Tribunal administratif Numéro 27692 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 janvier 2011 Audience publique du 17 février 2011 Requête en sursis à exécution et subsidiairement en abréviation des délais introduite par Monsieur XXX XXX, XXX, contre une décision du bourgmestre de la Commune de XXX, en présence de la société XXX XXX XXX S.A., XXX, en matière de permis de construire.
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ORDONNANCE
Vu la requête déposée le 20 janvier 2011 au greffe du tribunal administratif par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XXX, demeurant à XXX XXX, XXX, XXX XXX XXX, tendant à ordonner le sursis à exécution et subsidiairement en abréviation des délais à l’encontre de l’autorisation de bâtir XXX émise par le bourgmestre de l’Administration communale de XXX en date du XXX XXX XXX, autorisation émise au profit de la société XXX XXX XXX S.A., représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, établie et ayant son siège social à XXX XXX, XX, XXX XXX, pour la construction d’une résidence à deux appartements et deux professions libérales, sise à XX, XXX XXX, cette décision faisant par ailleurs l’objet d’un recours en annulation introduit le 23 décembre 2010 et inscrit sous le numéro 27597, dirigé contre la décision en question;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex Mertzig, demeurant à Diekirch, du XXX XXX portant signification de la prédite requête en sursis à exécution et subsidiairement en abréviation des délais à l’administration communale de XXX, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, sinon par son bourgmestre actuellement en fonctions, dont les bureaux sont établis à XXX XXX, XXX;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Martine Lisé, demeurant à Esch-sur-Alzette, du XX XXX XXX portant signification de la prédite requête en sursis à exécution et subsidiairement en abréviation des délais à la société anonyme XXX XXX XXX, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg, sous le numéro XXX XXX, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, établie et ayant son siège social à XXX XXX, XX, XXX XXX;
Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;
Vu le mémoire de Maître Pierre Metzler déposé le 31 janvier 2011;
Vu le mémoire de Maître Alain Bingen déposé le 3 février 2011;
Vu le mémoire de Maître Albert Rodesch déposé le 3 février 2011;
Vu le résultat de la visite des lieux à laquelle il a été procédé le 14 février 2011;
Maître Agnes Durdu, en remplacement de Maître Albert Rodesch, Maître Alain Bingen et Maître Anne-Laure Jabin, en remplacement de Maître Pierre Metzler, en leurs plaidoiries respectives aux audiences des jeudi 27 janvier 2011 et vendredi 4 février 2011 ;
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A la suite d’une demande afférente lui adressée, le bourgmestre de la Ville de XXX autorisa, en date du XXX XXX, la société XXX XXX XXX S.A., ci-après « la société XXX XXX », à procéder à la construction d’une résidence à deux appartements et deux professions libérales, sise à X, XXX XXX, à XXX.
Par requête déposée le 23 décembre 2010 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 27597 du rôle, Monsieur XXX XXX, demeurant à XXX XXX, X, XXX XXX XXX a fait introduire un recours tendant à l’annulation du permis de construire précité du XXX XXX XXX et par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 janvier 2011, inscrite sous le numéro 27692 du rôle, il a introduit une demande tendant à ordonner le sursis à exécution de ce même permis de construire.
Après avoir conclu à la sériosité des moyens invoqués au fond, le demandeur soutient que l’exécution de la décision attaquée risquerait de lui causer un préjudice grave dans la mesure où les travaux actuellement en cours constitueraient un trouble anormal excédant les inconvénients ordinaires du voisinage.
Le mandataire des bénéficiaires du permis de construire litigieux invoque la tardiveté du recours tout en contestant le sérieux des moyens invoqués.
Le représentant de la Ville de XXX soutient que l’autorisation accordée respecterait le plan d'aménagement général de la Ville de XXX.
En vertu de l’article 11 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigés contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.
La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme l’intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond.
Il doit donc se borner à apprécier – après avoir évacué des moyens mettant éventuellement en doute la régularité de sa propre saisine sans avoir une quelconque répercussion sur la régularité de la procédure au fond – les moyens tirés de l'incompétence et de l'irrégularité de la saisine du juge du fond en y répondant non pas de manière péremptoire et affirmative, mais en appréciant le sérieux dans ce sens que si ces moyens paraissent sérieusement mettre en doute la compétence du juge du fond ou la recevabilité de la demande au fond, ce doute se répercutera sur le sérieux des moyens invoqués à l'appui du recours au fond et entraînera le rejet de la demande de sursis à exécution. (TA prés. 19-1-05 N° 18974 du rôle, TA prés. 22-12-10, N° 27552 du rôle) En l'espèce, le moyen tiré de la tardiveté du recours ne vise pas, de manière spécifique, la mesure de sursis à exécution, mais le recours introduit au fond contre l'autorisation de construire du XXX XXX XXX.
