Tribunal administratif Numéro 27149 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 juillet 2010 Audience publique du 10 août 2010 Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur … et consorts, contre des décisions du bourgmestre de la Ville de Luxembourg, en présence de Madame …, de Monsieur … et de la société …, en matière d’urbanisme
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ORDONNANCE
Vu la requête déposée le 29 juillet 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, employé privé, demeurant à L-…, de Monsieur …, employé privé, et son épouse Madame …, sans état connu, demeurant ensemble à L-…, ainsi que la société anonyme …, établie et ayant son siège à L-…, représentée par son conseil d'administration actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce sous le n° …, tendant à ordonner le sursis à exécution des décisions suivantes émises par le bourgmestre de la Ville de Luxembourg :
1) l'autorisation de bâtir n° … du 6 mai 2009 délivrée à la société … pour la construction d'une maison unifamiliale avec garage sur la parcelle sise au …, affichée sur le terrain le 27 avril 2010 ;
2) l'autorisation de bâtir n° … du 25 juin 2010 portant modification de l'autorisation de bâtir n° … du 6 mai 2009, ensemble avec l'autorisation de bâtir n° … du 6 mai 2009, délivrées à la société … pour la construction d'une maison unifamiliale sur la parcelle sise au …, affichée sur le terrain le 4 juillet 2010 ;
3) l'autorisation de bâtir n° … du 25 juin 2010 portant modification de l'autorisation de bâtir n° … du 6 mai 2009, ensemble avec l'autorisation de bâtir n° … du 6 mai 2009, délivrées à la société … pour la construction d'une maison unifamiliale sur la parcelle sise au …, affichée sur le terrain le 4 juillet 2010 ;
4) l’autorisation de bâtir n° … du 25 juin 2010 portant modification de l'autorisation de bâtir n° … du 6 mai 2009, ensemble avec l'autorisation de bâtir n° … du 6 mai 2009, délivrées à la société … pour la construction d'une maison unifamiliale sur la parcelle sise au …, affichée sur le terrain le 4 juillet 2010 ;
5) l'autorisation de bâtir n° … du 25 juin 2010 délivrée à la société … pour la démolition de l'immeuble existant et la construction d'une maison unifamiliale sur la parcelle sise au …, affichée sur le terrain le 4 juillet 2010 ;
6) l'autorisation de morcellement n° … du 21 novembre 2008, délivrée à la société … pour morceler la parcelle portant le n° cadastral … de la section … sise aux abords de la rue … ;
7) l'autorisation de morcellement n° … du 21 novembre 2008, délivrée à la société … pour morceler la parcelle portant le n° cadastral … de la section … et sise aux abords de la rue … ;
lesdites autorisations ayant été délivrées à Madame …, …, demeurant à L-…, à Monsieur …, …, demeurant à L-…, ainsi qu’à la société anonyme …, ayant son siège social à L-…, ces décisions faisant par ailleurs l’objet d’un recours en réformation sinon en annulation introduit le 29 juillet 2010, portant le numéro 27146 du rôle ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick KURDYBAN, demeurant à Luxembourg, du 2 août 2010 portant signification de la prédite requête en sursis à exécution à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, à Madame …, à Monsieur … ainsi qu’à la société … ;
Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Maître Marc THEWES, assisté de Maître Benjamin MARTHOZ pour les demandeurs, Maître Christian POINT, assisté de Maître Gilles DAUPHIN pour l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ainsi que Maître Georges KRIEGER, assisté de Maître Ana-Lisa FRANCO FERRO pour les parties tierces-intéressées entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 9 août 2010 à 11 heures.
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Il résulte des explications des parties demanderesses qu’au courant de l'année 2008, le cabinet d'architecture … aurait introduit plusieurs demandes d'autorisation relatives à la construction de 5 habitations unifamiliales dans la rue … à Luxembourg, demandes introduites au nom et pour le compte d'un promoteur immobilier, la société …, propriétaire de deux parcelles devant accueillir les constructions, les autres parcelles appartenant en indivision à Monsieur … et Madame ….
