Tribunal administratif N° 25125 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 novembre 2008 Audience publique du 4 décembre 2008
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Requête en sursis à exécution, sinon en mesure de sauvegarde introduite par Monsieur XXX XXX, XXX contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration en matière d’autorisation de séjour, sinon de statut de tolérance
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ORDONNANCE
Vu la requête déposée le 28 novembre 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XXX, né le XXX XXX XXX à XXX XXX, XXX, de nationalité XXX, demeurant à XXX XXX, XXX, rue XXX tendant à assortir une décision du Ministre des Affaires Etrangères et de l’Immigration du XXX XXX XXX lui refusant l’entrée et le séjour sur base humanitaire, sinon le statut de tolérance, du sursis à exécution, sinon tendant à obtenir une mesure de sauvegarde;
Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;
Maître Yves TUMBA MWANA, en remplacement de Maître François MOYSE, et Madame la déléguée du gouvernement Jacqueline Jacques entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 3 décembre 2008.
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La demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, introduite le XXX XXX par Monsieur XXX XXX fut rejetée par une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration datée du XXX XXX. Le recours contentieux introduit par le requérant à l’encontre de cette décision fut définitivement rejeté par un arrêt de la Cour administrative du XXX XXX.
En date du XXX XXX, le requérant a sollicité la réouverture de son dossier sur base d’éléments nouveaux.
Par décision datée du XXX XXX, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a déclaré cette demande irrecevable et un recours subséquent a été déclaré non fondé par le tribunal administratif en date du XXX XXX.
Par courrier du XXX XXX, le requérant soumit au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministre », une demande en obtention d’une autorisation de séjour sur base humanitaire, sinon d’un statut de tolérance.
Par décision du XXX XXX, le ministre refusa de faire droit à cette demande.
Le 28 novembre 2008, le requérant a saisi le tribunal administratif d’un recours tendant à l’annulation de cette décision ministérielle.
Le requérant demande, dans le cadre d’une requête déposée le même jour, à ce que le président du tribunal administratif assortisse le recours au fond de l'effet suspensif et ordonne le sursis à exécution de la décision attaquée sur base de l'article 11 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Le requérant demande subsidiairement de voir « ordonner comme mesure de sauvegarde que le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration suspende sa décision d'ordre de quitter le territoire du XXX XXX, notifiée au requérant en date du XXX XXX jusqu'à la décision au fond du tribunal administratif. » Il découle de l’ensemble des éléments soumis et développés à l’audience que le requérant demande, dans le cadre de sa demande subsidiaire, à titre de mesure de sauvegarde, de se voir autoriser à résider sur le territoire luxembourgeois jusqu'à ce que le tribunal administratif ait toisé son recours au fond.
Le requérant estime que les conditions requises par la loi et la jurisprudence pour ordonner le sursis à exécution de la décision attaquée, respectivement la mesure de sauvegarde sollicitée, seraient remplies en l'espèce, à savoir d’abord que l'exécution de la décision risquerait de lui causer un préjudice grave et irréparable.
Par ailleurs, les moyens invoqués contre la décision du ministre apparaîtraient comme sérieux, alors qu’il remplirait les conditions exigées pour entrer dans le bénéfice d'une des catégories d'autorisation de séjour prévues par les articles 38 et 78 (1) a) de la loi du 29 août 2008 relative à la libre circulation des travailleurs alors qu’il pourrait vivre de ses seules ressources et qu’il ne constituerait nullement une menace pour l'ordre public, la santé ou la sécurité publiques.
Il disposerait d'un logement ainsi que d’un montant de 20.000 euros ce qui lui permettrait de ne pas dépendre de l'Etat luxembourgeois .
Finalement il pourrait faire valoir des motifs humanitaires d'une exceptionnelle gravité visés par l'article 78 (1) d) de la loi du 29 août 2008 pré-mentionnée de sorte que le ministre aurait dû lui accorder une autorisation de séjour à ce titre.
La représentante étatique estime que les conditions légalement prévues pour ordonner un sursis à exécution, sinon une mesure de sauvegarde, ne seraient pas remplies en l’espèce en contestant tant le sérieux des moyens invoqués que l’existence d’un préjudice grave et définitif.
En vertu de l'article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.
Une décision administrative négative ne modifiant pas une situation de droit ou de fait antérieure n'est pas de nature à donner lieu à une décision juridictionnelle de sursis à exécution.
Une décision de refus d’autorisation de séjour sur base humanitaire ou de refus du statut de tolérance constitue essentiellement une telle décision négative, même si elle s'accompagne, comme conséquence logique, de l'obligation de l'étranger de quitter le territoire.
Il s'ensuit que la demande principale en tant qu'elle tend au sursis à exécution de la décision ministérielle du XXX XXX faisant l'objet du recours au fond est à rejeter.
La demande subsidiaire tendant à se voir autoriser à résider sur le territoire luxembourgeois jusqu’à ce que le tribunal administratif ait toisé au fond est à déclarer recevable.
Il découle du caractère accessoire de la procédure du sursis à exécution que le juge appelé à apprécier le caractère sérieux des moyens invoqués au fond ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond.
Apparaissent comme sérieux au sens de l’article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, les moyens qui, à première vue et eu égard aux circonstances de la cause, sont susceptibles d'être déclarés recevables et fondés et de nature à conduire, par conséquent, à la réformation respectivement à l'annulation de la décision critiquée.
Ce caractère doit apparaître comme évident à première lecture, sans nécessiter un examen long et minutieux incompatible avec la notion même d’une procédure de référé.
Lorsque la compréhension des moyens proposés à l'appui de la demande dont est saisi le président du tribunal administratif nécessite au contraire un examen minutieux qui n'est pas différent de celui auquel il devra être procédé dans la procédure au fond, on ne peut admettre que lesdits moyens sont sérieux au sens de l’article 12 précité.
