GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 21364 C Inscrit le 4 mai 2006
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Audience publique du 1er février 2007 Appel formé par la Fondation XXX contre deux ordonnances du président du tribunal administratif des 8 et 27 mars 2006 (n° 21085 du rôle) l’ayant opposée, sur requête en référé, au ministre XXX en présence des sociétés anonymes XXX S.A, XXX, XXX S.A., XXX, et XXX S.A., XXX, de même que de la société XXX S.C., XXX en matière d’accès du public à l’information en matière d’environnement
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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 21364C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 4 mai 2006 par Maître Florence Turk-Torquebiau, avocat à la Cour, au nom de la Fondation XXX, établissement d’utilité publique, établie et ayant son siège social à XXX, déclarant être représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, dirigée contre deux ordonnances rendues par le président du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg, respectivement les 8 et 27 mars 2006 (n° 21085 du rôle), sur sa requête en référé tendant à ordonner au ministre XXX de rendre disponibles les informations environnementales sollicitées suivant trois questions par elle posées dans une lettre du 6 janvier 2006, ainsi qu’à ordonner la communication, par le même ministre, de l’étude intitulée « XXX 2025 ; XXX – XXX, Juni 2004 », en reprochant à la première ordonnance en date d’avoir ordonné la mise en intervention des sociétés anonymes XXX, XXX et XXX, de même que de la société XXX, ainsi qu’à celle du 27 mars 2006 d’avoir déclaré sa demande irrecevable au motif qu’en l’état des publications légalement requises et de celles effectivement réalisées, la requérante, Fondation XXX, n’aurait su, activement, se prévaloir de la personnalité juridique dans le cadre d’un recours contentieux ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy Engel, demeurant à Luxembourg, du 19 mai 2006 portant signification de cette requête d’appel aux sociétés anonymes XXX S.A., établie et ayant son siège social à XXX, XXX S.A., établie et ayant son siège social à XXX et XXX S.A., établie et ayant son siège social à XXX, ainsi qu’à la société XXX S.C., établie et ayant son siège social à XXX ;
Vu le mémoire en réponse déposé le 1er juin 2006 au greffe de la Cour administrative par Monsieur le délégué du Gouvernement Guy Schleder ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 14 juin 2006 par Maître Victor Elvinger, au nom de la société anonyme XXX S.A. ;
Vu les actes d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en réponse à Maître Florence Turk-Torquebiau, ainsi qu’à Maîtres Roger Nothar, avocat à la Cour, mandataire de la société anonyme XXX S.A. et Guy Loesch, avocat à la Cour, mandataire des société anonyme XXX S.A. et société coopérative XXX S.C. ;
Vu le mémoire en réponse, intitulé « mémoire en réplique », déposé au greffe de la Cour administrative le 14 juin 2006 par Maître Guy Loesch au nom des société anonyme XXX S.A. et société coopérative XXX S.C. ;
Vu les actes d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en réponse à Maîtres Florence Turk-Torquebiau, Roger Nothar et Victor Elvinger ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 15 juin 2006 par Maître Roger Nothar au nom de la société anonyme XXX S.A. ;
Vu les actes d’avocat à avocat du 14 juin 2006 portant notification de ce mémoire en réponse à Maîtres Florence Turk-Torquebiau, Guy Loesch et Victor Elvinger ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 29 juin 2006 par Maître Florence Turk-Torquebiau au nom de la Fondation XXX ;
Vu les actes d’avocat à avocat du 28 juin 2006 portant notification de ce mémoire en réplique à Maîtres Guy Loesch, Guy Elvinger et Roger Nothar ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 27 septembre 2006 par Maître Victor Elvinger au nom de la société anonyme XXX ;
Vu les actes d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en duplique à Maîtres Florence Turk-Torquebiau, Roger Nothar et Guy Loesch ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 27 septembre 2006 par Maître Guy Loesch au nom des sociétés anonymes XXX S.A. et coopérative XXX S.C. ;
Vu les actes d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en duplique à Maîtres Florence Turk-Torquebiau, Roger Nothar et Victor Elvinger ;
Vu les pièces versées au dossier et notamment les ordonnances entreprises ;
Ouï le premier conseiller en son rapport, ainsi que Maîtres Florence Turk-
Torquebiau, Guy Loesch, Jean-Paul Espen en remplacement de Maître Roger Nothar et Serge Marx en remplacement de Maître Victor Elvinger, de même que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs observations orales à l’audience publique du 21 décembre 2006.
En date du 6 janvier 2006, la Fondation XXX a sollicité de la part du ministre de XXX les trois séries d’informations suivantes : « 1. Quelle est la quantité d’électricité fournie par la turbine gaz vapeur de la société XXX à XXX à la société XXX via XXX ? 2. Quelles sont la quantité et l’origine exacte de l’électricité importée actuellement par la société XXX pour alimenter les aciéries électriques du groupe XXX au XXX ? 3. Quels sont le prix de l’électricité importée de la Belgique et celui de l’électricité produite dans la turbine gaz vapeur ? », de même que la communication de l’étude « XXX 2025; XXX - XXX, Juni 2004 ».
Estimant que la réponse du ministre du 8 février 2006 ne contenait pas les informations sollicitées, la Fondation XXX de faire introduire en date du 3 mars 2006 une requête en référé devant le président du tribunal administratif, aux fins de voir ordonner au ministre de rendre disponibles les informations environnementales précitées demandées dans la lettre du 6 janvier 2006, ainsi que la communication de l’étude intitulée « XXX 2025 ;XXX – XXX, Juni 2004 ».
Par ordonnance du 8 mars 2006, le président du tribunal administratif, statuant contradictoirement, a, avant tout autre progrès en cause, ordonné la mise en intervention des sociétés anonymes XXX S.A., XXX S.A. et XXX S.A., de même que de la société coopérative XXX S.C. au motif que l’objet du litige se rapporte à des informations détenues par lesdites sociétés et que le ministre refuse à délivrer à la demanderesse, en sorte que ces quatre sociétés sont à considérer comme tiers intéressés.