Ces demandes firent l’objet des autorisations suivantes :
1) autorisation de bâtir n° … du 6 mai 2009 délivrée à la société … pour la construction d'une maison unifamiliale avec garage sur la parcelle sise au … ;
2) autorisation de bâtir n° … du 25 juin 2010 portant modification de l'autorisation de bâtir n° … du 6 mai 2009, ensemble avec l'autorisation de bâtir n° … du 6 mai 2009, délivrées à la société … pour la construction d'une maison unifamiliale sur la parcelle sise au … ;
3) autorisation de bâtir n° … du 25 juin 2010 portant modification de l'autorisation de bâtir n° … du 6 mai 2009, ensemble avec l'autorisation de bâtir n° … du 6 mai 2009, délivrées à la société … pour la construction d'une maison unifamiliale sur la parcelle sise au … ;
4) autorisation de bâtir n° … du 25 juin 2010 portant modification de l'autorisation de bâtir n° … du 6 mai 2009, ensemble avec l'autorisation de bâtir n° … du 6 mai 2009, délivrées à la société … pour la construction d'une maison unifamiliale sur la parcelle sise au … ;
5) autorisation de bâtir n° … du 25 juin 2010 délivrée à la société … pour la démolition de l'immeuble existant et la construction d'une maison unifamiliale sur la parcelle sise au … ;
6) autorisation de morcellement n° … du 21 novembre 2008, délivrée à la société … pour morceler la parcelle portant le n° cadastral … de la section … sise aux abords de la rue … ;
7) autorisation de morcellement n° … du 21 novembre 2008, délivrée à la société … pour morceler la parcelle portant le n° cadastral … de la section … et sise aux abords de la rue ….
Les parties demanderesses affirment encore que les terrains concernés par ces demandes se situeraient dans deux types de zones définies par le plan d’aménagement général (« PAG ») de la Ville de Luxembourg, à savoir en zone d'habitation 2 et en zone de verdure, les terrains situés en zone d'habitation 2 étant par ailleurs encore identifiés en tant qu' « ensembles sensibles ».
Par requête déposée le 29 juillet 2010 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 27146 du rôle, Monsieur …, Monsieur … et son épouse Madame …, ainsi que la société anonyme …, ont fait introduire un recours tendant à réformation, sinon à l’annulation des différentes autorisations délivrées, sensées couvrir les parcelles numérotées …, …, …, … et … de la rue …, et par requête déposée au greffe du tribunal administratif le même jour, inscrite sous le numéro 27149 du rôle, ils ont fait introduire une demande tendant à ordonner le sursis à exécution de ces différentes autorisations.
Les demandeurs, en substance, font plaider que les autorisations de morcellement déférées auraient été accordées sans que la procédure d'adoption prescrite par la loi du 19 juillet 2004 relative à l’aménagement communal et au développement urbain n'ait été respectée, et en particulier les prescriptions édictées par les articles 105 à 106 de cette loi.
Dans ce contexte, ils critiquent plus particulièrement le fait que les autorisations de morcellement aient été délivrées sans qu’un plan d'aménagement particulier n'ait été établi, sans que l’avis de la commission d'aménagement étatique n’ait été pris, sans que le conseil communal de la Ville de Luxembourg n’ait pu prendre de vote provisoire au sujet du projet d'aménagement particulier, qu’aucun affichage et publicité afférents n’aient eu lieu, de sorte qu’ils n’auraient eu aucune possibilité de présenter leurs réclamations, et, à fortiori, qu’aucun vote définitif ne soit intervenu ainsi qu’aucun affichage de la décision définitive d'autorisation n'ait été effectué.
Ils en déduisent que le promoteur aurait dû faire établir un plan d'aménagement particulier dûment autorisé avant l'obtention des autorisations de morcellement, de sorte que les autorisations de bâtir auraient été délivrées sur base d'autorisations de morcellement illégales.
