Tribunal administratif N° 31416 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 septembre 2012 Audience publique du 26 septembre 2012 Requête en sursis à exécution introduite par les époux XXX et XXX XXX-XXX, XXX, contre une décision du bourgmestre de la commune de XXX, en présence de Madame XXX XXX, XXX, en matière de permis de construire
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ORDONNANCE
Vu la requête, inscrite sous le numéro 31416 du rôle et déposée le 12 septembre 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Danièle WAGNER, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur XXX XXX, XXX XXX, et de son épouse, Madame XXX XXX, XXX XXX, les deux demeurant ensemble à XXX XXX, X, rue de XXX, tendant à voir ordonner le sursis à exécution d’une décision du bourgmestre de la commune de XXX du XX XXX XXX (n° XXXX) autorisant Madame XXX XXX, demeurant à XXXX XXX, X, rue de l’XXX, de construire un garage et d’étendre le volume principal d’une maison unifamiliale sise à XXX XXX, X, rue de XXX, sur des fonds inscrits au cadastre de la commune de XXX, section X de XXX, sous le numéro XXXXX, cette autorisation étant attaquée au fond par une requête en annulation introduite le 1er août 2012 et portant le numéro 31052 du rôle ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges WEBER, demeurant à Diekirch, du XX XXXXX XXX, portant signification de ladite requête en sursis à exécution à l’administration communale de XXX, représentée par son bourgmestre actuellement en fonctions, établie en sa maison communale à XXX XXX, X, rue de XXX, et à Madame XXX XXX, fonctionnaire, demeurant à XXX XXX, X, rue de XXX ;
Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Maître Danièle WAGNER, assistée de Maître Justina BORMANN, pour les demandeurs, et Maître Georges KRIEGER, pour l’administration communale de XXX, entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du XX XXX XXXX.
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Le XX XXX XXXX, le bourgmestre de la commune de XXX, dénommé ci-après le « bourgmestre », délivra sous le n° XXXX à Madame XXX XXX une autorisation pour la construction d’un garage et pour l’extension du volume principal d’une maison unifamiliale sise à XXX XXX, X, rue de XXX, sur des fonds inscrits au cadastre de la commune de XXX, section X de XXX, sous le numéro XXXXX, conformément aux plans annexés à ladite autorisation pour en faire partie intégrante.
Par requête déposée le 1er août 2012, inscrite sous le numéro 31052 du rôle, Monsieur XXX XXX et son épouse, Madame XXX XXX, déclarant être propriétaires de la maison d’habitation sise au numéro X, rue de XXX à XXX, ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de l’autorisation précitée du XX XXX XXXX et, par requête déposée le 12 septembre 2012, inscrite sous le numéro 31416 du rôle, ils sollicitent le sursis à exécution de cette autorisation.
Les demandeurs font soutenir que les conditions légales, telles que prévues par l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », seraient remplies en cause et ils demandent à voir suspendre les effets de l’autorisation querellée en attendant la solution de leur recours au fond.
Au titre d’un préjudice grave et définitif, ils exposent être les propriétaires de la maison sise au numéro X de la rue de XXX à XXX et les voisins immédiats du terrain sur lequel la construction envisagée par Madame XXX est en voie d’être érigée. Ils insistent sur la grande envergure de la construction projetée (XXX cm de profondeur, XXX cm de longueur et XXX cm de hauteur (niveau de la corniche)) directement sur la ligne séparatrice des deux terrains et sur le fait que la construction entraînerait une perte substantielle d’ensoleillement sur une grande partie de leur propriété, notamment au niveau du XXX XXX situé au rez-de-chaussée, de leur salle de bains située au premier étage et de la cuisine se trouvant dans l'annexe de leur maison, ainsi que dans la cour du jardin et partant une aggravation de leur situation de voisinage et une atteinte à leur qualité de vie et à la valeur économique de leur propriété.
Ils insistent encore sur le fait que les travaux de construction se trouveraient en cours et que la réalisation en cours de procédure rendrait leur préjudice définitif.
Concernant les moyens de fond libellés à l’encontre du permis de construire délivré par le bourgmestre, tels que ces moyens ont plus spécifiquement été mis en évidence par les demandeurs en sursis à exécution, il est en premier lieu soutenu que le susdit permis contreviendrait à l’article 2 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain en ce qu’il obligerait le bourgmestre non seulement à veiller au respect des dispositions urbanistiques applicables, mais aussi à veiller au respect, voire à l’amélioration de la qualité de vie des citoyens et qu’en l’espèce, leurs droits de voisins directs et leur qualité de vie n’auraient pas été dûment pris en considération. Au contraire, le permis de construire impliquerait une entrave manifeste, « alors qu’une construction d’une telle envergure (mur d’une hauteur de plus de X mètres situé sur la limite séparatrice) ne correspond certainement pas aux attentes d’une qualité de vie optimale (…) ».
