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11/02/2009 | LUXEMBOURG | N°24282

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 février 2009, 24282


Tribunal administratif No 24282 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 avril 2008 2e chambre Audience publique du 11 février 2009 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de la Santé en matière d’employé de l’Etat

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24282 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 avril 2008 par Maître Victor Gillen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembour

g, au nom de Madame …, ayant le statut d’employée de l’Etat demeurant à L-… tendant à la réfor...

Tribunal administratif No 24282 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 avril 2008 2e chambre Audience publique du 11 février 2009 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de la Santé en matière d’employé de l’Etat

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24282 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 avril 2008 par Maître Victor Gillen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, ayant le statut d’employée de l’Etat demeurant à L-… tendant à la réformation d’un courrier du ministre de la Santé du 18 décembre 2007, l’informant que l’exercice de la profession de laborantin est subordonné à une autorisation du ministre de la Santé conformément à la loi du 26 mars 1992 sur l’exercice et la revalorisation de certaines professions de santé et que ce n’est qu’après avoir obtenu l’autorisation en cause qu’elle pourra briguer un poste de laborantin au sein du Laboratoire national de la santé ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 juin 2008 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 7 juillet 2008 par Maître Victor Gillen au nom de Madame … ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 31 juillet 2008 par le délégué du gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause, et notamment le courrier entrepris ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Victor Gillen, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives, à l’audience publique du 3 décembre 2008.

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Le 23 juin 1992 l’Institut supérieur de Mot-Couvreur en Belgique délivra à Madame … le certificat d’assistant de laboratoire clinique, option cytologie clinique.

En 1993, Madame … postula pour un emploi de cytotechnicienne au sein du Laboratoire national de la santé. Le ministre de la Santé informa par courrier du 15 mars 1993 le directeur du Laboratoire national de la santé qu’il était d’accord à agréer les études en cytologie effectuées par Madame … et qu’elle remplissait donc les conditions prévues à l’article 9 de la loi modifiée du 21 novembre 1980 portant réorganisation de l’Institut d’Hygiène et de Santé Publique et changeant sa dénomination en Laboratoire national de santé pour un engagement dans la carrière de cytotechnicien, suivant lequel « (…) Les candidats à la fonction de cytotechnicien doivent être détenteur du diplôme luxembourgeois de fin d’études secondaires ou d’un diplôme étranger reconnu équivalent par la législation et la réglementation luxembourgeoises et avoir accompli avec succès deux années d’études spéciales à agréer par le ministre ».

A compter du 1er avril 1993, Madame … fut engagée dans la carrière de cytotechnicien à plein-temps auprès du Laboratoire national de la santé.

Par arrêté du 25 juin 1993, le gouvernement en conseil fixa les indemnités et carrière de Madame …, par analogie à la carrière du cytotechnicien prévue par l’article 22 de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat.

Par arrêté du 25 août 2005, le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle reconnut comme équivalent au diplôme d’Etat luxembourgeois de laborantin le diplôme belge d’assistant de laboratoire clinique-cytologie de Madame ….

Par courrier du 3 décembre 2007, le mandataire de Madame … informa le ministre de la Santé qu’elle avait récemment reçu une copie de la lettre du 15 mars 1993, par laquelle le ministre de la Santé s’était déclaré d’accord à agréer ses études en cytologie. Le mandataire de Madame … rappelle dans le même courrier que le diplôme de sa mandante avait été reconnu équivalent au diplôme de l’Etat luxembourgeois de laborantin par arrêté ministériel du 25 août 2005, tout en continuant que : « bien que le directeur du Laboratoire national de la santé était au courant de cette situation, car la lettre du Ministre de la Santé du 15 mars 1993 lui était destinée, il n’a rien fait pour que ma partie soit classée et rémunérée comme laborantin, suivant ses qualifications reconnues.

Je vous prie par conséquent de donner les instructions nécessaires afin que cette négligence grave, qui est hautement préjudiciable à ma partie, soit redressée au plus vite. » Par courrier du 18 décembre 2007, le ministre de la Santé prit position par rapport au courrier précité du 3 décembre 2007 du mandataire de Madame …, dans les termes suivants :

« En réponse à votre courrier du 3 décembre 2007 concernant Madame … …, j'ai l'honneur de vous faire part des observations suivantes.

