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13/10/2008 | LUXEMBOURG | N°24868

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 octobre 2008, 24868


Tribunal administratif N° 24868 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 octobre 2008 Audience publique du 13 octobre 2008 Requête en sursis à exécution sinon en institution d’une mesure de sauvegarde introduite par Madame XXX XXX XXX XXX, XXX contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de permis de travail

ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 2 octobre 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Vic Krecke, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame XXX

XXX XXX XXX, demeurant à XXX XXX, XXX, rue de XXX, tendant à ordonner le sursis...

Tribunal administratif N° 24868 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 octobre 2008 Audience publique du 13 octobre 2008 Requête en sursis à exécution sinon en institution d’une mesure de sauvegarde introduite par Madame XXX XXX XXX XXX, XXX contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de permis de travail

ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 2 octobre 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Vic Krecke, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame XXX XXX XXX XXX, demeurant à XXX XXX, XXX, rue de XXX, tendant à ordonner le sursis à exécution d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du XXX XXX lui refusant la délivrance d’un permis de travail, sinon l’institution d’une mesure de sauvegarde tendant à l’autoriser à travailler sans permis de travail ;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées et notamment la décision ministérielle du XXXX ;

Maître Karima Hammouche, en remplacement de Maître Vic Krecke, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 octobre 2008.

Le XXX XXX, Madame XXX XXX XXX XXX commença, moyennant un contrat de travail à durée indéterminée, à travailler en tant que femme de charge auprès de la société à responsabilité limitée, XXX XXX, exploitant un restaurant à XXX XXX.

Le XXX, l’employeur de Madame XXX XXX introduisit une demande en obtention d’un permis de travail auprès de l’administration de l’Emploi.

Par une décision du XXX XXX, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration refusa la délivrance d’un permis de travail en qualité de femme de charge à Madame XXX XXX pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes :

« 1974 demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place, priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace économique européen, poste de travail non déclaré vacant par l’employeur, occupation irrégulière depuis le 1er juillet 2007 ».

Par requête déposée le 2 octobre 2008, inscrite sous le numéro 24867 du rôle, Madame XXX XXX a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre de la décision du XXX lui refusant la délivrance d’un permis de travail.

Par requête déposée le 2 octobre 2008, inscrite sous le numéro 24868 du rôle, Madame XXX a fait introduire une demande tendant à ordonner le sursis à exécution de ladite décision, respectivement à l’autoriser à travailler sans permis de travail.

La demanderesse fait exposer qu’il existerait un risque certain de préjudice grave à son encontre dans la mesure où son employeur aurait suspendu son contrat de travail en attendant l’issue de la procédure et en cas de non-obtention d’une mesure de sauvegarde, il se verrait contraint de la licencier. L’absence de revenu, en cas de perte de son travail, ne lui permettrait plus de satisfaire aux besoins de la vie courante et elle risquerait de se voir refuser le renouvellement de son permis de séjour ce qui la contraindrait à quitter le Luxembourg. Elle ajoute qu’elle aurait engagé une procédure de divorce pour faute à l’encontre de son mari qui négligerait en plus son devoir de secours envers elle.

Quant aux moyens invoqués, la demanderesse fait valoir que la personne qui aurait signé la décision de refus de permis de travail ne serait ni identifiable, ni habilité à le faire.

Madame XXX XXX se réfère ensuite à un jugement du tribunal administratif du XXX (n° du rôle 21469) confirmé en appel par un arrêt de la Cour administrative du XXX (n° du rôle 22711C) qui a annulé une décision du XXX du même ministre lui refusant la délivrance d’un permis de travail en retenant qu’elle était dispensée, en sa qualité de conjointe d’un ressortissant communautaire, de l’obtention d’un permis de travail au Luxembourg. Elle estime qu’étant donné que sa situation administrative n’aurait pas changé, lesdites décisions constitueraient la preuve que les moyens invoqués seraient suffisamment sérieux pour admettre la mesure provisoire sollicitée. Elle s’appuie sur sa situation de conjointe d’un ressortissant communautaire pour faire valoir que l’exigence d’un permis de travail dans son chef constituerait une violation du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg et du règlement CEE n° 2432/92 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement CEE n° 2432/92 du Conseil du 27 juillet 1992.

Madame XXX XXX soulève encore un défaut de motivation de la décision litigieuse et fait valoir en dernier lieu que le ministre n’aurait pas usé dans une juste mesure de son pouvoir d’appréciation lui conféré en matière de permis de travail en ayant omis de prendre en considération sa situation spécifique, les conséquences économiques résultant du refus lui opposé, le fait qu’elle aurait toujours subvenu sans aide étatique à ses besoins et enfin le fait que son employeur aurait effectué les démarches auprès de XXX pour déclarer le poste vacant.

