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01/02/2010 | LUXEMBOURG | N°25684

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 février 2010, 25684


Tribunal administratif N°25684 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 avril 2009 1re chambre Audience publique du 1er février 2010 Recours formé par Madame …, … et Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 28 avril 2009 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 25684 du rôle, par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cou

r, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de …, …, née le …, de natio...

Tribunal administratif N°25684 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 avril 2009 1re chambre Audience publique du 1er février 2010 Recours formé par Madame …, … et Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 28 avril 2009 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 25684 du rôle, par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de …, …, née le …, de nationalité française, demeurant à F-…, …, …, et de Monsieur ……, né le .. à …, de nationalité nigériane, détenu au Centre de séjour provisoire pour étranger en situation irrégulière de Schrassig, tendant à l’annulation d’une décision implicite de refoulement respectivement d’expulsion, sous-jacente à la décision de mise à la disposition prise par le ministre des Affaires Etrangères et de l'Immigration à l'encontre de Monsieur …… plaçant ce dernier au Centre de séjour pour des étrangers en situation irrégulière sis à Schrassig, ou toute décision ordonnant le refoulement, respectivement l'expulsion du requérant dans son pays d'origine ;

Vu les pièces versées en cause ;

Maître Shirley FREYERMUTH, en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH entendus en leurs plaidoiries respectives aux audiences publiques des 18 et 25 janvier 2010.

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La demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés présentée par Monsieur …… fut rejetée par décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 4 janvier 2006, confirmée, sur recours gracieux, par décision ministérielle du 7 février 2006.

Son recours contentieux dirigé contre les décisions ministérielles précitées fut définitivement rejeté par un arrêt de la Cour administrative du 19 octobre 2006 (n° 21669C du rôle).

En date du 5 novembre 2006, Monsieur … demanda au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration le bénéfice du statut de tolérance prévu par l’article 22 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Par décision du 1er décembre 2006, le ministre refusa l’octroi d’un statut de tolérance au motif « qu’il n’existe pas de preuves que l’exécution matérielle de l’éloignement de [Monsieur …] serait impossible en raison de circonstances de fait conformément à l’article 22 de la loi du 5 mai 2006 (…) ».

Un recours gracieux de Monsieur … introduit le 14 décembre 2006 fut rejeté par décision ministérielle du 20 décembre 2006 à « défaut d’éléments pertinents nouveaux ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 février 2007, Monsieur … fit introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 1er et 20 décembre 2006.

Par jugement du 3 octobre 2007, le tribunal administratif débouta le demandeur de son recours, jugement confirmé en appel par arrêt de la Cour administrative du 24 janvier 2008 (n° 23604 du rôle).

Le 3 février 2009, le demandeur fit l’objet d’une décision lui refusant le séjour au Luxembourg.

Par une décision du même jour, soit le 3 février 2009, lui notifiée le 3 mars 2009, le ministre ordonna la rétention administrative de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

Une requête tendant à la réformation de cette décision fut déclarée non fondée par un jugement du 27 mars 2009.

Par décision du 30 mars 2009 la mesure de placement fut reconduite pour une nouvelle durée d’un mois.

Par requête en annulation déposée le 28 avril 2009 au greffe du tribunal, Monsieur … ensemble la dame …, ont exercé « un recours en annulation à l'encontre d'une décision implicite de refoulement respectivement expulsion, sous -jacente à la décision de mise à la disposition entreprise par le ministre des Affaires Etrangères et de l'Immigration à l'encontre de la partie sub. 2) en date du 30 mars 2009 plaçant ce dernier au Centre de séjour pour des étrangers en situation irrégulière sis à Schrassig, ou toute décision ordonnant le refoulement, respectivement l'expulsion du requérant dans son pays d'origine. » L’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, quoique valablement informé par une notification par voie du greffe du dépôt de la requête introductive d’instance des demandeurs, n’a pas fait déposer de mémoire en réponse. Nonobstant ce fait, le tribunal statue néanmoins contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la présente matière, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation.

Les demandeurs, comme cité ci-avant, déclarent dans leur requête entreprendre la « décision implicite de refoulement, respectivement expulsion, sous-jacente à la décision de mise à la disposition entreprise par le ministre des Affaires Etrangères et de l'Immigration (…) en date du 30 mars 2009» plaçant Monsieur … pour une nouvelle durée d’un mois au prédit centre de séjour, de sorte qu’à défaut de précision ou moyen afférent des demandeurs, il appartient au tribunal de vérifier l’existence en l’espèce de la décision implicite déférée concernant prétendument l’expulsion ou le refoulement du demandeur ….

Les demandeurs justifient à ce sujet l’existence de la décision implicite alléguée par référence à une décision de justice prise dans le cadre de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère et dont il résulterait qu’à défaut de disposition législative ou réglementaire déterminant la forme d’une décision de refoulement, une telle décision serait nécessairement sous-jacente à la décision de mise à la disposition du gouvernement « à partir du moment où il n’existe pas d’arrêté d’expulsion ».

