Tribunal administratif N° 22715 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 mars 2007 Audience publique du 30 mars 2007
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Requête en sursis à exécution introduite par Madame XXX, XXX, et consorts contre une décision de la ministre de la Famille et de l'Intégration en présence de la société à responsabilité limitée XXX, XXX, en matière d'agrément d'une XXX
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ORDONNANCE
Vu la requête déposée le 22 mars 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Nadia JANAKOVIC avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de:
1. Madame XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
2. Madame XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
3. Madame XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
4. Monsieur XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
5. Madame XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
6. Monsieur XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
7. Monsieur XX, sans état connu, demeurant à XXX ;
8. Madame XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
9. Monsieur XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
10. Monsieur XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
11. Madame XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
12. Monsieur XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
13. Madame XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
14. Madame XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
15. Madame XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
16. Madame XXX, sans état connu, demeurant à XXX, 17. Madame XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
18. Monsieur XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
19. Madame XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
20. Madame XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
21. Madame XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
22. Madame XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
23. Madame XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
24. Madame XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
25. Madame XXX, sans état connu, demeurant à XXX ;
tendant au sursis à exécution d'un arrêté de la ministre de la Famille et de l'Intégration du 26 février 2007 ayant retiré l'agrément pour l'exploitation d'une XXX à la société à responsabilité limitée la société à responsabilité limitée XXX, avec siège à XXX, un recours en réformation, sinon en annulation déposé le même jour, inscrit sous le numéro 22714 du rôle, étant actuellement pendant devant le tribunal administratif ;
Vu l'exploit de l'huissier de justice Carlos CALVO, demeurant à Luxembourg, du 26 mars 2007, portant signification de la prédite requête en sursis à exécution à la société XXX, préqualifiée, représentée par son gérant actuellement en fonctions:
Vu l'article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;
Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;
Maître Nadia JANAKOVIC pour les demandeurs, Maître Tania HOFFMANN pour la société XXX et Madame la déléguée du gouvernement Claudine KONSBRUCK entendues en leurs plaidoiries respectives.
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Le 16 février 2007, la ministre de la Famille et de l'Intégration prit un arrêté de la teneur suivante:
"Vu la loi du 8 septembre 1998 réglant les relations entre l’Etat et les organismes oeuvrant dans les domaines social, familial et thérapeutique, appelée ci-après la loi, Vu le règlement grand-ducal modifié du 20 décembre 2001 portant exécution des articles 1er et 2 de la loi du 8 septembre 1998 réglant les relations entre l’Etat et les organismes dans les domaines social, familial et thérapeutique pour ce qui concerne l’agrément gouvernemental à accorder aux gestionnaires de structures d’accueil sans hébergement d’enfants, appelé ci-après le règlement, Vu l’agrément accordé à titre définitif en date du 14 mai 2004 à la société à responsabilité limitée « XXX » ayant son siège à XXX, pour l’exercice de l’activité définie par le règlement grand-ducal du 20 décembre 2001 sous la dénomination de « XXX » à la même adresse, Vu la mise en demeure de la ministre de la Famille et de l’Intégration du 9 février 2007 invitant la société à responsabilité limitée « XXX » de se conformer dans un délai de 30 jours aux dispositions de la loi et du règlement, Le responsable de la société à responsabilité limitée « XXX » entendu en ses explications en date du 14 février 2007, ARRETE :
Art. 1er. L’agrément prévu par la loi pour l’exercice de l’activité définie par le règlement grand-ducal modifié du 20 décembre 2001 sous la dénomination de « XXX » est retiré à la société à responsabilité limitée « XXX » ayant son siège à XXX, pour les motifs suivants :
extension d’une XXX en violation des dispositions légales et réglementaires violation des dispositions de l’article 11 du règlement grand-ducal modifié du 20 décembre 2001 concernant la qualification du chargé de direction d’une XXX dysfonctionnements graves au niveau de la prise en charge éducative des enfants accueillis et de l’information des parents des enfants accueillis gestion irresponsable de la nutrition des enfants Art. 2. Conformément aux dispositions du règlement grand-ducal modifié du 20 décembre 2001, le présent retrait de l’agrément entraîne la fermeture de la XXX dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la décision de retrait.