Le délégué du gouvernement, pour sa part, soulève de prime abord l’incompétence du juge statuant au provisoire pour prononcer une mesure de sauvegarde par rapport à la décision sous examen, l’affaire au fond y relative pouvant être plaidée et tranchée à bref délai, ainsi que pour prononcer le sursis à exécution par rapport à une décision refusant la délivrance d’un permis de travail, qui s’analyserait en décision négative.

Par ailleurs il conteste tant le risque d’un préjudice grave et définitif que l’existence de moyens sérieux à l’appui de la demande au fond.

Quant à l’existence d’un préjudice grave et définitif, il fait valoir qu’étant donné que Madame XXX XXX bénéficierait encore à l’heure actuelle d’une autorisation de séjour au Luxembourg, elle ne pourrait être éloignée du territoire.

Quant à l’existence de moyens sérieux, il souligne que la situation du conjoint de Madame XXX XXX aurait changé étant donné que celui-ci ne résiderait et ne travaillerait plus au Luxembourg, de sorte que la demanderesse ne pourrait plus s’appuyer sur la jurisprudence intervenue suite au premier refus du permis de travail et que l’exigence d’un permis de travail dans le chef de la demanderesse en tant que ressortissante d’un pays tiers serait acquise selon les dispositions légales et réglementaires applicables.

En vertu de l'article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l'affaire, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

Force est de constater que la requête introduite, en tant qu’elle est dirigée contre la décision ministérielle portant refus de délivrance d’un permis de travail, vise une décision négative qui ne modifie pas une situation de fait ou de droit antérieure et ne saurait faire l’objet d’une mesure de sursis à exécution. Elle est en revanche susceptible de faire l’objet d’une mesure de sauvegarde. Si elle est dès lors irrecevable en tant qu’elle tend au sursis à exécution de la décision attaquée, elle est en revanche recevable dans la mesure où elle tend à une mesure provisoire nécessaire à la sauvegarde des intérêts.

Le moyen tiré de ce que le mémoire en réponse a été déposé dans l'affaire au fond et que partant, l'affaire est susceptible d'être plaidée à brève échéance est à rejeter étant donné que l’employeur de Madame XXX XXX a suspendu son contrat de travail pour une durée très limitée en attendant l’issue de la présente affaire.

Concernant le sérieux des moyens présentés à l'appui de la demande au fond, le président du tribunal appelé à prendre une mesure provisoire doit nécessairement se livrer à un examen sommaire de ces moyens, sous peine d'empiéter sur les pouvoirs du juge du fond. Il doit pareillement, dans cette même optique, apprécier les problèmes juridiques qui se posent à la lumière de la jurisprudence développée en la matière par les juridictions administratives siégeant au fond.

La demanderesse fait valoir en premier lieu que la personne qui aurait signé la décision de refus de permis de travail ne serait ni identifiable, ni habilité à le faire.

Force est de constater que ce même moyen a déjà été analysé et tranché dans l’affaire relative au premier refus de permis de travail pour être non fondé. En effet, le tribunal administratif a retenu dans son jugement du XXX (n° 21469) du rôle que : « Pour le surplus, force est encore de relever qu’alors même que l’indication du nom du signataire ne figure pas sur l’expédition de la décision critiquée, la mention « attaché de gouvernement premier en rang » y apposée, entraînant nécessairement que seul un fonctionnaire auprès du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration revêtant le grade ainsi défini peut être l’auteur de la signature, restreint le cercle des signataires possibles dans une mesure suffisante pour permettre à la demanderesse ou à son mandataire de s’enquérir auprès du ministère d’Etat sur l’identité du fonctionnaire signataire, sur l’existence d’une délégation ou d’une subdélégation en sa faveur et sur la conformité de sa signature au spécimen. ». Il y a dès lors lieu de retenir que ce moyen ne convainc pas.

Le moyen suivant invoqué en ce que Madame XXX XXX, en tant que conjointe d’un ressortissant communautaire n’aurait pas besoin d’un permis de travail ne paraît pas non plus comme suffisamment sérieux.

S’il est certes constant que Madame XXX XXX est toujours mariée à Monsieur XXX XXX XXX, citoyen XXX, la simple constatation de cette union ne saurait suffire pour retenir dans le chef de la demanderesse la qualité de membre de famille d’un ressortissant communautaire. En effet, il appartient à la demanderesse qui se prévaut d’un droit dérivé au travail, de fournir notamment la preuve que son époux, ressortissant XXX fait actuellement usage de son droit à la libre circulation.

