Tribunal administratif N° 27707 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 janvier 2011 Audience publique du 15 février 2011
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Requête en sursis à exécution sinon en instauration d’une mesure de sauvegarde introduite par la société à responsabilité limitée de droit XXX XXX X. XXX XXX XXXX & X. X, XXX, contre une décision de l’établissement public le XXX XXX, XXX XXX, en présence de la société anonyme XXX S.A., XXX, en matière de marchés publics.
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ORDONNANCE
Vu la requête déposée le 25 janvier 2011 au greffe du tribunal administratif par Maître Jacques WOLTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société de droit XXX X. XXX XXX XXXX & X. X., établie et ayant son siège social à XXX XXX, XXX-XXX-XXX. XX, représentée par la société à responsabilité limitée XXX XXX XXX XXXX, représentée par ses gérants actuellement en fonctions, tendant à prononcer le sursis à exécution sinon l’instauration d’une mesure de sauvegarde par rapport à une décision prise par le XXX XXX du XXX XXX XXX de ne pas lui attribuer le marché pour l’exécution des travaux de mise en application de peinture et de vernis de protection des structures métalliques conservées des hauts fourneaux A et B et d’attribuer ledit marché à la société anonyme XXX S.A., XXX, la requête s'inscrivant dans le cadre d'un recours en annulation déposé au fond le même jour, inscrit sous le numéro 27706 du rôle, dirigé contre cette même décision;
Vu l'exploit de l'huissier de justice Guy ENGEL, immatriculé près le tribunal d'arrondissement de Luxembourg, du 25 janvier 2011, portant signification de la requête introductive d'instance à l’établissement public le XXX XXX, ayant son siège social à XXX XXX XXX XXX, X, XXX XXX XXX XXX, représenté par son conseil d’administration, ainsi qu’à la société anonyme XXX S.A., établie et ayant son siège social à XXX XXX, X, XXX XXX XXX, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions sinon par qui de droit, inscrite au registre de commerce et des sociétés de XXX sous le numéro XXX;
Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;
Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée;
Maître Yasmina Maadi, en remplacement de Maître Jacques Wolter, Maître Patrick Kinsch et Maître Anne Ferry entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience du mardi 8 février 2011.
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Par avis du XXX XXX, l’établissement public le XXX XXX (ci-après dénommé «le XXX XXX ») a lancé un appel d'offre pour des travaux de mise en application de peinture et de vernis de protection des structures métalliques conservées des hauts fourneaux A et B à Belval.
La société de droit XXX X. XXX XXX XXXX & X. X., ci-après dénommée « la partie demanderesse » a déposé une offre dans le cadre de cette adjudication publique.
Par décision du XXX XXX XXX, reçue le XXX XXX XXX, le XXX XXX a informé la partie demanderesse de ce que son offre n’a pas été retenue pour être seulement la deuxième moins chère et que la société XXX S.A., établie et ayant son siège social à XXX XXX, X, XXX XXX, ci-après dénommée « la société XXX S.A. » a été déclarée adjudicataire pour avoir présenté l’offre économiquement la plus avantageuse.
C’est contre ce courrier que la partie demanderesse a fait introduire en date du 25 janvier 2011 un recours en annulation inscrit sous le numéro 27706 du rôle.
Parallèlement, le même jour, elle a fait introduire une requête inscrite sous le numéro 27707 du rôle et tendant à conférer un effet suspensif au prédit recours au fond en ce qui concerne l’adjudication du marché à la société XXX S.A., sinon, subsidiairement, à titre de mesure de sauvegarde, de « faire interdiction au XXX XXX de conclure un contrat relatif au marché litigieux avec une entité autre que la société requérante. » Il découle des explications fournies par les parties à l’audience qu’à l’heure actuelle aucune convention n’a été conclue et signée avec la partie défenderesse.
Eu égard aux délais d’instruction légaux prévus en la matière il est constant que l’affaire n’est pas susceptible d’être toisée dans un avenir très rapproché.
La demanderesse fait valoir que l’exécution de la décision litigieuse risquerait de lui causer un préjudice grave et irréparable et que ses moyens à l’appui de son recours seraient à considérer comme sérieux.
Elle explique qu’elle aurait présenté une offre d'un montant de XXX XXX.-
euros, tandis que la société adjudicatrice, à savoir la société XXX S.A. aurait présenté une offre d'un montant de XXX XXX.- euros, soit une offre moins chère de 13 % par rapport à celle de la requérante. Enfin, l’association momentanée XXX XXX XXX aurait présenté une offre d'un montant de XXX XXX XXX.- euros.
D’après la partie demanderesse, l’écart de 13 % entre les deux meilleures offres aurait dû conduire le pouvoir adjudicateur à solliciter une analyse de prix afin de rechercher si le meilleur offrant n'avait pas présenté une offre anormalement basse.
En l'absence d'une demande d'analyse des prix, il aurait appartenu au pouvoir adjudicateur de rechercher dans quelle mesure cette offre n'était pas à déclarer non-conforme au cahier des charges.
