Tribunal administratif Numéro 32226 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mars 2013 Audience publique du 28 mars 2012 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)
-----------------------
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 32226 du rôle et déposée le 22 mars 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à …(Maroc), de nationalité marocaine, ayant demeuré en dernier lieu au Centre de rétention à Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 19 mars 2013 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 mars 2013 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 27 mars 2013 en nom et pour le compte du demandeur ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-
JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Par arrêté du 19 mars 2013, notifié à l’intéressé le 20 mars 2013, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après le « ministre », ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification dudit arrêté.
Ledit arrêté est basé sur les considérations et motifs suivants :
« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le rapport no SPJ15/2013/24784/12/SPJ du 5 mars 2013 établi par la Police grand-ducale ;
Vu ma décision de retour du 16 mai 2012, lui notifiée le 19 mai 2013 ;
Vu la décision d’interdiction du territoire du 12 décembre 2012 lui notifiée le même jour ;
Attendu qu’au vu de la situation particulière de l’intéressé, il n’existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’une mesure de placement alors que les conditions d’une assignation à domicile conformément à l’article 125 (1) ne sont pas remplies ;
Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;
Attendu que l’intéressé évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ».
Par requête déposée le 22 mars 2013 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a valablement fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle de placement en rétention susvisée du 19 mars 2013, sur base de l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par la « loi du 29 août 2008 ». - Le moyen d’irrecevabilité soulevé par le délégué du gouvernement et tiré de ce que la décision litigieuse aura cessé de produire ses effets au moment où le tribunal sera appelé à statuer n’est pas justifié, étant donné que la recevabilité du recours s’apprécie au moment du dépôt de la requête et non pas au jour où le juge est appelé à en connaître.
A l’appui de son recours, le demandeur soutient en premier lieu que son placement au Centre de rétention se heurterait au principe de proportionnalité. Dans ce contexte, il fait valoir avoir continuellement résidé à L…, soit l’adresse où il avait été assigné à résidence en attendant son éloignement, relevant y avoir été appréhendé le lendemain de la décision de placement en rétention. Il fait en outre valoir que l’administration disposerait de son passeport et qu’il n’aurait aucune intention de se soustraire à la mise en œuvre de la mesure d’éloignement du territoire luxembourgeois décidée à son égard.
Ce moyen est à rejeter, étant donné qu’en présence d’une personne qui ne s’est pas tenue aux conditions et modalités d’une assignation à résidence ordonnée à son encontre, par arrêté ministériel du 2 janvier 2013, et, plus précisément, qui a contrevenu de façon quasi journalière à l’interdiction de quitter le territoire de sa commune de résidence, tel que cela ressort indubitablement d’un rapport du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, du 5 mars 2013, produit en cause par le représentant étatique, il ne saurait être utilement reproché au ministre d’avoir versé dans une erreur d’appréciation et pris une décision ayant des effets disproportionnés par rapport au but légitiment recherché, en prononçant la décision de rétention litigieuse et en excluant le maintien d’une mesure moins coercitive.
Le demandeur reproche ensuite au ministre de ne pas avoir fait des efforts et des démarches nécessaires en vue d'assurer que la mesure d'éloignement soit exécutée sans retard et dans les délais les plus brefs.
En l'espèce, la mesure de placement a été mise à exécution à partir du 20 mars 2013 et elle a pris fin en date de ce jour même, où le demandeur a été conduit, vers 6 heures du matin, à l’aéroport de Luxembourg en vue de son éloignement vers son pays d’origine.
Ceci étant constaté, le reproche d’un défaut de diligences pour écourter au maximum la durée de la mesure de rétention prise à l’égard du demandeur manque en fait.
Enfin, le demandeur estime que son placement en rétention contreviendrait à l'article 12 de la Constitution, en ce qu’il garantit la liberté individuelle et qu’une arrestation ne saurait intervenir qu'en vertu de l'ordonnance motivée du juge judiciaire. Il se questionne en outre sur la conformité de son placement à l'article 15 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. En termes de réplique, il insiste encore sur le fait qu’il aurait été menotté par les agents de police lors de son transfert au Centre de rétention, fait qui appuierait sa thèse d’une arrestation, d’une part, et qui serait humiliant et dégradant, d’autre part.
Il se dégage des termes de l’article 12 de la Constitution qu’elle distingue entre « arrestation » et « placement » d’une personne et que seule l’arrestation d’une personne est subordonnée à la condition d’une ordonnance motivée du juge, une telle condition n’étant pas requise en cas de placement d’une personne en rétention (cf. not trib. adm. 8 mars 2013, n° 32111 du rôle). Il s’ensuit qu’aucune ordonnance motivée du juge judiciaire n’était requise en vue du placement en rétention du demandeur et son moyen tiré d’une violation de l’article 12 de la Constitution est à rejeter pour manquer en droit. – Cette conclusion n’est pas ébranlée par le fait encore mis en exergue par le demandeur d’avoir été menotté dans le cadre de son transfert de son domicile au Centre de rétention. En effet, l’obligation du port de menottes au moment du transfert de l’intéressé au Centre de rétention ne suffit pas à lui seul pour faire retenir que le demandeur aurait fait l’objet d’une arrestation au sens de la disposition constitutionnelle pointée. Pour le surplus, force est de constater que la mesure de la police judiciaire de soumettre le demandeur au port de menottes ne fait pas l’objet de la décision de placement déférée au tribunal, mais constitue une modalité d’exécution de cette décision non susceptible de porter atteinte à sa légalité intrinsèque.
Enfin, il y a lieu de rejeter le moyen simplement effleuré de l’incompatibilité du placement en rétention de l’intéressé avec l’article 15 de la directive 2008/115/CE, faute de la moindre explicitation des tenants et aboutissants de ce moyen. Il n’incombe en effet pas au tribunal de rechercher les éventuels argumentaires susceptibles de sous-tendre un moyen non explicité.
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 mars 2013 par :
Henri CAMPILL, président, Marc SUNNEN, vice président, Françoise EBERHARD, premier juge, en présence de la greffière Michèle HOFFMANN.
s. HOFFMANN s.CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28/3/2013 Le Greffier du Tribunal administratif 4