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24/04/2007 | LUXEMBOURG | N°22431C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 avril 2007, 22431C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 22431 C Inscrit le 12 janvier 2007

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Audience publique du 24 avril 2007 Recours formé par les époux … et …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 13 décembre 2006, no 21554 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 22431 C Inscrit le 12 janvier 2007

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Audience publique du 24 avril 2007 Recours formé par les époux … et …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 13 décembre 2006, no 21554 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 12 janvier 2007 par Maître Adrian Sedlo, avocat à la Cour, au nom de …(Kosovo/Etat de Serbie), tous les deux de nationalité serbe, demeurant actuellement ensemble à L-…, contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié par le tribunal administratif à la date du 13 décembre 2006, à la requête des actuels appelants tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 18 avril 2006 rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre prise le 23 mai 2006 sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 23 janvier 2007 par la déléguée du Gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï le conseiller-rapporteur Marc Feyereisen en son rapport et Maître Alban Colzon, en remplacement de Maître Adrian Sedlo, ainsi que la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück en leurs observations orales.

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Par requête inscrite sous le numéro 21554 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 juin 2006 par Maître Adrian Sedlo, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, …(Kosovo), tous les deux de nationalité serbe, demeurant actuellement ensemble à L-…, ont demandé la réformation, sinon l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 18 avril 2006 rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre prise le 23 mai 2006 sur recours gracieux.Le tribunal administratif, statuant à l’égard de toutes les parties en date du 13 décembre 2006, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté.

Il a déclaré le recours en annulation irrecevable.

Maître Adrian Sedlo, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 12 janvier 2007 pour compte des époux … et ….

Les appelants reprochent aux juges de première instance une appréciation erronée des éléments de la cause en se basant sur les mêmes moyens de fait que ceux exposés en première instance en estimant remplir les conditions pour bénéficier du statut de réfugié.

Les appelants font notamment valoir qu’il serait notoirement connu que les minorités goranaise et bosniaque au Kosovo feraient l’objet de persécutions de la part des Albanais.

Les appelants soulignent par ailleurs que leur audition aurait fait apparaître qu’ils auraient fait l’objet de menaces verbales et que des coups leur auraient été infligés.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 23 janvier 2007 dans lequel il demande la confirmation du jugement entrepris.

Sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour estime que ceux-ci ont, dans un examen complet et minutieux de tous les éléments recueillis, apprécié ces derniers à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

C’est à juste titre que le tribunal administratif a retenu que l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes-rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, l’amène à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

2 En effet, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé et l'opportunité des décisions querellées à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance des demandeurs d’asile.

En ce qui concerne cette situation actuelle, il est constant en cause, comme rappelé à bon escient par les premiers juges, que suite au retrait des troupes yougoslaves serbes, une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur le territoire, de même qu’une administration civile, sous l’autorité des Nations Unies, dotée des plus larges pouvoirs pour assurer l’administration de la province y a été mise en place.

En ce qui concerne la situation des membres des minorités ethniques au Kosovo et plus particulièrement celle des bochniaques pour … et celle des goranais pour …, s’il est vrai que la situation générale des membres de ces deux minorités ethniques au Kosovo reste difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à subir des insultes voire des menaces et discriminations, elle n’est cependant pas telle que tout membre de l’une ou l’autre minorité ethnique visée serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève, étant entendu qu’une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considérés individuellement et concrètement, les demandeurs d’asile risquent de subir des persécutions.

Or, en l’espèce les faits concrets relatés par les appelants actuels lors de leurs auditions respectives et à travers leur recours se rapportant à des insultes, menaces et autres agressions de la part de membres de la communauté albanaise du Kosovo, sont certes condamnables, mais sont insuffisants pour établir un état de persécution personnelle vécue ou une crainte qui serait telle que la vie des demandeurs leur serait, à raison intolérable dans leur pays d’origine.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’affirmation des appelants consistant à soutenir que les membres de minorités ethniques du Kosovo se verraient systématiquement accorder une tolérance, étant donné que même à la supposer établie, le fait d’accorder une tolérance à un demandeur d’asile débouté en raison de circonstances de fait empêchant momentanément son rapatriement, et le fait d’accorder le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, procèdent de dispositions légales et de considérations matérielles différentes.

Concernant les problèmes relatés par … en relation avec son engagement en faveur du parti politique SDA, outre que les faits concrets exposés dans ce contexte remontent essentiellement à l’époque de la campagne électorale de 2002 et ne sont partant plus d’actualité, ils ne revêtent par ailleurs pas le caractère de gravité requis pour rendre aux demandeurs la vie intolérable dans leur pays d’origine.

Si les appelants tendent en l’espèce certes à décrire une situation d’insécurité et d’hostilité envers les minorités de leur pays d’origine, ils n’ont soumis aucun indice concret relativement à l’incapacité actuelle des autorités compétentes de leur assurer une protection adéquate.

En effet, le simple fait de prétendre que les autorités actuellement en place au Kosovo, en l’occurrence la MINUK, ne seraient pas en mesure de leur assurer une protection efficace, sans apporter d’autres précisions à ce sujet, n’est pas de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités.

En ce qui concerne la crainte des époux …. d’une éventuelle vengeance fondée sur la loi du Kanun des membres de la famille de la victime tuée dans l’accident de la circulation causé par 3 … en juillet 2003, force est de constater avec les premiers juges que la vendetta ne peut pas être regardée comme un motif de persécution relevant de l’article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève, de sorte que les craintes énoncées en raison de ces faits ne sont pas de nature à permettre de regarder les appelants comme relevant du champ d’application des dispositions de la Convention de Genève, le risque pour les demandeurs de subir la vindicte des membres de la famille de la victime relevant de la sphère du droit commun.

De tout ce qui précède, il résulte que les appelants restent en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans leur pays d’origine, de manière que l’appel doit être rejeté pour ne pas être fondé.

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son conseiller, reçoit l’acte d’appel du 12 janvier 2007, le déclare cependant non fondé, confirme le jugement du 13 décembre 2006 dans toute sa teneur, condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur Henri Campill, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 22431C
Date de la décision : 24/04/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-04-24;22431c ?

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