Art. 3. La décision de retrait d’agrément est publiée dans les quotidiens sous forme d’avis officiel à l’intention des usagers de la XXX." Le 22 mars 2007, Madame XXX, Madame XXX, Madame XXX, Monsieur XXX, Madame XXX, Monsieur XXX, Monsieur XXX, Madame XXX, Monsieur XXX, Monsieur XXX, Madame XXX, Monsieur XXX, Madame XXX, Madame XXX, Madame XXX, Madame XXX, Madame XXX, Monsieur XXX, Madame XXX, Madame XXX, Madame XXXX, Madame XXX, Madame XXX, Madame XXX, et Madame XXX, ont introduit un recours en réformation, sinon en annulation contre le prédit arrêté ministériel et par requête déposée le même jour, ils sollicitent le sursis à exécution de cet arrêté en attendant que le recours au fond soit toisé.
Ils font exposer que certains demandeurs sont parents d'enfants qui profitent de la structure d'accueil et que d'autres sont des salariés de la société XXX. Ils font expliquer que l'exécution de l'arrêté critiqué risque de leur causer un préjudice grave et définitif en ce que si la XXX doit arrêter ses activités, les parents des enfants qui y sont inscrits se verront privés de toute structure d'accueil et les salariés qui y travaillent perdront leur emploi.
Ils estiment par ailleurs que les moyens invoqués à l'appui du recours au fond sont sérieux. Ils font notamment valoir les moyens suivants:
- malgré le fait que la décision était de nature à affecter leurs intérêts, la ministre de la Famille et de l'Intégration a omis de les associer à l'élaboration de la décision, en violation de l'article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes;
- le gouvernement aurait violé les formes de la procédure de retrait de l'agrément.
Il résulterait de l'application combinée des articles 49 du règlement grand-ducal du 20 décembre 2001 portant exécution des articles 1er et 2 de la loi du 8 septembre 1998 réglant les relations entre l'Etat et les organismes œuvrant dans le domaine social, familial et thérapeutique et de l'article 4 de la loi du 8 septembre 1998, précitée, qu'en cas d'infractions à la réglementation constatées, un avertissement doit être adressé au gestionnaire de la structure d'accueil avant que la procédure de retrait de l'agrément ne puisse être déclenchée. Or, aucun avertissement n'aurait été adressé à la société XXX;
- il y aurait pareillement eu violation de l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes en ce que la société XXX ne se serait pas vu communiquer les éléments de droit et de fait ayant amené l'administration à agir et qu'elle n'aurait pas été invitée à présenter ses observations dans un délai de huit jours;
- il y aurait encore eu violation de l'article 4 de la loi du 8 septembre 1988, précitée, en ce qu'une mise en demeure aurait été adressée à la société XXX lui impartissant un délai de 30 jours pour se conformer aux injonctions y contenues, mais que la procédure de retrait aurait été mise en œuvre sans qu'il y ait eu la moindre vérification si elle s'était effectivement conformée aux exigences du ministère;
- la décision de retrait se limiterait à des formules générales et ne contiendrait pas de motivation précise, de sorte qu'elle contreviendrait à l'article 6 du règlement grand-
ducal du 8 juin 1979, précité;
- quant à la justification de la mesure de retrait d'agrément, les demandeurs estiment que les différents reproches formulés à l'égard de la société XXX dans l'arrêté ministériel de retrait d'agrément ne sont pas justifiés. – Concernant l'extension de la XXX, celle-ci aurait bien présenté une demande afférente et se serait engagée dans un échange de courrier nourri avec l'administration qui l'aurait alors laissée dans la croyance qu'elle était d'accord avec cette extension. – Le reproche tiré du défaut de qualification du chargé de direction de la XXX ne serait pas justifié. La chargée de direction pendant la période visée par les reproches de l'administration disposerait du titre d'éducatrice graduée légalement exigé et entre-temps, après la mise en demeure, une autre personne jouissant des qualifications légalement exigées aurait été engagée. – Les prétendus dysfonctionnements sont contestés. Il se dégagerait du témoignage d'un certain nombre de parents ayant profité des infrastructures de la XXX que ceux-ci étaient très satisfaits des services offerts.
La société XXX s'est ralliée aux développements des demandeurs.
La déléguée du gouvernement soulève en premier lieu l'irrecevabilité de la requête en sursis à exécution pour défaut d'intérêt dans le chef des demandeurs. Ceux-ci ne seraient pas les destinataires directs de la décision administrative qui ne les affecterait qu'indirectement.
La déléguée du gouvernement conteste encore le risque d'un préjudice grave et définitif dans le chef des demandeurs. Elle souligne que le gouvernement s'est offert pour leur trouver des structures d'accueil de rechange.