A ce sujet, le délégué du gouvernement explique que le conjoint de la demanderesse a quitté le Luxembourg. Il ressort par ailleurs d’un courrier du 24 octobre 2007 adressé par le « Service permis de travail » au mandataire de la demanderesse que « le conjoint communautaire a été radié d’office des fichiers de la commune de XXX enXXX et son absence du territoire est confirmée par les informations fournies par le service de Police des étrangers en XXX, de sorte que le conjoint ressortissant tiers ne pourrait pas se prévaloir d’un quelconque droit dérivé lui permettant d’accéder librement au marché de l’emploi ».

Il ressort encore d’un certificat d’affiliation du Centre commun de la sécurité sociale établi le XXX que le dernier emploi renseigné de Monsieur XXX XXX XXX couvre la période du XXX XXX au XXX XXX en qualité d’ouvrier auprès d’un restaurant à Luxembourg-Ville.

A l’audience publique du 10 octobre 2008, Madame XXX XXX n’a pas non plus pu renseigner le tribunal sur les lieux de résidence ou de travail actuels de son époux, sauf à préciser qu’elle a demandé le divorce et que son mari néglige son devoir de secours. Elle n’a pas non plus soumis au tribunal un quelconque élément permettant de retenir, le cas échéant, que son époux satisfait aux conditions requises, pour conserver la qualité de travailleur après avoir exercé une activité salariée sur le territoire du Luxembourg.

Enfin la référence à la jurisprudence relative au premier refus du permis de travail n’apparaît pas convainquant, dans la mesure où la situation de fait de l’époux de la demanderesse n’est plus la même que celle sous-jacente à l’affaire analysée par les juridictions administratives ayant donné lieu au jugement du XXX et à l’arrêt du XXX. A ce titre, la Cour administrative n’a pas manqué de souligner dans son arrêt du XXX que « force est de rejoindre les premiers juges en leurs constatations retenant qu’au regard des éléments d’appréciation soumis en cause, il appert que depuis le 12 janvier 2005, Mme XXX XXX est – et le reste au jour des présentes, aucune pièce produite ne documentant un divorce – mariée avec M. XXX XXX XXX XXX XXX, de nationalité XXX, qui travaillait à l’époque pour une entreprise luxembourgeoise installée à XXX et que le couple s’était dans un premier temps installé à XXX, pour déménager par la suite (fin juin/début juillet 2005) à XXX, XXX, XXX Ainsi, au jour de son engagement par la société à responsabilité limitée XXX XXX, Mme XXX XXX était pleinement titulaire d’un droit dérivé à son profit d’accéder à toutes activités salariées au Luxembourg, l’Etat membre de l’UE où son conjoint, travailleur bénéficiaire de la libre circulation, s’était installé».

Le moyen invoqué en ce que la décision ministérielle ne revêtirait pas la motivation nécessaire ne semble pas concluant non plus.

En effet, la décision ministérielle est fondée sur quatre éléments, à savoir la disponibilité de 1974 demandeurs d’emploi appropriés, la priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace économique européen, le fait que le poste de travail n’a pas été déclaré vacant par l’employeur et l’occupation irrégulière de Madame XXX XXX depuis le XXX XXX, de sorte qu’au vu de l’énoncé de ces motifs de refus, il paraît peu probable que le juge du fond puisse retenir un défaut de motivation de la décision sous examen.

En ce qui concerne le moyen selon lequel le ministre n’aurait pas utilisé d’une façon proportionnée le pouvoir d’appréciation lui conféré pour refuser le permis de travail à Madame XXX XXX, force est de retenir que les faits avancés par la demanderesse ne paraissent pas, au vu des éléments actuellement soumis au tribunal et au stade nécessairement sommaire de l’instruction du litige, comme suffisamment sérieux pour retenir une disproportion manifeste du pouvoir exercé par le ministre compétent qui au premier regard paraît avoir fait une application appropriée des textes légaux.

Il suit de ce qui précède qu'au stade actuel de l'instruction du dossier les moyens invoqués à l’encontre de la décision attaquée au fond ne sont pas assez sérieux pour justifier une mesure provisoire au profit de Madame XXX XXX.

Par ces motifs, la soussignée, premier juge du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président et des magistrats plus anciens en rang, tous légitimement empêchés, statuant contradictoirement et en audience publique, déclare la demande non justifiée et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 13 octobre 2008 par Catherine Thomé, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Luc Rassel.

s. Rassel s. Thomé 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 24868
Date de la décision : 13/10/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-10-13;24868 ?

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