Suivant ordonnance du 27 mars 2006, le même président, statuant contradictoirement, a déclaré la demande de la Fondation XXX irrecevable en retenant qu’en l’état actuel des publications légalement requises et de celles effectivement réalisées, la Fondation ne saurait, activement, se prévaloir de la personnalité juridique dans le cadre d’un recours contentieux par application des dispositions des articles 32 et 43 de la loi modifiée du 21 avril 1928 sur les associations et les fondations sans but lucratif Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 4 mai 2006 par Maître Florence Turk-Torquebiau, avocat à la Cour, la Fondation XXX, établissement d’utilité publique, établie et ayant son siège social à XXX, déclarant être représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, a interjeté appel contre les deux ordonnances présidentielles précitées des 8 et 27 mars 2006.
Par réformation des ordonnances entreprises, l’appelante demande à la Cour de dire qu’il n’y a pas lieu de mettre en intervention des parties tierces intéressées ; de dire la demande recevable et, par évocation, la déclarer fondée.
En ordre subsidiaire elle demande le renvoi des parties devant le président du tribunal administratif pour qu’il soit statué sur le fond, tout en demandant acte qu’elle maintient et réitère ses moyens de fait et de droit soulevés en première instance et pour autant que de besoin renouvelle ses conclusions prises en première instance.
L’appelante de rappeler que sa demande initiale au ministre de XXX est basée sur la loi du 25 novembre 2005 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement, portant transposition en droit interne de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public aux informations en matière d’environnement ayant abrogé la directive 90/313/CEE du Conseil.
L’appelante invoque d’abord l’obligation de résultat que l’article 249 du Traité CE impose aux Etat membres pour la transposition d’une directive devant dans tous les cas assurer son effet utile. Ensuite, elle est d’avis que les dispositions de la directive 2003/4/CE, outre de conférer des droits aux particuliers, sont, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises pour pouvoir être invoquées directement devant le juge national. L’appelante de reprocher à l’ordonnance du 27 mars 2006 d’avoir déclaré sa demande irrecevable au prétexte qu’elle ne saurait se prévaloir de sa personnalité juridique active. Ce faisant, l’ordonnance entreprise aurait rendu impossible à la Fondation, personne morale, l’exercice de ses droits expressément consacrés par la directive européenne (dont le droit de recours consacré à l’article 6 paragraphe 1) et par la loi de transposition du 25 novembre 2005.
L’appelante d’insister plus particulièrement encore sur les exigences de la directive tendant à ce que toute procédure de ce type doit être rapide et gratuite ou peu onéreuse, en insistant encore sur la volonté exprimée par le législateur européen tendant à assurer à toute personne physique ou morale un accès facile et rapide aux informations environnementales.
Il est fait grief à l’ordonnance entreprise du 8 mars 2006 d’avoir compromis les principes de gratuité ou du caractère peu onéreux de la procédure ainsi que de rapidité en ordonnant les mises en intervention des quatre sociétés tierces y visées.
L’appelante reproche encore à l’ordonnance entreprise du 27 mars 2006 de procéder par violation de la Convention européenne des droits de l’homme prise en de multiples aspects. Il y aurait, selon elle, violation du droit d’accès à un tribunal, du droit à un procès équitable, du droit à un recours effectif, du principe de non-
discrimination ainsi que de la liberté et de la jouissance des droits d’une association.
L’appelante conclut encore à une violation de l’article 10bis de la Constitution en ce sens qu’en imputant une partie de ses droits de la personnalité à une Fondation, personne morale de droit luxembourgeois, par une dissociation de la personnalité active/passive, pour de simples soucis d’ordre procédurier, l’ordonnance entreprise du 27 mars 2006 et l’article 43 de la loi modifiée du 21 avril 1928 précitée violeraient le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi.
Au fond, l’appelante de reprendre son argumentaire de première instance pour, par évocation, voir dire sa demande justifiée, sinon, en ordre subsidiaire, voir renvoyer les parties devant le président du tribunal administratif, afin qu’il y soit statué sur le fond.
A travers son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 1er juin 2006 par Monsieur le délégué du Gouvernement Guy Schleder, l’Etat de souligner que la modification statutaire de la Fondation XXX du 8 mars 1997 serait irrégulière en ce qu’elle n’aurait pas été passée pardevant notaire, qu’elle n’aurait pas fait l’objet d’une approbation par arrêté grand-ducal et que la publication afférente serait dès lors viciée.
L’Etat d’en tirer la conclusion première que l’appel serait irrecevable en ce que l’appelante s’est dite représentée par son conseil d’administration alors que la modification afférente serait sans effet.
En second lieu, l’ordonnance entreprise du 27 mars 2006 serait à confirmer en ce qu’elle a retenu l’absence de personnalité juridique vérifiée dans le chef de la Fondation XXX. Aucun grief ne saurait être fait au président du tribunal administratif d’avoir prononcé la rupture du délibéré pour permettre précisément à la Fondation XXX de prendre position par rapport à la question de sa capacité d’agir en justice.
L’appelante se tromperait de prémisse en affirmant que le droit au prétoire lui serait refusé, étant donné qu’elle serait elle-même à l’origine du non-exercice effectif de ce droit, du fait qu’elle n’aurait pas respecté une règle fondamentale inscrite dans la législation luxembourgeoise concernant la modification statutaire des fondations sans but lucratif.
Il ne saurait dès lors y avoir violation des principes du droit communautaire, pas plus que de ceux invoqués de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Constitution luxembourgeoise. Les mises en intervention ordonnées à travers l’ordonnance entreprise du 8 mars 2006 se justifieraient en ce que les sociétés mises en intervention serait éminemment intéressées à l’issue du litige et concernées par la demande d’informations de l’appelante actuelle. Si la demande initiale devait être déclarée recevable, l’Etat sollicite le renvoi de l’affaire devant le président du tribunal administratif afin que le droit au double degré de juridiction soit respecté en ce qui concerne le fond. L’Etat de renvoyer encore à ses notes de plaidoiries des 13 et 24 mars 2006 prises en première instance et annexées au mémoire en réponse en appel.
A travers son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 14 juin 2006 par Maître Victor Elvinger, la société anonyme XXX de conclure à l’irrecevabilité de l’appel pour défaut de capacité d’agir dans le chef de la Fondation XXX. En premier ordre de subsidiarité, pour le cas où l’appel serait déclaré recevable, la même société de demander à voir renvoyer l’affaire devant le président du tribunal administratif. En deuxième ordre de subsidiarité, en cas d’examen du fond par la Cour, il est conclu à voir déclarer l’appel non justifié. En troisième ordre de subsidiarité, la concluante demande à voir limiter la communication de l’étude XXX S.A. aux seuls passages ne contenant pas de données commerciales et industrielles confidentielles.