Elle estime finalement que les moyens invoqués à l'appui du recours au fond ne sont pas sérieux. Elle est d'avis qu'il n'est pas besoin d'adresser un avertissement à l'exploitant d'une XXX avant de lancer la procédure de retrait de l'agrément. Elle soutient encore qu'il n'était pas besoin de se rendre sur les lieux après la mise en demeure adressée à la demanderesse étant donné que le défaut de se conformer à certaines obligations administratives – qualification du chargé de direction, déclaration du personnel de la XXX, etc. – pouvait être constaté sans un tel déplacement. Par ailleurs, les formes légalement prévues pour la procédure de retrait de l'agrément – convocation de l'exploitant, délai accordé pour présenter ses observations, motivation de la décision – auraient été respectées. – La décision serait par ailleurs justifiée au fond. Des pourparlers en vue de l'agrandissement de la XXX ne sauraient suppléer à l'obtention préalable d'une autorisation administrative avant de procéder à une telle extension. Les personnes ayant effectivement assuré la direction de l'établissement n'auraient pas été détentrices des diplômes requis pour une telle fonction. Les parents auraient constamment été mal informés voire induits en erreur sur la réalité de ce qui se passait à la XXX. Les inspections répétées de la XXX auraient mis en évidence une pauvreté et uniformité extrême de la nutrition des enfants.
En vertu de l'article 11, (2) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.
La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s'abstenir de préjuger les éléments soumis à l'appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu'il doit s'abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond. En revanche, il doit examiner et trancher les questions concernant la recevabilité de la demande dont il est personnellement saisi. Saisi d'une demande de sursis à exécution, il doit apprécier l'intérêt à agir du demandeur par rapport aux mesures sollicitées et débouter celui-ci s'il apparaît qu'il ne justifie pas d'un intérêt à agir suffisamment caractérisé concernant la mesure provisoire.
En l'espèce, le moyen tiré du défaut d'intérêt à agir ne vise pas, de manière spécifique, la mesure de sursis à exécution ou d'institution d'une mesure de sauvegarde, mais la régularité du retrait de l'agrément pour la structure d'accueil de la société XXX.
Le moyen en question touche partant le fond du droit; il relève plus précisément du caractère sérieux des moyens invoqués à l'appui du recours au fond et il doit être examiné dans ce cadre.
En l'espèce, la condition du risque d'un préjudice grave et définitif n'est pas remplie en ce qui concerne les parents d'enfants profitant de la structure d'accueil. En effet, eu égard à l'offre faite par le ministère de la Famille et de l'Intégration de trouver d'autres structures d'accueil dans les environs, le préjudice que ces parents risquent de subir ne saurait être qualifié de grave ni, surtout, de définitif. Même en l'absence d'une telle offre, le préjudice afférent serait peut-être momentanément grave, mais pas définitif puisqu'à terme, les parents devraient trouver et trouveraient une solution de rechange.
Il en est autrement des salariés de la société XXX qui, effectivement, risquent de se trouver, du moins certains d'entre eux et pour une certaine période, au chômage, avec les risques que cela comporte pour trouver un nouvel emploi. Dans leur chef, le risque d'un préjudice grave et définitif est donné.
Concernant le sérieux des moyens invoqués au fond, il y a lieu d'examiner en premier lieu le moyen de défense tiré de l'absence d'intérêt à agir des demandeurs car si ce moyen se révèle être sérieux, il est à présumer que le tribunal, statuant au fond, ne sera pas amené à examiner le fond de la requête et que, partant, les chances de succès de la demande ne sont pas sérieuses, ce qui doit entraîner le rejet de la requête en sursis à exécution.
Au stade actuel de l'instruction de la demande, nécessairement sommaire, il paraît que le moyen tiré de l'absence d'intérêt à agir juridiquement protégé des salariés de l'entreprise soit sérieux. S'ils justifient en effet d'un intérêt, celui-ci ne saurait cependant être qualifié de direct mais d'indirect. Il paraît que les personnes qui se qualifient de tiers intéressés exercent en réalité l'action appartenant au bénéficiaire direct de l'agrément, à savoir la société XXX. On n'a qu'à imaginer, pour les besoins de la discussion, que cette société soit d'accord avec la décision ministérielle et l'accepte. Dans une telle éventualité, il ne serait que difficilement imaginable que ceux qui se qualifient de tiers intéressés attaquent une décision acceptée par le destinataire direct.
Le même raisonnement vaut encore à l'égard des parents des enfants qui fréquentent la structure d'accueil exploitée par la société XXX.
Eu égard à ces éléments, il y a lieu de rejeter la demande.
Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, déclare la demande en sursis à exécution non justifiée et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 30 mars 2007 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Ravarani Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le Le Greffier en chef du Tribunal administratif 7