Ce moyen en question touche partant le fond du droit; il relève plus précisément du caractère sérieux des moyens invoqués à l'appui du recours au fond et il sera examiné dans ce cadre.
A cet égard, le demandeur fait valoir qu’il n’aurait obtenu connaissance de l’autorisation de bâtir émise le XXX XXX XXX qu’en date du XXX XXX XXX, date d’affichage du « certificat point rouge » sur le chantier.
Si la société anoyme XXX XXX affirme que le demandeur devait nécessairement avoir eu connaissance de l’autorisation à une date antérieure, elle ne soumet néanmoins aucun élément destiné à prouver que le demandeur aurait pu avoir une connaissance intégrale de la décision litigieuse avant la date du XXX XXX XXX avancée par lui.
Il suit de ces considérations qu’il semble que la société XXX XXX ne peut a priori et en l’état actuel des éléments soumis au soussigné établir que le demandeur puisse être considéré comme forclos à agir contre le permis de construire litigieux de sorte que le moyen tiré de l’irrecevabilité de la présente requête pour défaut de tardiveté dans le chef du demandeur ne présente pas le caractère de sérieux nécessaire pour s’opposer à la recevabilité de la requête en sursis à exécution sous analyse. Ce moyen est partant à rejeter.
Par ailleurs en matière d'autorisations de construire, le sursis à exécution n'a d'utilité que pour garantir que l'exécution et l'achèvement de travaux de construction ne créant un état de fait sur lequel il sera difficile par la suite de revenir au cas où l'autorisation de construire litigieuse serait annulée par la suite, de sorte qu’à première vue, le préjudice du requérant, en présence d’une construction à peine entamée, paraît être né et actuel.
Aucun autre moyen d’irrecevabilité n’ayant été soulevé en cause, la présente requête est à déclarer recevable.
Quant au fond, tant l’administration communale de la Ville de XXX que la société XXX XXX estiment que les moyens présentés par le demandeur ne seraient pas à considérer comme sérieux en soutenant que toutes les prescriptions du règlement des bâtisses de la Ville de XXX auraient été respectées.
Le demandeur soutient d’abord que la construction envisagée serait située dans une zone telle que définie par un acte de remembrement XXX XXX XXX concernant les « quartiers du XXX » qui ne permettrait qu’une construction avec un seul étage, les deux autres parties contestant toute légalité à cet acte.
Il découle des documents soumis ainsi que des développements tant écrits qu’oraux, qu’en date du XXX XXX un acte de remembrement portant la dénomination « Secteur XXX » portant sur un ensemble de terrains impressionnants a été signé entre l’administration communale de XXX, propriétaire de XXX XXX et XXX et une vingtaine de propriétaires privés détenant X XXX XXX XXX pardevant Maître XXX XXX XXX, notaire de résidence à XXX.
Il est détaillé à la page 19 de cet acte authentique, sous le chapitre A. intitulé {Observation de la procédure légale concernant le plan d'aménagement du secteur «XXX»} que l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations a été observé et qu’ «il résulte d'un certificat délivré par Monsieur le Bourgmestre de la Ville de XXX que les immeubles pré-désignés font partie d'un plan d'aménagement dûment approuvé par le conseil communal et Monsieur le Ministre de l'Intérieur;
que le plan particulier d'aménagement a été publié dans les formes prescrites par la loi précitée du 12 juin 1937. Le certificat, revêtu de la mention « ANNEXE IV », après avoir été signé « ne varietur » par les membres du collège des bourgmestre et échevins de la Ville de XXX, restera annexé à la présente minute avec laquelle il sera enregistré. » Il apparaît dès lors que le quartier XXX est basé sur un plan d'aménagement particulier mené à bonne fin quelques années avant l'adoption du PAG actuel de la commune de XXX.
La partie graphique du plan d’aménagement général de la Ville de XXX, adoptée le même jour que le règlement sur les bâtisses par le conseil communal de XXX, à savoir le XXX XXX, fait formellement référence à cet acte de remembrement dans les termes suivants : « voir acte de remembrement XXX XXX XXX concernant les quartiers du XXX », ces termes figurant dans un « encadré » à l’endroit précis de la situation de ce quartier.
Ces deux éléments du PAG ont été approuvés ensemble et tels quels par le ministre de l’Intérieur en date du XXX XXX.