Madame … … a été engagée en date du 1 er avril 1993 sous le statut de l'employé de l'Etat à un emploi plein-temps de cytotechnicienne, conformément à une décision du Conseil de Gouvernement en Conseil du 31 mars 1993, référence CER/C/143/93, emploi pour lequel elle a signé et un contrat de travail à l'essai de trois mois et dans la suite un contrat de travail à durée indéterminée.

L'arrêté du Conseil de Gouvernement du 25 juin 1993 auquel vous faites allusion, n'a pour objet que de fixer la carrière et les indemnités de votre cliente conformément au règlement modifié du Gouvernement en conseil du 1 er mars 1974 fixant le régime des indemnités des employés occupés dans les administrations et services de l'Etat.

En vertu de l'article 9 de la loi modifiée du 21 novembre 1980 portant réorganisation de l'Institut d'hygiène et de santé publique et changeant sa dénomination en Laboratoire national de santé, le Ministre de la Santé a agréé les études de l'intéressée en vue de permettre son engagement au poste de la carrière précitée.

En ce qui concerne la reconnaissance du diplôme belge d'assistant de laboratoire clinique - cytologie clinique de Madame … comme étant équivalent au diplôme d'Etat luxembourgeois de laborantin, il y a lieu de noter que l'exercice de la profession concernée est subordonné à une autorisation du Ministre de la Santé conformément à la loi du 26 mars 1992 sur l'exercice et la revalorisation de certaines professions de santé.

Pour autant que votre cliente dispose du droit d'exercer sa profession au Grand-Duché de Luxembourg, autorisation actuellement non encore sollicitée, elle pourra briguer un poste de laborantin auprès du Laboratoire national de santé à la prochaine vacance de poste.

Il résulte des développements ci-dessus, qu'il ne peut pas être question de négligence grave de la part de Monsieur le directeur du Laboratoire national de santé en ce dossier. » Par requête déposée en date du 16 avril 2008, au greffe du tribunal administratif, Madame … a fait introduire un recours tendant à voir dire qu’elle « est à classer dans la carrière de laborantin depuis le début de son engagement » et à voir ordonner « qu’il y a lieu à reconstitution de sa carrière » et à voir ordonner « toutes les mesures de droit qui découlent de ce reclassement et de la reconstitution de carrière ».

Avant même de procéder à l’examen de la recevabilité du recours, le tribunal est appelé à examiner la question de la recevabilité du mémoire en réplique au regard des délais légaux de son dépôt au greffe du tribunal, telle que soulevée par le délégué du gouvernement dans son mémoire en duplique. A l’audience publique, le demandeur a pris position en soutenant que son mémoire en réplique ne serait pas tardif au motif que le délai pour fournir sa réplique n’aurait pas commencé à courir à son égard dès lors que le mémoire en réponse lui aurait été communiqué à une date inconnue.

Lors des plaidoiries, le délégué du gouvernement a de nouveau conclu au rejet du mémoire en réplique pour avoir été déposé en dehors du délai légal.

L’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives prévoit en ses paragraphes (5) et (6) que :

« (5) Le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse, la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois.

(6) Les délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le l6 juillet et le 15 septembre ».

Il se dégage de l’article 5 (5) de la loi précitée du 21 juin 1999 que le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse.

L’article 8 (3) de la même loi impose au délégué du gouvernement comme seule obligation de déposer son mémoire dans le délai légal au greffe du tribunal administratif qui est alors tenu de le communiquer aux autres parties.

En l’espèce, si le demandeur ne conteste pas avoir reçu effectivement communication du mémoire en réponse du délégué du gouvernement par la voie du greffe, la date à laquelle cette communication a eu lieu ne ressort toutefois pas clairement des éléments du dossier, de sorte que le mémoire en réplique n’est pas à considérer comme ayant été déposé en dehors du délai légal et le moyen du délégué tiré du dépôt tardif du mémoire en réplique est à rejeter.

Le tribunal est ainsi amené à analyser la question de la recevabilité du recours, telle que soulevée par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, au triple motif du libellé obscur et de la tardivité de la requête introductive d’instance ainsi que du défaut d’intérêt de la demanderesse.