A travers leur mémoire en réponse intitulé « mémoire en réplique » déposé au greffe de la Cour administrative le 14 juin 2006 par Maître Guy Loesch, avocat à la Cour, les société anonyme XXX S.A. et société coopérative XXX S.C. concluent à leur tour à l’irrecevabilité de la requête d’appel pour défaut de capacité d’agir dans le chef de l’appelante, tout en demandant acte qu’elles se rapportent à la sagesse de la Cour concernant la recevabilité de la requête d’appel par rapport au délai d’appel, en ce qu’elle est également dirigée contre l’ordonnance présidentielle du 8 mars 2006 puis, la représentation de l’appelante en instance d’appel et la légalité de l’article 13 des statuts de l’appelante.
A titre subsidiaire, il est conclu à la confirmation de l’ordonnance présidentielle entreprise du 8 mars 2006 dans la mesure où elle a ordonné la mise en intervention des concluantes.
Avant tout autre progrès en cause, les sociétés concluantes demandent le renvoi à titre préjudiciel de l’affaire devant la Cour de Justice des Communautés Européennes concernant la compatibilité de la procédure de recours instaurée par l’article 6 de la loi nationale de transposition du 25 novembre 2005 avec le droit communautaire et plus particulièrement la directive à transposer 2003/4/CE précitée concernant précisément les deux procédures – un recours administratif (article 6.1) et un recours judiciaire (article 6.2) – y prévues alors que la loi nationale n’aurait instauré que le seul recours judiciaire et que ce dernier, prévu en tant que procédure de référé, n’équivaudrait pas à une décision « définitive » telle qu’exigée par la directive.
Les concluantes de faire remarquer qu’étant donné que la question de la légalité de la procédure instaurée par l’article 6 de la loi du 25 novembre 2005 touche directement à l’organisation judiciaire, partant à l’ordre public, elles seraient admissibles à la soulever pour la première fois en instance d’appel. Les concluantes déclarent s’opposer à toute évocation du fond de l’affaire par la Cour et sollicitent, dans cette hypothèse subsidiaire, le renvoi de l’affaire au fond devant le président du tribunal administratif.
A travers son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 15 juin 2006 par Maître Roger Nothar, la société anonyme XXX déclare se rapporter à la prudence de la Cour en ce qui concerner la recevabilité de bien-fondé du recours intenté par la Fondation XXX, tout en soulignant qu’elle n’est pas une autorité publique. La société XXX d’affirmer agir dans la plus complète transparence et avoir communiqué toutes les données requises aux autorités compétentes. Elle se rapporte dès lors encore à la prudence de la Cour en ce qui concerne la conformité de la réponse ministérielle critiquée aux exigences de la loi du 25 novembre 2005.
A travers son mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 29 juin 2006 par Maître Florence Turk-Torquebiau la Fondation XXX insiste d’abord sur la distinction qui devrait être faite entre la représentation en justice et la capacité à agir pour rappeler que l’analyse de la représentation en justice de la Fondation aurait été l’occasion de se pencher sur les modifications statutaires et leur publication et d’en tirer les conséquences au niveau de sa capacité à agir. Suivant l’appelante le moyen étatique de première instance ne visait que la seule représentation en justice, tandis que la question de la capacité à agir ne serait pas d’ordre public au regard de l’application des articles 32, alinéas 2 et 43 de la loi modifiée du 21 avril 1928 précitée. L’Etat ne serait pas à considérer comme tiers, la Fondation étant reconnue par l’Etat lui-même comme d’utilité publique, le Mémorial et le registre du commerce étant des organismes étatiques. Plus particulièrement encore, l’Etat avec la Fondation XXX seraient les seules parties au litige, tandis que l’Etat ne ferait pas partie des tiers intéressés. Pour l’appelante le défaut de publication lui reproché au niveau de la modification des statuts litigieuse serait mineur et sans incidence, de sorte que la sanction du refus du prétoire lui infligée serait disproportionnée. Il conviendrait de reconnaître une fois pour toutes que la Fondation XXX est une personne morale de droit luxembourgeois, sans que quiconque ne puisse lui contester ce droit. La question ne serait dès lors pas celle de la reconnaissance à la Fondation de la qualité de personne morale, mais celle de l’examen des prérogatives attachées à cette personnalité. La loi du 25 novembre 2005 n’étant que la transposition de la directive 2003/4/CE, il y aurait lieu d’examiner la question à la lumière des exigences se dégageant du droit communautaire. L’appelante de rappeler qu’elle agit contre une décision d’un ministre, qui lui-même est une émanation de l’Etat auquel la directive est adressée et qui a l’obligation de garantir aux administrés la plénitude des droits que leur réserve cette directive. Ainsi l’Etat ne saurait se retrancher derrière les obstacles administratifs ou des « broutilles » procédurales pour échapper aux obligations contraignantes que la directive et les lois lui imposent de respecter.
La Fondation appelante de souligner que ce ne serait pas le droit communautaire qui devrait être interprété à la lumière du droit national, mais bien le droit national qui devrait garantir l’effet utile du droit communautaire. Pour le cas où il ne serait pas admis que la Fondation XXX est une personne morale au sens de la loi modifiée du 21 avril 1928 et qu’en tant que telle, elle est en droit de se prévaloir tant de la directive que de la loi de transposition pour demander l’accès à des informations ayant un rapport avec l’environnement, à titre subsidiairement, la Fondation appelante de proposer sur ce point de poser deux questions préjudicielles à la Cour de justice des Communautés européennes agencées comme suit : « Est-ce que l’article 6 de la directive 2003/4/CE exigeant des Etats membres de prendre les dispositions nécessaires pour que tout demandeur qui considère que sa demande d’information a été ignorée, indûment rejetée ou bien qu’elle a été insuffisamment prise en compte ou n’a pas été traitée conformément aux articles 3, 4 ou 5 de la directive, puisse engager une procédure dans le cadre de laquelle les actes ou omissions de l’autorité publique concernée sont réexaminées, permet d’exclure d’une telle procédure les personnes morales déchues de leur personnalité juridique active à l’égard des tiers pour omission de publication de la mention de la date de l’arrêté ayant approuvé la modification de leurs statuts ? Est-ce que dans ce contexte l’Etat ou une émanation de celui-ci est à considérer comme un tiers ? » Suivant l’appelante l’exigence issue de l’article 6, paragraphe 1 de la directive, en ce que toute procédure de ce type doit être rapide et gratuite ou peu onéreuse, viserait également le recours juridictionnel. Sous cet aspect les exigences de rapidité et surtout de quasi-gratuité de la procédure seraient incompatibles avec la mise en intervention des parties tierces intéressées actuellement présentes au litige.
