Tribunal administratif N° 29594 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 décembre 2011 Audience publique du 14 décembre 2011
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Requête en sursis à exécution sinon en obtention d’une mesure de sauvegarde formée par Madame XXX XXX et consorts, XXX XXX, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du XXX XXX XXX, en matière de protection internationale
ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 29594 du rôle et déposée le 12 décembre 2011 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame XXX XXX, née le XXX XXX XXX à XXX (XXX), agissant tant en son nom personnel qu’en nom et pour compte de ses enfants mineurs XXX XXX, né le XXX XXX à XXX (XXX) et de XXX XXX, né le XXX XXX en XXX, tous de nationalité XXX et de citoyenneté XXX, demeurant ensemble à XXX XXX XXX XXX, tendant à voir prononcer le sursis à exécution d’une décision prise par le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en date du XXX XXX XXX, lui notifiée le XXX XXX XXX, par laquelle l’autorité administrative se déclare incompétente pour connaître de la demande en obtention d’une protection internationale sur base de l’article 15 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection et a ordonné le transfert aux autorités XXXX, la requête s’inscrivant dans le cadre d’un recours en annulation déposé en date du 9 décembre 2011, inscrit sous le numéro 29591 du rôle, dirigé contre cette même décision, étant pendant devant le tribunal administratif ;
Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée du XXX XXX ;
Maître Ardavan Fatholahzadeh et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience du XXX XXX XXX XXX ;
Vu les pièces supplémentaires versées en date du XXX XXX XXX au greffe du tribunal administratif.
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En date du XXX XXX XXX, Madame XXX XXX, agissant tant en son nom personnel qu’en nom et pour compte de ses enfants mineurs XXX XXX, et XXX XXX, tous de nationalité XXX et de citoyenneté XXX, ci-après « la partie demanderesse » déposa une demande tendant à l'obtention de la protection internationale.
A l'occasion de l'examen de cette demande, il fut constaté que la partie demanderesse avait déposé une première demande en obtention d'une protection internationale en XXX, qu’elle a séjourné par la suite en XXX et qu’elle a finalement déposé deux demandes en obtention d'une protection internationale en XXX, ces deux dernières demandes, au vu des développements faits à l’audience du XXX XXX XXX et des pièces soumises, ayant été rejetées.
Il paraît qu’un transfert ordonné par les autorités XXX vers la XXX n’ait pas pu être organisé au vu du départ de la partie demanderesse vers le XXX.
Le ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Immigration ci-après qualifié « le ministre » adressa en date du XXX XXX une demande de reprise en charge aux autorités XXX XXX sur base du règlement CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, ci-après désigné par « le règlement n° 343/2003» qui acceptèrent la reprise de la partie demanderesse en date du XXX XXX.
Par décision du XXX XXX, le ministre prit une décision d'incompétence sur base de l'article 15 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection à l'encontre de la partie demanderesse, la XXX XXX étant responsable du traitement de la demande afférente.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2011, inscrite sous le numéro 29591 du rôle, la partie demanderesse a fait introduire un recours tendant à l'annulation de la décision d’incompétence.
Par requête déposée le 12 décembre 2011, inscrite sous le numéro 29594 du rôle, elle sollicite du président du tribunal administratif de voir assortir la décision du XXX XXX du sursis à exécution, sinon en termes de plaidoiries à l’audience, de lui accorder, à titre de mesure de sauvegarde, une autorisation de séjour provisoire au Luxembourg, en attendant que le recours au fond déposé en date du 9 décembre 2011 ait été vidé.
La partie demanderesse estime que la décision d'incompétence du ministre et le transfert subséquent aux autorités XXX XXX lui causerait un préjudice grave et définitif en ce qu’elle y risquerait des peines ou traitements inhumains ou dégradants respectivement qu’elle serait refoulée dans son pays d’origine.
Elle soutient par ailleurs qu’elle ferait valoir des motifs sérieux à l’encontre de cette décision qui violerait tant l’article 3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (ci-
après « la CEDH ») que les dispositions de la directive du Conseil 2005/85/CE du premier décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres.
Le représentant étatique conteste tant le préjudice grave et définitif que le sérieux des moyens invoqués en soutenant que la partie demanderesse n'invoquerait aucun moyen juridique relatif au règlement Dublin II respectivement par rapport à la loi modifiée du 5 mai 2006 relatif au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection en se livrant principalement à des suppositions et affirmations non autrement prouvées qui relèveraient de l'appréciation quant à l'opportunité de la décision et ne seraient pas pertinents dans le cadre d'un recours en annulation.
Par ailleurs, si la XXX avait connu dans le passé des difficultés dues à un afflux massif de demandeurs d'asile d'origine XXX, cet afflux aurait connu une diminution sensible et la XXX connaîtrait un taux de reconnaissance équivalent à bon nombre d'autres Etats membres de l'Union européenne, et même largement supérieur à celui du XXX.
Le représentant étatique conteste que la partie demanderesse ne pourrait pas voir sa demande d'asile examinée en XXX, ainsi que toute violation à l'article 3 de la CEDH.