En ce qui concerne les différentes autorisations de bâtir per se, les demandeurs arguent de leur illégalité en se prévalant d’une violation des articles 37, 105 et 106 de la loi du 19 juillet 2004 relative à l’aménagement communal et au développement urbain : en effet, l'illégalité des autorisations de morcellement délivrées par le bourgmestre entacherait directement la légalité des autorisations de bâtir délivrées sur base desdites autorisations de morcellement.
Les parties demanderesses concluent encore à une violation des articles 26, 27 et 35 de la même loi, et ce du fait du défaut d’élaboration préalable d’un plan d’aménagement particulier.
Elles considèrent de surcroit que les différentes autorisations de construire violeraient le PAG, en ce que les constructions autorisées empiéteraient, du moins partiellement, sur les zones de verdure.
De même, les autorisations de construire violeraient encore l'article A.0.3 a) du PAG, et ce parce que le niveau du rez-de-chaussée de la maison projetée au n° … de la rue … se trouverait en-dessous du niveau de la rue …, les aliénas a), b) et g) de l'article A.OA du PAG, parce que les toitures projetées ne respecteraient pas les gabarits imposés et finalement l‘article C.7 du PAG et les conditions spéciales applicables aux ensembles sensibles.
Madame …, Monsieur … ainsi que la société …, parties tierces-intéressées, soulèvent de prime abord l’irrecevabilité de la requête en obtention du sursis à exécution pour être dirigée contre plusieurs actes, et ce alors que les parties demanderesses exercent un recours tendant à obtenir le sursis à exécution d’autorisations de morcellement, d’autorisations de construire et de décisions modificatives des autorisations de construire, visant de surcroît des terrains et constructions différents. Or il serait de principe que tout recours devrait être introduit par requête séparée, seules deux décisions distinctes ayant le même objet et se fondant sur des considérations identiques pouvant faire l'objet d'une même requête, à condition que le recours formé se fonde sur le même moyen et que les décisions déférées présentent entre elles un lien de connexité suffisamment étroit.
Le représentant de la Ville de Luxembourg, rejoint en ce moyen par le litismandataire des tiers-intéressés, invoque ensuite un défaut d’intérêt à agir dans le chef des demandeurs ainsi que la tardiveté du recours.
Plus particulièrement, en ce qui concerne la question de l’intérêt à agir, les parties défenderesse et tierces-intéressées dénient aux demandeurs tout intérêt à agir, au motif qu’ils n’auraient pas de vue directe sur les projets de constructions litigieux. En ce qui concerne la demanderesse …, administrée par Monsieur … et son épouse, le litismandataire des tiers-
intéressés donne à considérer que ladite société est située de l'autre côté de la … et aurait donc vue sur toute la vallée, de sorte qu’elle devrait donc avoir un intérêt à agir pour tous les chantiers se déroulant de l'autre côté de la vallée : il en déduit que cette situation ne lui permettrait pas d'invoquer un d'intérêt personnel et direct dans cette affaire. En ce qui concerne l’intérêt à agir de Monsieur …, les parties tierces-intéressées expliquent que celui-ci n’aurait de sa maison même pas de vue latérale sur le projet, mais devrait sortir de chez lui, descendre la rue pour se déplacer et continuer à marcher pendant environ 180 mètres jusqu'au coin de la rue pour ne fut-ce qu'apercevoir la construction, la même conclusion s’imposant en ce qui concerne Madame …, épouse …, voisine de Monsieur ….
La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s'abstenir de préjuger les éléments soumis à l'appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu'il doit s'abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond. En revanche, il doit examiner et trancher les questions concernant la recevabilité de la demande dont il est personnellement saisi1.
En ce qui concerne la question de la nécessité de l’introduction d’un recours par requête séparée, s’il est certes vrai qu’une requête ne peut normalement poursuivre l’annulation que d’un seul acte, des actes connexes peuvent être attaqués par une seule requête, c’est-à-dire des actes entre lesquels il existe un lien tellement étroit qu’il ne se concevrait pas de traiter séparément les recours dirigés contre eux s’ils avaient été introduits séparément2, ou encore lorsque les décisions déférées présentent entre elles un lien suffisamment étroit pour considérer qu’il est dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de les juger par un seul et même jugement3.
