Tribunal administratif N° 31562 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 octobre 2012 Audience publique du 23 octobre 2012 Requête en institution d’une mesure provisoire introduite par Monsieur XXX XX XXX, XXX, contre deux décisions du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de police des étrangers
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ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 31562 du rôle et déposée le 22 octobre 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Nour E. HELLAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XX XXX, né le X XXX XXXX à XXX (XXX), de nationalité XXX, actuellement retenu au Centre de rétention à XXX, tendant à voir instituer une mesure de sursis à exécution de deux décisions du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du XX XXX XXXX, la première lui ordonnant de quitter le territoire luxembourgeois et la seconde ordonnant son placement en rétention en attendant qu’il soit transféré en XXXX, deux recours en annulation dirigés contre les mêmes décisions, respectivement inscrits sous les numéros 31560 et 31561 du rôle, introduits le même jour, étant pendants devant le tribunal administratif ;
Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Maître Nour E. HELLAL, pour le demandeur, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du XX XXX XXXX.
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Le XX XXX XXXX, Monsieur XXX XX XXX fut interpellé par la police à la Gare de Luxembourg.
Le même jour, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministre », prit une décision de retour à l’encontre de Monsieur XX XXX, de même qu’un arrêté ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée de trois mois à partir de la notification.
Le XX XXX XXXX, Monsieur XX XXX formula une demande de protection internationale auprès des autorités compétentes.
Suite à un recours contentieux introduit par Monsieur XX XXX le XX XXX XXX contre la décision de placement en rétention émargée, le tribunal administratif annula cette décision, par jugement du XX XXX XXXX, au motif d’une contrariété au niveau de sa motivation légale.
Par arrêté du XX XXX XXXX, le ministre constata le séjour irrégulier de Monsieur XX XXX sur le territoire luxembourgeois et il lui ordonna de le quitter sans délai à destination de l’XXX.
Par lettre du même jour, le ministre l’informa encore que le Grand-Duché de Luxembourg n’était pas compétent pour examiner sa demande en reconnaissance d’un statut de protection internationale, en se référant aux dispositions de l’article 15 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection et à celles des articles 16, paragraphe 1c et 20, paragraphes 1b et 1c, du règlement CE n° XXXXX du Conseil du XX XXX XXX établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers, au motif que ce serait l’XXX qui serait responsable du traitement de sa demande, du fait qu’il y aurait précédemment déposé deux demandes d’asile en dates des XX XXX XXXX et XX XXX XXXX. Ledit arrêté fait encore état de ce que l’XXX aurait tacitement accepté de reprendre en charge l’examen de sa demande d’asile et que son transfert vers l’XXX serait organisé dans les meilleurs délais.
Le même jour, le ministre prit encore une nouvelle décision de placement en rétention à l’encontre de Monsieur XX XXX. Cet arrêté est basé sur les considérations et motifs suivants :
« Vu l’article 10 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection ;
Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Considérant que l’intéressé a déposé une demande de protection internationale au Luxembourg en date du XX XXX XXXX :
- qu’une demande de reprise en charge en vertu de l’article 16§1c du règlement (CE) n° XXXXX du Conseil du XX XXX XXXX a été adressée aux autorités XXXXX en date du XX XXX XXXX ;
- que le délai de réponse prévu aux articles 20§1b et 20§1c du règlement précité a largement expiré ;
- qu’il s’ensuit que les autorités XXXXX ont tacitement accepté la reprise en charge de l’intéressé ;
Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ;
- que la mesure de placement est nécessaire afin de ne pas compromettre le transfert de l’intéressé vers l’XXX ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 octobre 2012, inscrite sous le numéro 31560 du rôle, Monsieur XX XXX a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire du XX XXX XXXX et, par une deuxième requête, déposée le même jour au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 31561 du rôle, il a encore introduit un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle de placement en rétention du XX XXX XXXX. Par requête séparée déposée ensemble avec ces deux recours contentieux, inscrite sous le numéro 31562 du rôle, il a enfin introduit une demande en sursis à exécution de ces décisions jusqu'au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite de ses recours au fond.
Le demandeur soutient que l’exécution des deux décisions critiquées risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif en ce sens qu’à défaut de sursis à exécution, il « perd son droit le plus fondamental à ce que sa demande de protection internationale ne soit jamais examinée, sur le fond, par les autorités luxembourgeoises ».
Il estime en outre que la deuxième condition légale justifiant l’institution d’un sursis à exécution, à savoir l’existence de moyens sérieux invoqués au fond serait remplie.
Dans ce contexte, il fait soutenir être « amené à quitter le territoire selon un critère d'urgence tiré de l'article 17.2 du Règlement (CE) no XXXXX du Conseil du XX XXX XXXX établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers (Dublin II) qui dispose que :
L'État membre requérant peut solliciter une réponse en urgence dans les cas où la demande d'asile a été introduite à la suite d'un refus d'entrée ou de séjour, d'une arrestation pour séjour irrégulier ou de la signification ou de l'exécution d'une mesure d'éloignement et/ou dans le cas où le demandeur d'asile est maintenu en détention.
Or, force est d'admettre que les autorités luxembourgeoises créent unilatéralement l'urgence en passant sous silence le fait que Monsieur XXX a dès le départ fait état de sa volonté de se placer sous le régime de la protection internationale comme en témoigne le procès-verbal de police numéro XXXXXX rendu par les services de police de l'unité d'intervention du XXX XXX.
La volonté non équivoque et déterminée de Monsieur XXX a été éludée aux fins de le qualifier prima facie comme personne en situation irrégulière ne pouvant justifier de son identité.
