Tribunal administratif N° 29906 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 février 2012 3e chambre Audience publique du 22 janvier 2013 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière de stage
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 29906 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 février 2012 par Maître Daniel Cravatte, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Madame …, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d'une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 28 novembre 2011 l’écartant du stage de concierge à l’Atert-Lycée avec effet au 1er décembre 2011.
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 mai 2012 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Daniel Cravatte et Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 novembre 2012.
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Par arrêté du 12 août 2008, du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, ci-après dénommé « le ministre », Madame … fut admise au stage de concierge à l’Atert-Lycée à partir du 1er septembre 2008.
Par courrier du 14 février 2011, Madame … demanda à être admise à l’examen de fin de stage. Par arrêté du 21 février 2011, le ministre constitua la commission chargée de procéder à l’examen de fin de stage de Madame …. Ledit examen s’étant déroulé en date du 28 février 2011, la commission, par décision du 1er mars 2011, constata l’échec de Madame … à l’examen de fin de stage au motif qu’elle n’avait pas obtenu les trois cinquièmes du maximum total des points.
1 Par arrêté du 1er mars 2011, le ministre prolongea la durée du stage de Madame … de huit mois à partir du 1er mars 2011.
Par arrêté du 13 septembre 2011, le ministre constitua la commission chargée de l’examen de fin de stage de Madame … et l’examen se déroula le 15 novembre 2011. Le 16 novembre 2011, la commission d’examen constata à nouveau l’échec de Madame … audit examen au motif qu’elle n’avait pas obtenu les trois cinquièmes du maximum total des points. Par arrêté du 15 novembre 2011, le ministre prolongea une nouvelle fois la durée du stage de Madame … pour une durée d’un mois à partir du 1er novembre 2011.
Par arrêté du ministre du 28 novembre 2011, Madame … fut écartée du stage avec effet au 1er décembre 2011. Cette décision est libellée comme suit :
« […] Vu l'article 2, point 3, de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat ;
Vu le règlement grand-ducal modifié du 13 avril 1984 déterminant la procédure des commissions d'examen du concours d'admission au stage, de l'examen de fin de stage et de l'examen de promotion dans les administrations et services de l'Etat ;
Vu le règlement grand-ducal du 1er avril 1987 déterminant les conditions d'admission, de nomination et de promotion des fonctionnaires de la carrière du concierge dans les administrations et services de l'Etat ;
Vu l'arrêté ministériel du 1er mars 2011 portant prolongation du stage pour les fonctions de concierge à l'Atert-Lycée de Madame … ;
Considérant que l'intéressée n'est plus admise à se présenter à l'examen de fin de stage de sa carrière ;
Arrête:
Art. 1er. Madame … […], concierge-stagiaire à l'Atert-Lycée, est écartée du stage, avec effet au 1er décembre 2011. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 février 2012, Madame … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 28 novembre 2011.
Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation introduit à l’encontre de l’acte critiqué.
Partant, seul un recours en annulation a pu être introduit contre l’arrêté ministériel du 28 novembre 2011.
2 Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours au motif que la demanderesse n’aurait pas d’intérêt à agir. Il donne à considérer à cet égard que la demanderesse invoque comme seul moyen le fait que la commission d’examen aurait omis de prendre en compte dans le calcul de la note finale de son examen, la note qu’elle aurait obtenue dans le cadre de sa formation générale à l’Institut national d’administration publique. Or, peu importe la prise en compte ou non de ladite note, la demanderesse ne remplirait pas la condition règlementaire suivant laquelle elle devait obtenir au minimum trois cinquièmes des points pour être reçue à l’examen. Ainsi, même si la note obtenue dans le cadre de la formation générale de la demanderesse à l’Institut national d’administration publique devrait être prise en compte, elle n’aurait aucune incidence sur la décision finale prise par le ministre en date du 28 novembre 2011 puisque, même en ajoutant la prédite note, la demanderesse n’aurait pas passé avec succès l’examen de fin de stage.
