Tribunal administratif N° 25318 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 janvier 2009 Audience publique du 5 février 2009
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Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur XXX XXX, XXX/XXX contre une décision du ministre de l’Environnement en matière disciplinaire
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ORDONNANCE
Vu la requête déposée le 26 janvier 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Paul Noesen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XXX, préposé forestier, demeurant à L-XXX XXX/XXX, tendant à voir suspendre tant la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du XXX XXX, ordonnant la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle que la décision confirmative du ministre de l’Environnement du XXX XXX, lesdites décisions étant par ailleurs attaquées au fond par une requête en réformation sinon en annulation introduite le même jour, portant le numéro 25319 du rôle;
Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;
Vu les pièces versées et notamment les décisions attaquées;
Maître Jean-Paul Noesen pour le demandeur, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy Schleder entendus en leurs plaidoiries respectives le 29 janvier 2009 à 11.00 heures.
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Par requête déposée le 26 janvier 2009, inscrite sous le numéro 25319 du rôle, Monsieur XXX XXX, préposé forestier, demeurant à L-XXX XXX/XXX, XXX, XXX a introduit un recours en réformation, sinon en annulation contre une mesure disciplinaire de mise à la retraite d'office pour inaptitude professionnelle prise à son encontre par le Conseil de discipline des fonctionnaires de l'Etat en date du XXX XXX XXX et arrêtée par le ministre de l'Environnement en date du XXX XXX XXX, et par requête du même jour, inscrite sous le numéro 25318 du rôle, il a introduit une demande tendant à voir ordonner le sursis à exécution de ces décisions.
Cette demande est basée sur l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Le requérant estime que l'exécution des décisions attaquées risque de lui causer un préjudice grave et définitif et que les moyens invoqués à l'appui du recours au fond sont suffisamment sérieux pour justifier la mesure sollicitée.
XXX XXX fait expliquer qu’il est préposé forestier depuis environ trente ans et qu’au terme d'une enquête disciplinaire de plus de deux années, il s'est vu infliger la sanction disciplinaire de mise à la retraite d'office pour inaptitude professionnelle et que cette « inaptitude professionnelle que l'administration aurait mis plus de trente ans à découvrir, » résulterait de retards dans l'accomplissement de certaines tâches administratives, telle la transmission de données statistiques ou la transmission de factures au service compétent pour leur règlement, ou encore d'une altercation avec un collègue, ou d'une absence de son domicile au cours d'un congé de maladie, ou encore d'un prétendu manque de motivation de certains avis ou comptes rendus rédigés par lui.
Le requérant expose que la sanction disciplinaire a été mise à exécution dès le XXX XXX XXX, qu’il a été empêché d'exercer sa fonction et qu’on lui a retiré son arme de service et son véhicule de fonction. La mesure disciplinaire serait loin de passer inaperçue dans son voisinage si elle devait se prolonger, alors qu’il serait bien connu des habitants en tant que garde forestier et elle lui causerait un préjudice moral énorme.
Le requérant fait encore valoir que la sanction disciplinaire qui lui est infligée serait totalement disproportionnée par rapport aux faits qui lui sont reprochés, alors qu’aucun des reproches ne constituerait une infraction pénale, ni une faute lourde caractérisée, et qu’aucune faute volontaire tendant à la recherche d'un profit, ni aucune volonté de nuire à l'encontre de quiconque ne pourrait être décelée.
Au vu de son ancienneté, « ayant presté pendant près de 30 ans de bons et loyaux services et du caractère des fautes reprochées », la sanction infligée apparaîtrait comme étant totalement disproportionnée.
Le délégué du gouvernement estime que le préjudice subi par le demandeur par l'exécution de la mesure disciplinaire ne lui causerait ni un dommage grave, ni un dommage définitif.
Il est par ailleurs d'avis que les moyens invoqués à l'appui du recours au fond ne seraient pas sérieux.
En vertu de l'article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l'affaire est en état d'être plaidée et décidée à brève échéance.
Dans le cadre de l'appréciation du préjudice grave, il y a lieu de tenir compte de la situation concrète en fait à laquelle se trouve confronté le requérant à l'heure actuelle.
Un préjudice est définitif au sens de la disposition précitée lorsque le succès de la demande présentée au fond ne permet pas ou ne permet que difficilement un rétablissement de la situation antérieure à la prise de l'acte illégal, la seule réparation par équivalent du dommage qui se manifeste postérieurement à son annulation ou à sa réformation ne pouvant être considérée à cet égard comme empêchant la réalisation d'un préjudice définitif. (Ordonnance du président du Tribunal administratif du 7 août 2006, n° 21742 du rôle) Il découle des éléments soumis que le requérant, ayant demandé sa mise à la retraite à partir du XXX XXX, ne subit qu’un léger préjudice matériel pendant une durée maximale de 6 mois et qu’en cas de succès de son recours devant les juges du fond, il devra très probablement être réintégré dans ses anciennes fonctions au moins jusqu’à cette date.
Reste à analyser si la situation actuelle est de nature à entamer l’équilibre psychique du requérant et lui cause un préjudice moral grave et définitif, quelle que soit l'issue du litige au fond.
Monsieur XXX fait valoir dans ce contexte qu’il est actuellement privé du droit d’exercer sa fonction et que son arme de service et son véhicule de fonction lui ont été retirés.
Il estime par ailleurs que sa mise à la retraite précipitée « ne manque pas de nourrir les ragots les plus fantaisistes, qui risquent de se multiplier si on n'y met pas fin au plus tôt, et lui cause ainsi un préjudice moral énorme ».
Monsieur XXX a subi la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle quelques mois avant la date de la mise en retraite sollicitée au vu d’un dossier volumineux ayant trait, comme dégagé par le Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, dans le cadre d’une procédure qui au premier coup d’œil se présente comme avoir été menée de façon sérieuse et contradictoire, « à de multiples manquements commis dans le cadre de l’exercice des tâches qui lui sont confiées» qui paraissent assez graves.
S’il n’est jamais exclu que le tribunal administratif substituera le cas échéant une autre peine à celle retenue par le Conseil de discipline, il y a néanmoins lieu de retenir au stade actuel de la procédure, le président du tribunal administratif ne pouvant s’adonner à un examen minutieux qui n'est pas différent de celui auquel il devra être procédé dans la procédure au fond, que la sanction n’apparaît pas manifestement injustifiée.
La situation actuelle de Monsieur XXX ne semble partant pas se présenter comme une violation intolérable de l'égalité des citoyens devant les charges publiques étant entendu que ses propres intérêts sont tenus en échec, comme soutenu par le délégué du gouvernement, par le souci d’assurer le fonctionnement d’un service public qui doit primer la bienséance d’un fonctionnaire qui, a première vue et à de nombreuses reprises, ne s’est pas conformé aux devoirs lui imposés par le chapitre 5 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat.
Il résulte de ces considérations que le préjudice allégué par Monsieur XXX XXX ne dépasse pas les gênes et sacrifices que peut imposer momentanément la vie en société, de sorte que la mesure ne peut pas être considérée, dans ses effets, en attendant la solution du litige au fond, comme constituant un préjudice grave et définitif.
Etant donné que les conditions tenant à l'existence de moyens sérieux et d'un préjudice grave et définitif doivent être cumulativement remplies, la seule absence du risque d'un préjudice grave et définitif entraîne l'échec de la demande.
Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, reçoit le recours en sursis à exécution en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, réserve les frais.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 5 février 2009 par M. Marc Feyereisen, président du tribunal administratif, en présence de M. Luc Rassel, greffier.
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