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19/04/2007 | LUXEMBOURG | N°22228C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 avril 2007, 22228C


GRAND-DUCHE DE LUXEM… COUR ADMINISTRATIVE Numéro 22228C du rôle Inscrit le 27 novembre 2006

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 19 AVRIL 2007 Appel interjeté par Mme …, épouse …, … contre un jugement du tribunal administratif du 18 octobre 2006, n° 20833 du rôle, déclarant irrecevable pour se heurter à l’autorité de la chose jugée son recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la « taxation intervenue lui notifiée en date du 28/08/2003 par

l’administration des Contributions directes et concernant l’année fiscale 1998, pour a...

GRAND-DUCHE DE LUXEM… COUR ADMINISTRATIVE Numéro 22228C du rôle Inscrit le 27 novembre 2006

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 19 AVRIL 2007 Appel interjeté par Mme …, épouse …, … contre un jugement du tribunal administratif du 18 octobre 2006, n° 20833 du rôle, déclarant irrecevable pour se heurter à l’autorité de la chose jugée son recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la « taxation intervenue lui notifiée en date du 28/08/2003 par l’administration des Contributions directes et concernant l’année fiscale 1998, pour autant qu’elle porte sur un prétendu bénéfice commercial de 23.834.785 LUF » en matière d’impôt sur le revenu

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 27 novembre 2006 par Maître Jean-Paul NOESEN en nom et pour compte de Mme …, demeurant à …, …, contre un jugement rendu en matière d’impôt sur le revenu par le tribunal administratif en date du 18 octobre 2006, à la requête de l’actuelle appelante tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la « taxation intervenue lui notifiée en date du 28/08/2003 par l’administration des Contributions directes et concernant l’année fiscale 1998, pour autant qu’elle porte sur un prétendu bénéfice commercial de 23.834.785 LUF » ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 27 décembre 2006 par M. le délégué du gouvernement Jean-Marie Klein ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 26 janvier 2007 en nom et pour compte de l’appelante ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 26 février 2007 par Maître Bernard FELTEN en nom et pour compte de Mmes …, demeurant à …, et …, demeurant à …, lequel mémoire a été signifié par exploit de l’huissier de justice Frank SCHAAL de Luxembourg. du 16 février 2007 à l’appelante et à M. …, préqualifiés ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le conseiller rapporteur entendu en son rapport et Maître Jean-Paul NOESEN et Maître Fréderic GERVAIS, en remplacement de Maître Bernard FELTEN, ainsi que M. le délégué du gouvernement Jean-Marie Klein en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 mars 2007.

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Par jugement du 18 octobre 2006, le tribunal administratif, première section, statuant contradictoirement, a déclaré irrecevable le recours contentieux lui soumis par Mme … et introduit par requête inscrite sous le numéro 20833 du rôle et déposée le 23 décembre 2005.

La décision des premiers juges est fondée sur ce que le recours de Mme … se heurterait à l’autorité de la chose définitivement jugée.

Pour arriver à cette conclusion, les premiers juges ont dégagé du libellé de la requête introductive de la première instance qu’elle « vise en fait le bulletin d’impôt sur le revenu pour l’année 1998, émis le 28 août 2003 par le bureau d’imposition Luxembourg. X à l’encontre de Madame … et versé au dossier » et que ce faisant elle réitère un recours introduit le 9 juin 2004 à l’encontre du même bulletin d’impôt sur le revenu pour l’année 1998, du 28 août 2003, recours ayant été « toisé » par un jugement du tribunal administratif du 20 avril 2005, n° 18200 du rôle.

Ils ont encore décidé que Mme … ne saurait utilement faire état d’une réclamation adressée au directeur de l’administration des Contributions directes et visant « un bulletin de l’impôt sur le revenu concernant la société …n° fiscal … pour l’exercice 1998 », dans le cadre duquel, Mme … a demandé audit directeur de « mettre à néant le bénéfice commercial de 82.327.109 LUF mis à charge de …-…, sinon de l’Immobilière … … », au motif qu’il ne saurait en être déduit que Mme …, à travers son recours itératif, vise également « ce bulletin non autrement identifié, étant entendu que le tribunal ne saurait mettre à néant l’ensemble ou seulement une partie d’un bulletin d’impôt qui ne lui est pas soumis ».