La Fondation de conclure encore que toute honorable et compréhensible que soit l’intention du président du tribunal administratif d’éviter aux tiers d’être lésés, il ne pourrait pas se prévaloir pour ce faire du texte de la directive.
Pour l’appelante il est certain qu’en essayant de prévenir une décision faisant grief aux tiers intéressés, l’ordonnance léserait les intérêts des demandeurs d’informations pour rendre la procédure moins rapide et plus chère. Pareille façon d’agir serait contraire aux exigences de la directive. Subsidiairement, l’appelante de proposer sur ce point de poser une troisième question préjudicielle à la Cour de justice des Communautés européennes, libellée comme suit : « Est-ce que la dernière phrase de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2003/4/CE, envisage la mise en intervention des tiers susceptibles d’être lésés par la divulgation des informations dans la procédure que prévoit l’article 6, paragraphe 1er, à l’égard des demandeurs souhaitant faire réexaminer la décision de rejet d’une demande d’informations en matière d’environnement ? Dans l’affirmative, est-ce que le principe du coût modéré de cette procédure tel que l’énoncé [sic] l’article 6 permet de mettre à la charge de la partie succombant les frais de cette mise en intervention ? » L’appelante déclare encore maintenir sa position relativement au moyen par elle invoqué concernant la violation de certaines exigences découlant de la Convention européenne des droits de l’homme dans la mesure où les parties adverses n’auraient point pris position par rapport à ces aspects du litige. Le principe du double degré de juridiction n’étant acquis qu’en matière pénale, ce serait à tort que le délégué du Gouvernement s’opposerait à l’évocation du litige par la Cour.
Au fond, l’appelante de reprocher aux autres parties au litige de détourner les arguments de la Fondation de leur objet pour prendre encore position par rapport à l’ordonnance présidentielle du 16 juin 2006 rendue dans une affaire parallèle et non entreprise dans la présente instance. Pour mettre en échec la prétendue confidentialité de l’origine et de la quantité de l’électricité fournie par la société XXX à la société XXX, l’appelante s’empare d’une information parue dans un quotidien luxembourgeois relatant les données fournies par la société anonyme XX sur l’origine et la quantité d’électricité par elle fournie à un groupe financier établi au Grand-
Duché.
En ordre « infiniment » subsidiaire l’appelante de « suggérer » ainsi de poser à la Cour de justice des Communautés européennes une dernière question libellée comme suit : « Est-ce que, dans un cas comme celui de l’espèce, les exceptions prévues au paragraphe 2, points a), d), f), g) et h) de la directive, peuvent être opposées à une demande concernant des informations relatives à la consommation d’énergie électrique dans le but d’évaluer son impact sur les quotas d’émissions de C02 ? » A travers son mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 27 septembre 2006 par Maître Victor Elvinger, la société anonyme XXX déclare tout d’abord maintenir intégralement son mémoire en réponse, tout en le complétant par des développements épars. Ainsi, la société XXX d’insister que le moyen concernant l’absence de personnalité morale active dans le chef de la Fondation XXX a été soulevé et débattu en première instance et qu’en application de l’article 43 de la loi modifiée du 21 avril 1928 précitée, les tiers intéressés au niveau de la procédure contentieuse auraient en même temps la qualité de tiers au sens dudit article 43. La société XXX d’estimer que c’est à juste titre que la première ordonnance aurait retenu l’absence de personnalité morale proprement dite dans le chef de la Fondation XXX et que cette dernière, déclarant n’être pas disposée à se soumettre à une régularisation des publications, ne pourrait dès lors s’en prendre qu’à elle-même face au refus d’ester en justice qui en découlerait. Les deux questions préjudicielles posées par la partie appelante à la page 7 de son mémoire en réplique seraient à écarter purement et simplement, étant donné qu’elles concerneraient des questions de droit national, relevant de la seule compétence du juge de renvoi et échappant à celle de la Cour de Justice des Communautés Européennes. La société XXX d’estimer plus loin que la partie appelante, pour soutenir sa théorie, suivant laquelle les tiers intéressés ne disposeraient en vertu de la directive 2003/4 CE que d’un recours ex post, prétendrait à tort que la dernière phrase de l’article 6 paragraphe 2 de ladite directive utiliserait un passé composé. Pour la société XXX cette prétention serait grammaticalement fausse.
La logique commanderait en plus qu’un recours ex post, ne donnant plus satisfaction au tiers, alors que le mal, à savoir la divulgation, serait irrémédiablement et définitivement fait, ne s’envisagerait dès lors point.
La société XXX, sur base des travaux préparatoires de ladite directive, de conclure à la confirmation de l’ordonnance déférée en ce qu’elle a retenu que la directive 2003/4 CE ne s’oppose pas à une mise en intervention des tiers intéressés.
Au fond, la société XXX, tout en ne partageant point l’analyse de l’appelante suivant laquelle l’information relative à la consommation d’énergie électrique serait une information environnementale, de soutenir en ordre subsidiaire que les exceptions prévues à l’article 4, paragraphe (2) de la directive 2003/4/CE s’opposeraient à la divulgation de pareilles informations, le texte en question étant clair et précis et ne nécessitant aucune interprétation. En conséquence, aucune question préjudicielle ne serait à poser non plus à la Cour de Justice des Communautés Européennes sous cet aspect.