En l’espèce, bien que s’agissant d’actes matériellement distincts, visant des terrains et des constructions différentes, le soussigné retient cependant que compte tenu du fait que toutes les décisions s’inscrivent dans un même projet, par ailleurs traité comme tel par l’administration communale, notamment eu égard au fait que celle-ci a eu recours pour l’avis préalable à un affichage unique et global4, et que les décisions de morcellement doivent être considérées comme préalables aux autorisations de construire5, de sorte que leur légalité doit nécessairement être analysée avant celle des décisions individuelles de construire, et que les différentes décisions affectent une même situation en fait et en droit, une bonne administration de la justice plaide en faveur du recours à une seule requête afin de déférer les deux actes ensemble au tribunal.
Il s’ensuit que le moyen afférent d’irrecevabilité de la requête est à écarter.
En ce qui concerne la question de l’intérêt à agir, il est également admis que le juge saisi d'une demande de sursis à exécution doit apprécier l'intérêt à agir du demandeur par rapport aux mesures sollicitées et débouter celui-ci s'il apparaît qu'il ne justifie pas d'un intérêt à agir suffisamment caractérisé6, le juge administratif devant seulement avoir égard à ce que le demandeur avance à ce sujet, dès lors qu'il appartient à un demandeur de démontrer son intérêt.
A cet égard, les parties demanderesses, au vu des contestations des parties défenderesse et tierces-intéressées, exposent, en ce qui concerne les autorisations de morcellement litigieuses, avoir des vues directes sur les terrains concernés par des autorisations, situés de part et d'autre de la rue ….
Les opérations de morcellement constituant des opérations préalables à la construction de nouvelles habitations ou d'un ensemble immobilier, qui en l’espèce ne passeront pas inaperçues, compte tenu de leur implantation au centre de la rue …, dans sa partie la plus calme et la plus paisible, lesdites constructions étant en effet accusées de générer, outre les désagréments causés par les travaux d'envergure dans cette rue à sens 1 Voir jurisprudence citée in : Pas. adm. 2009, V° Procédure contentieuse, n° 410.
2 M. Leroy, Contentieux administratif, 3e éd., Bruylant, 2004, p.529.
3 Trib. adm. 11 mai 2009, www.ja.etat.lu/24323.doc, confirmé en ce point par arrêt du 11 février 2010, www.ja.etat.lu/25840C.doc.
4 Voir pièce n° 18-4 de la farde de pièces n° 2 de Maître THEWES.
5 Voir en ce sens notamment trib. adm. 30 juin 2004, n° 17206.
6 Voir jurisprudence citée in : Pas. adm. 2009, V° Procédure contentieuse, n° 410.
unique, une augmentation sensible de la circulation des voitures et autres véhicules automoteurs, étant donné que le nombre d'habitations dans cette partie de la rue augmenterait de 50 %.
Les quatre parties demanderesses estiment dès lors disposer toutes, du fait de leur vue directe depuis leur terrain, sinon leur siège social, sur les terrains ayant fait l'objet du morcellement, d’un intérêt personnel distinct de l'intérêt général à entreprendre les autorisations de morcellement.
Elles affirment que le projet actuellement poursuivi par la société … aurait pour conséquence d'aggraver leur situation, tant d'un point de vue visuel, qu'au niveau du bruit, de la pollution, de la tranquillité et du caractère paisible d'un des quartiers les plus calmes de la Ville de Luxembourg, sans oublier la sécurité des habitants de la rue qui se retrouverait également diminuée compte tenu des passages plus fréquents de véhicules des nouveaux riverains et de leurs visiteurs.
En ce qui concerne plus précisément les cinq autorisations de construire critiquées, elles soulignent à nouveau disposer toutes d'une vue directe depuis leur terrain, sinon depuis leur siège social, sur les terrains devant accueillir les futures constructions autorisées, les parcelles sur lesquelles les constructions de la société … sont envisagées se situant en effet en contrebas de leurs propriétés à une distance approximative de 185 mètres. Outre cette vue directe, ils estiment encore que l'implantation de 5 nouvelles habitations dans la rue verra fortement s’accroître la circulation dans ladite rue et troubler sans mesure la quiétude du quartier.