Constatant la triple identité de cause, d’objet et des parties, ils en ont conclu que l’autorité de la chose jugée, que le jugement du 20 avril 2005 aurait acquise, impliquerait l’irrecevabilité du recours leur soumis.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 27 novembre 2006, Maître Jean-

Paul NOESEN, agissant en nom et pour compte de Mme …, a relevé appel du susdit jugement.

Réexposant les antécédents de l’affaire, la partie appelante reproche aux premiers juges d’avoir déclaré son recours irrecevable, aux motifs que :

- aucune autorité de chose jugée ne s’attacherait au jugement précité du 20 avril 2005.

Dans ce contexte, elle relève que ledit jugement a déclaré son premier recours contentieux irrecevable – pour des motifs qu’elle aurait acceptés, de sorte à ne pas interjeter appel et dont elle aurait tenu compte par la suite –, mais qu’il n’y aurait pas été statué quant au fond de l’affaire, de sorte qu’il ne saurait être question d’autorité de chose jugée ;

2 - les premiers juges auraient fait droit à des conclusions non formulées par les parties à l’instance, c’est-à-dire qu’ils auraient non seulement formulé d’office un moyen qui ne serait que d’ordre privé, mais qui plus est auraient violé ses droits de la défense, le moyen n’ayant pas pu être débattu par elle ;

- son recours du 23 décembre 2005 ne viserait pas la même chose que le premier recours dont elle a saisi le tribunal administratif le 9 juin 2004. Comparant les dispositifs des deux recours en question, elle estime que si le premier recours contentieux du 9 juin 2004 visait la décision d’imposition individuelle lui adressée, le deuxième recours du 23 décembre 2005, vise « l’annulation pour compte de la requérante, de la décision d’imposition visant la société », de sorte qu’il ne saurait être question de réitération du premier recours, le deuxième recours tenant compte « des enseignements de la décision du n° de rôle 18200 [le jugement précité du 20 avril 2005] en demandant précisément ce que cette décision lui reprochait de ne pas avoir demandé, à savoir l’annulation sinon la réformation de l’imposition de la société ».

Sur ce, la partie appelante demande la réformation du jugement a quo et au fond, aux termes du dispositif de la requête d’appel la mise à néant du « bénéfice commercial de 82.327.109 LUF mis à charge de …, sinon de la Immobilière … .., mais en tout cas de la société portant le n° fiscal pour l’exercice 1998 ;

par voie de conséquence, mettre à néant le renvoi de 23.834.735,- LUF mis à charge de Madame … … pour l’exercice 1998, à la suite d’un renvoi en provenance du contribuable, figurant sous le numéro fiscal … ;

principalement alors qu’il est basé sur de fausses pièces et de faux bilans qui n’ont jamais reçu l’approbation de l’assemblée des actionnaires, et qu’il n’y a pas de remise de dette de la … et subsidiairement dire qu’il constitue un gain d’assainissement non imposable au vœu de l’article 52 LIR.

En cas de réformation, mettre l’imposition émise à charge de la requérante pour l’année fiscale 1998 à néant ;

Avant tout autre progrès en cause, ordonner la nouvelle communication du dossier administratif complet, y compris - la copie de la décision attaquée - la correspondance et les notes internes de l’Administration, - ainsi que tous les éléments permettant d’identifier le contribuable numéro fiscal …, la déclaration d’impôts de ce dernier pour 1998 et les pièces justificatives jointes tels que bilans pour autant que de besoin, ordonner la mise en intervention du contribuable au numéro fiscal … tout à fait subsidiairement, fait droit aux conclusions de Monsieur le Délégué du Gouvernement tendant à l’annulation d’office de l’imposition pour ne pas avoir été notifiée aux exploitants, sans que les conditions du 219 AO ne soient remplies ».

3 Le délégué du gouvernement, dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 27 décembre 2006, rétorque que les premiers juges auraient à bon droit constaté que, tout comme dans l’affaire ayant abouti au jugement précité du 20 avril 2005, la requête introductive de la première instance tendrait à exercer un recours en réformation sinon en annulation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu 1998 de l’appelante en critiquant le bénéfice commercial attribué à l’appelante dans le cadre de l’établissement séparé et en commun des revenus d’une entreprise collective.

