GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 22460 C Inscrit le 19 janvier 2007
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
-----------
Audience publique du 24 avril 2007 Recours formé par …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -
(jugement entrepris du 21 décembre 2006, no 21322 du rôle)
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 19 janvier 2007 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, au nom de …, né le … à … (Kosovo/République de Serbie), de nationalité serbe, demeurant actuellement à …, contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié par le tribunal administratif à la date du 21 décembre 2006, à la requête de l’actuel appelant tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 15 février 2006 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, telle que confirmée, sur recours gracieux, par une décision du même ministre du 27 mars 2006 ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 2 février 2007 par la déléguée du Gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques.
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.
Ouï le conseiller-rapporteur Marc Feyereisen en son rapport et Maître Olivier Lang, ainsi que la déléguée du Gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques en leurs observations orales.
-----------------------------------------------------------------------------------
-----------------------------------------------------
Par requête inscrite sous le numéro 21322 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 avril 2006 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, …, né le … à … (Kosovo/République de Serbie), de nationalité serbe, demeurant actuellement à …, a demandé la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 15 février 2006 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, telle que confirmée, sur recours gracieux, par une décision du même ministre du 27 mars 2006.
Le tribunal administratif, statuant à l’égard de toutes les parties en date du 21 décembre 2006, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté.
Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 19 janvier 2007 pour compte de ….
La partie appelante reproche aux juges de première instance une appréciation erronée des éléments de la cause en se basant sur les mêmes moyens de fait que ceux exposés en première instance en estimant remplir les conditions pour bénéficier du statut de réfugié.
L’appelant fait notamment exposer à l’appui de son appel qu’il aurait déjà fait l’objet d’un grave attentat et que ce serait par miracle qu’il se trouve encore en vie.
Par ailleurs, l’appelant fait valoir qu’il ne peut bénéficier d’une protection adéquate, efficace et suffisante des autorités de son pays et qu’il ne disposerait par ailleurs d’aucune possibilité de fuite interne.
Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 2 février 2007 dans lequel il demande la confirmation du jugement entrepris.
Sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour estime que ceux-ci ont, dans un examen complet et minutieux de tous les éléments recueillis, apprécié ces derniers à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.
L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».
La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
C’est à juste titre que le tribunal administratif a retenu que l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte-
rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, l’amène à conclure que … reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.
En effet, une crainte de persécution doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions et force est de constater avec les premiers juges que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis actuellement à la Cour.
2 Le récit de … (qui est d’origine albanaise et en tant que tel membre de la communauté ethnique majoritaire au Kosovo) traduit tout au plus un sentiment général d’insécurité, sans qu’il n’ait fait état d’une persécution ou d’une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.
Pour le surplus, les problèmes mis en avant par l’appelant actuel, à les supposer établis, n’émanent pas de l’Etat, mais de personnes privées, en l’occurrence de personnes masquées, que … suppose appartenir au groupe armé UPK, lesquelles ne peuvent pas être considérées comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève et le demandeur reste en défaut d’établir à suffisance de droit que les autorités de son pays d’origine refuseraient de le protéger ou seraient dans l’impossibilité de lui fournir une protection d’une efficacité suffisante, étant relevé que la notion de protection des habitants d’un pays contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission matérielle d’un acte criminel et qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers uniquement en cas de défaut de protection dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, le demandeur n’ayant établi en aucune manière qu’il aurait essayé de porter plainte auprès des autorités compétentes de son pays d’origine.
Finalement, comme dégagé à bon escient par les premiers juges, les craintes invoquées en l’espèce se cristallisent essentiellement à la commune de … et … ne soumet aucun élément pertinent permettant d’établir les raisons pour lesquelles il ne serait pas en mesure, en tant qu’Albanais du Kosovo, de trouver refuge à l’heure actuelle dans une autre partie du Kosovo, étant entendu que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité du demandeur d’asile sans restriction territoriale et que le défaut d’établir les raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne doit être pris en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié.
De tout ce qui précède, il résulte que les craintes dont l’appelant a fait état s’analysent en substance en un sentiment général d’insécurité lequel ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, de sorte que l’appel est à déclarer non fondé.
Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son conseiller, reçoit l’acte d’appel du 19 janvier 2007, le déclare cependant non fondé, confirme le jugement du 21 décembre 2006 dans toute sa teneur, condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par 3 Jean Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur Henri Campill, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.
le greffier le vice-président 4