Le représentant étatique fait d’abord valoir que la requête introductive d’instance serait obscure à plusieurs égards. Pour que le tribunal soit valablement saisi d’un recours, il serait nécessaire que l’acte attaqué soit identifié dans la requête introductive d’instance. En l’espèce, la demanderesse énumérerait plusieurs décisions du ministre de la Santé et du directeur du Laboratoire national de la santé, sans pour autant préciser quelle décision elle serait concrètement entreprise. Il s’y ajouterait que la demanderesse n’indiquerait pas le fondement juridique de ses prétentions. Les moyens invoqués dans la requête ne seraient pas assortis de la précision requise par rapport aux dispositions légales concrètement visées. De plus, il ressortirait du dispositif de la requête introductive d’instance que la demanderesse ne conclurait pas seulement à l’annulation d’une décision administrative mais à la réformation d’une décision en demandant son reclassement rétroactif dans la carrière voulue. Le pouvoir de réformation n’appartiendrait au juge administratif que dans les cas limitativement admis par la loi. Or, la demanderesse n’apporterait aucune indication à ce sujet en l’espèce.

La demanderesse expose dans son mémoire en réplique que sa requête introductive satisferait aux conditions de l’article 1er de la loi précitée du 21 juin 1999. La décision attaquée, à savoir la lettre du ministre de la Santé du 18 décembre 2007, figurerait parmi les pièces versées en cause et serait la seule susceptible de lui faire grief. Les pièces versées en cause formeraient partie intégrante de la requête en raison de leur énumération dans la requête. D’ailleurs, le délégué du gouvernement ne se serait pas trompé dans son argumentation, en développant ses moyens au fond par rapport à la lettre du ministre de la Santé du 18 décembre 2007. De plus, les conditions de recevabilité du recours n’exigeraient pas l’indication du fondement juridique des prétentions de la partie demanderesse.

Le tribunal est de prime abord amené à constater que lorsque, comme en l’espèce, la requête introductive d’instance omet d’indiquer si le recours tend à la réformation ou à l’annulation de la décision critiquée, il y a lieu d’admettre, compte tenu de l’objet du recours, que le demandeur a entendu introduire le recours admis par la loi1.

La demande de Madame … tendant à son reclassement de la carrière de cytotechnicien dans celle de laborantin, relève à la fois du contrat de travail et de sa rémunération, de sorte que la décision de refus y relative peut faire l’objet d’un recours de pleine juridiction en vertu de l’article 11 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, en vertu duquel : « Les contestations résultant du contrat d’emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires sont de la compétence du tribunal administratif, statuant comme juge du fond ». Le tribunal est dès lors compétent pour connaître d’un recours en réformation.

Quant au moyen du libellé obscur de la requête introductive d’instance, le tribunal constate qu’aux termes de l’article 1er de la loi précitée du 21 juin 1999 : « La requête, qui porte date, contient :

- les noms, prénoms et domicile du requérant, - la désignation de la décision contre laquelle le recours est dirigé, - l’exposé sommaire des faits et des moyens invoqués, - l’objet de la demande, et - le relevé des pièces dont le requérant entend se servir ».

Si en règle générale, l’exception de libellé obscur admise se résout par l’irrecevabilité de la requête introductive d’instance ne répondant pas aux exigences fixées par l’article 1er de la loi précitée du 21 juin 1999, il convient encore de prendre en considération l’article 29 de la même loi, aux termes duquel : « L’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense ».

En l’espèce, force est au tribunal de constater que la requête introductive ne respecte pas l’article 1er de la loi précitée du 21 juin 1999. En effet, elle reste en défaut de désigner la décision contre laquelle le recours est dirigé, en n’y faisant même pas référence de manière indirecte. Ce n’est que dans le mémoire en réplique que la demanderesse explicite que son recours serait dirigé contre la lettre du ministre de la Santé du 18 décembre 2007. Enfin, elle n’indique pas expressément si elle tend à l’annulation ou à la réformation de la décision déférée et ne laisse supposer qu’indirectement qu’elle tend à la réformation de la décision, en sollicitant le classement dans la carrière de laborantin depuis le début de l’engagement de la demanderesse.

Toutefois, eu égard au fait que la demanderesse a précisé explicitement dans son mémoire en réplique quelle était la décision déférée et au fait que le délégué du gouvernement a pu utilement préparer la défense de la partie étatique à travers un mémoire en réponse et un mémoire en duplique, sans se tromper sur la décision attaquée, le tribunal est amené à constater que l’inobservation des règles de procédure n’a en l’espèce pas porté effectivement atteinte aux droits de la défense, de sorte qu’en vertu de l’article 29 de la loi précitée du 21 juin 1999 ladite inobservation n’entraîne pas l’irrecevabilité du recours.