Or, relevant que le premier recours avait été déclaré irrecevable par ledit jugement du 20 avril 2005, au motif qu’un bulletin de l’impôt sur le revenu ne peut être attaqué avec des moyens visant en réalité le bulletin d’établissement séparé et en commun des revenus d’une entreprise collective, il s’en suivrait que même à admettre que ledit jugement n’ait pas acquis autorité de chose jugée, le nouveau recours n’en serait pas moins irrecevable, pour le même motif que le précédent.

Le délégué du gouvernement demande encore la confirmation du constat des premiers juges que le fait de se référer dans son exposé des faits à une réclamation dirigée contre un bulletin concernant les revenus de « …. » et qu’elle demande dans le dispositif de sa requête introductive de la première instance la mise à néant du bénéfice commercial mis à charge de cette société « sinon de l’Immobilière … », n’implique pas que Mme … a introduit un recours contre ce bulletin non autrement identifié.

L’appelante a développé ses moyens et conclusions dans un mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour le 26 janvier 2007.

Dans ce mémoire, elle relève que le délégué du gouvernement aurait concédé en première instance que le bulletin attaqué aux termes du dispositif du recours était nul ab initio pour défaut de notification aux associés de la société.

Pour le cas où son recours devrait être affecté d’une imperfection rédactionnelle le droit à un procès équitable garanti par l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme impliquerait que le juge les examine « avec le plus grand soin et de la manière la plus diligente possible, et avec une réelle volonté d’approfondir l’examen des moyens et arguments énoncés, dussent-ils l’être imparfaitement, par les plaideurs jusqu’à assimilation complète par la juridiction ».

Elle soutient encore qu’avant de déclarer un recours irrecevable, le juge devrait inviter la partie concernée à fournir les explications de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige.

Sur ce, elle reproche aux premiers juges d’avoir manqué de prendre en considération ses développements en droit et sans lui avoir donné l’occasion de s’expliquer.

Admettant encore que le dispositif de sa requête introductive de la première instance vise à « mettre à néant le bénéfice commercial de 82.327.109 LUF mis à charge de sinon de la Immobilière … … mais en tout cas de la société portant le n° fiscal … pour l’exercice 1998 », cet état des choses s’expliquerait par le fait qu’elle ne détiendrait pas le bulletin en question, de sorte à ne pas savoir avec certitude quelle société est le destinataire de l’imposition qu’elle doit attaquer.

4 Ensuite, le fait qu’elle n’a pas joint le bulletin attaqué ne saurait par ailleurs pas lui être préjudiciable, alors qu’il « résulte cependant du dossier et de l’aveu de la partie adverse qui conclut elle-même de ce fait à l’annulation de l’imposition en première instance que la requérante n’a jamais reçu la décision, et ce alors que les conditions du paragraphe §219 AO dispensant l’administration d’une notification à la requérante ne sont pas données » et qu’à l’impossible, nul ne serait tenu, d’une part, et qu’il appartiendrait au contraire à « l’Administration » de verser cette pièce.

Dans cet ordre d’idées et à travers le dispositif de son mémoire en réplique, elle demande à la Cour de « dire que la requérante a, en vertu de l’article 6 § 1 CEDH, droit dans un délai raisonnable à un débat sur le fond concernant une imposition qui lui fait grief, qu’elle n’a pas l’obligation, dans un pays membre du Conseil de l’Europe, de verser une décision administrative qui ne lui a jamais été notifiée pour rendre son recours recevable, et qu’elle n’a pas à identifier en lieu et place de l’administration, des contribuables tiers dont on ne connaît que le numéro fiscal, pour rendre son recours recevable ».

Le 26 février 2007, Maître Bernard FELTEN, agissant en nom et pour compte de Mmes … et …, a déposé au greffe de la Cour un mémoire en réponse à travers lequel elles interjettent appel incident contre le jugement du 23 décembre 2006, en ce qu’il a déclaré irrecevable le recours de l’appelante au principal dirigé contre « l’imposition de l’exercice 1998 visant la société …. » et en ce que les premiers juges n’ont pas pris position quant à sa propre demande tendant également à la réformation sinon à l’annulation du bulletin d’imposition émis à charge de la société « …» relativement à l’année 1998.

L’appel est recevable pour avoir été déposé dans les formes et délai prévus par la loi.

Lors des plaidoiries, la Cour a rendu l’attention des parties sur le fait que le mémoire en réponse de Maître Bernard FELTEN introduit en nom et pour compte de Mmes … et … a été déposé au greffe de la Cour administrative le 26 février 2007, sa signification à la partie appelante et à M. … datant du 16 février 2007, tout en invitant les parties à prendre position par rapport à l’incidence de l’article 46 (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, qui dispose que « la partie intimée et le tiers intéressé sont tenus de fournir leur réponse dans le délai d’un mois à dater de la signification de la requête d’appel ».

