GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 22161 C Inscrit le 17 novembre 2006
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Audience publique du 22 mai 2007 Recours formé par …, … contre une décision du comité-directeur du Service de Santé au Travail multisectoriel en matière d’employé de l’Etat - Appel -
(jugement entrepris du 9 octobre 2006, no 18933a du rôle)
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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 17 novembre 2006 par Maître Georges Pierret, avocat à la Cour, au nom de …, épouse …, demeurant à …, contre un jugement rendu en matière d’employé de l’Etat par le tribunal administratif à la date du 9 octobre 2006, à la requête de l’actuelle appelante contre une décision du comité-directeur du Service de Santé au Travail multisectoriel du 18 octobre 2004 portant licenciement dans son chef en sa qualité d’employée de l’Etat avec respect d’un délai de préavis de quatre mois venant à échéance le 28 février 2005 et dispense de service avec effet immédiat jusqu’à la fin de la période de préavis ;
Vu le jugement du tribunal administratif du 13 avril 2005, numéro 18933 du rôle ;
Vu l’arrêt de la Cour administrative du 18 octobre 2005, numéro 19833C du rôle ;
Vu l’arrêt de la Cour administrative du 21 mars 2006, numéro 20685C du rôle, relatif à la requête en tierce-opposition déposée par le Service de Santé au Travail multisectoriel contre le prédit arrêt du 18 octobre 2005 ;
Vu le jugement du tribunal administratif du 9 octobre 2006, numéro 18933a du rôle ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou Thill, demeurant à Luxembourg, du 20 novembre 2006 portant signification de cette requête d’appel au Service de Santé au Travail Multisectoriel ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 19 décembre 2006 par Maître Alain Rukavina, au nom du Service de Santé au Travail Multisectoriel et transmis à la même date en télécopie à Maître Georges Pierret ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 19 janvier 2006 par Maître Georges Pierret, au nom de l’appelante et transmis en télécopie à Maître Alain Rukavina en date du 18 janvier 2006 ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 16 février 2007 par Maître Alain Rukavina et transmis en télécopie à Maître Georges Pierret en date du 15 février 2007 ;
Vu la notification de l’appel, ordonnée par la Cour par note au plumitif en date du 27 mars 2007, à l’intimé Etat du Grand-Duché de Luxembourg le 29 mars 2007 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Ouï le conseiller en son rapport et Maître Gabrielle Eynard, en remplacement de Maître Georges Pierret ainsi que Maître Annick Braun, en remplacement de Maître Alain Rukavina en leurs observations orales.
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Après avoir été informée par courrier recommandé du 5 octobre 2004 de l’intention du Service de Santé au Travail multisectoriel, établissement public, de la licencier concernant son engagement à durée indéterminée en raison de 20 heures de travail par semaine comme employée de bureau dans la carrière B1, … s’est vu notifier en date du 18 octobre 2004 une décision de licenciement émanant dudit comité-directeur moyennant respect d’un délai de préavis de quatre mois prenant effet au 28 février 2005 et dispense de service avec effet immédiat jusqu’à la fin de la période de préavis.
Par requête inscrite sous le numéro 18933 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 décembre 2004 … a demandé la réformation, sinon l’annulation de la décision du comité-directeur du Service de Santé au Travail multisectoriel du 18 octobre 2004 portant licenciement dans son chef en sa qualité d’employée de l’Etat.
Le tribunal administratif, par jugement du 13 avril 2005, a déclaré ce recours caduc au motif que le recours initial n’a pas été signifié à la partie défenderesse, à savoir l’établissement public Service de Santé au Travail multisectoriel, cet établissement étant à considérer aux termes de ce jugement comme partie défenderesse au sens de l’article 4 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
… a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 20 mai 2005 en reprochant notamment aux juges de première instance une appréciation erronée des éléments de la cause alors qu’ils auraient à tort considéré que l’Etat n’est pas son employeur.
Par arrêt du 18 octobre 2005, numéro 19833C du rôle, la Cour administrative a reçu l'appel en la forme et l’a déclaré fondé en disant que c'est à tort que le tribunal administratif a déclaré le recours en annulation caduc et a renvoyé le dossier en prosécution de cause devant le tribunal administratif.