Il y aurait en outre violation des articles 37 et 38 du règlement sur les bâtisses de la commune de XXX du fait que la nouvelle construction ne se raccorderait pas esthétiquement à la construction existante contiguë et que l’ensemble ne constituerait pas une unité harmonieuse, notamment du fait que l'alignement avec la maison avoisinante ne serait pas respecté. Ils font encore état de ce que le bourgmestre aurait fait un usage abusif de l'article 37 du règlement communal sur les bâtisses en ce qu'il aurait arbitrairement accordé l'autorisation de construire à Madame XXX sans pour autant justifier et motiver spécialement sa décision par des considérations objectives d'ordre urbanistique et esthétique.
Ils font encore état de ce que la pente de la toiture, telle qu'elle se présente actuellement en cours des travaux, ne serait pas conforme aux plans et ne respecterait pas les dispositions prévues au règlement communal sur les bâtisses qui prévoient des pentes entre XX et XX degrés.
L’administration communale de XXX conteste en premier lieu l’existence d’un risque de préjudice dans le chef des époux XXX-XXX, au motif que la construction autorisée aurait, pour l’essentiel, i.e. le gros-œuvre, été achevée. Elle estime en outre que les moyens soulevés au fond par les époux XXX-XXX ne seraient pas suffisamment sérieux pour justifier la mesure sollicitée. Elle fait en particulier plaider que la construction autorisée serait en tous points conforme aux règles applicables à la zone d’implantation concernée, à savoir la « zone village », telle que prévue au plan d’aménagement général de la commune de XXX et qu’il n’y aurait point eu application de la disposition dérogatoire de l’article 37 du règlement communal sur les bâtisses de la commune de XXX. Elle soutient encore que l’article 38 dudit règlement communal sur les bâtisses ne serait pas non plus applicable, au motif que les constructions XXX-XXX et XXX ne seraient pas à considérer comme constructions jumelées, qu’il n’y aurait pas eu autorisation d’une nouvelle construction et que par ailleurs il ne saurait être question d’un défaut d’intégration harmonieuse, les époux XXX-XXX ayant bénéficié d’un permis pour une excroissance vers l’arrière, le même droit étant dû à Madame XXX.
En vertu de l'article 11 (2) de la loi du 21 juin 1999, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l'affaire est en état d'être plaidée et décidée à brève échéance.
Quant au sérieux des moyens d’annulation soulevés par les époux XXX-XXX à l’appui de leur recours au fond, il convient de rappeler qu’en tant que dérogation à l’action d’office de l’administration, toute mesure provisoire doit rester exceptionnelle et ses conditions doivent être appliquées de manière stricte.
En outre, le juge administratif saisi de conclusions à des fins de sursis à exécution est appelé, d'une part, à procéder à une appréciation de l'instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l'instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l'instruction de l'affaire et, d'autre part, non pas à se prononcer sur le bien-
fondé des moyens – ce qui impliquerait qu’il porte préjudice au principal –, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et arguments présentés, si un des moyens soulevés par la partie demanderesse apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l'annulation voire la réformation de la décision critiquée.
En l’espèce, le premier moyen d’annulation table sur la violation de l’article 2 de la loi précitée du 19 juillet 2004 et sur le reproche de ce que le bourgmestre n’aurait pas veillé à garantir sinon à optimiser la qualité de vie des voisins.
Or, il semble peu probable que les juges du fond soient amenés à retenir une applicabilité directe ou une violation de ladite disposition en l’espèce. En effet, en matière de police d’urbanisme communal et, plus particulièrement, en matière de permis de construire, le bourgmestre est naturellement appelé à analyser la situation d’un immeuble projeté au regard de la règlementation communale d’urbanisme existante, à savoir essentiellement les plans d’aménagement général ou particulier et le règlement des bâtisses, tous adoptés dans le cadre de la législation sur l’aménagement communal, l’autorisation de construire n’étant ni plus ni moins que la constatation officielle par l’autorité compétente de la conformité d’un projet de construction auxdites dispositions.
Il semble s’en suivre qu’un bourgmestre, appelé à statuer sur une demande de permis de construire, s’il refusait un permis de construire pour une construction dont la mise en place ne serait point empêchée par la règlementation communale d’urbanisme existante – étant précisé qu’au stade actuel de l’instruction de l’affaire, les demandeurs ne soutiennent et a fortiori n’établissent pas en quoi la règlementation communale d’urbanisme applicable serait contraire à son cadre légal –, suspendrait de ce fait l’exécution même de ladite réglementation et commettrait un abus de pouvoir.
