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29/10/2008 | LUXEMBOURG | N°23779

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 octobre 2008, 23779


Tribunal administratif N° 23779 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 décembre 2007 Audience publique du 29 octobre 2008 Recours formé par Monsieur …, …, et Madame …-…, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Kehlen en matière d'urbanisme

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23779 du rôle et déposée le 13 décembre 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Anne-Marie SCHMIT, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, et de Madame …-

…, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d'une décision datée du 18 juillet 2007 du bourgm...

Tribunal administratif N° 23779 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 décembre 2007 Audience publique du 29 octobre 2008 Recours formé par Monsieur …, …, et Madame …-…, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Kehlen en matière d'urbanisme

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23779 du rôle et déposée le 13 décembre 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Anne-Marie SCHMIT, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, et de Madame …-…, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d'une décision datée du 18 juillet 2007 du bourgmestre de la commune de Kehlen accordant l’autorisation à Madame …, demeurant à L-…, de construire une résidence à six unités sur un fonds sis à Kehlen, 37, rue de Mamer, et inscrit au cadastre sous le numéro 2217/5342, section A de Kehlen ;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 19 décembre 2007, portant signification du prédit recours en annulation à l'administration communale de Kehlen, en la personne de son bourgmestre, ainsi qu’à Madame … ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 janvier 2008 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l'administration communale de Kehlen ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 janvier 2008 par Maître Pierrot SCHILTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 27 février 2008 par Maître Albert RODESCH au nom de l'administration communale de Kehlen, notifié le même jour à Maître Anne-Marie SCHMIT et le 29 février 2008 à Maître Pierrot SCHILTZ ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 mars 2008 par Maître Pierrot SCHILTZ au nom de Madame …, notifié le même jour à Maîtres Anne-Marie SCHMIT et Albert RODESCH ;

Vu le mémoire en réplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 avril 2008 par Maître Anne-Marie SCHMIT aux noms des demandeurs, notifié le même jour par téléfax à Maîtres Pierrot SCHILTZ et Albert RODESCH ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 mai 2008 par Maître Albert RODESCH au nom de l'administration communale de Kehlen, notifié le 9 mai 2008 à Maître Anne-Marie SCHMIT et le 29 février 2008 à Maître Pierrot SCHILTZ ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 mai 2008 par Maître Pierrot SCHILTZ au nom de Madame …, notifié le même jour à Maîtres Anne-Marie SCHMIT et Albert RODESCH ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Jérôme GUILLOT, en remplacement de Maître Anne-Marie SCHMIT, Maître Laurent LIMPACH, en remplacement de Maître Albert RODESCH , et Maître Martial BARBIAN, en remplacement de Maître Pierrot SCHILTZ en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 juin 2008 ;

Vu l’avis du tribunal du 3 juillet 2008 prononçant la rupture du délibéré pour permettre aux parties de prendre un mémoire supplémentaire relatifs à la détermination de la façade principale au regard des dispositions réglementaires ainsi qu’aux circonstances du changement d’adresse intervenu ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 août 2008 par Maître Albert RODESCH au nom de l'administration communale de Kehlen, notifié le 7 août 2008 à Maîtres Anne-Marie SCHMIT et Pierrot SCHILTZ ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 septembre 2008 par Maître Anne-Marie SCHMIT aux noms des demandeurs, notifié le même jour à Maîtres Pierrot SCHILTZ et Albert RODESCH ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 septembre 2008 par Maître Pierrot SCHILTZ au nom de Madame …, notifié le même jour à Maîtres Anne-Marie SCHMIT et Albert RODESCH ;

Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Jérôme GUILLOT, en remplacement de Maître Anne-Marie SCHMIT, Maître Agnès DURDU, en remplacement de Maître Albert RODESCH, et Maître Martial BARBIAN, en remplacement de Maître Pierrot SCHILTZ, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 octobre 2008 ;

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Par décision du 18 juillet 2007, le bourgmestre de la commune de Kehlen accorda à l’architecte …, demeurant à L-…, l’autorisation de construire une résidence à six unités sur un fonds sis à Kehlen, inscrit au cadastre sous le numéro 2217/5342, section A de Kehlen, cette autorisation ayant fait l’objet d’une publication par affichage sur les lieux en date du 18 septembre 2007.