Il en résulte un syllogisme déloyal complètement à charge pour la partie requérante qui permet aux autorités luxembourgeoises de se prévaloir d'une situation d'urgence qu'elle a mis au point ab initio et dès lors prétendre au bénéfice de l'accord tacite de l'Etat dont la responsabilité (au sens du règlement de Dublin II) est requise, en l'occurrence l'XXX.
Il convient de rappeler que les critères établis par le règlement précité entendent être des critères objectifs et hiérarchiques, ce qui n'est plus le cas en l'espèce alors que le Ministre des Affaires Etrangères et de l'Immigration détermine de façon subjective des situations urgentes qui n'en sont pas.
Il s'ensuit que l'application des dispositions subséquentes des articles 18 6) et 18 7) qui traitent du cas de l'urgence ne devaient pas se trouver à être appliquées en l'espèce.
Cette façon de procéder est contraire à l'esprit du texte ci-avant mentionné et il est évident que le Ministre des Affaires Etrangères et de l'Immigration procède à une application détournée du Règlement (CE) no XXXXX.
Partant, il y a lieu de considérer que ce moyen invoqué serait de nature à entraîner la réformation, sinon l'annulation des décisions rendues le XX XXX XXXX ».
En vertu de l’article 11 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.
QUANT A LA DEMANDE DE SURSIS À EXÉCUTION DE LA DÉCISION DE PLACEMENT EN RÉTENTION Abstraction même faite de ce qu’un sursis à exécution de la décision de placement n’est guère utile pour apporter le résultat recherché par le demandeur, étant donné que son éloignement à destination de l’XXX, auquel il entend résister, s’il peut, le cas échéant, être situé au niveau de l’ordre de quitter le territoire à destination de l’XXX, voire de la décision d’incompétence de connaître de sa demande de protection internationale, ne fait manifestement pas l’objet de la décision de placement en rétention, la condition de l'impossibilité de voir l'affaire plaidée et décidée à brève échéance n'est pas remplie en la matière des décisions de placement en rétention, telles qu’elles sont notamment prévues par l’article 10 de la loi du 5 mai 2006 précitée, étant donné que la loi prévoit en la matière une procédure rapide, le tribunal administratif devant statuer d’urgence et, en tout cas, dans les dix jours de l’introduction de la requête.
Il suit de ce qui précède que la demande en sursis à exécution est à déclarer non fondée sous ce premier volet.
QUANT A LA DEMANDE DE SURSIS À EXÉCUTION DE L’ORDRE DE QUITTER LE TERRITOIRE A DESTINATION DE L’XXX L’affaire au fond visant l’ordre de quitter le territoire à destination de l’XXX n’étant quant à elle pas en état d’être plaidée et décidée à brève échéance, la demande de sursis sous examen ne se heurte pas à un obstacle y afférent.
Concernant la condition relative à l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, force est de constater que l’argument exposé par Monsieur XX XXX ne permet pas de dégager en quoi son éloignement vers l’XXX, dont les autorités apparaissent être compétentes pour examiner sa demande de protection internationale et qui ont tacitement accepté de le reprendre en charge, son transfert étant actuellement prévu pour avoir lieu le XX XXX XXXX, risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif.
En effet, aux termes de son premier considérant, le règlement CE n° XXXXXX précité considère qu’une politique commune dans le domaine de l’asile, incluant un régime d'asile européen commun, est un élément constitutif de l’objectif de l’Union européenne visant à mettre en place progressivement un espace de liberté, de sécurité et de justice ouvert à ceux qui, poussés par les circonstances, recherchent légitimement une protection dans l’UE.
Tablant sur l’équivalence des procédures devant assurer la protection des demandeurs d'asile applicables dans les différents Etats membres, le règlement en question fixe des règles de compétence en vue de déterminer l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile émanant d'un ressortissant d'un Etat tiers.
Il s’ensuit qu'en principe, un demandeur de protection internationale ne saurait se prévaloir d'un préjudice quelconque qu'il risquerait de subir au cas où sa demande d’asile serait examinée dans un Etat membre plutôt que dans un autre.
Il convient encore de constater que le demandeur ne soutient même pas et, a fortiori, n’établit pas l’existence d’un système de protection internationale défaillant en XXX, de même qu’il ne fait pas état en quoi un examen de sa demande de protection internationale par les autorités XXXXX lui serait autrement préjudiciable.
Par conséquent, la décision litigieuse ordonnant au demandeur de quitter le pays à destination de l’XXX dont les autorités ont - tacitement - accepté de reprendre en charge l’examen de sa demande de protection internationale n’est pas de nature à causer un préjudice au demandeur.
A titre superfétatoire, il convient d’ajouter que la condition cumulative de l’existence de moyens sérieux invoqués au fond - exigence appelant le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l'instruction, les chances de succès du recours au fond – n’appert pas non plus être remplie en cause.
En effet, les chances de succès de l’unique moyen d’annulation invoqué en cause, reposant sur un raisonnement qui est essentiellement difficile à appréhender et qui semble manquer de pertinence dans le cadre de l’affaire au fond dirigée contre l’ordre de quitter le territoire, restent essentiellement ténues.
Le demandeur n'ayant pas établi que l'exécution de la décision d’éloignement vers l’XXX risque de lui causer un préjudice grave et définitif, et les moyens invoqués à l'appui de sa demande au fond n'apparaissant pas, au stade actuel de l'instruction de l'affaire, comme suffisamment sérieux, la demande d’institution d’une mesure de sauvegarde est à rejeter.
Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique ;
reçoit la requête en institution d'un sursis à exécution en la forme ;
au fond, la déclare non justifiée et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 23 octobre 2012 par M. CAMPILL, président du tribunal administratif, en présence de M. RASSEL, greffier.
s. RASSEL s. CAMPILL 6