Il apparaît donc à première vue que l’acte de remembrement du XXX XXX XXX portant sur les lots y figurant fait partie intégrante du PAG actuel de la Ville de XXX pour y figurer expressément.
La société XXX XXX soutient en ordre subsidiaire que l’acte de remembrement ne s’appliquerait pas à la parcelle lui appartenant et portant les numéros X et X en ce qu’il prévoit que « les maisons qui seront construites sur les autres lots comporteront un étage », alors que cette disposition ne concernerait que les lots attribués à la commune de XXX dont ne feraient pas parti les lots X et X.
L’acte de remembrement du XXX XXX XXX spécifie clairement au point X. a) et b) que sont attribués à Madame XXX XXX, épouse XXX XXX, les lots X, X, X et X et que « les maisons qui sont construites sur ces lots comporteront un étage. » Il découle de cette considération que ce moyen développé ne paraît pas sérieux au stade actuel de la procédure.
L’administration communale de XXX fait valoir dans ce contexte que l’immeuble, tel qu’autorisé se composerait d’un sous-sol, d’un rez-de-chaussée, d’un étage et de combles, de sorte à respecter « en tout état de cause » l’acte de remembrement pour autant qu’il serait applicable à la parcelle appartenant à la société XXX XXX.
L’autorisation délivrée s’apparente au premier regard à un immeuble comportant :
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Un sous-sol, indépendamment de la problématique soumise au soussigné consistant à affirmer que cette surface devrait être considérée à titre de rez-de-
chaussée ;
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Un rez-de-chaussée comportant notamment un cabinet médical d’une surface de XXX m2 ;
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Un premier étage comportant notamment un cabinet médical d’une surface de XXX m2 ;
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Un deuxième étage comportant notamment deux appartements d’une surface de XXX m2, respectivement XXX m2 ;
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Une toiture accusant une hauteur faitage de XXX mètres non destinée à l’habitation.
Il découle de cette énumération que la construction envisagée ne s’offre nullement comme susceptible de pouvoir être considérée comme « maison comportant un étage » et qu’au stade actuel de l’instruction du litige, et sans vouloir préjuger la solution qui pourra être retenue par le juge du fond, l'autorisation de bâtir XXX émise par le bourgmestre de l’administration communale de XXX en date du XXX XXX XXX, émise au profit de la société XXX XXX semble illégale pour ne pas être conforme avec les dispositions du règlement des bâtisses de la Ville de XXX.
Concernant la question du risque d’un préjudice grave et définitif, par ailleurs non contesté, il est donné en l’espèce. En effet, le demandeur risque effectivement un tel préjudice en cas de poursuite des travaux jusqu'à l'intervention d'une décision définitive au fond, étant donné qu'en vertu d'une jurisprudence constante des juridictions judiciaires, récemment réaffirmée avec vigueur, celles-ci refusent d'ordonner la démolition de constructions érigées sous le couvert d'une autorisation administrative annulée dans la suite, au motif que le fait de construire sous le couvert d'une autorisation de construire qui se trouve annulée dans la suite ne constitue pas le maître de l'ouvrage en faute, que, par conséquent, il n'y a aucune responsabilité civile dans le chef de celui qui a construit et que, dans ces conditions, il ne saurait y avoir de réparation du préjudice, ni en nature moyennant démolition de l'ouvrage construit illégalement, ni d'ailleurs par équivalent (v.
Cour d'appel 30 juin 1993, n° 13662 du rôle; 11 janvier 1995, n° 15963 du rôle; 8 juillet 2004, n° 27531 du rôle).
Les conditions légales pour un sursis à exécution étant remplies, il y a lieu de faire droit à la demande.
Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique ;
reçoit le recours en sursis à exécution en la forme ;
déclare la demande en sursis à exécution justifiée ;
dit qu’en attendant que le tribunal administratif se soit prononcé au fond sur le mérite du recours en annulation introduit contre l’autorisation de bâtir XXX XXX émise par le bourgmestre de l’administration communale de XXX en date du XXX XXX XXX, émise au profit de la société XXX XXX, inscrit sous le numéro 27597 du rôle, il sera sursis à l’exécution de ladite autorisation;
dit qu’il n’y a pas lieu de se prononcer au stade actuel du dossier sur la demande formulée à titre subsidiaire par le demandeur ;
réserve les frais.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 17 février 2011 par M. Feyereisen, président du tribunal administratif, en présence de M. Rassel, greffier.
s. Luc Rassel s. Marc Feyereisen 6