Par requête déposée le 13 décembre 2007, Monsieur … et Madame …-…, ci-après « les consorts … », propriétaires indivis de l’immeuble adjacent, ont fait déposer un recours tendant à l’annulation de la prédite autorisation délivrée par le bourgmestre de la commune de Kehlen.

Quant à la recevabilité :

Etant donné que la loi ne prévoit aucun recours de pleine juridiction en matière de permis de construire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation dirigé contre l’autorisation de bâtir litigieuse.

Madame … soulève avant tout autre progrès en cause le défaut d’intérêt à agir des demandeurs en donnant à considérer que ceux-ci, s’ils sont certes les propriétaires indivis du terrain et de l’immeuble contigus à la résidence projetée, n’occuperaient cependant pas personnellement l’immeuble voisin, celui-ci étant donné en bail, de sorte qu’ils ne justifieraient pas d’un intérêt personnel à agir suffisant, Madame … estimant à cet égard que la seule qualité de propriétaire ne serait pas suffisante, et ce d’autant plus que les demandeurs resteraient en défaut de faire état d’un quelconque inconvénient concret que la construction projetée serait susceptible de générer dans leur chef.

Il y a lieu de rappeler à ce sujet qu’en matière de recours en annulation dirigé contre un acte administratif, le demandeur doit justifier d’un intérêt personnel et direct à obtenir l’annulation de l’acte qu’il attaque, l’intérêt pour agir étant l’utilité que présente pour le demandeur la solution du litige qu’il demande au juge d’adopter1, étant souligné que l’intérêt à agir n’est pas à confondre avec le fond du droit en ce qu’il se mesure non au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une prétention, mais à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les moyens invoqués soient justifiés2.

Il résulte à ce propos des écrits des parties que les demandeurs sont propriétaires de la maison sise à proximité immédiate de l’immeuble faisant l’objet de l’autorisation de bâtir litigieuse, à laquelle ils reprochent de ne pas respecter les règles du règlement sur les bâtisses de la commune de Kehlen, et plus particulièrement de ne pas respecter les règles relatives aux reculs, étant donné que l’immeuble litigieux ne serait érigé qu’à trois mètres de leur propre propriété.

Aussi, encore que le préjudice avancé par les demandeurs ne soit que simplement suggéré, il ressort cependant de la requête introductive d’instance et du mémoire en réplique que les demandeurs craignent de subir du fait de la construction litigieuse, à laquelle ils reprochent de ne pas respecter les marges de reculement, une aggravation concrète de leur situation de propriétaires de l’immeuble voisin, caractérisée notamment par le fait que la construction projetée serait de loin plus massive que la construction initiale et qu’elle porterait atteinte « à un espacement minimum des constructions dans les zones résidentielles et aérées ».

Aussi, si la seule qualité de propriétaires voisins d’une parcelle contiguë n’est pas suffisante en tant que telle, l’intérêt à agir doit être considéré comme existant dans le chef des demandeurs dès lors que la mise en valeur de leur propriété immobilière, que ce soit moyennant mise en location ou non, se trouve affectée par la construction sur la parcelle voisine d’un immeuble aux dimensions plus importantes que celui y ayant existé auparavant, entraînant notamment des amoindrissements d’ensoleillement et un impact visuel indéniable.

1 Voir Encyclopédie Dalloz, Contentieux administratif, V° Recours pour excès de pouvoir (Conditions de recevabilité), n° 247.

2 Trib. adm. prés. 27 septembre 2002, n° 15373, Pas. adm. 2007-2008, V° Procédure contentieuse, n° 2.

Force est encore de consacrer que les demandeurs, au-delà de la légalité intrinsèque de la décision déférée, critiquent également sa régularité extrinsèque, en ce sens qu’ils estiment qu’ils auraient dû être consultés avant l’édiction de l’autorisation litigieuse.

Partant, le moyen d’irrecevabilité du recours en raison d’un défaut d’intérêt suffisamment caractérisé pour agir dans le chef des demandeurs laisse d’être fondé.