A travers leur mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 27 septembre 2006 par Maître Guy Loesch, les sociétés anonyme XXX S.A. et coopérative XXX S.C. déclarent à leur tour maintenir intégralement les conclusions de leur mémoire en réponse du 14 juin 2006. Pour le surplus, elles demandent à la Cour de déclarer non pertinentes les demandes de la Fondation XXX tendant au renvoi préjudiciel devant la Cour de Justice des Communautés Européennes. C’est à titre ponctuel et complémentaire qu’elles prennent position pour étayer leur argumentaire antérieur. C’est ainsi que lesdites sociétés insistent pour dire que toutes les parties tierces intéressées auraient eu qualité pour opposer le défaut de capacité à agir dans le chef de l’appelante actuelle. Elles soulignent encore que l’irrecevabilité prononcée par l’ordonnance déférée ne valait, qu’« en l’état actuel » des publications légalement requises et de celles effectivement réalisées. Ici encore il s’agirait d’une question de droit national luxembourgeois, de sorte qu’il n’y aurait point matière à interprétation du droit communautaire.
Les sociétés concluantes de rejoindre la position de la société XXX en disant à leur tour que l’appelante n’aurait qu’à s’en prendre à elle-même concernant les conséquences des défauts de publication dénotés.
Les sociétés XXX et XXX de relever encore que l’appelante n’aurait pas pris position par rapport à leur argument suggérant l’irrecevabilité de l’appel pour autant qu’il est dirigé contre l’ordonnance présidentielle du 8 mars 2006 ayant ordonné la mise en intervention des parties tierces intéressées.
Les concluantes demandent la confirmation de l’ordonnance déférée du 8 mars 2006, sur base de la motivation exhaustive y comprise, concernant la mise en intervention des parties tierces intéressées et sollicitent le rejet de l’argumentaire de l’appelante en tout ses volets.
Concernant l’appréciation de la transposition de la directive 2003/4/CE à travers la loi de transposition du 25 novembre 2005, les concluantes constatent avec satisfaction qu’elles sont rejointes dans leur analyse par l’appelante. Selon elles, en l’espèce, se poserait en substance la question d’interpréter la notion de recours juridictionnel de droit interne au sens de l’article 6 de la directive, au vu de la procédure de recours telle que prévue à l’article 6 de la loi de transposition.
Les concluantes de regretter que le Conseil d’Etat, ayant exprimé son étonnement devant l’affirmation des auteurs de la loi de transposition suivant laquelle un recours de droit commun en matière administrative engendrerait des coûts disproportionnés, n’ait point exprimé une opposition formelle face à la procédure proposée par la commission de l’environnement de la Chambre des Députés.
Quant au fond, les sociétés concluantes d’insister sur ce que la loi de transposition prohibe la divulgation de données individuelles, tel que cela ressortirait clairement des dérogations reprises sous son article 4. A titre subsidiaire, elles entendent se référer audit article 4 consacrant expressément la primauté de la protection des données telle que découlant notamment de la loi modifiée du 2 août 2002 relative à la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel par rapport à la divulgation d’informations environnementales sous l’empire de la loi de transposition de 2005.
Ainsi, ils invoquent sous cet ordre subsidiaire la réserve générale comprise au point 1 de l’article 4 en question. A titre plus subsidiaire ils se rapportent à l’article 4.2 d) prohibant la divulgation de données portant atteinte à la confidentialité des informations commerciales, industrielles et artisanales aux fins de protéger un intérêt économique légitime. A leur sens, la consommation d’électricité d’un client industriel constituerait une donnée commercialement très sensible en ce qu’elle refléterait indirectement la technologie de production mise en œuvre et conditionnerait notamment le potentiel d’approvisionnement auprès des fournisseurs.
Il ne serait partant pas concevable qu’une demande d’ordre environnemental puisse exposer quiconque et notamment la société XXX dans le cas précis, au risque de voir dévoiler au grand public des éléments de ses secrets de fabrication et des secrets d’affaires, lesquels seraient par ailleurs couverts par l’article 309 du code pénal et se trouveraient ainsi érigés en secrets d’ordre public.
A titre plus subsidiaire encore, la demande initiale de la Fondation XXX devrait être rejetée sur base de l’article 4, 1 a) de la loi de transposition de 2005 en ce que l’appelante actuelle voudrait manifestement détourner la finalité de cette loi pour obtenir, indirectement, par l’intermédiaire des autorités publiques, des informations sur les activités d’entités privées, en l’occurrence à titre principal de la société XXX.
Il s’agirait là d’une façon de procéder manifestement abusive en vertu de l’article 4 de ladite loi de transposition en ce qu’elle consisterait en un détournement de la finalité de ladite loi.
Les sociétés concluantes d’insister que la Cour administrative ne serait point saisie de l’ordonnance présidentielle du 16 juin 2006, par ailleurs frappée d’appel, dans le cadre du présent litige. Pour autant que de besoin elles insistent qu’aucun texte de loi n’autoriserait cependant le représentant de l’Etat – membre du conseil d’administration XXX à divulguer des informations aux tiers, et l’Etat ne serait partant pas autorisé à rendre publiques ces informations, même sous le couvert de la loi de transposition de 2005.
Enfin, les sociétés concluantes renvoient à l’existence de deux études à savoir le rapport de l’ILR du mois d’août 2005, ainsi que l’étude « Consentec » du 11 octobre 2005, commandée par le ministère XXX, notamment à la suite de la panne d’électricité qu’a connue le Grand-Duché de Luxembourg au mois de septembre 2004. Ces deux documents contiendraient toutes les données de nature à répondre à la demande de la Fondation XXX alors qu’y seraient examinées les sources d’approvisionnement du Grand-Duché de Luxembourg, la capacité de production de XXX, la fourniture de cette production à XXX, XXX et XXX, ainsi que les importations d’électricité en provenance de la Belgique à travers XXX.
Indépendamment du fait que les sociétés concluantes déclarent s’opposer formellement à la divulgation d’une donnée personnelle, elles donnent à penser que toutes les informations utiles sollicitées par l’appelante actuelle seraient d’ores et déjà disponibles à travers les deux documents précités et que dès lors la demande de la Fondation XXX serait simplement à rejeter comme étant sans objet.
Enfin, la référence à la publication de la consommation d’électricité de l’institut bancaire indiqué par l’appelante serait sans caractère pertinent, alors que, d’une part, il n’y aurait pas de point de comparaison entre la consommation d’électricité d’une banque et celle de la société XXX, et que, d’autre part, cette dernière aurait inclus une clause de confidentialité dans les contrats d’approvisionnement d’électricité par elle conclus.