Le délégué du gouvernement conclut encore à l’irrecevabilité du recours, au motif de la tardivité de l’introduction de la requête introductive d’instance.

1 cf. trib. adm. 18 janvier 1999, n° 10760 du rôle, Pas. adm. 2008, V° Recours en réformation, n° 7, et autres références y citées La demanderesse répond dans son mémoire en réplique que la décision du 18 décembre 2007 n’aurait indiqué ni les voies de recours, ni les délais pour introduire un recours contrairement aux dispositions formelles de la législation concernant la procédure administrative non contentieuse.

L’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes fait obligation à l’administration d’informer l’administré des voies de recours. L’omission par l’administration, d’informer l’administré des voies de recours contre une décision administrative entraîne que les délais impartis pour le recours ne commencent pas à courir2.

L’analyse du courrier déféré du ministre de la Santé du 18 décembre 2007 révèle qu’il ne contenait aucune indication sur les voies de recours à son encontre, de sorte qu’en vertu de l’article 14 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 les délais légaux pour l’introduction d’un recours contentieux contre ladite décision administrative n’ont pas commencé à courir.

Partant le recours de la demanderesse introduit le 16 avril 2008 a été introduit endéans le délai légal.

Enfin, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours au motif du défaut d’intérêt de la demanderesse. En effet, l’autorisation d’exercer la profession de laborantin aurait été accordée sans restriction à la demanderesse le 9 janvier 2008, de sorte qu’il aurait été entièrement fait droit à sa demande.

La demanderesse réplique qu’elle aurait bien reçu le titre de laborantin, sans pour autant avoir obtenu le poste de laborantin, de sorte qu’elle disposerait d’un intérêt à agir.

L’intérêt à agir se mesure aux prétentions du demandeur, abstraction faite de leur caractère justifié au fond3.

En l’espèce, le mandataire de la demanderesse avait affirmé, dans un courrier du 3 décembre 2007 adressé au ministre de la Santé, que le directeur du Laboratoire national de la santé n’aurait rien fait pour que la demanderesse soit classée et rémunérée suivant ses qualifications reconnues comme laborantin, tout en demandant au ministre de remédier à cette négligence. Si ce courrier du 3 décembre 2007 n’avait pas tout à fait expressément formulé son objectif, il en découle toutefois qu’il tendait au classement de la demanderesse dans la carrière du laborantin. Dans la mesure où le courrier déféré du 18 décembre 2007 n’a pas fait droit à cette demande, la demanderesse dispose d’un intérêt à agir contre la décision véhiculée à travers ledit courrier.

Le moyen d’irrecevabilité du recours au motif d’un défaut d’intérêt dans le chef de la demanderesse est ainsi également à rejeter pour ne pas être fondé.

2 cf. trib. adm. 26 janvier 1998, no 10244 du rôle, Pas.adm. 2008, Vo Procédure administrative non contentieuse, no 166 et autres références y citées.

3 cf. trib. adm. 14 février 2001, no 11607 du rôle, Pas.adm. 2008, Vo Procédure contentieuse, no 2 et autres références y citées.

Le recours en réformation est partant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse explique que préalablement à son engagement le directeur du Laboratoire national de la santé lui avait demandé une copie certifiée conforme de l’original du diplôme de laborantin, option cytologie obtenu à l’étranger A la suite de la production dudit document elle aurait été engagée en date du 1er avril 1993 sous le statut d’employée de l’Etat en qualité de cytotechnicienne. Par décision adressé au directeur du Laboratoire national de la santé, le ministre de la Santé aurait formellement agrée ses études le 15 mars 1993. Elle-même n’aurait pas été informée de cette décision du 15 mars 1993. En 2005, elle aurait demandé la reconnaissance de son diplôme d’assistant de laboratoire clinique-cytologie au ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, qui, par décision du 25 août 2005, aurait reconnu son diplôme comme équivalent au diplôme de laborantin de l’Etat luxembourgeois. Cependant, en raison de l’agrément par le ministre de la Santé de son diplôme belge le 15 mars 1993, elle estime qu’elle aurait dû être classée dans la carrière de laborantin dès le départ. La reconnaissance de l’équivalence de son diplôme aurait un effet déclaratif et devrait ainsi rétroagir pour le moins au jour de son engagement.