Dès lors, à défaut de tout autre moyen d’irrecevabilité circonstancié, le recours en annulation tel que dirigé contre l’autorisation de bâtir du 18 juillet 2007 est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond :

Comme indiqué ci-avant, les demandeurs font plaider à l’appui de leur recours que la construction litigieuse ne respecterait pas les marges de recul latérales.

Or à cet égard ils affirment que « le respect des reculs latéraux est si protégé par la jurisprudence que celle-ci a pu retenir qu'en cas d'entorse à cette règle, il y a faveur exceptionnelle dans le chef du bénéficiaire de l'autorisation de construire, rendant nécessaire l'accord préalable du voisin concerné », de sorte qu’a contrario, le non-respect par le bourgmestre desdites marges, ou le fait pour lui de faire un usage abusif des possibilités de dérogations, devrait nécessairement entraîner l'annulation par le juge administratif des autorisations de bâtir ainsi délivrées, pour en déduire que comme ils n’auraient pas été consultés lors de l'édiction de l'autorisation de bâtir du 18 juillet 2007 et que les violations à la procédure administrative non contentieuse seraient sanctionnées par la nullité sans considération du préjudice accru, il y aurait lieu d’annuler l’autorisation de bâtir déférée.

Ce moyen, outre qu’il omet de préciser sur quelles dispositions il se base, repose sur une extrapolation erronée ; ainsi, si les demandeurs semblent vouloir tirer d’un arrêt de la Cour administrative une règle générale selon laquelle toute dérogation apportée aux règles d’urbanisme relatives aux marges de recul nécessiterait l’accord des voisins, force est cependant de constater qu’une telle règle généralement applicable n’existe pas, l’arrêt3 cité par les demandeurs n’ayant pas procédé à une création prétorienne mais ayant une portée strictement locale puisque qu’il ne concerne à cet égard que des dispositions règlementaires locales, à savoir les articles 2.5 et 3.11 du règlement sur les bâtisses de la commune de Mompach, qui prévoient la possibilité pour le bourgmestre de déroger aux règles prévalant en matière de marges de recul à la condition de rechercher l’accord afférent des voisins.

Force est dès lors de constater que les demandeurs se contentent à cet égard d’extrapoler une règle générale d’une décision d’espèce, rendue sur base d’une disposition règlementaire locale, sans expliquer de quelle manière cette règle locale trouverait également à s’appliquer au cas actuellement déféré au tribunal, relatif à un immeuble sis sur le territoire de la commune de Kehlen et sans indiquer, le cas échéant, de règle similaire résultant de la seule règlementation urbanistique applicable au présent cas, à savoir celle de la commune de Kehlen.

3 Cour adm. 28 juin 2005, n° 19171C, Pas.adm. 2007-2008, V° Urbanisme, n° 249.

Par ailleurs, à supposer, au vu de l’affirmation non autrement circonstanciée des demandeurs selon laquelle il y aurait violation de la procédure administrative non contentieuse, que les demandeurs aient voulu invoquer une disposition du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, force est de constater que les demandeurs restent en défaut, d’une part, de préciser le ou les articles afférents par eux visés, et d’autre part, d’expliquer dans quelle mesure ces dispositions auraient été violées. Or à cet égard c’est à juste titre que Madame … relève que les moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, ne sont pas à prendre en considération par le tribunal, étant donné qu’il n'appartient pas au tribunal de suppléer à la carence des parties et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le moyen.

Les demandeurs se prévalent ensuite de l'article 4.4.b) du règlement sur les bâtisses de la commune de Kehlen, (« Rb »), pour, après avoir soutenu que la nouvelle construction serait nettement plus profonde (18,83 mètres, au lieu de 12 mètres, soit 6,83 mètres de plus) que la construction existante, affirmer que quelque soit la voie sur laquelle donne l'entrée principale de la résidence litigieuse, à savoir la rue de Mamer ou la rue adjacente, la rue des Jardins, les reculs dans les deux sens seraient majorés d'au moins 3 mètres par rapport à ceux caractérisant la construction en place à ce jour, de sorte que l'autorisation de bâtir du 18 juillet 2007 aurait été prise en violation des dispositions du prédit article 4.4.b) Rb.