Quant à la recevabilité de l’appel Quant à la procédure applicable en appel Considérant que force est à la Cour de retenir à titre liminaire qu’il est patent que la procédure prévue à l’article 6 de la loi du 25 novembre 2005 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement sous l’intitulé « accès à la justice » ne se suffit pas à elle-même concernant les règles de procédure y prévues en première instance, ce même constat se vérifie avec d’autant plus d’acuité que ledit article 6 se limite à disposer en son alinéa final qu’« elles [les ordonnances présidentielles de première instance] peuvent être frappées d’appel devant la Cour administrative » ;
Considérant qu’en l’absence de dispositions spécifiques contenues dans la loi de transposition précitée du 25 novembre 2005, force est encore à la Cour de retenir que c’est le droit commun procédural issu plus particulièrement de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives qui est appelé à s’appliquer ;
Considérant que la Cour est dès lors amenée à appliquer ce droit commun, en l’absence d’autres dispositions plus spécifiques, encore que ladite loi modifiée du 21 juin 1999 ne prévoie stricto sensu à partir de son article 37 la procédure d’appel que « contre les décisions du tribunal » pour être instruites « devant la Cour administrative suivant les règles énoncées aux articles 38 à 51 » ;
Considérant que sous cet aspect il convient d’inclure les décisions visées par l’article 6 de la loi de transposition du 25 novembre 2005 parmi les décisions du tribunal, encore qu’elles émanent de son président, lequel est à considérer, d’après la formulation-même retenue par le législateur de 2005 comme faisant partie intégrante du tribunal, également lorsque sa fonction juridictionnelle présidentielle est spécifiquement concernée ;
Considérant que cette conclusion s’impose à partir du libellé du paragraphe 3 de l’article 6 en question, suivant lequel « contre la décision de refus totale ou partielle, un recours est ouvert devant le tribunal administratif, qui statue comme juge des référés » ;
Qu’en effet, aucun doute n’est permis à partir du libellé des alinéas 4 et 5 dudit paragraphe 3 de l’article 6 retenant à chaque fois que c’est le président du tribunal administratif qui est appelé à statuer à l’exclusion d’une formation collégiale du tribunal administratif ;
Considérant qu’il suit des développements qui précèdent qu’au-delà des flottements de terminologie contenus en l’article 6 en question et eu égard à la formulation plus précisément de l’alinéa premier de son paragraphe 3 visant le recours ouvert devant le tribunal administratif, il convient de suivre devant la Cour administrative les règles d’instruction telles que fixées par l’article 37 de la loi modifiée du 21 juin 1999, lequel renvoie aux règles énoncées par les articles 38 à 51 de ladite loi, soit au droit commun procédural devant la Cour administrative siégeant comme juridiction d’appel à l’encontre des décisions de première instance lui soumises ;
Quant à la recevabilité de l’appel au regard de la capacité à agir de l’appelante Considérant que si le délégué du Gouvernement invoque l’irrecevabilité de l’appel comme ayant été introduit par un organe non habilité à représenter la fondation dans les affaires judiciaires – le conseil d’administration actuellement en fonctions – tant la société XXX que les sociétés XXX et XXX concluent à l’irrecevabilité de l’appel pour défaut de capacité à agir dans le chef de l’appelante, cette dernière n’ayant point revêtu la personnalité juridique au moment du dépôt de l’appel, tandis que la société XXX se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité de la requête d’appel en la pure forme ;
Considérant qu’il y a lieu de souligner préliminairement que c’est la question de l’opposabilité de sa personnalité juridique par la Fondation XXX aux tiers qui conditionne la capacité d’ester en justice de cette dernière et plus particulièrement sa capacité de relever appel au jour du dépôt de la requête d’appel tout comme la même question a conditionné la capacité de la même fondation à introduire sa requête devant le président du tribunal administratif au jour du dépôt de cette dernière ;
Considérant que si d’un point de vue théorique les questions de la capacité à agir en question, à analyser à partir de celles de l’opposabilité de la personnalité juridique de la Fondation XXX, sont susceptibles de varier dans le temps, il est constant en cause, d’après les affirmations formelles de l’appelante actuelle qu’eu égard à l’état des publications faites concernant les modifications de ses statuts, aucun changement n’a eu lieu d’une date de cristallisation à l’autre c’est-à-dire depuis l’introduction de la requête introductive de première instance du 3 mars 2006 jusqu’au dépôt de la requête d’appel le 4 mai 2006, ni d’ailleurs à la date de la prise en délibéré ;
Considérant que si d’un point de vue procédural la question de la recevabilité de la requête introductive de première instance s’analyse comme question de fond dans le cadre de l’appel sous analyse, il est patent que la même question conditionne la recevabilité-même de l’appel et se dégage nécessairement de la question première de l’opposabilité ou non de sa personnalité juridique aux tiers par la Fondation XXX aux jours respectifs des dépôts des requêtes de première instance et d’appel ;
Considérant que de la sorte la Cour sera amenée de façon indirecte, mais nécessaire, à toiser la question première essentielle au fond – accès au prétoire ou non de la Fondation XXX en l’état des publications de ses statuts et modifications y afférentes par elle opérées – de sorte que c’est sous cet aspect encore qu’il n’y a pas lieu de statuer plus en avant sur la question non autrement débattue par les parties de savoir dans quelle mesure un recours effectif en appel nécessite que la question de fond – sur la recevabilité de la requête de première instance – soit toisée nonobstant l’irrecevabilité éventuelle de la requête d’appel pour incapacité d’ester en justice de l’appelante ;
Considérant que la question qui se pose est donc celle de l’opposabilité aux tiers par la Fondation XXX de sa personnalité juridique conditionnant sa capacité d’ester en justice ;
Considérant qu’il est constant sur le point de vue du droit communautaire que l’existence de la personnalité juridique d’un groupement relevant du droit national d’un Etat membre doit nécessairement être établie et analysée selon ce droit national (arrêt CJCE, 27 novembre 1984, aff. 50/84, rec. 84, page 3991, arrêt Bensider) ;
Qu’il en est de même de l’opposabilité aux tiers de pareille personnalité juridique ;
Que dès lors tout l’argumentaire développé par l’appelante sur base du droit communautaire et plus particulièrement de l’accès facile au prétoire prévu selon elle d’après l’article 6.2 de la directive 2003/4 CE tombe à faux, alors que précisément le droit communautaire n’est pas appelé à interférer dans la sphère nationale concernant l’existence de la personnalité juridique dans le chef d’un groupement relevant de la législation d’un Etat membre ;
Considérant que la question de l’opposabilité aux tiers de la personnalité juridique relevant du droit national, l’argumentaire de l’appelante tiré du droit communautaire relativement à cette question est à écarter, y compris les questions préjudicielles proposées, pour manquer de caractère pertinent en l’occurrence.