Le délégué du gouvernement répond que la demanderesse n’aurait jamais demandé son reclassement rétroactif.

Il expose ensuite que la profession de laborantin serait une profession de santé dont l’exercice serait subordonné à une autorisation d’exercice délivrée par le ministre de la Santé, en vertu de la loi modifiée du 26 mars 1992 sur l’exercice et la revalorisation de certaines professions de santé. La reconnaissance du diplôme obtenu à l’étranger serait un préalable à la délivrance d’une autorisation d’exercer. Le ministre de la Santé ne serait pas compétent pour procéder à la reconnaissance d’un diplôme étranger. Or, la demanderesse ne se serait adressée au ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en vue de la reconnaissance de son diplôme belge qu’en 2005. Par décision du 25 août 2005 son diplôme aurait ainsi été reconnu équivalent à celui de l’Etat luxembourgeois de laborantin. L’autorisation d’exercer la profession de laborantin n’aurait été sollicitée par la demanderesse que le 24 décembre 2007.

Ladite autorisation aurait été délivrée par le ministre de la Santé le 9 janvier 2008.

Deux conditions préalables devraient ainsi être remplies pour pouvoir exercer la profession de laborantin au Luxembourg, celle de la reconnaissance du diplôme étranger et celle de l’autorisation d’exercer. Toute nomination de Madame … à un poste de laborantin antérieurement au 9 janvier 2008 aurait été illégale. L’accès de la demanderesse à une carrière autre que la sienne supposerait une vacance de poste qu’elle pourrait alors briguer.

La demanderesse réplique que tant le ministre que le directeur du Laboratoire national de la santé auraient été au courant de sa qualification d’employée et qu’ils auraient dû l’informer de la possibilité d’accéder à la fonction de laborantin. Avec l’arrivée d’un médecin chef de division de cytologie clinique le personnel de la division aurait été informé des possibilités d’évolution des carrières au sein de la division. Suite à sa demande, le ministre lui aurait refusé par courrier du 18 décembre 2007 le classement et la rémunération de la carrière de laborantin. Le titre de laborantin lui aurait été accordé le 9 janvier 2008, à la suite de sa demande en obtention de l’autorisation d’exercice de la fonction de laborantin, mais le ministre de la Santé l’aurait informé qu’aucun poste correspondant à sa qualification ne serait disponible. Or, l’article 5 A 4) de la loi précitée du 21 novembre 1980 concernant le Laboratoire national de la Santé ne prévoirait aucune limitation du nombre des postes de laborantin de sorte qu’un tel poste aurait dû être accordé à la demanderesse.

La demanderesse relève une contradiction entre le courrier du ministre de la Santé du 18 décembre 2007 précisant qu’elle ne pourrait briguer un poste qu’à la prochaine vacance de poste et le courrier du 9 janvier 2008 lui accordant une autorisation d’exercer.

Elle ajoute que le délégué du gouvernement exposerait maintenant la procédure qu’il voudrait voir appliquer à la reconnaissance du diplôme de la demanderesse en renvoyant notamment à la législation concernant la reconnaissance et l’inscription des diplômes. A l’époque cependant la seule agrégation du ministre de la Santé aurait été jugée suffisante, les exigences supplémentaires n’auraient apparu que maintenant.

Son diplôme serait désormais reconnu et elle serait inscrite au registre professionnel établi au ministère de la Santé, de sorte que rien ne s’opposerait donc à « l’attribution de tous les droits qui lui reviennent de par sa profession ». La négligence du Laboratoire national de la santé étant à la base de l’obtention tardive du titre de laborantin, une nomination avec effet rétroactif ne constituerait que la juste et légitime indemnisation pour la demanderesse.

Le délégué du gouvernement développe dans son mémoire en réponse ses moyens relatifs aux conditions préalables à la possibilité d’exercer la profession de laborantin en se référant aux dispositions des lois précitées du 26 mars 1992 sur l’exercice et la revalorisation de certaines professions de santé et la loi du 21 novembre 1980 relative au Laboratoire national de la santé.