L’administration communale de Kehlen, pour sa part, expose que l'immeuble envisagé sera construit sur un emplacement situé à l'intersection de la « rue de Mamer» et de la « rue des Jardins », et ce en lieu et place d'un immeuble actuellement existant qui comprend un corps de logis et un garage, la surface de l’immeuble projeté constituant un trapèze aux dimensions suivantes : côté rue de Mamer 18,83 mètres, côté … 15,93 mètres, côté XXX 17,41 mètres, côté rue des Jardins 8,77 mètres.

L’administration communale de Kehlen relève encore que l’immeuble en question accusera une profondeur maximale de 11 mètres, tandis que l’immeuble voisin appartenant aux demandeurs accuserait une profondeur « de plus ou moins 10 mètres ».

L’administration communale explique par ailleurs que tant l’immeuble projeté que celui existant en cet endroit seraient orientés l'un et l'autre parallèlement à la rue de Mamer et que leur façade principale se situerait rue de Mamer, de sorte que ce serait cette rue qui déterminerait en conséquence les différents côtés de l'immeuble à construire.

Elle conteste ensuite l’interprétation retenue par les demandeurs de l’article 4.4. b) Rb, en ce que les demandeurs érigeraient les alinéas 3 et suivants de l'article 4.4.b) en des exceptions au principe énoncé sous l’alinéa 1er de l'article 4.4.b).

Elle reproche plus particulièrement aux demandeurs de partir du principe que l'alinéa 3 de l'article 4.4.b serait une exception à l'article 4.4. b) alinéa 1er et que partant les constructions envisageant au moins 3 unités de logement devraient être construites à une distance de 6 mètres.

Au contraire, elle estime que l’article 4.4. b) Rb énoncerait en son alinéa 1er la règle essentielle selon laquelle la nouvelle construction devra être construite à une distance minimale de 3 mètres, s'il existe une construction sur le terrain voisin, tandis que l'alinéa 2 préciserait que dans l'hypothèse où la construction existante est érigée sur la limite séparatrice, le voisin aura le choix, soit d’adosser sa nouvelle construction à la construction existante soit de la construire à une distance minimale de 3 mètres.

L’administration communale considère encore que l'alinéa 3 de l'article 4.4.b apporte une exception à la règle de l'alinéa 2 de l'article 4.4.b en portant le recul à 6 mètres si le constructeur envisage la construction d'une résidence comportant au moins 3 unités de logements, distance qui pourrait cependant, toujours selon l’administration communale, être de nouveau réduite jusqu'à 3 mètres en fonction de la profondeur de la construction existante sur le terrain voisin.

Elle fait plaider à cet égard qu’en l'espèce la maison des demandeurs serait construite avec une marge de recul par rapport au terrain devant accueillir la construction litigieuse, de sorte que l’autorisation de construire litigieuse serait légale puisqu’elle respecterait les marges de recul latérales de l'article 4.4.b) alinéa 1er Rb.

L’administration communale est rejointe en cette argumentation par Madame … qui, après avoir à son tour souligné qu’il conviendrait de prendre pour référence la rue de Mamer dans le cadre de l'appréciation de l'implantation de l'immeuble projeté et partant de la localisation des diverses marges de recul l'entourant, estime que les demandeurs auraient procédé à une lecture erronée de l'article 4.4 b) Rb.

Madame … explique à ce sujet que l'alinéa 1er de l'article 4.4 b) Rb prévoit un recul latéral de 3 mètres par rapport à la limite séparatrice, si une construction existante sur un terrain attenant accuse un recul sur la limite latérale, de sorte que ce premier alinéa serait donc applicable lorsqu'une construction existante sur un terrain attenant à celui devant accueillir la construction projetée, accuse un recul sur la limite latérale.

Elle donne à considérer qu'en l'espèce, il résulterait du plan de situation existante que la construction appartenant aux demandeurs accuserait un recul sur la limite latérale.

Quant aux alinéas 2, 3 et 4 de l'article 4.4. b), qu’elle considère comme constituant des dispositions liées, l’architecte fait plaider que ces dispositions trouvent application lorsque la construction existante sur le terrain attenant à celui devant accueillir la construction projetée, est érigée sur la limite latérale du fond ou en mitoyenneté, et partant lorsqu'elle n'accuse pas un recul sur la limite latérale, hypothèse dans laquelle l'alinéa 2 prévoirait que la nouvelle construction projetée pourra être adossée à la construction existante ou être érigée à une distance latérale minimale de 3 mètres.

