Tribunal administratif N° 24998 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 novembre 2008 1re chambre Audience publique du 2 mars 2009 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 24998 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 novembre 2008 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le .. (Libéria), de nationalité libérienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 16 octobre 2008 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2008 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Bouchra Fahime-Ayadi, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 février 2009.
Après avoir été débouté par jugement du tribunal administratif du 12 octobre 2005 (n° 19785 du rôle) de sa demande d’asile, Monsieur … s’adressa au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après « le ministre », par courrier de son mandataire du 29 août 2008 pour solliciter une tolérance provisoire telle que prévue par l’article 22 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.
Par décision du 7 octobre 2008 le ministre refusa de faire droit à cette demande et par décision du 16 octobre 2008, il refusa encore en application des articles 100 et 109 à 115 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l’immigration le séjour à Monsieur …, en constatant que celui-ci ne disposerait ni d’un passeport, ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois ni enfin d’une autorisation de travail et qu’il constituerait une menace pour l’ordre public.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 novembre 2008, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 16 octobre 2008.
A l’appui de son recours, Monsieur …, affirmant que la décision déférée serait basée sur l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers, 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, lui reproche de ne pas tenir compte des circonstances l’ayant contraint à fuir son pays d’origine, consistant en substance dans le fait qu’il aurait perdu sa mère dans un attentat au Libéria, ce qui l’aurait profondément traumatisé, de sorte que son retour au Libéria ne serait pas envisageable.
Il relève par ailleurs avoir pu bénéficier d’une mesure de libération anticipée à la condition de disposer de papiers d’identité valables et de ne plus revenir au pays mais que « malheureusement » malgré les démarches entreprises, aucun document n’aurait pu lui être fourni.
Il estime dès lors qu’il existerait de « sérieuses circonstances » empêchant son éloignement.
Le délégué du gouvernement, pour sa part, soulève l’irrecevabilité du recours pour libellé obscur, le demandeur n’ayant présenté aucun moyen juridique en relation avec la décision déférée ; il conclut encore à l’irrecevabilité du recours principal en réformation.
Quant au fond, il estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.
Dans la mesure où ni la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l’immigration, ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en matière de refus de séjour, seul un recours en annulation a pu être valablement introduit, de sorte que le tribunal doit se déclarer incompétent pour connaître du recours principal en réformation.
En ce qui concerne le recours subsidiaire en annulation et le moyen d’irrecevabilité afférent soulevé par la partie publique, il y a lieu de rappeler qu’en vertu de l’article 1er, alinéa 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, une requête introductive d’instance à déposer auprès du tribunal administratif doit notamment contenir, en dehors d’un exposé sommaire des faits, les moyens invoqués à l’appui du recours.
Or en l’espèce, force est de constater que comme résumé ci-avant le demandeur avance bien des moyens - abstraction faite de leur caractère pertinent - à l’appui de son recours, moyens par rapport auxquels la partie étatique a d’ailleurs pris position, de sorte qu’en l’absence de grief effectif porté aux droits de la défense de l’Etat, le moyen d’irrecevabilité pour libellé obscur est à écarter.
Dès lors, le recours subsidiaire en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
Force est cependant de constater que contrairement à l’affirmation du demandeur, la décision déférée est prise non pas sur base de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers, 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, mais sur base des articles 100 et 109 à 115 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l’immigration, ladite base légale figurant d’ailleurs en toutes lettres sur la décision déférée.
Or, conformément à l’article 100 de la loi du 29 août 2008, « Le séjour est refusé au ressortissant de pays tiers : a) qui ne remplit pas ou plus les conditions fixées à l’article 34 ;
b) qui se maintient sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire ; c) qui n’est pas en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ou d’une autorisation de travail si cette dernière est requise ; d) qui relève de l’article 117 », l’article 34 visant la situation du ressortissant d’un pays tiers muni d’un document de voyage valable et le cas échéant du visa requis, tandis que l’article 117 vise la situation d’un ressortissant d’un pays tiers frappé d’une décision d’éloignement prise par un Etat membre.
Force est de constater à cet égard, à l’instar du délégué du gouvernement, que le demandeur n’avance aucun moyen susceptible d’énerver la légalité de la décision déférée par rapport au cadre légal indiqué ci-avant, ni d’ailleurs un quelconque autre moyen de légalité, mais qu’il se contente de faire état de circonstances de fait qui, selon lui, empêcheraient son éloignement. Il convient en particulier de relever que le demandeur ne conteste aucun des motifs avancés par le ministre à l’appui de la décision déférée.
Force est là encore de constater, de concert avec la partie étatique, que d’éventuelles circonstances de fait qui empêcheraient l’éloignement du demandeur, si elles sont éventuellement susceptibles d’être invoquées dans le cadre de la question de l’octroi ou du refus d’une tolérance provisoire telle que prévue par l’article 22 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, constituent cependant des moyens étrangers à la question du refus de séjour faisant l’objet du présent recours.
Par ailleurs, à titre superfétatoire, il ressort du dossier administratif que le prétendu empêchement consistant dans le refus des autorités libériennes de délivrer un passeport au demandeur trouve son origine dans le refus de collaboration du demandeur, celui-ci ayant purement et simplement refusé de parler aux autorités libériennes ; quant aux raisons ayant prétendument présidé à la fuite du demandeur du Libéria, il y a lieu de rappeler que par jugement du 12 octobre 2005, le tribunal administratif, statuant dans le cadre de la demande d’asile du demandeur, a rejeté les craintes afférentes mises en avant par le demandeur.
Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée dans la mesure où le demandeur reste en défaut de formuler utilement un quelconque moyen de légalité, voire seulement d’invoquer une quelconque base légale susceptible d’étayer ses prétentions, étant souligné qu’il n'appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.
Au vu de ce qui précède, le recours est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours principal en réformation irrecevable ;
reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 mars 2009 par :
Paulette Lenert, vice-président, Marc Sünnen, premier juge, Claude Fellens, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
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