Le Service de Santé au Travail multisectoriel a déposé en date du 22 novembre 2005 une requête en tierce opposition au greffe de la Cour administrative, requête qui a été déclarée irrecevable par arrêt de la Cour administrative du 21 mars 2006, numéro 20685C du rôle.
2 Suite à l’arrêt de la Cour administrative du 18 octobre 2005, le Service de Santé au Travail multisectoriel a déposé en date du 10 mai 2006 une requête en intervention volontaire devant le tribunal administratif qui a été déclarée recevable en la forme.
Le tribunal administratif, statuant à l’égard de toutes les parties en date du 9 octobre 2006, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté.
Le recours en annulation a été déclaré irrecevable.
Maître Georges Pierret, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 17 novembre 2006 pour compte de ….
La partie appelante reproche aux juges de première instance une appréciation erronée des éléments de la cause en se basant sur les mêmes moyens de fait que ceux exposés en première instance en estimant que le licenciement opéré serait à considérer comme intervenu de façon illégale.
L’appelante fait notamment valoir que la décision de résilier son contrat d’engagement n’aurait pas pu être valablement fondée sur l’article 7.3 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 et que le fait de se limiter à baser sa décision sur des textes inapplicables équivaudrait à une absence de motivation juridique.
L’appelante conteste par la suite l’absentéisme habituel qui lui a été reproché ainsi que toute désorganisation de l’entreprise de sorte que l’employeur n’aurait pas démontré en quoi il ne pouvait plus compter sur une collaboration régulière de sa part.
Maître Alain Rukavina, avocat à la Cour, a déposé un mémoire en réponse en date du 19 décembre 2006 pour compte du Service de Santé au Travail Multisectoriel dans lequel sa partie interjette appel incident en faisant valoir qu’il aurait appartenu au tribunal administratif de déclarer le recours initial caduque, l’arrêt de la Cour du 18 octobre 2005 ne s’étant pas prononcé sur la question de savoir qui a été l’employeur de ….
Quant au fond du dossier, la partie intimée demande la confirmation du premier jugement.
La partie appelante a déposé un mémoire en réplique en date du 19 janvier 2007 dans lequel elle approfondit ses développements antérieurs après avoir contesté la recevabilité et le bien-
fondé de l’appel incident.
La partie intimée a déposé un mémoire en duplique en date du 16 février 2007 dans lequel elle approfondit ses arguments antérieurement développés.
La Cour a ordonné en date du 27 mars 2007 une notification du jugement du 9 octobre 2006 à l’Etat qui n’a pas déposé de mémoire dans les délais légaux.
Sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour estime que ceux-ci ont, dans un examen complet et minutieux de tous les éléments recueillis, apprécié ces derniers à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.
3 Le Service de Santé au Travail multisectoriel avait soulevé en première instance dans le cadre d’une requête en intervention volontaire la caducité du recours initial au motif que ce recours ne lui aurait jamais été signifié.
Il s’était prévalu à ce sujet de l’article 4 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives et avait estimé être « incontestablement » partie défenderesse au sens de cet article 4 (2), de sorte que, faute de notification du recours à son égard, le recours aurait dû être déclaré caduc.
La demanderesse avait résisté à ce moyen de caducité en première instance en affirmant que le tribunal administratif ne serait actuellement plus saisi de cette question dans la mesure où elle aurait déjà été tranchée par l’arrêt de la Cour administrative précité du 18 octobre 2005 et elle avait estimé que le tribunal administratif, au vu de l’autorité de force jugée attachée à cette question, serait désormais uniquement saisi du fond du litige et serait invité à trancher la question du bien fondé de son licenciement.
Le Service de Santé au Travail multisectoriel avait fait répliquer que ledit arrêt ne saurait lui être opposé alors qu’il n’était pas partie à celui-ci.
Aux termes de l’article 4 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives « faute par le requérant d’avoir procédé à la signification de son recours à la partie défenderesse dans le mois du dépôt du recours, celui-
ci est caduc ».
