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23/08/2013 | LUXEMBOURG | N°33194

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 août 2013, 33194


Tribunal administratif N° 33194 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 août 2013 Audience publique du 23 août 2013 Requête en institution d’une mesure provisoire introduite par Monsieur … …, …, par rapport à une décision du bourgmestre de la commune de …, en présence de Monsieur … … et Madame … …, …, en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête, inscrite sous le numéro 33194 du rôle et déposée le 8 août 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Roby SCHONS, avocat

à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, demeurant à L...

Tribunal administratif N° 33194 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 août 2013 Audience publique du 23 août 2013 Requête en institution d’une mesure provisoire introduite par Monsieur … …, …, par rapport à une décision du bourgmestre de la commune de …, en présence de Monsieur … … et Madame … …, …, en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête, inscrite sous le numéro 33194 du rôle et déposée le 8 août 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Roby SCHONS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, demeurant à L-…, tendant à voir ordonner le sursis à exécution d’une décision du bourgmestre de la commune de … du 10 mai 2013, portant le numéro …, autorisant Monsieur … … et Madame … …, demeurant à L-…, …, rue de …, de démolir une maison existante et de construire une maison d’habitation unifamiliale avec car-port et abri de jardin, ainsi que l’aménagement d’un étang de natation sur leur terrain sis à …, .., rue …, la prédite décision du bourgmestre étant par ailleurs attaquée au fond par une requête en annulation introduite le même jour et portant le numéro 33193 du rôle ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilles HOFFMANN, demeurant à Esch-sur-

Alzette, du 7 août 2013, portant signification de ladite requête en institution d’une mesure provisoire à l’administration communale de …, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, à Monsieur … … et à Madame … …, préqualifiés ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Maître Roby Schons, pour le demandeur, et Maître Steve HELMINGER pour l’administration communale de …, ainsi que Maître Albert RODESCH pour Monsieur … … et Madame … …, entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 août 2013.

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Le 10 mai 2013, le bourgmestre de la commune de …, dénommé ci-après le « bourgmestre », délivra, sous le n° …, à Monsieur … … et à Madame … …, ci-après désignés par « les époux …-… » l’autorisation « de démolir les constructions existantes ; de construire une maison d’habitation unifamiliale avec car port et l’aménagement d’un étang de natation ;

de construire un abri de jardin (…) » sur leur terrain sis à L-…, …, rue ….

Par requête déposée le 8 août 2013, inscrite sous le numéro 33193 du rôle, Monsieur … … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de cette autorisation de démolition et de construction du 10 mai 2013 et, par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 33194 du rôle, il sollicite le sursis à exécution de cette autorisation.

Le demandeur fait soutenir que les conditions légales, telles que prévues par l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », seraient remplies en cause et il demande à voir suspendre les effets de l’autorisation querellée en attendant la solution de son recours au fond.

Au titre d’un préjudice grave et définitif, il soutient qu’une fois que le permis du bourgmestre aura été exécuté, il ne serait plus, en vertu de la jurisprudence des juridictions judiciaires en la matière, possible pour lui d’obtenir la démolition des immeubles autorisés.

A l’appui de son recours au fond, le demandeur soutient en premier lieu avoir un intérêt à agir en sa qualité de propriétaire de l’immeuble sis au numéro … de la rue … à …, lequel serait situé à proximité immédiate de l’immeuble ayant fait l’objet de l’autorisation querellée, étant donné qu’il aurait une vue directe sur la construction projetée.

Il expose en outre que la construction litigieuse des époux …-… aurait des conséquences sur le tracé du chemin d’accès menant à sa maison, en ce qu’il ne sera plus en ligne droite, mais présentera un virage de 65 degrés, ce qui rendrait impossible, respectivement très difficile le passage de véhicules d’une certaine envergure, tels que notamment les camions d’approvisionnement en gaz ou fuel, ou les camions des sapeurs-

pompiers.