Toujours d’après la partie demanderesse, l'écart entre son offre et celle de la partie défenderesse qui aurait renfermé un prix anormalement bas, aurait dû conduire le pouvoir adjudicateur à s'interroger sur le caractère incomplet de l'offre au regard des exigences du cahier des charges, de sorte qu’il lui aurait appartenu de rechercher si la société XXX S.A. avait correctement chiffré certaines positions du bordereau et si la distorsion de prix entre les deux offres ne résultait pas d'erreurs commises par cette société.
Elle soutient ensuite qu’elle aurait offert un procédé respectueux de l'environnement, à savoir un procédé de nettoyage de pression à base de CO2 qui produirait des résidus solides qui pourraient être aisément collectés soit en les balayant, soit en les aspirant.
Il conviendrait dès lors de rechercher si la société XXX aurait offert un nettoyage haute pression à l'eau et dans l’affirmative si son bordereau renfermait un poste relatif à un bassin de récupération des eaux usées ainsi que le coût relatif au retraitement des eaux usées.
Le XXX XXX, rejoint sur ce point par la société XXX, sans contester l’intérêt à agir de la partie demanderesse, ni le risque d’un préjudice grave et définitif, font valoir que les motifs invoqués contre la décision litigieuse n’apparaîtraient pas comme sérieux.
L'intérêt à agir de la société demanderesse n’ayant pas été contesté et la demande étant par ailleurs régulière en la forme, elle est recevable.
En vertu de l'article 11 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l'affaire est en état d'être plaidée et décidée à brève échéance.
Il découle de ce caractère accessoire de la procédure du sursis à exécution que le juge appelé à apprécier le caractère sérieux des moyens invoqués au fond ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond.
Apparaissent comme sérieux au sens de l’article 11 de la loi précitée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, les moyens qui, à première vue et eu égard aux circonstances de la cause, sont susceptibles d'être déclarés recevables et fondés et de nature à conduire, par conséquent, à la réformation respectivement à l'annulation de la décision critiquée.
Au niveau des principes, s'il est vrai que depuis la réforme de la réglementation des marchés publics intervenue avec le vote de la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics et le règlement grand-ducal du 3 août 2009 portant exécution de la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics, maintenant l'aménagement d'un droit de recours dans le cadre d'une procédure urgente pendant quinze jours à partir de la décision d'adjudication, tel qu’il a été antérieurement organisé par la loi actuellement abolie du 30 juin 2003 sur les marchés publics et d’un règlement grand-ducal en portant exécution du 7 juillet 2003, le risque d'un préjudice grave et définitif peut être retenu par essence même, encore faut-
il que, de manière corollaire, les moyens invoqués à l'appui du recours apparaissent comme particulièrement sérieux, sous peine du risque d'une paralysie de la quasi-totalité des marchés publics dont l'adjudication fait l'objet d'une contestation. Il y a lieu d'ajouter qu'une décision de refus du sursis à exécution suivi, en règle générale, de la conclusion d'un contrat civil avec l'adjudicataire ne permettant plus, même en cas d'annulation de l'adjudication par le juge du fond, l'annulation de ce contrat, l'adjudicataire injustement évincé ne reste pas sans indemnisation, mais il lui est loisible de solliciter la réparation de son dommage au juge judiciaire moyennant l'engagement de la responsabilité civile du pouvoir adjudicateur. (TA, prés. 17 janvier 2011, N° 27604 du rôle, voir sous :
http://www.justice.public.lu/fr/jurisprudence/juridictions-administratives/index.html) La partie demanderesse soutient d’abord qu’une différence de 13% entre le montant de son offre et celle soumise par la société XXX ne pourrait s’expliquer que par une offre non conforme au cahier des charges.
L’affirmation de la demanderesse d’après laquelle la société XXX aurait remis une offre incomplète et non-conforme aux contraintes environnementales n’est néanmoins appuyée par aucun autre élément tangible, étant à relever que le cahier des charges impose le respect de la législation et la réglementation environnementale luxembourgeoise (clause 1.4.5 à la page 17 et clause 2.1.7 à la page 45), et qu’il se dégage des développements soumis que le maître de l'ouvrage a chargé la société XXX XXX de vérifier si l’offre la moins chère respectait les contraintes environnementales.
Il découle de ces éléments que le premier moyen avancé par la partie demanderesse n’est pas à retenir au stade actuel de la procédure.
La partie demanderesse soutient ensuite que l’offre soumise par la société XXX aurait été anormalement basse.
Le règlement grand-ducal modifié du 3 août 2009 portant exécution de la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics, ci-après « le règlement grand-ducal du 3 août 2009 », prévoit à son article 80 ce qui suit :
« (1) La remise d’une analyse de prix doit être demandée par le pouvoir adjudicateur aux soumissionnaires dont les offres sont de plus de quinze pour cent inférieures à la moyenne arithmétique des prix de toutes les offres conformes aux exigences formelles de la procédure de passation reçues, y non compris l’offre la plus chère et l’offre la moins chère.
(2) Le paragraphe 1er ci-dessus n’est pas d’application si moins de cinq offres conformes aux exigences formelles de la procédure de passation ont été reçues.