Il convient de prime abord de relever que la décision de mise à disposition à laquelle se réfèrent les demandeurs n’a pas été prise sur base de la loi modifiée du 28 mars 1972, mais sur base de l'article 120 paragraphe 1er de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration, aux termes duquel « lorsque l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […] est impossible en raison des circonstances de fait, […] l’étranger peut, sur décision du ministre être placé en rétention dans une structure fermée ».

Il en découle qu’une décision de rétention au sens de la disposition précitée présuppose qu’une mesure d’éloignement puisse être légalement prise ainsi que l’impossibilité d’exécuter cette mesure.

La première de ces conditions est considérée comme remplie lorsqu’un étranger a fait l’objet d’un refus de séjour pris sur base des articles 100 et 109 à 115 de la loi du 29 août 2008, qui entraîne conformément à l’article 111, paragraphe (1) de la même loi l’obligation dans le chef de l’étranger de quitter le territoire et qui habilite le ministre, conformément aux articles 111, paragraphe (3), et 124, paragraphe (1), de la même loi, à le renvoyer dans son pays d’origine, respectivement à prendre des mesures coercitives pour procéder à son éloignement, ou encore lorsqu’il a fait l’objet d’une décision d’expulsion sur base des articles 116 à 118 de la même loi.

Or, force est de constater qu’en l’espèce le ministre a pris le 3 février 2009, comme relaté ci-avant, une décision de refus de séjour à l’encontre de Monsieur … sur base des articles 100 et 109 à 115 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l’immigration, ladite décision comportant encore l’ordre de quitter le territoire sans délai.

Il en résulte que le ministre a pris le 3 février 2009 une décision explicite l’autorisant à éloigner immédiatement le demandeur.

Or, en présence d’une telle décision explicite, le demandeur ne saurait se prévaloir de l’existence d’une décision postérieure implicite d’éloignement, une décision implicite ne se concevant en effet par définition qu’en l’absence de toute décision explicite.

Le litismandataire des demandeurs, appelé conformément à l’article 30 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives à prendre position par rapport à ce constat, a relevé, pour autant que de besoin, avoir également introduit son recours à l’encontre de « toute décision ordonnant le refoulement, respectivement l'expulsion du requérant dans son pays d'origine », de sorte à avoir également déféré au tribunal la décision explicite du 3 février 2009.

Le tribunal ne saurait cependant suivre les demandeurs en cette explication, l’article 1er de la loi du 21 juin 1999 précitée exigeant en effet la désignation précise de la décision contre laquelle le recours est dirigé, de sorte à exclure une indication vague et imprécise, formulée de surcroît à titre alternatif (« ou ») telle qu’en l’espèce et concernant le cas échéant des décisions concernant des situations de fait et de droit différentes, une expulsion n’étant en effet ni juridiquement ni factuellement identique à un éloignement.

En effet, si une désignation imprécise n’engendre pas forcément l’irrecevabilité de la demande, encore faut-il que des éléments précis permettent de dégager sans méprise possible la ou les décisions que l’auteur de la requête avait l’intention de déférer au tribunal.

Or, force est en l’espèce de constater que les demandeurs ont expressément défini leur recours comme étant dirigé contre une décision implicite, et ce tout au long de leur requête, cette portée précise de leur recours ayant par ailleurs également été maintenue par-devant le président du tribunal siégeant au provisoire, et ce à l’exclusion de toute autre décision. Il convient par ailleurs de relever que le litismandataire des demandeurs, confronté à l’existence de la décision de refus du 3 février 2009 a d’abord affirmé ne pas avoir connaissance de celle-

ci - ce qui atteste qu’il ne pouvait nécessairement pas avoir eu l’intention de déférer celle-ci au tribunal, pour seulement ensuite, après que le tribunal ait attiré son intention sur la présence de cette décision du 3 février 2009 parmi les pièces versées aux débats, vouloir étendre son recours à cette même décision.

Il s’ensuit que la formule ajoutée à la désignation de la décision déférée au tribunal « ou toute décision ordonnant le refoulement, respectivement l'expulsion du requérant dans son pays d'origine » doit être considérée comme constituant une clause de style non susceptible de déférer effectivement au tribunal une décision déterminée mais dont le litismandataire ou les demandeurs n’auraient, pour quelque raison que ce soit, pas eu connaissance ou conscience lors de l’introduction de leur recours.

Il en résulte qu’aucune décision n’a été valablement déférée au tribunal, de sorte que le recours tel que dirigé contre une prétendue décision implicite du ministre est à déclarer irrecevable pour défaut d’objet.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours irrecevable ;

laisse les frais à charge des demandeurs ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 1er février 2010 par :

Marc Sünnen, premier juge, Claude Fellens, juge, Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 1 février 2010 Le Greffier du Tribunal administratif 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25684
Date de la décision : 01/02/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-02-01;25684 ?

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