Le tribunal administratif, dans son jugement du 13 avril 2005, avait identifié le Service de Santé au Travail multisectoriel en tant que partie défenderesse au sens de « la personne juridique au nom de laquelle la décision administrative déférée à travers le recours a été prise », et, ayant constaté que le recours n’avait pas été signifié au Service de Santé au Travail multisectoriel dans le mois de son dépôt, avait déclaré le recours caduc.
Dans son arrêt du 18 octobre 2005, la Cour administrative, saisie de l’appel déposé à l’encontre du prédit jugement, a relevé que « … a été affiliée à titre d’employée de l’Etat en date du 14 juin 2002 par l’Administration du Personnel de l’Etat au Centre Commun de la Sécurité sociale et a par ailleurs reçu une rémunération mensuelle de la part de l’administration du personnel de l’Etat pour exercer son activité auprès d’une « administration inconnue » (sic).
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 décembre 2004 et dans laquelle la partie requérante a demandé acte que son recours est dirigé contre l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre de la Santé, n’est à déclarer caduc pour défaut de signification à l’établissement public de santé au travail multisectoriel, l’hypothèse d’une mise en intervention ou d’une intervention volontaire de cet organisme étant toujours possible.
Le jugement du 13 avril 2003 est partant à réformer dans ce sens ».
Le jugement subséquent du tribunal administratif entrepris du 9 octobre 2006 a retenu que « l’autorité de chose jugée n’a lieu, aux termes de l’article 1351 du Code civil, qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement, étant entendu qu’il faut que la chose demandée 4 soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité.
L’arrêt du 18 octobre 2005 ne revêt dès lors pas l’autorité de chose jugée au sens de l’article 1351 du Code civil à l’égard du Service de Santé au Travail multisectoriel.
Cependant, il revêt une telle autorité à l’égard des parties présentes en instance d’appel, à savoir à l’égard de … et à l’égard de l’Etat.
Le tribunal, saisi sur renvoi par le prédit arrêt, ne saurait dès lors se départir de la décision des juges d’appel, sans remettre en question l’autorité de chose jugée entre … et l’Etat et risquer une contrariété de décisions judiciaires en ce qui concerne la caducité de la requête introductive d’instance.
Or il se dégage nécessairement de cet arrêt que suivant l’appréciation de la Cour administrative le Service de Santé au Travail multisectoriel n’est pas à considérer comme partie défenderesse au sens de l’article 4 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, mais en tant que tiers intéressé, dont la mise en intervention – volontaire ou ordonnée par le tribunal – peut être effectuée sans être soumise à un quelconque délai. » Il s’ensuit que le moyen tenant à la caducité du recours initial est à rejeter.
La Cour adopte et fait siens ces développements qui répondent de façon exhaustive tant aux arguments présentés en première instance qu’à ceux développés en instance d’appel dans le cadre de l’appel incident qui est à rejeter comme étant non fondé.
C’est encore à bon droit que les premiers juges ont déclaré le recours principal recevable sur base de l’article 11 alinéa 1er de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, instaurant un recours au fond notamment en matière de contestations résultant du contrat d’emploi d’un tel employé.
La Cour fait sienne les développements et l’argumentation des premiers juges qui ont retenu à bon escient en ce qui concerne le moyen tiré d’un défaut d’indication des motifs à la base de la décision déférée que c’est à juste titre que la demanderesse a fait plaider qu’un employé de l’Etat, dans ses relations avec l’administration, est un administré au sens du règlement grand-
ducal du 8 juin 1979, précité, de sorte qu’en principe, les dispositions dudit règlement lui sont applicables dans la mesure où les règles spécifiques régissant son statut ne présentent pas pour lui des garanties équivalentes et que la décision déférée du 18 octobre 2004 répond aux exigences posées par l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, étant donné qu’elle indique expressément les textes légaux sur lesquels elle se fonde, à savoir l’article 2.1(d) de la loi du 14 décembre 2001 précitée ainsi que les articles 5 et 7.3. de la loi modifiée du 27 janvier 1972, et que la formulation retenue dans cette décision est claire et précise en retenant comme motif de résiliation du contrat de travail les absences répétées accumulées par la demanderesse pour raison de santé.