Concernant les moyens de fond libellés à l’encontre du permis de construire délivré par le bourgmestre, il est soutenu que le permis litigieux serait illégal pour :

- violation de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, ci-après dénommé le « règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ». Il insiste sur le fait que par courrier recommandé du 14 février 2013 adressé au bourgmestre, il aurait fait valoir son opposition au projet des époux …-…, mais que cette opposition n’aurait pas connu la moindre suite ;

- violation de l’article 14 de la partie écrite du Plan d’aménagement général de …, ci-

après désigné par « le PAG » exigeant un recul sur la limite antérieure de la parcelle d’au moins 6 mètres, un recul sur la limite postérieure de 8 mètres, et un recul latéral de 4 mètres, lesquels ne seraient pas respectés ;

- violation de l’article 30 PAG imposant un recul de 5 mètres entre la construction principale et la dépendance construite sur la partie arrière d’une parcelle, lequel ne serait pas respecté ;

- non-applicabilité de l’article 38 de la partie écrite du PAG permettant au bourgmestre de déroger en cas de rigueur, mais sous réserve des intérêts privés, aux dispositions concernant les reculs sur les limites. Le demandeur soutient que cette possibilité dérogatoire ne saurait justifier le permis litigieux, au motif que les conditions d’application ne seraient pas vérifiées ;

- violation de l’article 67 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 en ce que le bourgmestre n’aurait pas pris en considération l’existence de la servitude de passage existant au profit du demandeur lors de la délivrance de l’autorisation de construire litigieuse qui en modifierait le tracé et aggraverait en conséquence la situation du demandeur.

L’administration communale de …, ainsi que les époux …-… font soutenir qu’aucune des conditions pour justifier une mesure provisoire ne serait remplie en cause, en ce sens que le demandeur ne justifierait pas de l’existence d’un préjudice grave dans son chef et que son recours au fond n’aurait que peu de chances de succès, dès lors qu’il serait irrecevable pour défaut d’intérêt à agir, respectivement que les moyens formulés à son appui manqueraient de fondement.

En vertu de l'article 11 (2) de la loi du 21 juin 1999, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l'affaire est en état d'être plaidée et décidée à brève échéance.

La première condition légalement requise relative au risque d’un préjudice grave et définitif, susceptible d’être causé au demandeur à travers l’exécution de la décision déférée au juge du fond, se trouve remplie en l’espèce, étant donné que l’ouvrage autorisé est projeté à proximité de la propriété du demandeur et se trouve dans son champ de vision direct et qu’il se dégage de la jurisprudence des tribunaux judiciaires qu’ils n’ordonnent que très rarement la démolition de constructions érigées sous le couvert d'une autorisation administrative annulée par la suite, de sorte qu’un succès de la demande d’annulation présentée au fond ne permettra pas ou ne permettra que difficilement un rétablissement de la situation antérieure à la prise de l’acte illégal.

En ce qui concerne la deuxième condition, la compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme l’intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui. Il ne saurait se prononcer définitivement sur des questions de recevabilité que pour autant que celles-ci touchent exclusivement à la demande de sursis à exécution.

En l’espèce, le moyen tiré de l’irrecevabilité du recours ne vise pas, de manière spécifique, la mesure de sursis à exécution, mais le recours introduit au fond contre la décision que le demandeur entend attaquer.

Ce moyen touche partant le fond du droit ; il relève plus précisément du caractère sérieux des moyens invoqués à l’appui du recours au fond et il est à examiner sous ce rapport.

Il convient encore de relever que l’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge des référés à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l'instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

Or, il semble, au stade actuel de l’instruction du litige, et sur base d’une analyse nécessairement sommaire, que le moyen fondé sur le défaut d’intérêt à agir dans le chef du demandeur ne présente pas le caractère sérieux légalement requis, c’est-à-dire qu’il ne semble pas à suffisance de droit que les juges du fond seront amenés à conclure à l’irrecevabilité du recours sous ce regard. En effet, le demandeur en sa qualité de propriétaire et occupant d’un immeuble d’habitation situé à proximité immédiate du terrain d’implantation de la construction projetée qui se trouvera dans son champ de vision directe et qui modifiera le tracé de l’accès à sa propriété, paraît faire valoir un intérêt suffisant à faire vérifier la légalité du permis de construire litigieux.

L’examen des chances de succès du recours au fond appelle ensuite un examen des moyens d’annulation invoqués par le demandeur, étant rappelé que le juge administratif saisi de conclusions à des fins de sursis à exécution est appelé, d'une part, à procéder à une appréciation de l'instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l'instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l'instruction de l'affaire et, d'autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier si un des moyens soulevés par la partie demanderesse apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l'annulation de la décision critiquée.

