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06/09/2007 | LUXEMBOURG | N°23359

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 septembre 2007, 23359


Tribunal administratif Numéro 23359 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 août 2007 Audience publique extraordinaire du 6 septembre 2007 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23359 du rôle et déposée le 22 août 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscr

it au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 24 ...

Tribunal administratif Numéro 23359 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 août 2007 Audience publique extraordinaire du 6 septembre 2007 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23359 du rôle et déposée le 22 août 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 24 mai 1972 à XXX (Brésil), de nationalité brésilienne, ayant été retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 17 août 2007, ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée d’un mois à partir de la notification de cette décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 août 2007 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-

JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 août 2007 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 septembre 2007 à laquelle l’affaire a été refixée d’un commun accord pour continuation des débats et réexposée.

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Le 16 août 2007, Monsieur XXX XXX fut intercepté par la police grand-ducale lors d’une descente de police dans un appartement à Luxembourg à l’occasion de laquelle il présenta un passeport et une carte d’identité brésilienne en cours de validité, sans cependant pouvoir présenter un document justifiant son entrée régulière sur le territoire luxembourgeois. Le Parquet ordonna le même jour une mesure de rétention à l’encontre de Monsieur XXX XXX.

Par arrêté du 17 août 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », ordonna le placement de Monsieur XXX XXX au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. Cette décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu le procès-verbal n° 490 du 16 août 2007 établi par la Police grand-ducale ;

Considérant que le Parquet a prononcé une mesure de rétention en date du 16 août 2007 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

-

qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

-

qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- que l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ».

Cet arrêté fut notifié à Monsieur XXX XXX le même jour et mis à exécution à partir de cette date.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 août 2007, Monsieur XXX XXX a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision ministérielle de placement prévisée du 17 août 2007.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision litigieuse.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement relève que le demandeur a été rapatrié vers le Brésil en date du 27 août 2007, de sorte que le recours serait irrecevable, faute d’intérêt.

Lors des plaidoiries à l’audience publique du 29 août 2007, le mandataire du demandeur a renoncé au recours principal en réformation, au vu du rapatriement de son mandant vers le Brésil, intervenu en date du 27 août 2007.

Le recours en annulation, introduit en ordre subsidiaire, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient en premier lieu que les conditions légalement prévues afin d’ordonner une mesure de placement à son encontre ne seraient pas remplies, étant donné qu’il n’existerait aucun empêchement légal quant à son renvoi au Brésil « sous respect d’un délai minimal pour l’exécution matérielle du refoulement », étant donné qu’il disposerait d’un passeport « en cours de validité ». Partant, l’autorité compétente n’aurait pas veillé à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer son éloignement effectif dans les meilleurs délais.

A l’audience du 29 août 2007, le mandataire du demandeur a encore soutenu que son mandant, en tant que ressortissant brésilien, serait dispensé de l’obligation de visa pour un court séjour dans l’espace Schengen, soit un séjour de moins de 90 jours, et que sur son passeport aurait été apposé le cachet d’entrée à Francfort. Il conteste ainsi la légalité de la décision de placement, au motif que le demandeur ne se serait pas trouvé en séjour irrégulier. Le dossier administratif et, notamment une copie du passeport du demandeur, n’ayant pas été versé en cause, l’affaire a été remise d’un commun accord à l’audience du 5 septembre 2007 pour continuation des débats.

Il se dégage de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972 que lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou d’éloignement en application des articles 9 ou 12 de la même loi est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre compétent, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois. Il en découle qu’une décision de placement au sens de la disposition précitée présuppose une mesure d’expulsion ou d’éloignement légalement prise ainsi que l’impossibilité d’exécuter cette mesure.

En vertu de l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972, une mesure d’éloignement peut être prise « sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal » à l’égard d’étrangers non autorisés à résidence (…) « 2) qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ; 3) auxquels l’entrée dans le pays a été refusée en conformité de l’article 2 [de la loi précitée du 28 mars 1972] ; 4) qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis ».

Aucune disposition législative ou réglementaire ne déterminant la forme d’une décision de refoulement celle-ci est censée avoir été prise par le ministre compétent à partir du moment où les conditions de forme et de fond justifiant un refoulement, telles que déterminées par l’article 12 de la loi du 28 maris 1972 sont remplies, et où, par la suite, une mesure de placement a été décidée à l’encontre de l’étranger. En effet, une telle décision de refoulement est nécessairement sous-jacente à la décision de mise à la disposition du gouvernement, à partir du moment où il n’existe pas d’arrêté d’expulsion (trib. adm. 4 mars 1999, n° 11140 du rôle, Pas. adm. 2006, V° Etrangers, n° 352, et autres décisions y citées).

S’il n’est pas contesté en cause que le demandeur bénéficiait d’un passeport en cours de validité et que les nationaux brésiliens sont dispensés de l’obligation de visa pour l’espace Schengen pour un séjour inférieur à 90 jours, les éléments du dossier administratif ne permettent pas pour autant d’établir avec certitude la régularité du séjour du demandeur au pays lors de la prise de la décision litigieuse.