Les parties représentées à l’audience se sont toutes rapportées à prudence de justice quant à la question de savoir si le mémoire en réponse en question était ou non à prendre en considération.

La loi précitée du 21 juin 1999 prévoit en son article 46 (1) que la partie intimée et le tiers intéressé sont tenus de fournir leur réponse dans le délai d’un mois à dater de la signification de la requête d’appel, qui est intervenue en l’espèce à l’égard des dames … et … le 29 novembre 2006.

Il y a lieu de relever que la question de la communication des mémoires dans les délais prévus par la loi touche à l’organisation juridictionnelle, étant donné que le législateur a prévu les délais émargés sous peine de forclusion (art 46 (3) de la loi précitée du 21 juin 1999), d’une part ; que la fourniture du mémoire en réponse dans le délai d’un mois de la communication de la requête d’appel inclut - implicitement, mais nécessairement - l’obligation de le déposer 5 au greffe de la Cour et de le communiquer aux parties concernées dans ledit délai d’un mois, d’autre part et qu’en l’espèce, aucune prorogation de délai n’a été demandée à la présidente de la Cour conformément à l’article 46 (4) de la loi de 1999 ni, par la force des choses, accordée par cette dernière, de troisième part.

Ceci étant, dans la mesure où l’acte d’appel a été signifié aux parties tierces-intéressées, … et …, le 29 novembre 2006, le dépôt et la communication de leur mémoire en réponse a dû intervenir pour le 29 décembre 2007 au plus tard.

Or, force est de constater que tant le dépôt que la communication aux parties concernées, intervenus respectivement en date des 26 février 2007 (dépôt au greffe) et 16 février 2007 (signification à l’appelante et au tiers intéressé M. …), ne sont pas intervenus dans le susdit délai.

Par conséquent, à défaut d’avoir été communiqué et déposé dans le délai d’un mois légalement prévu à peine de forclusion, la Cour est dans l’obligation d’écarter le mémoire en réponse dont question des débats.

Ceci étant, la Cour est en premier lieu appelée à se prononcer par rapport au reproche libellé à l’encontre des premiers juges tiré de ce que le moyen d’irrecevabilité en raison de l’autorité de la chose jugée, par eux retenus et jugé justifié, aurait été formulé d’office, alors que ce moyen ne serait que simplement d’ordre privé, le manquement étant doublé d’une prétendue violation des droits de la défense, au motif que la partie appelante, demanderesse initiale, n’aurait pas pu en débattre utilement.

L’analyse de ce moyen est en effet préalable et, à le supposer fondé, impliquerait l’annulation pure et simple du jugement a quo.

Le moyen afférent manque cependant en fait, étant donné que la question a été expressément soulevée au cours de la première instance par le délégué du gouvernement, lequel, à travers son mémoire en réponse du 23 mars 2006, avait insisté sur ce que la requête introduite par Mme … le 23 décembre 2005 ne serait que la simple réitération du recours précédent introduit le 9 juin 2004 et déclaré irrecevable par le jugement du 20 avril 2005.

Or, ce faisant le délégué du gouvernement entendait clairement paralyser latéralement la deuxième demande en justice introduite par Mme … et revendiquait l’utilisation d’une norme de droit.

La question d’une éventuelle fin de non-recevoir en raison de la chose jugée ayant ainsi été dans le débat, les premiers juges ne pouvaient non seulement y répondre, mais se devaient même de ce faire en dégageant le droit applicable à partir des éléments concrets d’un problème soulevé en cause.

Par ailleurs, les éléments concrets d’une question ayant été fournis par son contradicteur, la demanderesse initiale, assistée d’un professionnel de la postulation en justice, ne pouvait ignorer le problème, mais elle aurait dû et pu s’y prononcer moyennant développement de sa prise de position y relativement dans le cadre de la production d’un mémoire en réplique.

6 En ce qui concerne le fondement de la fin de non-recevoir basée sur la chose jugée, il y a lieu de relever que l’autorité de la chose jugée s’attache à tout jugement qui tranche une contestation.