Le premier moyen d’annulation soulevé a trait à la légalité externe de la décision déférée, le demandeur reprochant à l’administration communale d’avoir violé l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, qui dispose que « lorsqu´une décision administrative est susceptible d´affecter les droits et intérêts de tierces personnes, l´autorité administrative doit lui donner une publicité adéquate mettant les tiers en mesure de faire valoir leurs moyens. Dans la mesure du possible, l´autorité administrative doit rendre publique l´ouverture de la procédure aboutissant à une telle décision. Les personnes intéressées doivent avoir la possibilité de faire connaître leurs observations. La décision définitive doit être portée par tous moyens appropriés à la connaissance des personnes qui ont présenté des observations ».

Il y a lieu de relever que le demandeur a été en mesure de faire valoir ses observations, par courrier recommandé du 14 février 2013, avant la prise de décision litigieuse le 10 mai 2013, de sorte que le moyen tiré d’un manquement aux obligations découlant de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne présente pas des chances sérieuses de succès.

Par ailleurs, si au stade actuel de l’instruction de l’affaire au fond et sur base d’une analyse nécessairement sommaire, les moyens d’annulation tablant sur une prétendue violation du recul légal sur les limites latérales - qui semblent manquer en fait - ainsi que sur une prétendue violation de la servitude de passage existant au profit du terrain de la demanderesse - faute notamment de démonstration suffisante de l’impossibilité de passage pour des véhicules d’une certaine envergure - ne sont pas suffisamment convaincants, il n’en reste pas moins que le moyen d’annulation fondé sur ce que le recul postérieur autorisé de 3,51 mètres serait contraire à l’article 14 du PAG, qui requiert un recul postérieur de 8 mètres, présente à son tour de sérieuses chances, de même que le moyen d’annulation fondé sur ce que le recul antérieur autorisé de 5 mètres à partir du trottoir serait contraire à l’article 14 du PAG, qui requiert un recul antérieur de 6 mètres à partir de la limite de la propriété, étant donné que la possibilité dérogatoire de l’article 38 du PAG ne paraît pas applicable, dès lors que le terrain, en respectant un recul antérieur de 6 mètres à compter de la limite de propriété à partir du trottoir et un recul postérieur de 8 mètres, demeure constructible. Il y a encore lieu de relever que le moyen tiré d’une violation de l’article 30 du PAG en ce que la distance entre l’arrière de la construction principale et le car port ne serait pas de 5 mètres paraît également avoir des chances sérieuses d’être déclaré fondé.

Il suit des considérations qui précèdent que les conditions en vue d'un sursis à exécution sont remplies en l'espèce et qu'il y a lieu de faire droit à la demande de Monsieur ….

Le demandeur réclame encore une indemnité de procédure au sens de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 d’un montant de 1.500.- euros.

Or, une demande d’allocation d’une indemnité de procédure qui omet de spécifier concrètement la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et qui ne précise pas concrètement en quoi il serait inéquitable de laisser les frais non comprises dans les dépens à la charge du demandeur est à rejeter pour ne pas être fondée Par ces motifs, le soussigné, juge du tribunal administratif, siégeant en remplacement des président et magistrats plus anciens en rang, tous légitimement empêchés, statuant contradictoirement et en audience publique ;

reçoit la requête en institution d’une mesure provisoire en la forme ;

au fond la déclare justifiée ;

partant dit qu'en attendant que le tribunal administratif se soit prononcé sur le mérite du recours introduit sous le numéro 33193 du rôle, il sera, après consolidation du chantier, sursis à l'exécution de la décision du bourgmestre de la commune de … du 10 mai 2013, portant le numéro …, autorisant Monsieur … … et Madame … …, demeurant à L-…, …, rue …, de démolir et de reconstruire un garage existant sur leur terrain sis à …, …, rue … ;

déclare non fondée la demande en obtention d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.500 euros formulée par le demandeur ;

réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 23 août 2013 par Paul Nourissier, juge au tribunal administratif, en présence du greffier en chef de la Cour administrative Erny May, greffier assumé.

s. Erny May s. Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original.

Luxembourg, le 22 novembre 2016 le greffier assumé 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 33194
Date de la décision : 23/08/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-08-23;33194 ?

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