En ce qui concerne plus particulièrement la société …, ils relèvent que celle-ci possède son siège social en face, sur l'autre versant de la vallée de la …, à une distance approximative de 213 mètres. Or, le projet immobilier poursuivi par la société … engendrera indubitablement une détérioration visuelle du paysage qui s'offre à cet immeuble sur la vallée de la ….
En ce qui concerne les demandeurs …, … et …, qui habitent aux numéros …, respectivement …, de la rue …, il résulte des différentes pièces versées en cause, et en particulier des plans et photographies7, que ceux-ci, qui vivent à quelque 150-200 mètres des terrains devant accueillir les constructions litigieuses, ne sauraient être considérés comme disposant d’une vue directe sur celles-ci, les immeubles des demandeurs ne disposant en effet d’aucune fenêtre ni vue donnant directement sur lesdits terrains, les habitations des demandeurs respectifs étant en effet des maisons de rangée, enserrées de part et d’autre par d’autres immeubles, et, en particulier, privées de toute vue en direction des terrains devant accueillir les constructions litigieuses par la présence des maisons accolées sises aux n° … et … de la rue ….
Néanmoins, l’absence de visibilité et de proximité immédiate n’exclut pas forcément et automatiquement tout intérêt à agir, puisque les demandeurs font encore état, dans ce contexte, de l’aggravation de leur situation de riverains de la rue … du fait de l’accroissement de la circulation que les nouvelles constructions ne manqueront pas de générer.
Cependant, l'intérêt à agir s'apprécie non pas de manière abstraite, mais concrètement au regard de la situation de fait invoquée.
7 Le soussigné se réfère à ce sujet en particulier aux photos aériennes versées dans la farde IX de l’administration communale ainsi qu’au plan figurant dans la farde des parties tierces-intéressées.
Or, là encore, le soussigné est appelé à constater, au vu des pièces lui soumises et des explications fournies lors de l’audience, que si les demandeurs habitent certes dans une rue peu fréquentée, cette rue n’en est pas moins ouverte à la circulation et se trouve bordée de plusieurs terrains vierges destinés, au vue de leur classification en zone constructible, à accueillir sous une forme ou une autre des habitations, encore que l’étendue même de ces terrains à bâtir soit sujette à contestations, de sorte que ladite rue est nécessairement destinée à connaître tôt ou tard un accroissement de circulation résultant de l’édification de nouvelles constructions. De ce fait, la détérioration future alléguée du cadre de vie des demandeurs ne résulte ni des constructions projetées, ni de la non-observation alléguée de la législation et de la réglementation communale d’urbanisme, mais de la possibilité, prévue au niveau du PAG, de construire de nouvelles habitations dans la rue ….
Le soussigné retient encore que les constructions litigieuses ne comprennent en fait que cinq maisons unifamiliales, de sorte que l’accroissement de la circulation et des nuisances en résultant provenant des seuls riverains de cette rue, s’ils sont peut-être subjectivement importants, compte tenu du nombre actuel d’habitations existantes dans la rue …, ne sauraient cependant être considérés comme objectivement importants, voire comme excessifs, et ce d’autant plus que la rue … est une rue à sens unique, de sorte à exposer nécessairement ses habitants à une circulation moindre, les futurs habitants des constructions litigieuses ne devant passer devant les demandeurs que pour quitter leurs habitations, mais non pour y accéder.
Or il y a lieu de rappeler que le sursis d’exécution reste une procédure exceptionnelle, puisque qu’il constitue une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, de sorte que les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère : à cet égard, le soussigné considère que du fait de l’absence de visibilité et de proximité immédiate des immeubles des demandeurs par rapport aux terrains devant accueillir les constructions litigieuses ainsi que du fait de l’absence de lésion présentant un quelconque caractère de gravité et de certitude, les demandeurs …, … et … ne présentent pas un intérêt suffisant pour requérir le sursis à exécution des autorisations déférées.