Or, en l’espèce, s’il est indiscutable que le jugement du tribunal administratif du 20 avril 2005, n° 18200 du rôle, n’a pas connu du fond de la demande en réformation ou en annulation dont Mme … a saisi le tribunal administratif le 9 juin 2004, de sorte à ne pas avoir d’autorité de chose jugée sous ce rapport, il n’en reste pas moins que le jugement en question n’est pas moins rendu « sur le fond », et a donc autorité de chose jugée, en ce sens qu’il a mis fin à une contestation, impliquant le dessaisissement du juge administratif de la question qu’il a tranchée.

En d’autres termes, il importe peu que la contestation dont il est question en cause n’a pas portée sur tout ou partie du principal, mais sur une question de recevabilité, le jugement du 20 avril 2005, n° 18200 du rôle, a acquis l’autorité de chose jugée relativement à un point précis – en l’occurrence un incident – du procès qu’il a définitivement réglé.

Reste la question de savoir si le deuxième recours de Mme …, à savoir celui dont elle a saisi le tribunal administratif le 23 décembre 2005, pose la même question que celle qui a déjà été tranchée, l’autorité de la chose jugée supposant une identité d’objet, de cause et de parties.

Les parties et la cause étant certes identiques dans les deux affaires (n° 18200 du rôle et n° 20833 du rôle), il se dégage cependant de la comparaison des dispositifs des deux requêtes introductives de première instance ci-après transcrits que l’objet des deux recours n’est pas identique.

Contenu du dispositif de la requête Recours de Mme … du Recours de Mme … du 23 introductive devant le tribunal 9 juin 2004 (n° 18200 du rôle) décembre 2005 (n° 20833 du rôle) administratif (…) déclarer le présent recours (…) déclarer le présent recours recevable en la forme recevable en la forme partant partant réformer sinon annuler la taxation mettre à néant le bénéfice d’office intervenue lui notifiée en commercial de 82.327.109 LUF date du 28/08/2003, pour autant mis à charge de… sinon de la qu’elle l’impose pour un prétendu Immobilière…, mais en tout cas de bénéfice commercial de la société portant le n° fiscal … 23.834.785 LUF pour l’exercice 1998 en cas de réformation, mettre l’imposition émise à charge de la par voie de conséquence, mettre à requérante pour l’année fiscale néant le renvoi de 23.834.735,-

1998 à néant ;

LUF mis à charge de Madame … … pour l’exercice 1998, à la suite avant tout autre progrès en cause, d’un renvoi en provenance du ordonner la communication du contribuable, figurant sous le dossier administratif c o m p l e t, y numéro fiscal … ;

compris la correspondance et les notes internes de l’Administration, principalement alors qu’il est basé ainsi que tous éléments permettant sur de fausses pièces et de faux d’identifier le contribuable numéro bilans qui n’ont jamais reçu fiscal …, la déclaration d’impôts de l’approbation de l’assemblée des ce dernier pour 1998 et les pièces actionnaires, et qu’il n’y a pas de 7 justificatives jointes tels que bilans remise de dette de la … pour autant que de besoin, et subsidiairement dire qu’il ordonner la mise en intervention du constitue un gain d’assainissement contribuable au numéro fiscal … non imposable au vœu de l’article (…) 52 LIR.

en cas de réformation, mettre l’imposition émise à charge de la requérante pour l’année fiscale 1998 à néant ;

avant tout autre progrès en cause, ordonner la nouvelle communication du dossier administratif c o m p l e t, y compris -

copie de la décision attaquée -

la correspondance et les notes internes de l’Administration -

ainsi que tous les éléments permettant d’identifier le contribuable numéro fiscal …, la déclaration d’impôts de ce dernier pour 1998 et les pièces justificatives jointes tels que bilans pour autant que de besoin, ordonner la mise en intervention du contribuable au numéro fiscal … (…) Même s’il y a indubitablement des « imperfections rédactionnelles » en ce sens que le dispositif de la deuxième requête du 23 décembre 2005, tout comme d’ailleurs celui de la requête antérieure, n’est pas un modèle de précision pour ce qui concerne l’objet du litige, c’est-à-dire en l’occurrence de la décision administrative dont la réformation ou l’annulation est demandée, il n’appert pas moins de l’analyse et de la comparaison des deux dispositifs émargés que la partie demanderesse initiale a entendu redresser son « erreur » antérieure consistant à agir à l’encontre du bulletin d’imposition individuelle pour agir dorénavant contre le bulletin d’établissement séparé et en commun de « la » société dont elle est un des coexploitants intéressés et qui est à la base du renvoi qui lui est préjudiciable.