Considérant que la question de la capacité d’ester en justice d’une personne, soulevant directement celle de l’opposabilité de sa personnalité juridique aux tiers, relève de façon essentielle tant de l’ordre juridique que de l’organisation juridictionnelle et en tant que telle constitue une question d’ordre public à soulever d’office par la juridiction saisie ;
Considérant qu’en droit luxembourgeois, la qualité de personne morale est refusée, en principe, aux groupements non constitués dans l’une des formes prévues par la loi ;
Considérant qu’avant l’entrée en vigueur de la loi du 21 avril 1928 sur les associations sans but lucratif et établissements d’utilité publique, le bénéfice de la personnalité morale ne pouvait être conféré que par une loi spéciale à des groupements, constitués dans un but autre que celui de réaliser des gains matériels (CE 12 mars 1981, n° 6968 du rôle, trib. adm. 19 février 1997, n° 9452 du rôle, Pas. adm. 2005, V° Procédure contentieuse, n° 90, page 636) ;
Considérant qu’en droit luxembourgeois il est patent que l’existence de la personnalité morale ne découle point de la nature des choses mais est issue de façon fictive et juridiquement artificielle de la législation, en l’occurrence la loi modifiée du 21 avril 1928 précitée ;
Considérant que s’il faut, mais qu’il suffit que les conditions prévues par cette loi soient remplies pour que l’existence, exceptionnelle, à côté des personnes physiques, soit également reconnue dans le chef de personnes morales ainsi désignées, appelées à agir de façon égale et opposabilité à côté des personnes physiques, notamment pour ester en justice, il n’en reste pas moins qu’eu égard au caractère fictif de l’existence même des personnes morales, les règles conditionnant leur existence et, plus loin leur maintien et opposabilité, sont appelées à être interprétées de façon stricte, pareille interprétation stricte découlant de l’essence même de la fiction juridique à la base de l’existence des personnes morales ;
Considérant que la loi modifiée du 21 avril 1928 reconnaît aux groupements y prévus la personnalité civile lorsqu’ils répondent aux conditions afférentes relatives spécifiquement prévues par cette loi ;
Considérant que si pour les associations sans but lucratif ce sont les dispositions des articles 2, 3 et 9, ensemble son article 26, qui conditionnent la naissance, le maintien et l’opposabilité de la personnalité juridique dans le chef des groupements en question, c’est la même loi modifiée du 21 avril 1928 qui prévoit en ses articles 32 et 43 combinés des règles parallèles concernant l’existence, le maintien et l’opposabilité de la personnalité morale pour les fondations sans but lucratif ;
Considérant qu’à partir de ces critiques portées contre l’ordonnance déférée du 27 mars 2006 l’appelante d’avancer que toute solution basée sur les dispositions de la loi modifiée du 21 avril 1928 aboutissant à ce qu’un groupement soit privé d’ester en justice du fait du manquement à une exigence de publication ou d’approbation grand-
ducale y prévue ne répondrait pas aux exigences des dispositions des articles 6.1 (procès équitable), 13 (recours effectif), 14 (principe de non-discrimination) et 11 (liberté d’association) de la Convention européenne des Droits de l’Homme ;
Considérant que si la Convention européenne des droits de l’homme désigne invariablement et sans distinction le terme « personnes » comme sujet des droits et garanties y prévus, il convient d’admettre, à défaut de distinction opérée par ce texte de loi internationale, que le terme « personnes » est appelé à inclure à la fois des personnes physiques et des personnes morales, toutes les fois que les droits et garanties y prévus fassent un sens et constituent une réalité dans le chef d’une personne morale également ;
Considérant qu’à admettre que l’accès du public à l’information en matière environnementale s’analyse dans le cadre de la Convention européenne des Droits de l’homme comme un droit civil au sens de son article 6, rendant applicable les dispositions de la convention, question non débattue devant la Cour, force est encore de constater que les différents droits et garanties prévus à travers les articles précités s’analysent tous dans le chef des personnes y visées et présupposent non seulement l’existence même de pareilles personnes, mais encore la vérification du caractère opposable de leur personnalité juridique aux tiers ;
Considérant que sous cet aspect encore l’existence même des sujets appelés à bénéficier les droits et garanties en question conditionne à la base tout l’argumentaire invoqué ;
Considérant que le caractère non conforme des exigences formelles posées par les articles 32 et 43 de la loi modifiée du 21 avril 1928 aux exigences de la Convention des droits de l’homme laisse d’être vérifié en l’espèce, de sorte que tout l’argumentaire avancé par l’appelante sur base de ce dispositif international laisse d’être justifié ;
Considérant que l’appelante invoque encore l’article 10bis de la Constitution disposant que les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, en arguant que cette égalité concerne les droits de la personnalité ;
Considérant que même si, historiquement, la Constitution luxembourgeoise a entendu viser sous le terme de « Luxembourgeois » les seules personnes physiques, force est actuellement à la Cour de retenir à partir du libellé non distinctif opéré et de l’évolution allant dans le sens de la création de moult personnes morales sur base des différentes lois les prévoyant, que le même terme est appelé à englober tant les Luxembourgeois, personnes physiques, que les personnes morales de droit luxembourgeois ;
Considérant qu’au-delà de ce constat, la possibilité d’invocation de cette disposition constitutionnelle se trouve encore conditionnée non seulement par l’existence même de la personnalité juridique dans le chef du groupement considéré, mais encore par son opposabilité aux tiers, exigence non vérifiée en l’état actuel des données soumises à la Cour ;
Considérant qu’il convient de rappeler à cet égard que les aspects relatifs à l’existence même d’une personne, soit-elle physique ou morale, comprenant la question de l’opposabilité aux tiers de la personnalité juridique, sont des éléments d’ordre public devant être soulevés d’office par la juridiction saisie ;