Force est au tribunal de constater d’abord que l’article 9 de la loi précitée du 21 novembre 1980 relative au Laboratoire national de la santé opère une nette distinction entre la fonction de laborantin et celle de cytotechnicien, en disposant : « Les candidats à la fonction de laborantin doivent être admis à exercer la profession de laborantin au Luxembourg. Les candidats à la fonction de cytotechnicien doivent être détenteur du diplôme luxembourgeois de fin d’études secondaires ou d’un diplôme étranger reconnu équivalent par la législation et la réglementation luxembourgeoises et avoir accompli avec succès deux années d’études spéciales à agréer par le ministre. (…) ».

Ainsi, afin de remplir la fonction de cytotechnicien, il suffit de détenir un diplôme de fin d’études secondaires et d’avoir accompli deux années d’études spéciales, qui sont à agréer par le ministre.

Par contre afin d’accomplir la fonction de laborantin, une autorisation d’exercer est explicitement requise.

La loi précitée du 26 mars 1992 relative à l’exercice et la revalorisation de certaines professions de santé définit son champ d’application en son article 1er en indiquant une liste exhaustive des professions de santé parmi laquelle figure la profession de laborantin, mais non point celle de cytotechnicien.

L’article 2 de la loi précitée du 26 mars 1992 dispose que les professions de santé auxquelles elle s’applique sont subordonnées à une autorisation du ministre de la Santé, délivrée aux conditions suivantes : « a) le candidat doit être titulaire d’un diplôme luxembourgeois relatif à la profession concernée, soit d’un diplôme étranger reconnu par le ministre de l’Education nationale. b) Il doit remplir les conditions de santé physique et psychique nécessaires à l’exercice de la profession. c) Il doit répondre aux conditions d’honorabilité et de moralité nécessaire à l’exercice de la profession. (…) (2) Un règlement grand-ducal détermine la procédure à suivre et les documents à présenter pour obtenir l’autorisation d’exercer ».

Il ressort de la lecture conjointe des articles précités que l’accès à la fonction de laborantin est subordonné à la condition de l’autorisation d’exercer qui est délivrée par le ministre de la Santé. Cette autorisation ne peut à son tour être délivrée que sous condition que le candidat est titulaire d’un diplôme luxembourgeois relatif à la profession de laborantin, soit d’un diplôme étranger reconnu par le ministre de l’Education nationale. En résumé, deux conditions préalables sont requises pour pouvoir accéder à la profession de laborantin, tout d’abord, une reconnaissance du diplôme, délivrée par le ministre de l’Education nationale et ensuite, une autorisation d’exercer, délivrée par le ministre de la Santé.

En l’espèce, il ressort des pièces soumises au tribunal qu’au moment de son engagement en 1993 la demanderesse ne remplissait que les conditions pour accéder à la fonction de cytotechnicien, c’est-à-dire, elle ne disposait que de l’agrément du ministre de la Santé, requis par l’article 9 de la loi précitée du 21 novembre 1980 relative au Laboratoire nationale de la Santé.

Il ressort par ailleurs des pièces versées au dossier que la demanderesse n’a demandé qu’en 2005 la reconnaissance de son diplôme belge d’assistant de laboratoire clinique, cytologie clinique et que ladite reconnaissance fut accordée par arrêté du ministre de l’Education nationale le 25 août 2005. Par ailleurs, la demanderesse n’a sollicité qu’en date du 24 décembre 2007 l’autorisation d’exercer la profession de laborantin auprès du ministre de la Santé. Ladite autorisation lui fut accordée par arrêté ministériel du 9 janvier 2008.

Il découle des considérations qui précèdent que la demanderesse ne remplissait les deux conditions préalables pour accéder à la profession de laborantin qu’à compter du 9 janvier 2008.

Dès lors, le ministre a valablement pu refuser par sa décision du 18 décembre 2007 de procéder au classement de la demanderesse dans la carrière de laborantin, voire même au classement dans ladite carrière avec effet rétroactif à compter de son engagement, étant donné qu’elle ne remplissait pas les conditions pour exercer la fonction de laborantin requises par la loi.