La demanderesse n’a pas pris position par rapport au moyen d’irrecevabilité soulevé par le délégué du gouvernement ni par écrit ni oralement lors de l’audience des plaidoiries du 21 novembre 2012, alors que le tribunal administratif, lors de l’audience publique précitée, l’a expressément invitée à ce faire.
Pour justifier d’un intérêt à agir il faut pouvoir se prévaloir de la lésion d’un intérêt personnel dans le sens que la réformation ou l’annulation de l’acte attaqué confère au demandeur une satisfaction certaine et personnelle.1 L’intérêt à agir se mesure aux prétentions du demandeur, abstraction faite de leur caractère justifié au fond.2 En l’espèce, la demanderesse est la destinatrice direct de la décision déférée, qui l’écarte du stage de concierge au Atert-Lycée, de sorte que l’annulation de la prédite décision lui conférerait une satisfaction certaine en attendant qu’une nouvelle décision soit prise par l’organe compétent. Le tribunal est dès lors amené à retenir que la demanderesse a un intérêt à agir contre la prédite décision. La question de savoir si le moyen invoqué à l’appui de son recours est justifié en ce sens qu’il conduit à l’annulation de la prédite décision, est une question de fond, non susceptible d’influencer sur la recevabilité de la requête.
Il suit des considérations qui précèdent que le moyen afférent du délégué du gouvernement laisse d’être fondé.
Partant, le recours en annulation est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, la demanderesse fait en premier lieu valoir que la décision serait à annuler pour insuffisance de motivation.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.
1 V. TA 22 octobre 2007, n° 22489 du rôle, Pas. adm. V° Procédure contentieuse, n° 7 2 V. TA 14 février 2001, n° 11607 du rôle, Pas. adm. V° Procédure contentieuse, n° 3 et les références y citées 3 Aux termes de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après dénommé « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », : « Toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux.
La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle :
[…] - révoque ou modifie une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l’intéressé et qu’elle y fait droit ; […] ».
En l’espèce, dans la mesure où la décision déférée constitue une décision modifiant une décision antérieure, en ce qu’elle porte révocation du stage de la demanderesse, l’article 6 précité du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 trouve application, de sorte qu’il incombe à l’auteur de la décision déférée d’y indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base.
La décision déférée énonce avec clarté les dispositions légales sur lesquelles elle se base et indique par ailleurs que la demanderesse ne serait plus admise à se présenter à l’examen de fin de stage de sa carrière, de sorte que le ministre était dans l’obligation de l’écarter du stage de concierge. Ainsi, la décision ministérielle déférée satisfait aux conditions énoncées à l’article 6 dans la mesure où elle indique, il est vrai sommairement, mais de manière suffisante, les motifs à sa base.
A titre superfétatoire, le tribunal est encore amené à relever qu’en tout état de cause la sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste dans la suspension des délais de recours. La décision reste valable et l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif.3 En l’espèce, le délégué du gouvernement a complété et détaillé la motivation en cours de procédure contentieuse.
Il suit des développements qui précèdent que le moyen afférent laisse d’être fondé.
Quant au fond, la demanderesse fait valoir qu’en date du 16 novembre 2011, elle aurait été informée oralement de l’échec à l’examen précité sans avoir eu notification de ses notes, de sorte qu’en l’absence d’informations écrites la décision déférée serait à annuler.
3 V. CA 8 juillet 1997, n° 9918C du rôle, Pas. adm. 2011, Procédure administrative non contentieuse, n° 74 et les références y citées 4 A cet égard, le délégué du gouvernement fait valoir qu’il ressortirait de la pièce 11 du dossier administratif versé en cause que la demanderesse aurait reçu en mains propres le relevé de notes sanctionnant son examen de fin de stage du 15 novembre 2011.
Force est au tribunal de constater qu’à défaut de contestation de la part de la demanderesse qu’elle ait eu notification en mains propres du bulletin précité, le moyen afférent laisse d’être fondé.