En effet, l’article 7.3. de la loi modifiée du 27 janvier 1972 stipule que « les dispositions des paragraphes 1 et 2 [en vertu desquels la résiliation du contrat de travail est impossible, sauf à titre de mesure disciplinaire, lorsqu’il est en vigueur depuis dix ans et que l’employé est âgé de trente-cinq ans au moins] ne portent pas préjudice au droit du ministre compétent de résilier le contrat en cas d’absence prolongée ou d’absences répétées pour raison de santé de l’employé qui ne bénéficie pas encore du régime de pension des fonctionnaires de l’Etat visé 5 à l’article 8. Cette résiliation ne pourra être prononcée que sur avis du ministre de la Fonction publique et après que la Caisse de pension des employés privés, à la requête du ministre compétent et suivant des modalités à déterminer par règlement grand-ducal, se sera prononcée sur l’invalidité professionnelle de l’employé au sens des dispositions légales concernant l’assurance-pension des employés privés ».
Il ressort des termes de l’article 7.3. précité que le ministre compétent - ou en l’espèce, en application de l’article 2.1(d) de la loi du 14 décembre 2001, le comité-directeur - peut résilier en cas d’absence prolongée ou d’absences répétées pour raison de santé le contrat d’engagement d’un employé de l’Etat qui ne bénéficie pas encore du régime de pension des fonctionnaires de l’Etat visé à l’article 8 de la loi modifiée du 27 janvier 1972, régime qui est acquis notamment après vingt années de service à compter de l’entrée en vigueur du contrat à durée indéterminée. Dès lors, un contrat d’engagement d’un employé de l’Etat, conclu depuis moins de vingt ans au moment de sa résiliation, est susceptible de résiliation si l’un des motifs susvisés est établi.
Il se dégage des pièces versées que … ne remplissait pas les conditions de l’article 8 de la loi modifiée du 27 janvier 1972, étant donné que la durée totale pendant laquelle elle a été au service de l’Etat comportait une durée inférieure à 20 ans, à savoir 9 ans.
C’est partant à tort qu’elle querelle d’irrégularité le licenciement en ce que l’article 7.3. de la loi modifiée du 27 janvier 1972 ne lui aurait pas été applicable.
En ce qui concerne la question de l’absentéisme en tant que motif de licenciement, il n’est pas contesté en cause que … a accumulé des absences pour raison de santé, soit 47 jours en 2003 et 70 jours en 2004, ces absences, ne concernant pas deux absences prolongées dues à des opérations, mais des absences répétées s’étalant en 2003 sur 8 mois et en 2004 sur 5 mois. Les conditions telles qu’énoncées par l’article 7.3. de la loi modifiée du 27 janvier 1972 sont dès lors remplies, face à « des absences prolongées et répétées pour raison de santé ».
Cette conclusion ne saurait été ébranlée par l’argumentation de l’appelante tirée de ce que ses absences seraient dues à des raisons de santé, le tribunal administratif ayant à bon droit retenu que l’article 7.3 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 qui prévoit de manière explicite la résiliation du contrat de l’employé de l’Etat en cas d’absence prolongée ou d’absences répétées pour raison de santé et qui n’est pas à confondre avec la jurisprudence des juridictions du travail relative aux dispositions législatives sur le contrat de travail qui a dégagé l’absentéisme habituel du salarié comme cause licite de licenciement.
Par ailleurs, il découle du prédit article 7.3. de la loi modifiée du 27 janvier 1972 que si un employé est absent pour des raisons de santé et que cette absence excède, soit par sa durée, soit par son caractère répété, un niveau raisonnable, le contrat de travail peut être résilié, indépendamment de la question de savoir s’il y a eu ou non désorganisation du service public concerné, le texte tendant en effet à sanctionner les périodes de maladie excessives.
Il se dégage de toutes les considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a résilié le contrat d’engagement de …de sorte que le jugement du 9 octobre 2006 est à confirmer.
Par ces motifs 6 la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son conseiller, reçoit l’acte d’appel du 17 novembre 2006, le déclare cependant non fondé confirme le jugement du 9 octobre 2006 dans toute sa teneur, condamne l’appelante aux dépens des deux instances.
Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur Henri Campill, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.
le greffier le vice-président 7