Néanmoins, dans la mesure où les alinéas 2, 3 et 4 de l'article 4.4 b) Rb constitueraient des dispositions liées, l'hypothèse de la construction d'immeubles à trois unités de logement et plus ne serait visée que dans le sens où une construction à trois unités de logement et plus est projetée à côté d'une construction existante n'accusant pas un recul sur la limite latérale, l'alinéa 4 de l'article 4.4 b) Rb n’étant ainsi également applicable que dans l'hypothèse de l'implantation projetée d'un immeuble comportant 3 unités de logement et plus à côté d'une construction existante n'accusant pas un recul sur la limite latérale.

En résumé, elle expose que selon l'article 4.4 b) Rb, soit la construction existante sur le terrain attenant accuse un recul sur la limite latérale, alors l'alinéa 1er de l'article 4.4. b) serait applicable et dès lors un recul latéral de 3 mètres devrait être respecté, soit la construction existante sur le terrain attenant est érigée sur la limite séparatrice latérale ou en mitoyenneté, auquel cas la nouvelle construction pourrait être adossée à la construction existante ou devrait respecter une distance de 3 mètres, et, dans cette même seconde hypothèse, si la nouvelle construction projetée consiste en un immeuble comprenant 3 unités de logement ou plus ou une construction à usage mixte et n'est pas adossée à la construction existante, alors une distance de 6 mètres devrait être respectée avec la construction existante, cette distance de 6 mètres pouvant toutefois être ramenée jusqu'à 3 mètres conformément à l'alinéa 4 de l'article 4.4 b).

Madame … en déduit que l'alinéa 1er de l'article 4.4 b) Rb, en ce qu'il prévoit un recul latéral de 3 mètres, trouverait application en l'espèce ; comme il résulterait des plans versés en cause que la construction autorisée aux termes de la décision déférée respecterait indiscutablement une marge de recul latéral de 3 mètres par rapport à la limite séparatrice, le moyen des parties demanderesses ne serait pas fondé.

Les demandeurs contestent cependant l’interprétation de l'article 4.4.b) Rb des parties défenderesses en soulignant que l'alinéa 2 de l'article 4.4.b), loin de contenir un principe pouvant appeler une exception, contiendrait seulement une modalité spécifique d'application aux « constructions (…) érigées sur la limite latérale d'un terrain ou en mitoyenneté » du principe de recul à trois mètres, fixé à l'alinéa 1er de l'article 4.4.b). Ils estiment pour leur part que la majoration du recul à six mètres ne s’appliquerait pas qu’aux seules constructions situées à côté d'immeubles localisés en mitoyenneté ou sur la limite latérale, mais au contraire à toutes les constructions, en premier lieu desquelles, « pour assurer à la commune un caractère résidentiel et aéré », les constructions existantes et/ou à autoriser dont les limites ne se situent pas sur le mur mitoyen, respectivement sur la limite latérale.

Les demandeurs contestent encore l’interprétation des parties défenderesses selon laquelle le côté antérieur du projet se situerait rue de Mamer, le côté postérieur côté du terrain XXX et les côtés latéraux se situant côté rue des Jardins et côté de leur terrain.

L’article 4.4.b) Rb litigieux traitant de la question du recul des constructions sur les limites séparatrices latérales, il convient de prime abord de déterminer où se situent lesdites limites latérales compte tenu du fait que l’immeuble litigieux est projeté à l’angle de deux rues.

Dans cette optique, le tribunal a invité les parties par avis du 3 juillet 2008 à expliciter leurs développements relatifs à la détermination de la façade principale.

