Tribunal administratif N° 32182a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mars 2013 Audience publique du 25 juillet 2013 Requête en institution d’une mesure de sauvegarde introduite par les époux …et …, …, par rapport à une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de police des étrangers
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ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 32182 du rôle et déposée le 14 mars 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Bosnie-
Herzégovine), de nationalité bosnienne, et de son épouse, Madame …, née le … à … (Monténégro), de nationalité monténégrine, actuellement retenus au Centre de rétention sis à L-1751 Findel, 10, Beim Haff, tendant à l’institution d’une mesure de sauvegarde à leur profit par rapport à une décision prise par le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration le 28 février 2013 portant refus d’un sursis à l’éloignement, cette décision ministérielle étant attaquée au fond par une requête en annulation introduite le même jour et portant le numéro 32181 du rôle ;
Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 19 mars 2013 ;
Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Maître Louis TINTI et Madame la déléguée du gouvernement Jacqueline JACQUES entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 juillet 2013.
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La demande en reconnaissance d’un statut de protection internationale introduite par Monsieur …et son épouse, Madame …, fut rejetée par décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », le 21 décembre 2012. Cette décision ministérielle ne fut pas querellée par les intéressés.
Le 4 février 2013, les époux …s’adressèrent au ministre pour solliciter un sursis à l’éloignement pour raison médicale dans le chef de Madame… en vertu de l’article 130 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par la « loi du 29 août 2008 ».
Cette demande fut rejetée par le ministre par arrêté du 28 février 2013, lequel table sur un avis du médecin délégué du Service médical de l’Immigration de la direction de la Santé du 19 février 2013 et sur les articles 130 et 132 de la loi du 29 août 2008 et est motivé sur ce que « il ressort du prédit avis (…) que « Vu le certificat médical du …, neurologue, établi en date du 10 janvier 2013; Vu l'examen clinique réalisé le 19 février 2013 par le médecin délégué ; Considérant que le suivi et le traitement de la pathologie dont souffre Madame …… peut être réalisé dans le pays d'origine, Considérant que Madame …… est enceinte au quatrième mois et qu'il s'agit d'une grossesse non-pathologique qui peut facilement être prise en charge dans le pays d'origine (… ) l'état de santé de Madame …… ne nécessite pas une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, par conséquent Madame …… ne remplit pas les conditions médicales pour bénéficier d'un sursis à l'éloignement ».
Par requête déposée le 14 mars 2013, inscrite sous le numéro 32181 du rôle, les époux …ont fait introduire un recours en annulation contre la susdite décision du ministre du 28 février 2013 et, par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 32182 du rôle, ils sollicitèrent l’institution d’une mesure de sauvegarde et, plus particulièrement, de voir ordonner qu’en attendant que le recours au fond ait été vidé, ils soient autorisés à séjourner sur le territoire luxembourgeois, ceci sur base des articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée, la « loi du 21 juin 1999 ».
Les demandeurs ont fait soutenir que toutes les conditions requises pour justifier la mesure sollicitée seraient remplies.
Au titre de l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, ils ont fait exposer que Madame … serait enceinte et qu’elle serait épileptique et ils ont soutenu que leur éloignement vers la Bosnie-Herzégovine ou le Monténégro interromprait nécessairement le traitement médical dont elle bénéficie au Luxembourg et, dès lors qu’un traitement adéquat n’existerait pas dans ces deux pays, l’exposerait à un risque de faire une fausse couche.
Ils ont ensuite fait valoir que leur recours en annulation de la décision ministérielle attaquée et tablant en substance sur le reproche d’une erreur manifeste d’appréciation dans le chef du ministre au niveau de l’état de santé de Madame … et de l’application de l’article 130 de la loi du 29 août 2008 devrait être qualifié de sérieux.
Dans ce contexte, ils ont précisé que l'état de santé de Madame … nécessiterait impérativement une prise en charge médicale au Luxembourg et s’opposerait de la sorte à toute mesure d’éloignement et ils ont pointé le fait que dans le passé, en raison d’un faux traitement médical lui prodigué au Monténégro, elle n’aurait pas pu mener à terme une grossesse.
Dans son ordonnance du 19 mars 2013, le président du tribunal administratif a autorisé les époux …à résider sur le territoire luxembourgeois jusqu'au 24 juillet 2013, date probable de l’accouchement de Madame … et a refixé l'affaire à l'audience publique de ce même jour.
Lors des débats additionnels, le litismandataire des époux …a précisé que Madame … a accouché le 23 juillet 2013.
Le délégué du gouvernement de son côté a déclaré que les conditions légales justifiant le prononcé d’une mesure de sauvegarde ne seraient pas remplies en cause.
En vertu de l’article 11 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.
Une mesure de sauvegarde, prévue à l’article 12 de la loi précitée du 21 juin 1999, requiert, sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, les mêmes conditions tenant au sérieux des moyens et au risque d’un préjudice grave et définitif.
L'exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l'instruction, les chances de succès du recours au fond.
En l’espèce, le recours au fond semble devoir être cadré légalement par rapport à l’article 130 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », en ce qu’il dispose que « sous réserve qu’il ne constitue pas une menace pour l’ordre public ou la sécurité publique, l’étranger ne peut être éloigné du territoire s’il établit au moyen de certificats médicaux que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, et s’il rapporte la preuve qu’il ne peut effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays vers lequel il est susceptible d’être éloigné ».
Cet article ouvre dès lors la possibilité de faire bénéficier un étranger d’un sursis à l’éloignement, à condition pour celui-ci de ne pas présenter une menace pour l’ordre ou la sécurité publics et d’établir, en premier lieu, que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et, ensuite, qu’il ne peut pas effectivement bénéficier d’un traitement approprié et suffisamment accessible dans le pays vers lequel il est susceptible d’être éloigné.
Etant donné que les demandeurs ont motivé leur recours sous analyse, de même que leur recours au fond, exclusivement par le fait que l’état de santé de Madame … nécessiterait impérativement une prise en charge médicale au Luxembourg, dans la mesure où elle était enceinte et souffrirait d’épilepsie, de sorte qu’un rapatriement serait susceptible d’avoir des incidences préjudiciables sur sa grossesse, et qu’il résulte des explications du litismandataire des demandeurs à l’audience du 24 juillet 2013 que Madame… a mené sa grossesse à terme et a accouché le 23 juillet 2013, il ne se dégage pas à suffisance de droit des éléments d’appréciation soumis en cause que l’état de santé de Madame … soit actuellement encore tel que son éloignement serait manifestement contre-indiqué pour emporter pour l’intéressée des conséquences d’une exceptionnelle gravité et que l’intéressée ne puisse manifestement pas bénéficier d’un traitement adéquat dans son pays d’origine.
Il s’ensuit que le recours au fond, au stade actuel de son instruction et sur base d’une analyse nécessairement sommaire, n’apparaît pas comme ayant des chances suffisamment sérieuses d’aboutir à l’annulation de la décision litigieuse au fond.
Les demandeurs sont partant à débouter de leur demande en institution d’une mesure de sauvegarde sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question du risque d’un préjudice grave et définitif dans leur chef, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.
Par ces motifs, la soussignée, premier juge du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président et des magistrats plus anciens en rang, tous légitimement empêchés, statuant contradictoirement et en audience publique, vidant l’ordonnance du président du tribunal administratif du 19 mars 2013 ;
déclare la demande en institution d’une mesure de sauvegarde non justifiée et en déboute ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 25 juillet 2013 par :
Thessy Kuborn, premier juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann s. Hoffmann s.Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 juillet 2013 Le Greffier du Tribunal administratif 5