Tribunal administratif N° 31434 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 septembre 2012 Audience publique du 24 septembre 2012 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par Monsieur XXX XXX XXX, XXX, par rapport à deux décisions du ministre du Développement durable et des Infrastructures, en matière de permis de conduire
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ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 31434 du rôle et déposée le 14 septembre 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Fabienne GARY, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XXX XXX, né le XX XXX XXXX, demeurant à XXX XXX, XX, rue de la XXX, tendant à voir prononcer le sursis à exécution par rapport à deux décisions du ministre du Développement durable et des Infrastructures, département des Transports, datées des XX et XX XXX XXXX, la première portant information du demandeur du retrait de 8 points du capital dont est doté son permis de conduire et l’informant de ce que le nombre de points restant est de la sorte réduit à zéro et la seconde portant suspension de son permis de conduire pour une période de 12 mois, cette requête s’inscrivant dans le cadre d’un recours en annulation devant le tribunal administratif dirigé contre lesdites décisions ministérielles introduit le 14 septembre 2012 et portant le numéro 31433 du rôle ;
Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;
Maître Fabienne GARY, pour le demandeur, et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du XX XXX XXXX.
Par courrier du XX XXX XXXX, le ministre du Développement durable et des Infrastructures, ci-après dénommé le « ministre », informa Monsieur XXX XXX XXX de ce qu'en raison de deux infractions aux règles du code de la route en date du X XXX XXXX et suite à un jugement de condamnation du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, chambre correctionnelle, du XX XXX XXXX, décision devenue irrévocable le XX XXX XXXX, un total de huit points avaient été retirés du capital dont était doté son permis de conduire et l’informant de ce que le nombre de points restant était de la sorte réduit à zéro.
Par arrêté du XX XXX XXXX, le ministre suspendit pour douze mois le droit de conduire un véhicule automoteur délivré à Monsieur XXX.
Par requête déposée le 14 septembre 2012, inscrite sous le numéro 31433 du rôle, Monsieur XXX a introduit un recours en annulation contre les deux décisions ministérielles ci-avant mentionnées, et par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 31434 du rôle, il a introduit une demande tendant à voir ordonner le sursis à exécution des décisions en question.
Il estime que l'exécution de la décision de retrait des huit derniers points de son permis de conduire et du retrait subséquent de son permis de conduire lui causerait un préjudice grave et définitif en ce sens qu’il serait de la sorte limité dans sa liberté de déplacement et de mouvement. Il insiste habiter à XXX et travailler comme employé auprès de la Ville XXX-XXX-XXX, de sorte à avoir besoin de son permis de conduire pour se rendre à son lieu de travail, d’une part, et avoir besoin de son permis de conduire dans l’exercice de son emploi, d’autre part.
Il est par ailleurs d'avis que les moyens invoqués à l'appui de son recours au fond sont sérieux.
Les moyens en question ont trait à :
- la violation des formes destinée à protéger les intérêts privés et, plus particulièrement, à la violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en ce sens que les décisions auraient été prises en dehors de son initiative et qu’il aurait incombé au ministre de l’informer et de l’associer à leur élaboration.
Dans ce contexte, le demandeur insiste sur ce qu’il n’aurait été informé, antérieurement à la décision du XX XXX XXXX, ni du principe d’un retrait de points de son permis de conduire, ni du nombre de points susceptible d’être retirés, de sorte qu’il aurait été privé de son droit de se défendre en connaissance de cause. Il soutient encore que s’il avait eu connaissance du risque d’un retrait de points, il aurait pu assurer la défense de ses intérêts de façon plus appropriée ;
- la violation de l’article 10bis de la Constitution garantissant l’égalité de traitement des citoyens, en ce sens que l'article 2bis, paragraphe 2, de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, ainsi que l'article 4bis du règlement grand-ducal modifié du 26 août 1993 relatif aux avertissements taxés, aux consignations pour contrevenants non-résidents et aux mesures d'exécution de la législation sur la mise en fourrière des véhicules en matière de circulation, prévoient une information préalable au retrait de points seulement dans le cadre de l'émission d'un avertissement taxé, alors qu’en cas de poursuites pénales ou lorsqu’un procès-verbal est dressé, une telle information préalable n'est pas prévue par la législation luxembourgeoise, alors que cette différenciation ne procèderait pas de disparités objectives et qu'elle ne serait pas rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but ;
- la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (« CEDH »), en ce sens qu’un retrait de points d'un permis de conduire s’analyserait en une sanction pénale au sens dudit article 6 et requerrait le respect de tous les principes protecteurs des droits de la défense prévus par la CEDH. Or, en l’espèce, les droits de la défense n’auraient pas été respectés dans le cadre de la procédure de retrait de points de son permis de conduire en raison d’un défaut d’information du principe d'un retrait de point et du nombre de points susceptibles d'être enlevés et en raison du fait qu’aucune voie de recours effective ultérieure n’existerait, notamment par l’effet du retrait automatique de points et parce que le juge administratif ne serait appelé qu’à vérifier la régularité formelle d’une décision ministérielle de retrait de points ;
- la violation de la règle « non bis in idem », tel que consacré par l'article 4, paragraphe 1er, du Protocole n° 7 de la CEDH, au motif qu’il ne saurait être admis que deux juridictions différentes puissent prononcer des peines différentes pour une même infraction ;
- la violation de l'adage « noxa caput sequitur », au motif que le retrait de points constituerait une sanction pénale, laquelle devrait être individualisée et fonction des « circonstances de l'espèce, du tempérament de l'auteur, de sa situation financière, de ses chances de réinsertion ou encore de son casier judiciaire », individualisation que le système luxembourgeois du permis à points ne garantirait pas de par son automaticité.