L’administration communale a fait préciser à cet égard au travers de son mémoire supplémentaire que comme le règlement des bâtisses ne prévoirait pas de dispositions particulières pour des terrains ou des constructions situées en angle de rue, il lui appartenait de déterminer s'il fallait, à cet endroit, définir le bâtiment projeté par rapport à la rue de Mamer ou par rapport à la rue des Jardins. Elle expose qu’en l’espèce la rue de Mamer serait la route principale à Kehlen, tandis que la rue des Jardins ne serait qu’un chemin sans issue et que tant l’'immeuble existant sur la parcelle de Madame … que les autres immeubles existants, notamment celui des demandeurs, seraient orientés, respectivement alignés par rapport à la rue de Mamer, de sorte qu’il lui avait paru évident d'analyser la demande présentée par Madame … en partant du principe que la rue de Mamer serait l'axe de circulation de référence.

L’administration communale explique ensuite que l'architecte … a présenté un projet dans lequel, pour des considérations de conception, la porte d'entrée pour les piétons est prévue côté rue des Jardins, ce qu’aucune disposition réglementaire n'interdirait.

Néanmoins, cette approche architecturale ne pourrait pas imposer à la commune de considérer le côté comprenant la porte d'entrée comme façade principale, de sorte que l’administration communale aurait continué de traiter ce dossier du point de vue autorisation comme une demande de construction à analyser par rapport à la rue de Mamer, tout en se rendant compte que du point de vue usage journalier, l'immeuble une fois construit susciterait des quiproquos gênants notamment avec les autorités administratives, notamment les facteurs, et les usagers privés de l'immeuble pour la bonne et simple raison que ceux-ci chercheraient en vain un immeuble situé rue de Mamer, alors que la porte d'entrée piéton se situe côté rue des Jardins.

Elle explique avoir par conséquent, par esprit pragmatique, préféré clarifier cette situation ab initio et avoir émis l'autorisation de construire en indiquant immédiatement dans l'autorisation de bâtir comme adresse la rue dans la laquelle se trouve la porte d'entrée, soit la rue des Jardins, et ce nonobstant le fait que toutes les données techniques et distances réglementaires auraient été considérées à partir de la rue de Mamer.

Elle conclut qu’elle n’aurait ce faisant enfreint aucune disposition légale ou réglementaire alors qu’il n'existerait aucun texte lui imposant une démarche précise pour attribuer ou modifier l'adresse d'un immeuble.

L’architecte … se rallie quant à elle aux développements contenus dans le mémoire supplémentaire de l’administration communale, tout en soulignant à son tour qu'aucune disposition légale ou règlementaire n'imposerait dans le cas d'espèce d'aligner la façade principale de l'immeuble autorisé aux termes de la décision déférée par rapport à la rue des Jardins et que dans la mesure où les dispositions réglementaires d’urbanisme ne contiendraient aucune disposition fixant les règles applicables au sujet de l'alignement des constructions à autoriser, plus particulièrement dans l'hypothèse visée par le cas d'espèce d'un immeuble à ériger à un angle de rue, ce serait à bon droit que l'immeuble autorisé a été aligné par rapport aux constructions voisines et que dans ce contexte, sa configuration technique a été arrêtée et sa façade principale a été déterminée par rapport à la rue de Mamer.

Les demandeurs, de leur côté, relèvent que le règlement des bâtisses de la commune de Kehlen ne connaîtrait pas ce concept de façade principale et estiment qu’en tout état de cause cette problématique de l'alignement, purement urbanistique, n'aurait rien à voir avec celle de la distance entre constructions, cette dernière question ayant des incidences sur l'espacement entre maisons et, partant, sur le voisinage.

Ils réitèrent par ailleurs leur argumentation telle que contenue dans leur requête introductive d’instance.

Il y a lieu de rappeler qu’en l’espèce l’examen auquel le tribunal administratif, statuant en tant que juge de l’annulation, saisi d’un recours contentieux portant contre un acte déterminé, doit se livrer ne peut s’effectuer que dans le cadre des moyens invoqués par les demandeurs pour contrer les motifs spécifiques à l’acte déféré, mais que son rôle ne consiste pas à procéder indépendamment des motifs de la décision à un réexamen général et global de la situation afférente. Il ne suffit dès lors pas de contester la conclusion d’une décision administrative donnée, en renvoyant en substance le juge administratif au contenu du dossier administratif, mais il appartient aux demandeurs d’établir que la décision critiquée est non fondée ou illégale pour l’un des motifs énumérés à l’article 2, alinéa 1er de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif tant en ce qui concerne sa conclusion que sa motivation.