Le simple fait qu'une XXX affirmerait que dans plusieurs pays d'Europe centrale, des demandeurs d'asile auraient été victime d'attaques perpétrées par des envoyés spéciaux du président XXX, et qu'il y aurait eu des assassinats en XXX et en XXX, ne suffirait pas pour affirmer en quoi la partie requérante « serait spécifiquement en danger en XXX, plus que dans n'importe quel autre pays de l'Union européenne ».
En vertu de l’article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.
En vertu de l’article 12 de la même loi, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l’affaire, à l’exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.
Sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d’admettre que l’institution d’une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l’appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d’une décision administrative alors même que les conditions posées par l’article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l’article 12 n’excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.
La partie demanderesse reste en défaut de prouver en quoi la décision d'incompétence du ministre, datée du XXX XXX, et l'exécution de la décision de prise en charge par les autorités XXX risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif.
Aux termes de son premier considérant, le règlement n° 343/2003 considère qu'une politique commune dans le domaine de l'asile, incluant un régime d'asile européen commun, est un élément constitutif de l'objectif de l'Union européenne visant à mettre en place progressivement un espace de liberté, de sécurité et de justice ouvert à ceux qui, poussés par les circonstances, recherchent légitimement une protection dans la Communauté.
Tablant sur l'équivalence des procédures devant assurer la protection des demandeurs d'asile applicables dans les différents Etats membres, le règlement en question fixe des règles de compétence en vue de déterminer l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile émanant d'un ressortissant d'un Etat tiers. Il s'ensuit qu'un demandeur d'asile ne saurait se prévaloir d'un préjudice quelconque qu'il risquerait de subir au cas où sa demande d'asile serait examinée dans un Etat membre plutôt que dans un autre.
Par conséquent, le seul fait que le ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Immigration luxembourgeois se soit déclaré incompétent en faveur des autorités XXX XXX au vu de l’information que la partie demanderesse a déposé en obtention d'une protection internationale en XXX, cette décision n'est pas de nature à lui causer un préjudice.
Par ailleurs, il y a lieu de considérer que la XXX est membre fondateur des Nations Unies, du Conseil de l'Europe, de l'AELE, de l'OCDE et de l'OSCE, qu’elle est signataire de la Convention de Genève, qu'elle est partie à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales et qu'elle est pourvue de juridictions indépendantes auxquelles la partie demanderesse pourra toujours recourir.
Au vu des contestations émises par la partie demanderesse et notamment de son affirmation qu’elle risquerait en cas de transfert vers la XXX des peines ou traitements inhumains ou dégradants, il y a lieu de se référer à un rapport très récent de la division de la Protection Internationale de la « Human Rights Liaison Unit » du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés qui a dégagé au mois de novembre 2011 au niveau de la XXX (UN High Commissioner for Refugees, Submission by the United Nations High Commissioner for Refugees for the Office of the High Commissioner for Human Rights’ Compilation Report -
Universal Periodic Review:
XXX XXX, November 2011, available at:
http://www.unhcr.org/refworld/ docid/4ed3624e2.html [accessed 14 December 2011]) ce qui suit :
“XXX is party to the 1951 Convention relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol.
However, XXX has neither acceded to the 1954 Convention Relating to the Status of Stateless Persons, nor to the 1961 Convention on the Reduction of Statelessness.
There are consistent efforts to develop effective procedures and mechanisms for the protection of persons of concern. Legislative provisions and practices on the ground have reached the level where applicable international standards are in place. XXX has transposed the relevant EU directives on asylum into national legislation.
Access to territory is secured and the principle of non-refoulement is observed. There are no legal or technical obstacles concerning access to the refugee status determination procedures (XXX) at the border or within the XXX territory. The XXX are generally fair and efficient;
however, there remain some gaps, such as deficient access to free legal assistance for persons of concern, especially in detention facilities. In general, XXX provides persons of concern with a safe environment.
The reception conditions and XXX standards have continuously improved throughout the years.
As of 3 November 2011, a total of 5,522 persons had applied for asylum, including 3,453 citizens from the XXX XXX and 1,362 XXX. In the same period, 125 persons were recognized as refugees and 122 were granted subsidiary protection in the first instance. Government figures indicate that 763 persons registered as stateless resided legally in XXX in 2010.” Il résulte de ces considérations que la partie demanderesse n'a pas établi que l'exécution de la décision entreprise risque de lui causer un préjudice grave et définitif et il s'ensuit que l'une des conditions cumulativement posées tant par l’article 11 que par l'article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée fait défaut, de sorte qu'il a lieu de rejeter la demande tendant au sursis à exécution, sinon à l’obtention d’une mesure de sauvegarde, sans qu'il faille par ailleurs examiner si les motifs invoqués sont à considérer comme sérieux.
Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, reçoit le recours en sursis à exécution sinon tendant à l’instauration d’une mesure de sauvegarde en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, réserve les frais.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 14 décembre 2011 à 16.20 heures par M.
Feyereisen, président du tribunal administratif, en présence de M. Rassel, greffier.
s. Luc Rassel s. Marc Feyereisen 5