En effet, il ressort d’un rapport n° 490 du 10 août 2007 de la police grand-ducale, circonscription régionale Luxembourg, SREC Mœurs que le passeport du demandeur ne renseigne aucun cachet d’entrée permettant de déterminer le point de départ d’un prétendu séjour régulier de maximum 3 mois. Il s’y ajoute que d’après le même rapport de police, le demandeur a déclaré sans autres précisions être arrivé quelques mois auparavant à l’aéroport Charles de Gaulle à Paris, d’où il aurait continué son voyage par avion vers l’Allemagne (Francfort) et ensuite en train vers le Luxembourg.

Par ailleurs, le dossier soumis au tribunal ne renseigne pas non plus que le demandeur ait disposé au moment de la prise de la décision litigieuse, au-delà de la somme de 380 euros trouvée en sa possession au moment de son interpellation, de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, tels que prescrits par l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972, le demandeur n’ayant de surcroît pas pris position par rapport à ce volet de motivation.

Il s’ensuit que pour le moins l’une des conditions justifiant un éloignement est remplie en l’espèce et que l’existence d’une mesure implicite d’éloignement à l’encontre du demandeur est partant à admettre. Or, une telle mesure d’éloignement constitue, au vœu de l’article 15 de la loi prévisée du 28 mars 1972, une base suffisante et valable pour la prise d’une mesure de rétention. Le moyen afférent du demandeur est partant à rejeter.

Quant aux démarches entreprises par le ministre, il est constant en cause que le demandeur a été placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière en date du 17 août 2007 et qu’il a été rapatrié au Brésil en date du 27 août 2007, soit après 10 jours de rétention.

Au vu des diligences ainsi déployées par les autorités luxembourgeoises dans un délai extrêmement rapproché, aucun reproche afférent ne saurait leur être adressé, de sorte que le moyen relatif à l’insuffisance des démarches accomplies laisse également d’être fondé.

Le demandeur conclut ensuite au caractère inapproprié du lieu de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière au motif que le régime auquel il aurait été soumis serait un régime de détention du fait de son placement « dans une cellule isolée prévue pour les délinquant[e]s de droit commun », et ceci en violation de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 qui prévoirait la rétention d’un étranger en situation irrégulière dans un établissement approprié.

Concernant en premier lieu la prétendue violation de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme, s’il est exact que le placement d’une personne au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig par application de l’article 15 (1) de la loi précitée du 28 mars 1972 comporte une restriction à la liberté, de sorte qu’une mesure de rétention doit être examinée quant à sa compatibilité avec l’article 5 § 1er de la Convention européenne des droits de l’homme, une telle mesure privative de liberté se justifie cependant conformément aux termes de l’article 5 § 1 point f dans le cas de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours, situation vérifiée en l’espèce, le terme d’expulsion devant être entendu dans son acception la plus large et visant toutes les mesures respectivement d’éloignement et de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays.

Pour le surplus, force est au tribunal de constater que les conditions de rétention résultent en leurs grandes lignes du régime spécifique tel qu’instauré par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, règlement qui renvoie en son article 5 directement pour toutes les questions qu’il ne règle pas lui-même au règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires.

Or, l’autorité chargée de l’application de ces règlements grand-ducaux n’est pas le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, mais conformément à l’article 18 du prédit règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 le ministre de la Justice, dont dépend l’administration des établissements pénitentiaires, ainsi qu’en application de l’article 19 du même règlement grand-ducal le procureur général d’Etat, chargé de la direction générale et de la surveillance des établissements pénitentiaires.

En ce qui concerne les modalités pratiques de la rétention, telles que par exemple la question litigieuse du placement d’une personne transsexuelle dans une pièce individuelle, force est de constater que ces modalités, en ce qu’elles concernent la gestion journalière du centre de rétention intégré au centre pénitentiaire, relèvent conformément à l’article 68 du prédit règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 des compétences du directeur de l’établissement qui, aux termes de cet article, assure, sous l’autorité du procureur général d’Etat, la direction et l’administration de l’établissement et qui est responsable du bon fonctionnement de l’établissement en question.

Force est par ailleurs de constater que le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 instaure une voie de recours spécifique auprès du procureur général d’Etat au profit des détenus et, en application de l’article 5 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, également au profit des retenus, qui s’estiment lésés par une décision du directeur (cf. trib. adm. 13 juin 2007, n° 23011 du rôle et trib. adm. 18 juillet 2007, n° 23199 du rôle, non encore publiés).

Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent que le grief mis en avant par le demandeur, qui s’analyse en un grief relatif aux modalités concrètes et matérielles de son placement, est étranger à la décision du ministre telle que déférée et au cadre légal dans lequel la décision déférée a été prise, à savoir la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens et est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

donne acte au demandeur qu’il renonce au recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Gillardin, juge, M. Fellens, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 6 septembre 2007 par le vice-président, en présence de M. May, greffier en chef de la Cour administrative, greffier assumé.

s. May s. Lenert 7


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 23359
Date de la décision : 06/09/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-09-06;23359 ?

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