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09/08/2012 | LUXEMBOURG | N°30935

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 août 2012, 30935


Tribunal administratif N°30935 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juillet 2012 Audience publique du 9 août 2012 Requête en effet suspensif sinon en institution d’une mesure de sauvegarde introduite par la société à responsabilité limitée de droit allemand …, … (Allemagne), contre une décision du Ministre du Développement durable et des Infrastructures et de l’Administration de la Navigation aérienne du 29 juin 2012, en présence de la société …, … (Autriche), en matière de marchés publics.



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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 24 juillet 2012 au greffe du tribunal administratif par ...

Tribunal administratif N°30935 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juillet 2012 Audience publique du 9 août 2012 Requête en effet suspensif sinon en institution d’une mesure de sauvegarde introduite par la société à responsabilité limitée de droit allemand …, … (Allemagne), contre une décision du Ministre du Développement durable et des Infrastructures et de l’Administration de la Navigation aérienne du 29 juin 2012, en présence de la société …, … (Autriche), en matière de marchés publics.

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 24 juillet 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Jacques Wolter, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, sur base des articles 3 et 4 de la loi du 10 novembre 2010 instituant les recours en matière de marchés publics devant les juridictions administratives au nom de la société à responsabilité limitée de droit allemand …, établie et ayant son siège social en Allemagne à D-…, représentée par ses gérants actuellement en fonction, immatriculée au registre de commerce et des sociétés sous le numéro …, tendant à prononcer le sursis à exécution sinon à l’instauration d’une mesure de sauvegarde par rapport à une décision du 29 juin 2012 prise par le ministre du Développement durable et des Infrastructures au travers de l’Administration de la navigation aérienne, portant rejet de l’attribution du marché pour la fourniture, l’installation et la mise en service d’un système de « ATS Message Handling System » et un contrat d’entretien pour cinq ans en matière de système de communications aéroportuaires et contre la décision d’attribution dudit marché à la société …, établie et ayant son siège social en Autriche à A-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, immatriculée au registre de commerce et des sociétés sous le numéro …, cette décision faisant l'objet d’un recours en annulation introduit à la même date, inscrit sous le numéro 30934 du rôle, étant pendant devant le tribunal administratif;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Josiane Gloden, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 24 juillet 2012, portant signification de la prédite requête en effet suspensif à 1) l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son Ministre d’Etat actuellement en fonctions, établi à L-1352 Luxembourg, 4, rue de la Congrégation, sinon par son Ministre du Développement durable et des Infrastructures actuellement en fonctions, établi à L-2450 Luxembourg, 33, boulevard Roosevelt, ainsi qu’à 2) la société …, établie et ayant son siège social à A-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, immatriculée au registre de commerce et des sociétés sous le numéro …;

Vu les dispositions de la loi du 10 novembre 2010 instituant les recours en matière de marchés publics;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Maître Jasminia Maadi, en remplacement de Maître Jacques Wolter, pour la demanderesse, Maître Brice Olinger, en remplacement de Maître Patrick Kinsch, pour la partie défenderesse, ainsi que Maître Véronique Wiot, en remplacement de Maître Christian Point, pour le tiers intéressé entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 août 2012.

Vu la note de plaidoiries de Maître Patrick Kinsch déposée en date du 7 août 2012.

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Le 20 avril 2011, l'Administration de la navigation aérienne a publié un appel d'offre pour la fourniture, l'installation et la mise en service d'un système de « ATS Message Handling System », ci-après désigné par « AMHS », et un contrat d'entretien pour cinq ans en matière de système de communications aéroportuaires.

La société à responsabilité limitée de droit allemand …, établie et ayant son siège social en Allemagne à D-…, ci-après désignée par « la société … », a déposé une offre dans les délais et les formes de la loi.

Finalement, 5 sociétés ont remis des offres dans le délai de réception des candidatures soumissionnaires.

Une décision du 20 octobre 2011 prise par le ministre du Développement durable et des Infrastructures au travers de l’Administration de la navigation aérienne a porté rejet de l’attribution du marché à la société … et a attribué le marché à la société …, établie et ayant son siège social en Autriche à A-…, ci-après désignée par « la société … ».

La société … a saisi le tribunal administratif d'un recours en annulation en date du 9 novembre 2011 à l’encontre de cette décision, recours qui sera appelé pour plaidoiries à l’audience du 17 décembre 2012. Elle a déposé à la même date une requête en effet suspensif sinon d’institution d’une mesure de sauvegarde adressée au président du tribunal administratif, qui a été déclarée irrecevable par ordonnance du 22 novembre 2011.