Le second moyen d’annulation est basé sur la violation des articles 37 et/ou 38 du règlement sur les bâtisses de la commune de XXX.
L’article 37, intitulé « Disposition spéciale », du règlement sur les bâtisses de XXX dispose qu’« il peut être dérogé, par le bourgmestre, aux dispositions ci-dessus concernant les hauteurs de construction, le nombre de niveaux et les reculs sur les limites dans le but de raccorder d'une façon esthétique valable une nouvelle construction à des constructions contiguës ».
L’article 38, intitulé « Constructions groupées », dudit règlement sur les bâtisses dispose que « a) L'ensemble des constructions groupées doit être constitué d'entités séparées pour leur distribution intérieure. Il est toutefois admissible que certains locaux ou installations soient organisés en commun (entrée, chauffage, garage, etc.).
Pour la détermination des marges de reculement l'ensemble des constructions est pris en considération.
b) Toute nouvelle construction qui fait partie d'un groupe de constructions déjà existant doit se conformer, en ce qui concerne la hauteur de corniche et de la faîtière, aux constructions avoisinantes.
c) les constructions jumelées ou en bande devront former une unité harmonieuse. Une construction ultérieure doit s'adapter à celle(s) existante(s). La hauteur de la corniche, la pente de la toiture, le jeu entre les pleins et les vides ainsi que la structure de façade doivent être respectés ».
L’examen nécessairement sommaire des éléments d’appréciation soumis en cause, amène le soussigné à constater qu’au stade actuel de l’instruction de l’affaire au fond, il n’appert pas en quelle mesure le permis de construction litigieux aurait été pris en exécution de la disposition dérogatoire de l’article 37 du règlement sur les bâtisses de XXX, de sorte que le moyen d’annulation en ce qu’il est fondé sur le mépris de cette disposition ne paraît pas comme étant suffisamment sérieux.
Concernant la prétendue violation de l’article 38 du règlement sur les bâtisses de XXX, encore invoquée, en ce que la construction autorisée ne formerait pas une unité harmonieuse avec la construction existante, force est de constater qu’au-delà de toutes considérations quant à l’applicabilité de ladite disposition règlementaire, le moyen soumet essentiellement au juge administratif une question d’appréciation, dont la réponse n’est à première vue pas évidente, mais qui requiert une analyse plus poussée et une discussion au fond, à laquelle le juge du provisoire ne saurait utilement s’adonner sous peine d’empiéter sur les pouvoirs du juge du fond.
Or, face à une situation où le caractère sérieux d’un moyen soulevé au fond n’apparaît pas comme étant évident à première lecture, le juge du référé ne peut pas admettre que le moyen en question soit suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire.
Dans leur recours en sursis à exécution, les demandeurs ont encore fait état de ce que la pente de la toiture actuellement en construction ne serait pas conforme aux plans autorisés et que le toit réalisé ne respecterait pas les dispositions prévues au règlement sur les bâtisses de XXX. Même au-delà de ce que ce moyen n’a pas, au stade actuel de l’instruction, été soulevé dans le cadre de l’affaire au fond et que le juge des référés, dont la juridiction s’inscrit nécessairement dans le cadre strict du litige dont est saisi le juge du fond, ne peut avoir égard qu’aux moyens invoqués au fond, force est de constater que le moyen en question n’a pas trait à une question de légalité de la décision du bourgmestre, mais à une question d’exécution conforme du permis litigieux, laquelle paraît ne pas relever de la compétence du juge administratif.
Enfin, il convient d’ajouter par rapport au moyen d’annulation encore énoncé dans le recours au fond - bien qu’il n’a pas été spécialement repris dans le cadre du recours en sursis à exécution -, basé sur la violation de l’article 47, intitulé « Clôtures, plantations et murs de soutènement », du règlement sur les bâtisses de XXX, que ce moyen n’apparaît pas être suffisamment sérieux, étant donné qu’il repose sur un amalgame entre murs de clôture et murs des constructions qui ne présente guère de chances d’être entériné par les juges du fond.
Il suit des considérations qui précèdent que la condition légale relative au sérieux des moyens soulevés au fond n’est pas remplie en cause.
Il s’ensuit que les demandeurs doivent être déboutés de leur demande afférente sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question du risque d’un préjudice grave et définitif dans leur chef, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.
Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, siégeant en audience publique, statuant par défaut à l’égard de Madame XXX XXX et contradictoirement à l’égard des autres parties ;
reçoit la requête en sursis à exécution en la forme ;
au fond, la déclare non justifiée et en déboute ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 26 septembre 2012 par M. CAMPILL, président du tribunal administratif, en présence de M. RASSEL, greffier.
s.RASSEL s.CAMPILL 6