Quant à la demanderesse …, si celle-ci fait certes état d’une détérioration de sa vue, le soussigné estime cependant que la demanderesse, personne morale, ne saurait, à défaut de tout autre grief, tirer partie d’une détérioration alléguée de la vue dont elle ne saurait en tout état de cause pas profiter, une personne morale ne disposant a priori pas de la faculté de vue.
Il ne résulte par ailleurs pas des explications fournies en cause que la société … soit propriétaire de l’immeuble sis aux numéros …, de sorte qu’elle ne saurait, en l’état actuel des éléments soumis au soussigné, avoir voulu se prévaloir d’une moins-value affectant sa propriété du fait de la dégradation visuelle alléguée. Bien contraire, il appert que la société … ne se trouve en fait qu’être domiciliée à cette adresse, respectivement y avoir son siège social, et ce plus précisément dans un immeuble résidentiel comportant plusieurs dizaines d’appartements, de sorte qu’il n’est même pas établi en cause que l’appartement occupé par la société … ait effectivement une vue directe sur les terrains sis de l’autre côté de la vallée …, vallée de surcroît boisée à hauteur de l’immeuble sis aux numéros ….
La demanderesse … ne semble dès lors pas non plus disposer d’un intérêt suffisant pour requérir le sursis à exécution des autorisations déférées.
Il suit de l’ensemble des développements qui précèdent qu’à défaut d’intérêt à agir certain et suffisant dans le chef de tous les demandeurs pour requérir le sursis à exécution des autorisations déférées, le recours encourt l’irrecevabilité.
A titre superfétatoire, le soussigné tient à rappeler que l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, le préjudice grave et définitif devant de surcroît être personnel8.
Or le préjudice avancé à ce titre par les divers demandeurs, consistant en substance en une dégradation de leur cadre de vie résultant de la construction alléguée en zone de verdure ainsi que le risque de pollution de cette même zone de verdure par l'utilisation de machines et de matériaux de construction, et, implicitement, d’une détérioration visuelle du paysage, ne présente du fait, comme retenu ci-avant, de l’absence de visibilité et de proximité immédiate des immeubles des demandeurs par rapport aux terrains devant accueillir les constructions litigieuses manque de l’intensité nécessaire pouvoir être qualifié de grave, les demandeurs devant, en effet, être considérés comme ne se prévalant pas d’un préjudice personnel de proximité, mais d’un préjudice de « quartier » ayant trait aux modifications qu’un quartier - la rue … - peut subir, de manière plus globale, en raison de la réalisation du projet immobilier litigieux.
Quant aux désagréments résultant de l’exécution de travaux de construction temporaires, ceux-ci sont insuffisamment graves pour justifier une suspension9, la même conclusion s’imposant en ce qui concerne le risque de pollution allégué résultant de la présence de machines de construction en zone de verdure à côté des terrains proprement dits devant accueillir les habitations litigieuses, un tel risque trouvant son origine non pas dans les autorisations déférées, respectivement dans l’illégalité de celles-ci, mais dans l’exécution matérielle des constructions.
Il suit de toutes les considérations qui précèdent que la demande est à rejeter.
Les parties demanderesses réclament encore sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant total de 4.500.- € à charge de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, demande qui, au vu de l’issue du litige, est à rejeter.
Par ces motifs, le soussigné, premier juge du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président et des magistrats plus anciens en rang, tous légitimement empêchés, statuant contradictoirement et en audience publique, 8 Caroline Crappe, Le préjudice grave difficilement réparable, condition de recevabilité du référé administratif, Synthèses de jurisprudences, Kluwer, 2001, pp.25 ss.
9 C.E. belge, 13 août 1992, S.A. Fikrebel, n° 40.095, A.P.M, 1992, p.149.
rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution ;
rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure telle que formulée par les parties demanderesses ;
condamne les parties demanderesses aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 10 août 2010 à 17:00 heures par Marc Sünnen, premier juge du tribunal administratif, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 10.08.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 9