Par arrêté ministériel du 2 avril 2012, la première décision d’attribution du marché du 20 octobre 2011 en raison de l’absence d’analyse de prix. Le pouvoir adjudicateur a fait procéder à une telle analyse en date du 23 avril 2012 et, suite à l’obtention des informations requis, a réattribué le marché litigieux à la société … par décision du 29 juin 2012, notifiée le 11 juillet 2012.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2012, inscrite sous le numéro 30934 du rôle, la société … fit introduire un recours en annulation contre cette décision ministérielle d’adjudication du 29 juin 2012.

Le même jour, la société … fit déposer une requête au greffe du tribunal administratif en effet suspensif sinon d’institution d’une mesure de sauvegarde contre la décision litigieuse du 29 juin 2012.

A titre liminaire, il y a lieu de relever que lors de l’audience des plaidoiries du 7 août 2012, l’Etat du Grand-duché, respectivement la société …, n’ont été autorisés qu’à verser les certificats de réception, ainsi que les certificats de bonne exécution présentés par la société … à l’appui de son offre, de sorte que la note de plaidoirie déposée au greffe du tribunal administratif le 7 août 2012 par Maître Christian Point au nom et pour le compte de la société … doit être écartée des débats.

Quant à la recevabilité du recours, tant l’Etat du Grand-Duché que la société … contestent l’intérêt à agir de la société …, en ce que, même au cas où le recours au fond introduit contre la décision d’adjudication du 29 juin 2012 devrait conduire à son annulation, la société … ne pourrait pas se voir attribuer le marché litigieux, étant donné que cette dernière s’était classée en cinquième position et que, mise à part la société …, trois autres sociétés auraient remis des offres économiquement plus avantageuses que la sienne.

Il y a lieu de relever que le recours contentieux est ouvert au demandeur qui a un intérêt quelconque, dès que cet intérêt implique un lien personnel avec l’acte attaqué ou une lésion individuelle par le fait de l’acte. Un intérêt de concurrence est suffisant pour conférer à une entreprise voulant participer à une soumission publique un intérêt à voir respecter les dispositions légales et réglementaires régissant les adjudications publiques1. Un soumissionnaire évincé, n'ayant pas fait l'objet d'une décision d'exclusion, son offre ayant pour le surplus été considérée conforme aux stipulations du cahier des charges, justifie d'un intérêt de concurrence suffisant, quels que soient les mérites de son argumentaire, mérites dont l’appréciation relève, tant en première instance qu’en appel, du fond de l’affaire, pour faire examiner le respect des dispositions légales et réglementaires régissant les adjudications publiques, même s'il n'a pas été classé en premier rang2.

Partant, en tant que soumissionnaire dont l’offre conforme n’a pas été retenue par le pouvoir adjudicateur, la société … peut se prévaloir d’un intérêt à agir suffisant, de sorte que le moyen d’irrecevabilité pour défaut d’intérêt à agir dans son chef laisse d’être fondé.

Quant au fond la société … estime que l'exécution de la décision attaquée lui causerait un préjudice grave et définitif et estime qu’en cas de conclusion du contrat portant sur le marché litigieux remis en soumission avant l'intervention de la décision au fond, son préjudice serait définitif en raison du fait que le contrat en question ne pourrait plus être annulé.

L'allocation ultérieure de dommages et intérêts ne serait pas de nature à réparer de manière adéquate le dommage ainsi subi, surtout au regard des incidences considérables que pourrait avoir une mauvaise exécution du marché public litigieux sur la sûreté civile.

Il s'y ajouterait que les moyens invoqués à l'appui du recours au fond seraient suffisamment sérieux pour justifier une mesure de sursis à exécution en attendant la solution du litige par les juges du fond.

Elle fait valoir, d’une part, que l’offre de la société … violerait l’article 32, paragraphe (1) du règlement grand-ducal du 3 août 2009 portant exécution de la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics, en ce que la majorité des salariés que … chargerait de la mise en œuvre sur site seraient rémunérés en-dessous du salaire social minimum applicable luxembourgeois.

La partie demanderesse soutient, d’autre part, que le dossier de soumission de la société … ne respecterait pas les conditions de l’article 1.9.1 libellé « Critère de sélection qualitative » du cahier des charges, étant donné que les certificats de bonne exécution 1 trib. adm. 18 octobre 1999, n° 10995 du rôle, Pas. adm. 2010, V° Marchés publics, n° 155 et les autres références y citées.

2 Cour adm. 18 novembre 2010, n°26843C du rôle, Pas. adm. 2011, V° Marchés publics, n° 157.

présentés par cette dernière ne porteraient pas sur des travaux analogues et ne contiendraient pas les informations concernant les dates, le montant, l’époque et le lieu d’exécution des travaux telles que requises par l’article susmentionné du cahier des charges.