Toutefois, dans ce cas, il est loisible au pouvoir adjudicateur de demander une analyse de prix, ceci de son initiative ou à la demande d’un soumissionnaire. » Face à un total de trois offres reçues, le maître de l'ouvrage n'était aux termes de l’article 80(2) du règlement précité pas obligé de procéder à une analyse des prix, étant par ailleurs à relever qu’il ne résulte d’aucune des pièces soumises au soussigné qu’un des soumissionnaires aurait demandé une telle analyse de sorte qu’il n’apparaît pas au stade actuel de la procédure, les soumissionnaires ayant apparemment proposé deux techniques fondamentalement divergentes, pour quelle raison objective le maître de l'ouvrage aurait dû douter du sérieux des prix offerts par la S.A. XXX.
Il suit de ces considérations que le moyen fondé sur l’existence d’une offre anormalement basse n’est pas à accueillir au stade actuel de la procédure.
Le moyen épinglant des prétendues irrégularités du cahier des charges en ce qu’il se référerait à une « spécification de peinture » qui serait un document séparé il a été crédiblement soutenu à l’audience que la référence à un « document séparé » est due à une erreur matérielle et que toutes les précisions visées par les passages incriminés du cahier des charges figurent dans le cahier des charges lui-même aux pages 119-121 et 141-144.
Il s’y ajoute que si la partie demanderesse a posé un certain nombre de questions au maître de l'ouvrage, elle n’a pas requis d’explications complémentaires sur les points actuellement incriminés qui paraissent donc avoir été clairement définis dans le passage pré-visé du cahier des charges.
Le règlement grand-ducal du 3 août 2009 prévoit ce qui suit en ses articles 21 et suivants :
« Art. 21. Le soumissionnaire qui constaterait dans le dossier de soumission des ambiguïtés, erreurs ou omissions, est tenu, sous peine d’irrecevabilité, de les signaler par lettre recommandée au pouvoir adjudicateur au moins 7 jours avant l’ouverture de la soumission, à moins que le cahier spécial des charges ne stipule un délai plus long.
Art. 22. Toute demande de renseignements concernant l’objet de la soumission doit être adressée au pouvoir adjudicateur dans la même forme et dans le même délai que celui prévu à l’article 21.
Art. 23. Les précisions, rectifications ou modifications fournies en réponse aux problèmes visés par les articles 20 à 22 doivent être adressées simultanément à tous les intéressés ayant retiré le dossier de soumission.
A cet effet une liste confidentielle de ces intéressés est tenue. » Il y a lieu de rappeler que ces dispositions impliquent l’association active de tous les soumissionnaires à l’établissement d’un dossier clair et exact garantissant une saine mise en concurrence, moyennant le droit et l’obligation des intéressés, tous des professionnels avertis, de contrôler et de vérifier soigneusement la documentation remise par le commettant et de signaler toute ambiguïté, erreur ou omission risquant d’empêcher la comparabilité des offres. Cette obligation à charge des soumissionnaires, qui peut être mise en parallèle avec l’obligation de loyauté et de collaboration entre parties telle que développée par les juridictions civiles à partir de l’article 1134 alinéa 3 du Code civil, a non seulement pour but de veiller à mettre tous les candidats soumissionnaires à égalité par rapport au cahier des charges, en clarifiant par exemple les interrogations que l’un des soumissionnaires pourrait avoir par rapport au dossier de soumission, mais encore de veiller en permettant ainsi préalablement l’évacuation des problèmes liés à la compréhension et à l’interprétation du cahier des charges, une fois les soumissions déposées, à ce que la procédure d’adjudication soit menée à bien dans les meilleurs délais dans l’intérêt de l'achèvement des travaux publics. En aucun cas n’est-il admissible que, dans un premier temps, un soumissionnaire participe à une soumission sans dire mot quant à des ambiguïtés, erreurs ou omissions qu’il a pu – ou dû – constater, pour, par la suite comme en l’espèce, s’en emparer et s’en prévaloir dans le cas de figure défavorable où son offre n’aurait pas été retenue. (T. adm. 22 décembre 2006, N° 21211 du rôle) Il s’ensuit qu’à première vue, à défaut d’avoir signalé les problèmes liés à la compréhension et à l’interprétation du cahier des charges conformément à l’article 21 du règlement grand-ducal du 3 août 2009, la partie demanderesse semble forclose à soulever devant le juge administratif les ambiguïtés, erreurs ou omissions actuellement incriminées.
Les moyens invoqués à l'appui du recours au fond ne paraissant pas, en l'état actuel de l'instruction du litige, être suffisamment sérieux pour justifier tant une mesure de sursis à exécution qu’une mesure de sauvegarde, une telle mesure étant soumise aux mêmes conditions concernant le sérieux des moyens invoqués, il y a lieu de rejeter la demande.
Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, déclare la demande de sursis à exécution, sinon à l’instauration d’une mesure de sauvegarde recevable, la déclare non justifiée et en déboute, réserve les frais.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 15 février 2011 par M.
Feyereisen, président du tribunal administratif, en présence de M. Rassel, greffier.
s. Rassel s. Feyereisen 7