Le délégué du gouvernement conteste tant le sérieux des moyens invoqués à l’appui du recours au fond que l’existence d’un préjudice grave et définitif subi par le demandeur.
En vertu de l'article 11 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre les décisions apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l'affaire est en état d'être plaidée et décidée à brève échéance.
Une mesure de sauvegarde, prévue à l’article 12 de la loi du 21 juin 1999, requiert, sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la loi du 21 juin 1999, les mêmes conditions tenant au sérieux des moyens et au risque d’un préjudice grave et définitif.
Le soussigné est en premier lieu amené à constater que la condition d'un risque de préjudice grave et définitif n'est pas remplie en l'espèce.
Cette conclusion s’impose au regard de ce que le demandeur omet d’invoquer et d’établir en quoi l’exécution immédiate de l’acte attaqué et la privation temporaire du permis de conduire serait de nature à lui causer un préjudice irréversible, dans le sens de gênes ou de sacrifices dépassant ceux que peut imposer momentanément la vie en société.
En effet, le fait invoqué de ne pas pouvoir user de sa voiture privée pour se déplacer de son domicile privé, à XXX, à son lieu de travail, à XXX-XXX-XXX, ne saurait être considéré comme constituant un préjudice grave en raison notamment de la possibilité concrète lui ouverte d’avoir recours aux moyens de transports publics. En ce qui concerne le besoin du permis de conduire dans l’exercice de son emploi encore invoqué par le demandeur et documenté par une attestation de l’architecte-directeur de la Ville XXX-XXX-XXX de laquelle il se dégage que le demandeur « doit pouvoir recourir à une voiture pour ses déplacements dans le cadre de ses fonctions au service des espaces verts (…) », il convient de constater qu’il ne se dégage pas à suffisance de droit des éléments d’appréciation soumis en cause qu’il y ait un risque concret pour l’avenir professionnel de l’intéressé.
A titre superfétatoire, il y a lieu de préciser que les moyens invoqués au fond, sur base d’un examen nécessairement sommaire, n'apparaissent pas non plus comme suffisamment sérieux, au stade actuel de l'instruction du litige.
En effet, les trois premiers moyens d’annulation basés sur le fait que le demandeur n’aurait pas été associé à l’élaboration des décisions litigieuses et sur l’argumentaire que l’absence d’information préalable ferait obstacle à une voie de recours effective, respectivement que cette absence d’information serait constitutive d’une inégalité de traitement, paraissent manquer en fait, respectivement, pour ce qui concerne les deuxième et troisième moyen, poser des problèmes essentiellement théoriques, dès lors qu’en l’espèce, il semble se dégager des propres pièces produites par le demandeur qu’il a reçu communication, ensemble avec sa citation à comparaître devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, chambre correctionnelle, d’une information relative au risque qu’une condamnation irrévocable au pénal entraine une réduction de points subséquente, de sorte qu’il ne semble point avoir été privé d’un recours, mais qu’il a au contraire effectivement pu assurer la défense de ses intérêts, c’est-à-dire contester sa culpabilité, dans le cadre de l’affaire pénale diligentée à son encontre.
Au regard de la jurisprudence en la matière (cf. not. trib. adm. 16 juin 2005, n° 19036, Pas. adm. 2010, V° Transports, n° 63), de laquelle le soussigné ne saurait se départir, le quatrième moyen fondé sur l’application d’une double peine prohibée par le principe « non bis in idem », ne semble pas non plus présenter de sérieuses chances de succès. En effet, il semble se dégager de cette jurisprudence que les sanctions prononcées, d'une part, par le tribunal correctionnel et, d’autre part, celle découlant d’un retrait du permis de conduire soient considérées comme ayant des natures ou finalités différentes, de sorte à exclure un problème de cumul prohibé.
Enfin, concernant le dernier moyen d’annulation pris de ce que le système luxembourgeois de retrait de points manquerait à la nécessaire individualisation des peines pénales, sur base des considérations qui précèdent relativement à la finalité différente des deux sanctions pénales et administratives, l’une étant répressive, l’autre préventive, sinon en raison du fait que le système luxembourgeois, tablant sur une objectivisation de la sanction administrative en fonction de la nature et de la gravité de l’infraction commise, semble suffire au principe de l’adéquation et de la proportionnalité des sanctions administratives, ledit moyen d’annulation ne paraît pas non plus présenter des chances de succès suffisantes.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’aucune des deux conditions, pour le surplus cumulatives, tenant au risque d'un préjudice grave et définitif, d’une part, et au sérieux des moyens, d’autre part, ne sont remplies, de sorte qu’il y a lieu de rejeter la demande.
Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique ;
déclare le recours en institution d’un sursis à exécution non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 24 septembre 2012 par M. CAMPILL, président du tribunal administratif, en présence de M. RASSEL, greffier.
RASSEL CAMPILL 5