La société … fait finalement état d’irrégularités entachant le cahier des charges, en ce qu’il serait paradoxal, compte tenu des fortes contraintes en matière de sûreté civile existant en matière de contrôle aérien, que le pouvoir adjudicateur ait privilégié l’attribution du marché public litigieux à l’offre économiquement la plus avantageuse au mépris des considérations de sûreté.

L’Etat du Grand-Duché et la société …, tout en contestant le préjudice grave et définitif allégué, soutiennent que les moyens invoqués par la demanderesse ne seraient pas sérieux.

En vertu de l'article 11 (2), respectivement de l’article 12, de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désigné par « la loi du 21 juin 1999 », le sursis à exécution, voire une mesure de sauvegarde, ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.

En tant que dérogation à l’action d’office de l’administration, le sursis à exécution, de même que la mesure de sauvegarde doivent rester exceptionnels et leurs conditions doivent être appliquées de manière stricte.

L’existence du préjudice allégué, sa gravité et son caractère difficilement réparable doivent s’apprécier au cas par cas, sur le vu de l’exposé du demandeur d’une mesure provisoire, ensemble les pièces justificatives produites par lui.

En l’espèce, la réalité et la gravité du risque allégué par la partie demanderesse de ne pas s’être vu adjuger le marché, devrait tabler sur la prémisse de base que dans la procédure initiale, tel aurait nécessairement sinon fort probablement été le cas.

Or, il n’est point sûr que la partie demanderesse se soit vu, respectivement se voit adjuger le marché dans le cadre du premier appel d’offres. Au contraire, ses chances de succès restent essentiellement incertaines, étant donné qu’en l’état actuel du dossier, il se dégage des éléments d’appréciation soumis en cause que l’adjudication ne se fait pas obligatoirement au moins-disant, mais au mieux-disant, avec des critères d’attribution ayant trait tant au prix (à raison de 60 points), à la valeur technique (30 points) et à la qualité (10 points), de sorte à réserver une place certes non négligeable au facteur prix, mais non pas nécessairement décisive. Il y a encore lieu de relever que la société … s’était classée en cinquième position et que, mise à part la société …, trois autres sociétés avaient remis des offres économiquement plus avantageuses que la sienne, avec notamment un écart de plus de 200.000.- euros entre l’offre de la demanderesse et la société classée en quatrième position.

Il s’ensuit que la condition de risque de préjudice grave et définitif n'est pas remplie en l'espèce, de sorte qu’il y a lieu de débouter la partie demanderesse de sa demande, sans examiner davantage la question du sérieux des moyens soulevés au fond, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

Quant à la question préjudicielle que la société … a demandé voir soumettre à la Cour de justice de l’Union européenne, consistant à analyser si la procédure de référé en matière de marchés publics, en ce qu’elle imposerait la charge de la preuve au demandeur, était conforme au droit communautaire, doit être rejetée, étant donné que la demanderesse est restée en défaut d’indiquer avec précision la, respectivement les dispositions communautaires visées et qu’il n’appartient pas au soussigné de remédier à la carence des parties quant à l’indication des moyens à l’appui de leur recours.

Lors de l’audience des plaidoiries, la société … a encore réclamé une indemnité de procédure au sens de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 d’un montant de 3.000.- euros.

Or, une demande d’allocation d’une indemnité de procédure qui omet de spécifier concrètement la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et qui ne précise pas concrètement en quoi il serait inéquitable de laisser les frais non comprises dans les dépens à la charge de la société … est à rejeter, surtout que l’article 4, paragraphe (1) de la loi du 21 juin 1999 impose la signification du recours à la partie défenderesse et aux tiers intéressés pour pouvoir porter l’affaire au rôle, de sorte que la demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter pour ne pas être fondée.

Par ces motifs, le soussigné, juge du tribunal administratif, siégeant en remplacement des président et magistrats plus anciens en rang, tous légitimement empêchés, statuant contradictoirement et en audience publique ;

écarte des débats la note de plaidoiries déposée au greffe du tribunal administratif le 7 août 2012 par Maître Christian Point au nom et pour le compte de la société … ;

reçoit la requête en institution d'une mesure provisoire en la forme ;

au fond, la déclare non justifiée et en déboute ;

déclare non fondée la demande en obtention d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000 euros formulée par le tiers intéressé ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 9 août 2012 par Paul Nourissier, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 09.08.2012 Le Greffier du Tribunal administratif 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30935
Date de la décision : 09/08/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2012-08-09;30935 ?

Source

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