Il résulte des pièces soumises à l’audience que le requérant a été définitivement débouté de sa demande d’asile par un arrêt de la Cour administrative du XXX XXX XXX.
En date du XXX XXX XXX, le requérant a sollicité la réouverture de son dossier sur base d’éléments nouveaux.
Par décision datée du XXX XXX XXX, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a déclaré cette demande irrecevable et un recours subséquent a été déclaré non fondé par le tribunal administratif en date du XXX XXX.
L’article 78 (1) de la loi du 29 août 2008 relative à la libre circulation des personnes et l’immigration prévoit ce qui suit : « A condition que leur présence ne constitue pas de menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques et qu’ils disposent de la couverture d’une assurance maladie et d’un logement approprié, le ministre peut accorder une autorisation de séjour pour raisons privées:
a) au ressortissant de pays tiers qui rapporte la preuve qu’il peut vivre de ses seules ressources; » A première vue, l’exigence de « pouvoir vivre de ses seules ressources » équivaut soit à la possibilité concrète de pouvoir se procurer des moyens d’existence suffisants à travers la perspective concrète de l’exercice d’une activité salariée ou indépendante soit à la faculté de pouvoir documenter une situation financière telle qu’il est possible de vivre de sa fortune.
La simple production d’un relevé bancaire d’après lequel le requérant aurait reçu, dans des conditions non autrement décrites, 20.000 euros de la part d’une autre personne habitant le même immeuble à titre de « don » n’est pas au premier regard à considérer comme preuve documentant qu’il puisse vivre de ses seules ressources.
Quant aux motifs d’après lesquels le requérant devrait se voir accorder par le ministre une autorisation de séjour pour motifs humanitaires d’une gravité exceptionnelle, il y a lieu de constater que l’article 78 (1) d) prévoit ce qui suit : « A condition que leur présence ne constitue pas de menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques et qu’ils disposent de la couverture d’une assurance maladie et d’un logement approprié, le ministre peut accorder une autorisation de séjour pour raisons privées:
…… d) au ressortissant de pays tiers qui fait valoir des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité.
(2) Les personnes visées aux points b), c) et d) du paragraphe (1) qui précède, doivent justifier disposer de ressources suffisantes telles que définies par règlement grand-
ducal. » Le règlement grand-ducal du 5 septembre 2008 définissant les critères de ressources et de logement prévus par la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration prévoit à son article 7 que « pour l’application de l’article 78, points b), c) et d) de la loi, sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint ou autre membre de famille, de même qu’une prise en charge de ses frais de séjour par une tierce personne établie conformément aux prescriptions de l’article 4 de la loi.
Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au revenu minimum garanti et sont appréciées au regard des conditions de logement. » Or le requérant, comme antérieurement dégagé, se limite à documenter toutes ses ressources moyennant la production d’un unique virement de 20.000 euros, reçu dans des conditions non autrement décrites, mais à première vue peu claires, ce virement n’apparaissant ainsi pas constituer une preuve suffisante aux fins de pouvoir être considéré comme des « ressources suffisantes ». Par ailleurs il est à relever de façon surabondante que la Cour administrative (N° 23006C) a analysé les craintes avancées par le requérant, certes dans un contexte juridique quelque peu différent, et actuellement décrites comme devant valoir des « motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité » comme suit :
« Considérant qu’il y a lieu de constater qu’il est peu conforme à la logique que l’appelant se sent persécuté, sinon menacé de la part de l’autorité publique alors que, par la découverte des mécanismes frauduleux de gestion, il a rendu des services à cette même autorité ;
que si bien même son comportement a pu ne pas être apprécié par son employeur, il n’est pas acquis qu’il n’aurait pu bénéficier de la protection de l’autorité de l’Etat, cette même autorité qui a engagé des poursuites à l’égard des auteurs des irrégularités dénoncées par l’appelant ;
Considérant par ailleurs, les difficultés que l’appelant soutient avoir rencontrées du fait des faits invoqués n’ont pas la gravité suffisante pour justifier l’asile alors que, à supposer même que l’appelant ait perdu son emploi, ce fait n’est pas à qualifier, au sens de la Convention de Genève, comme constituant une persécution à raison de laquelle il ne pourrait retourner en son pays ;
Considérant que la Cour a par ailleurs fait sienne l’appréciation du tribunal quant à l’existence de possibilités de se mettre, à l’intérieur de son pays, à l’abri des difficultés qu’il soutient avoir rencontrées ;
Considérant que l’appel, en ce qui concerne le refus du statut de réfugié n’est dès lors pas fondé ;
qu’il en est de même en ce que l’appel vise le refus du bénéfice de la protection subsidiaire, ceci pour les mêmes motifs et alors que l’appelant ne fait état d’aucun élément propre à justifier le statut au vu des dispositions de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006. » Il résulte de ces considérations que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas assez sérieux et il s'ensuit que l'une des conditions cumulativement posées par l'article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999, exigée également dans le cadre de l’article 12 de cette même loi, fait défaut, de sorte qu'il y a lieu de rejeter la demande de mesure de sauvegarde, sans qu'il faille par ailleurs examiner si le préjudice invoqué est à considérer comme grave et définitif.
Il s'ensuit que la demande subsidiaire en ce qu’elle tend à l’instauration d’une mesure de sauvegarde est à rejeter.
Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, déclare la demande principale irrecevable, reçoit la demande subsidiaire en instauration d’une mesure de sauvegarde en la forme, la déclare non justifiée et en déboute, laisse les frais à charge du demandeur.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 4 décembre 2008 par Marc Feyereisen, président du tribunal administratif, en présence du greffier Luc Rassel.
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