En l’espèce force est de constater que tant l’administration communale que l’architecte déterminent la façade principale ou antérieure de l’immeuble projeté comme celle donnant sur la rue de Mamer, et ce tant pour des considérations tirées de l’importance respective des deux rues à l’angle desquelles se situe l’immeuble projeté que pour des considérations tirées de l’alignement des immeubles voisins et de l’immeuble existant ou ayant existé sur le terrain en question, tout en justifiant le fait que l’adresse du même immeuble soit située rue des Jardins par des considérations d’ordre pragmatique.

Force est encore de constater que les parties défenderesses relèvent l’absence de toute disposition, légale ou réglementaire, régissant la question et en particulier l’absence de toute disposition qui les aurait contraints d’implanter la façade antérieure du côté de la rue des Jardins, respectivement de considérer le côté donnant sur la rue des Jardins comme façade principale.

Les demandeurs, de l’autre côté, n’opposent aucune argumentation circonstanciée à ces explications, mais se contentent d’émettre des contestations non explicites en suggérant que l’administration communale « jouerait » avec le fait que la construction litigieuse se situe à un angle de rues, et en estimant que l’entrée principale d’un immeuble devrait être l’entrée pour piétons.

Force est à cet égard de constater que les demandeurs en particulier n’indiquent aucune règle, juridique ou urbanistique, qui viendrait contredire l’approche retenue tant par l’administration communale que par l’architecte ….

Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision litigieuse dans la mesure où celle-ci a retenu pour l’application des règles d’urbanisme, et en particulier des règles de recul, la façade donnant sur la rue de Mamer comme façade principale ou antérieure.

La façade antérieure étant dès lors déterminée, il y a lieu de déterminer les marges de recul latérales.

L’article 4.4. Rb, intitulé « Les marges de reculement », dispose à cet égard ce qui suit :

« a) Le recul des constructions sur les limites de propriété est mesuré perpendiculairement à ces limites et dès le nu de la façade, sans qu'il puisse être tenu compte des terrasses non couvertes, les seuils de baies, des perrons et des balcons. Toute saillie autre que celles énumérées ci-dessus, doit respecter les reculs imposés.

b) Le recul des constructions sur les limites séparatrices latérales est de 3,00 m (trois mètres), si une construction existante sur un terrain attenant accuse un recul sur la limite latérale.

Au cas où la construction existante est érigée sur la limite latérale d’un terrain ou en mitoyenneté, chaque nouvelle construction sur le terrain adjacent peut être adossée à ladite construction ou érigée à une distance latérale minimale de 3,00 m (trois mètres).

Toutefois les constructions à 3 (trois) unités de logement et plus ainsi que les constructions à usage mixte, si elles ne sont pas adossées à la construction existante, doivent en principe être érigées à une distance de 6,00 m (six mètres) de la limite latérale.

Ce recul pourra être réduit jusqu’à 3,00 m (trois mètres) en fonction de la profondeur de construction de la nouvelle par rapport à la construction existante d’après le principe ci-

dessous :

Profondeur de construction Profondeur de construction Recul latéral à respecter de l’immeuble existant de l’immeuble à implanter si pas adossé

__________________________________________________________________________

11 m 11 +3 14 m (et moins) 3 m (min.) 11 m 11 +4 15 m 4 m 11 m 11 +5 16 m 5 m 11 m 11 +6 17 m (et plus) 6 m » Si le paragraphe a) ne prête en l’espèce pas à discussion, les parties sont en revanche en désaccord quant à l’interprétation du paragraphe b) de l’article 4.4. Rb en question.

Le premier alinéa de l’article 4.4.b) Rb en question prévoit à cet égard la règle générale selon laquelle un recul latéral de 3 mètres est à respecter lorsque la construction existante sur le terrain voisin accuse un recul de son côté ; le deuxième alinéa, pour sa part, édicte la règle selon laquelle, lorsque le terrain voisin accueille une construction érigée en limite de propriété ou en mitoyenneté, la nouvelle construction sur le terrain adjacent peut soit être adossée à la construction existante - de sorte qu’il n’existe aucun recul entre les deux constructions -, soit être érigée en respectant une marge de reculement minimale de 3 mètres.