En effet, le fait de demander au juge administratif de « mettre à néant le bénéfice commercial de 82.327.109 LUF mis à charge de .. sinon de la Immobilière… mais en tout cas de la société portant le n° fiscal … pour l’exercice 1998 » laisse clairement apercevoir que la partie demanderesse initiale entend suivre les « enseignements » du jugement du 23 avril 2005, qui a retenu l’irrecevabilité du recours sur base de ce qu’« il découle de la combinaison de ces dispositions légales [paragraphes 218 (2) et 232 (2) AO] qu’un contribuable, qui est l’associé d’une entreprise collective pour laquelle le bénéfice est fixé par bulletin d’établissement séparé et en commun, ne saurait être admis à critiquer la détermination du bénéfice de l’entreprise dans le cadre d’un recours dirigé contre le bulletin dérivé de l'impôt sur le 8 revenu émis à son égard et reprenant sa part du bénéfice ainsi fixée dans ses bases d’impôt personnelles. Un recours contre un bulletin de l'impôt sur le revenu dont les moyens visent en réalité la fixation du bénéfice de l’entreprise collective par le bulletin d’établissement séparé et en commun encourt l’irrecevabilité » et qu’elle entend rectifier le tir en conséquence.

Cette conclusion est confirmée par le fait constant que le deuxième recours fait suite à une réclamation adressée le 3 mai 2005 au directeur suite au susdit jugement du 23 avril 2005 et explicitement dirigé contre « le bulletin de l’impôt sur le revenu concernant une société … l’exercice 1998 », ensemble la considération que la qualification du recours contentieux du 23 décembre 2005, c’est-à-dire de la suite logique qui s’imposait à Mme … suite au silence prolongé du directeur, doit se faire à la lumière de ce préalable obligatoire.

Il s’y ajoute que, d’une part, l’on ne saurait raisonnablement faire de reproche à Mme … de ne pas avoir produit le bulletin par elle visé, dès lors qu’il est constant en cause que le bulletin en question ne lui fut jamais notifié. Par ailleurs, il y a lieu de préciser que l’article 2 de la loi précitée du 21 juin 1999 pose certes le principe que « la décision critiquée doit figurer en copie parmi les pièces versées », mais que le législateur a tempéré cette exigence en précisant que « si le demandeur en dispose ; si tel n’est pas le cas, elle est à verser en cours de procédure par celui qui en est détenteur ».

La Cour ne peut pas retenir, sans en tirer la moindre conséquence, que l’Etat plaide que les services compétents ne font imprimer qu’un original d’un bulletin d’impôt, lequel exemplaire unique est envoyé au destinataire, de sorte qu’il ne serait possible d’en produire de copie.

Sans qu’il n’appartienne à la Cour de s’immiscer dans l’organisation interne de l’Etat, la Cour ne saurait admettre que les justiciables pâtissent de pareille pratique pour le moins insolite.

D’autre part, au regard des circonstances très particulières de la cause, le fait qu’il y ait indéniablement des ambiguïtés quant au destinataire exact du bulletin visé par Mme …, cet état des choses ne saurait lui être préjudiciable pour provenir d’un imbroglio dont elle n’est pas responsable.

Il s’ensuit que le jugement a quo est à réformer en ce sens que le recours contentieux de Mme … du 23 décembre 2005 n’est pas à déclarer irrecevable en raison de la chose jugée s’attachant au jugement prévisé du 23 avril 2005.

Sur ce, évoquant, la Cour constate que le recours contentieux de Mme … du 23 décembre 2005, non autrement critiqué y relativement, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

La Cour est ainsi appelée à connaître du fond du litige, que la demanderesse initiale entend voir toiser dans les meilleurs délais, l’affaire étant d’ailleurs disposée à recevoir une décision définitive.

En effet, l’affaire est en état et les parties ont déjà en première instance pris contradictoirement des conclusions sur le fond du litige qu’elles ont pour l’essentiel reprises en instance d’appel.

Ce constat s’impose spécialement au regard d’un point de l’affaire qui, même si la partie appelante n’en a traité qu’en ordre subsidiaire dans le dispositif de sa requête d’appel, est préalable par rapport aux différents autres moyens soulevés et demandes formulées.

