n’a pas établi que l’exécution de la décision litigieuse risque de lui causer un préjudice grave et définitif, de sorte qu’il y a lieu de la débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire, sans encore examiner davantage la question du sérieux des moyens soulevés au fond, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, avec pour conséquence que la défaillance de l’une des conditions légales entraîne à elle seule l’échec de la demande.
Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique ;
reçoit la requête en institution d’une mesure provisoire en la forme ;
au fond, la déclare non justifiée et en déboute ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 12 mars 2014, à 17.15 heures, par M.
CAMPILL, président du tribunal administratif, en présence de M. WEBER, greffier.
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