L’alinéa 3 prévoit quant à lui une réglementation spécifique aux « constructions à 3 (trois) unités de logement et plus ainsi qu[’aux] constructions à usage mixte », celles-ci devant respecter par dérogation au premier alinéa, lorsqu’elles ne sont pas adossées, un recul de 6 mètres, au lieu des 3 mètres prévus au premier alinéa.

Cette règle est cependant nuancée à l’alinéa 4, qui prévoit que « ce recul », c’est-à-dire celui de 6 mètres prévu à l’alinéa précédent, pourra être réduit jusqu’à 3 mètres en fonction de la profondeur de la nouvelle construction par rapport à la construction existante, et ce conformément au tableau transcrit ci-avant.

Si le litismandataire des demandeurs a à cet égard précisé sur question afférente du tribunal, qu’il considère les termes de « construction existante » comme se rapportant en l’espèce à la construction existante sur le terrain … et devant être démolie pour céder la place à la construction litigieuse, cette interprétation procède cependant d’une lecture erronée des dispositions afférentes, les termes en cause figurant à l’alinéa 4 se rapportant à la « construction existante sur un terrain attenant » mentionnée au premier alinéa de l’article 4.4 b).

Or en l’espèce, la « construction existante sur un terrain attenant », à savoir celle des demandeurs, accuse d’après les plans versés en cause, et plus particulièrement d’après le plan d’implantation à l’échelle 1/150 figurant sur le plan n° 2/4 a, intitulé « Niv. + 1.65 : Rez-de-

chaussée Implantation 1/200 » une profondeur de 7, 5 centimètres à l’échelle 1/150, ce qui équivaut à l’échelle 1/1 à 11 mètres.

L’immeuble litigieux à implanter, qui ne sera pas adossé à la construction existante des consorts …, accuse quant à lui d’après le même plan d’implantation une profondeur de 15,93 mètres.

Dès lors, en application des dispositions citées et explicitées ci-avant, l’immeuble projeté, qui comprend plus de trois appartements, tombant ainsi sous les dispositions spécifiques des alinéas 3 et 4, accuse une profondeur de plus de 15 mètres, tandis que l’immeuble voisin accuse une profondeur de 11 mètres, de sorte que le recul à respecter correspond à la différence entre les deux immeubles, à savoir 4 mètres.

Or il est constant en cause que l’immeuble projeté accuse en fait de ce côté un recul latéral de seulement 3 mètres.

Il s’ensuit que l’autorisation de construire déférée encourt l’annulation pour violation de l’article 4.4.b) Rb, sans qu’il y ait lieu d’analyser les autres moyens présentés en ordre de subsidiarité par les demandeurs.

Les demandeurs réclament encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.500.- €.

Au vu des circonstances particulières du présent litige et notamment en raison de son issue, du fait que les demandeurs ont été obligés de se pourvoir en justice sous l’assistance d’un avocat, et de l’absence de toute contestation afférente de la part de l’administration communale, qui n’a contesté l’indemnité réclamée ni en son principe, ni en son montant, il serait inéquitable de laisser à charge des demandeurs l’intégralité des frais et honoraires non compris dans les dépens, de sorte qu’il échet de faire droit à ladite demande.

L’administration communale réclame de son côté l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500.- € et Madame … une indemnité de 3.000 € , demandes qui, au vu de l’issue du litige, sont à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond le dit justifié ;

partant annule la décision datée du 18 juillet 2007 du bourgmestre de la commune de Kehlen accordant l’autorisation à Madame …, demeurant à L-…, de construire une résidence à six unités sur un fonds sis à Kehlen, inscrit au cadastre sous le numéro 2217/5342, section A de Kehlen ;

condamne l’administration communale de Kehlen au paiement d’une indemnité de procédure de 1.500.- € aux demandeurs ;

condamne encore l’administration communale de Kehlen aux frais.

rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure formulées par l’administration communale de Kehlen et Madame … .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 octobre 2008 par :

Paulette Lenert, vice-président, Marc Sünnen, juge, Françoise Eberhard, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Schmit s. Lenert 12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 23779
Date de la décision : 29/10/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-10-29;23779 ?

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