9 Il s’agit des questions posées par le défaut de notification du bulletin d’établissement séparé et en commun litigieux, notamment à Mme ….

Le paragraphe 91 AO dispose que « Verfügungen (Entscheidungen, Beschlüsse, Anordnungen) der Behörden für einzelne Personen werden dadurch wirksam, dass sie demjenigen zugehen, für den sie ihrem Inhalt nach bestimmt sind (Bekanntgabe). Öffentliche Bekanntmachung oder Auslegung von Listen genügt, wo sie nach den Steuergesetzen zugelassen ist. Zustellung ist nur erforderlich, wo sie ausdrücklich vorgesehen ist » et d’en dégager qu’une décision n’a d’effet qu’à l’égard du destinataire qui en a reçu régulièrement notification par lui-même ou par représentant.

Ceci étant, les parties appelante et intimée sont à rejoindre en leurs conclusions, sur ce point, concordantes, tendant à faire retenir que dès lors qu’il y a dissensions vérifiées entre associés et connues du bureau d’imposition – pareilles dissensions étant patentes en l’espèce entre les coassociés de la société figurant sous le numéro fiscal …, apparemment, au regard des ambiguïtés restant non élucidables, la société …et la connaissance du bureau d’imposition concerné, par ailleurs non contestée, devant également être admise –, le bureau d’imposition émetteur du bulletin d’établissement séparé et en commun, au sens du paragraphe 215 AO, avec effet pour et contre les coexploitants conformément au paragraphe 218 AO, à la base du renvoi de 23.834.735,- LUF en provenance du contribuable figurant sous le numéro fiscal …, mis à charge de Mme … pour l’exercice 1998, ne pouvait plus se prévaloir du paragraphe 219 AO pour notifier le bulletin d’établissement séparé et en commun au seul gérant de ladite société avec l’effet prédécrit pour et contre les coexploitants, mais il lui incombait de le notifier séparément à chacune des parties, notamment à l’actuelle appelante, Mme ….

Au titre des conséquences qu’il convient d’en dégager, il y a lieu de relever que les actes concernant une personne déterminée ne produisent d’effets à l’égard de cette personne qu’autant qu’ils ont fait l’objet d’une notification, ses effets ne pouvant se déterminer que par les énonciations de la copie notifiée (CE 10 décembre 1947, n° 4303 du rôle), de sorte qu’à l’égard de l’appelante, Mme …, le bulletin critiqué non notifié, à la base du renvoi dont il est question ci-dessus, ne lui est pas opposable.

L’inopposabilité du bulletin non notifié implique que le bulletin en question est à considérer comme n’ayant pas d’existence pour ce qui concerne notamment Mme … et qu’il ne saurait partant pas lui faire grief.

Cet état des choses ayant été mis en évidence, il convient d’en dégager que le litige s’en trouve épuisé, l’examen des mérites et pertinence des demandes et moyens encore formulés par Mme … n’étant pas de nature à procurer une satisfaction plus grande à l’intéressée.

Par ces motifs, la Cour, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit en la forme l’acte d’appel du 27 novembre 2006, 10 écarte pour cause de dépôt tardif le mémoire en réponse de Maître Bernard FELTEN déposé en nom et pour compte de Mmes … et …, par réformation du jugement entrepris du 18 octobre 2006, dit que le recours contentieux de Mme … du 23 décembre 2005 n’est pas à déclarer irrecevable en raison de la chose jugée s’attachant au jugement du 20 avril 2005, évoquant, reçoit en la forme le recours contentieux introduit par Mme …, au fond, déclare le recours fondé en ce que le bulletin critiqué par Mme …, à la base du renvoi qui lui est préjudiciable, en provenance du contribuable figurant sous le numéro fiscal …, en raison de son défaut de notification est à considérer comme n’étant pas opposable à Mme …, dit que l’inopposabilité du bulletin non notifié implique que le bulletin en question ne saurait faire grief à Mme … et qu’il ne saurait partant pas constituer une base d’imposition valable - par renvoi – à son encontre, pour le surplus, dit le recours non fondé et en déboute, condamne l’Etat aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente, Jean-Mathias Goerens, vice-président, Henri Campill, conseiller rapporteur, et lu par la présidente Marion Lanners en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier la présidente 11


Synthèse
Numéro d'arrêt : 22228C
Date de la décision : 19/04/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-04-19;22228c ?

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