Contrairement aux affirmations de la demanderesse, force est au tribunal de constater qu’au moment de son engagement, soit en 1993 les mêmes conditions étaient demandées pour accéder à la profession de cytotechnicien ou celle de laborantin et la même distinction était effectuée entre les deux fonctions qu’actuellement. En effet le texte de l’article 9 de la loi précitée du 21 novembre 1980 relative au Laboratoire national de la Santé n’a pas été modifié depuis son entrée en vigueur et la loi précitée du 26 mars 1992 sur l’exercice et la revalorisation de certaines professions de santé soumettait dans sa version originale également l’exercice de la fonction de laborantin à la condition préalable d’une autorisation d’exercice en disposant : « (…) l’exercice d’une de ces professions est subordonné à une autorisation du ministre qui est délivrée aux conditions suivantes (…). ». Partant, le moyen afférant de la demanderesse est à rejeter.

De même, contrairement aux affirmations de la demanderesse les courriers ministériels des 18 décembre 2007 et 9 janvier 2008 ne sont pas contradictoires. En effet, le courrier du 18 décembre 2007 informait la demanderesse que l’exercice de la profession de laborantin était soumis à une autorisation du ministre et qu’une fois cette autorisation obtenue elle pourrait briguer un poste de laborantin au Laboratoire national de la santé à la prochaine vacance de poste.

Le courrier du 9 janvier 2008 informait la demanderesse que suite à sa demande elle serait désormais autorisée à exercer la fonction de laborantin, en annexant l’arrêté ministériel portant autorisation d’exercer la fonction de laborantin.

Enfin, la demanderesse soutient encore qu’en vertu de l’article 5 A 4) de la loi précitée du 21 novembre 1980 concernant le Laboratoire national de la santé aucune limitation du nombre des postes de laborantin ne serait prévue de sorte que le ministre n’aurait pas pu lui refuser, une fois son autorisation d’exercice obtenue le 9 janvier 2008, l’accès à un tel poste au motif qu’il n’y avait pas de vacance de poste.

Force est d’abord au tribunal de répéter qu’au moment de la décision déférée, soit le 18 décembre 2007, la demanderesse ne remplissait pas les conditions requises pour accéder à la profession de laborantin, étant donné qu’elle ne disposait pas de l’autorisation d’exercice au sens de la loi précitée du 26 mars 1992.

Cependant, dans le cadre d’un recours en réformation, le juge est amené à apprécier la décision déférée quant à son bien-fondé et à son opportunité, avec le pouvoir d’y substituer sa propre décision, impliquant que cette analyse s’opère au moment où il est appelé à statuer. Il ressort des pièces versées au dossier que par arrêté ministériel du 9 janvier 2008, la demanderesse a obtenu l’autorisation d’exercer la profession de laborantin et remplit partant à compter de cette date la dernière condition pour pouvoir accéder à la profession de laborantin. Pourtant, la demanderesse engagée dès 1993 dans la carrière de cytotechnicien ne peut pas automatiquement accéder à la carrière de laborantin.

En effet, même si la demanderesse remplit à compter du 9 janvier 2008 toutes les conditions pour accéder à la carrière de laborantin, force est au tribunal de constater qu’il n’existe aucune obligation légale pour le ministre de procéder automatiquement à l’engagement d’une personne remplissant les conditions pour accéder à une certaine profession, et ce même si la loi ne prévoit pas de limitation du nombre de postes pour ladite profession. La décision du ministre d’engager ou de ne pas engager une personne pour un certain poste trouve sa base légale dans le pouvoir discrétionnaire du ministre qui peut prendre en considération notamment les besoins du service, ou des considérations budgétaires afin de procéder à un engagement4. S’y ajoute que le pouvoir de procéder à une nomination implique nécessairement celui de ne pas y procéder5. Il en 4 Voir en ce sens : trib. adm. 9 janvier 2003, no 14580 du rôle, Pas. adm. 2008, Vo Fonction publique no 80 ; trib adm. 22 février 2006, no 19760 du rôle, Pas. adm. 2008, Vo Fonction publique no 126 et autres références y citées.

5 Voir en ce sens : trib. adm. 17 janvier 2001, no 12215a du rôle, Pas. adm. 2008, Vo Fonction publique no 27 et autres références y citées.

découle que l’accès à un certain poste reste toujours subordonné à l’existence d’une vacance y afférente, de sorte que le moyen de la demanderesse est à rejeter.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours en réformation est à rejeter pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Marc Feyereisen, président, Catherine Thomé, premier juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 11 février 2009 par le président en présence du greffier Claude Legille.

s. Claude Legille s. Marc Feyereisen 11


Synthèse
Numéro d'arrêt : 24282
Date de la décision : 11/02/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-02-11;24282 ?

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