La demanderesse fait ensuite valoir que la commission d’examen n’aurait pas pris en compte les notes obtenues à l’examen de fin de formation à l’Institut national d’administration publique.
Le délégué du gouvernement fait valoir à cet égard que s’il était vrai que la commission n’aurait pas pris en compte les notes obtenues à l’Institut national d’administration publique, il n’en demeurerait pas moins que même en prenant en compte ces notes, la demanderesse ne satisferait pas à la condition d’avoir obtenu trois cinquièmes du maximum total des points, de sorte que le moyen afférent laisserait d’être fondé.
Aux termes de l’article 24 II du règlement grand-ducal modifié du 27 octobre 2000 déterminant l’organisation à l’Institut national d’administration publique de la division de la formation pendant le stage du personnel de l’Etat et des établissements publics de l’Etat ainsi que du cycle de formation de début de carrière pour les employés de l’Etat, ci-après dénommé « le règlement grand-ducal du 27 octobre 2000 », applicable au cas d’espèce en vertu de l’article 1er, II., troisième tiret qui renvoie au tableau I :
« Administration générale » de la loi modifiée du 23 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat qui se réfère aux concierges. : « […] la note finale sanctionnant la formation générale à l’Institut est mise en compte comme note supplémentaire pour l’établissement du résultat final de l’examen de fin de stage dans l’administration ou dans l’établissement public. […] ».
Il suit de la disposition précitée, que la note finale sanctionnant la formation générale à l’Institut national d’administration publique est prise en compte comme note dans le cadre de l’examen sanctionnant la formation spéciale.
En l’espèce, force est au tribunal de constater qu’il ressort du bulletin de notes sanctionnant l’examen de fin de stage aux fonctions de concierge de Madame … du 16 novembre 2011, que la note finale obtenue à l’Institut national d’administration publique n’a pas été prise en compte par la commission d’examen, de sorte que la décision déférée, se fondant directement sur les conclusions de la commission d’examen, viole les dispositions légales applicables en la matière.
Cependant, le tribunal est amené à constater, de concert avec le délégué du gouvernement que même en prenant en compte la note de l’Institut national d’administration publique, la demanderesse n’aurait pas obtenu les trois cinquièmes des points.
5 Il appartient au tribunal administratif, statuant dans le cadre de ses compétences du juge de l’annulation, d’analyser si la décision litigieuse, qui n’est certes pas valablement motivée par les éléments sur lesquels s’est basé le ministre, n’est pas susceptible d’être valablement motivée sur base d’autres éléments librement débattus devant lui, étant donné qu’il lui appartient, même d’office, de procéder à une substitution de motifs si d’autres motifs que ceux invoqués par l’auteur de la décision déférée lui auraient donné le pouvoir d’édicter la même décision.4 Force est de prime abord de constater que le résultat de la prise en compte des notes obtenues aux examens de l’Institut national d’administration publique par la demanderesse a été débattu au cours de la présente instance et que la demanderesse a pu y prendre position.
Par ailleurs, tel que cela a été relevé ci-avant et à défaut de contester par la demanderesse à cet égard, le tribunal est amené à retenir que même en prenant en compte les notes que la demanderesse a obtenues à l’Institut national d’administration publique dans le calcul de la note finale de son examen de fin de stage, elle n’a pas obtenu une moyenne suffisante lui permettant de passer le prédit examen, de sorte que la décision ministérielle déférée, par substitution de motifs, est justifiée en fait et en droit.
Il suit des considérations qui précèdent que le recours susvisé est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;
reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par:
4 Voir en ce sens Encyclopédie Dalloz, Contentieux administratif, V° Violation de la règle de droit, n° 329 ;
Michel Leroy, Contentieux administratif, 4ème édition, p. 451 ; TA 10 janvier 1997, n° 9655 du rôle, Pas.
adm. 2011, V° Recours en annulation, n° 48 et les références y citées.
6 Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique du 22 janvier 2013 par le vice-président en présence du greffier assumé Claudine Meili.
Claudine Meili Claude Fellens 7