Considérant que sous cet aspect il ne porte pas à conséquence que ce fut à partir de l’argument étatique de la représentation de la Fondation XXX que le président a soulevé en première instance la question de l’existence voire de l’opposabilité aux tiers de la personnalité juridique de la fondation demanderesse initiale, compte tenu des publications faites au Mémorial, ces mêmes publications ayant trait notamment à des modifications des statuts concernant les organes de représentation de la fondation ;
Considérant que si dans une autre espèce citée le droit d’ester en justice du même groupement a pu avoir été retenu, il convient de mettre en avant le principe du caractère nécessairement relatif de l’autorité de la chose jugée concernant plus particulièrement un jugement du tribunal administratif ayant reconnu que la Fondation XXX, dans une affaire d’accès à l’information en matière d’environnement sur base de l’ancienne loi du 10 août 1992 était valablement représentée par son conseil d’administration ;
Qu’à cet égard il convient de souligner que tant l’objet que la cause des deux demandes respectives sont différents par référence aux motifs de l’ordonnance présidentielle du 27 mars 2006 que la Cour est ainsi amenée à adopter eu égard au maintien par l’appelante de son argumentaire de première instance tiré de l’autorité de la chose jugée ;
Considérant qu’il reste que la question première pertinente n’est pas celle de la représentation en justice de la Fondation XXX mais celle de sa capacité à agir au regard des exigences de publication lui imposées par les articles 32 et 43 de la loi modifiée du 21 avril 1928, s’analysant plus précisément en la question de l’opposabilité de sa personnalité juridique aux tiers ;
Considérant que l’article 43 de la loi modifiée du 21 avril 1928 prévoit qu’« en cas d’omission des publications prescrites par la loi, la fondation ne pourra se prévaloir de la personnalité juridique à l’égard des tiers, lesquels auront néanmoins la faculté d’en faire état contre elle » ;
Considérant que les publications prescrites par la loi au voeu de l’article 43 qui précède sont celles de son article 32, d’après lequel « après avoir obtenu l’approbation par arrêté grand-ducal, selon les formes prescrites par la présente loi, les statuts et leurs modifications sont publiés au Mémorial, Recueil Spécial des Sociétés et Associations, conformément à l’article 9 de la loi du 10 août 1915 [ sur les sociétés commerciales] » ;
Que d’après l’alinéa 2 du même article 32 « il est fait mention au Mémorial, Recueil Spécial des Sociétés et Associations, à la suite de l’acte à publier, de la date de l’arrêté grand-ducal portant approbation de l’acte en question » ;
Considérant que tout comme le premier juge, la Cour se trouve face aux données de fait que les deux modifications statutaires des 14 décembre 1994 et 8 mars 1997 ont bien été publiées au Mémorial C, Recueil Spécial des Sociétés et Associations, la première dans le Recueil 1994, page 19874 et la seconde dans le Recueil 1997, page 17594, sans que l’une ni l’autre ne mentionnent les dates des arrêtés grand-ducaux respectifs portant approbation de ces modifications ;
Considérant qu’avec le président du tribunal, la Cour peut constater que la première modification statutaire du 14 décembre 1994 a été approuvée ultérieurement par arrêté grand-ducal du 15 septembre 1995 versé en cause ;
Considérant qu’au-delà des constatations qu’a pu faire le premier juge, la Cour, sur base des explications lui fournies en appel, se trouve face à la donnée constante qu’aucune approbation grand-ducale de la modification statutaire du 8 mars 1997 initiée par le conseil d’administration de la fondation par acte sous seing privé n’était intervenue jusqu’à la prise en délibéré de l’affaire ;
Que lors des plaidoiries il a été avancé que pareille approbation avait été entre-temps demandée sans que toutefois la Cour n’ait été informée d’un arrêté grand-ducal afférent intervenu entre-temps, ni a fortiori d’une publication afférente ;
Considérant qu’au contraire la fondation appelante de faire valoir qu’au-delà des questions de publication et d’approbation grand-ducales elle devrait jouir de la capacité d’ester en justice et qu’elle entendait obtenir une décision de principe y relativement plutôt que de voir régulariser sa situation en temps utile ;
Considérant qu’à partir des dispositions claires et précises de l’article 32 de la loi modifiée du 21 avril 1928 prérelatée, la Cour est amenée à retenir qu’une publication valable d’une modification de statuts d’une fondation n’existe qu’après approbation par arrêté grand-ducal de la modification en question ;
Considérant qu’en second lieu, il résulte encore du libellé à son tour clair et précis de l’article 43 de ladite loi que l’omission des publications y prescrite, plus particulièrement à son article 32, entraîne pour la fondation qu’elle ne pourra pas se prévaloir de la personnalité juridique à l’égard des tiers, équivalant à une incapacité temporelle d’ester en justice ;
Considérant que les publications des modifications statutaires visées par l’article 32 en question, elles-mêmes conditionnées par leur approbation préalable par arrêté grand-ducal, constituent les conditions d’invocation utile de la personnalité juridique active dans le chef d’une fondation sans but lucratif, en sorte que l’automatisme inhérent à la conséquence juridique prévue par l’article 43 en question emporte dans le chef de cette fondation l’inopposabilité de la personnalité juridique aux tiers avec comme conséquence l’incapacité d’ester en justice et le non-accès au prétoire, étant entendu que le groupement en question n’a, en règle générale, qu’à s’en prendre à lui-
même si les publications n’ont pas été effectuées conformément à la loi ;
Considérant que l’appelante n’a pas non plus entrepris l’ordonnance déférée sous l’aspect provisoire de la conclusion présidentielle tendant à retenir « qu’en l’état actuel des publications légalement requises et de celles effectivement réalisées, XXX ne saurait activement, se prévaloir de la personnalité juridique dans le cadre d’un recours contentieux » ;
Considérant que sans remettre en cause le caractère temporel de l’incapacité juridique d’ester en justice dégagé par le premier juge, la fondation appelante d’insister en appel pour dire qu’au lieu de procéder aux publications jusque lors omises, elle entendait soulever la question de principe de la compatibilité de la décision présidentielle déférée basée sur le droit national pertinent par rapport aux dispositions invoquées du droit communautaire, de la Convention des droits de l’homme et de la Constitution luxembourgeoise ;
Considérant que d’après son mémoire en réplique, l’appelante de faire valoir qu’en termes d’action elle se trouverait seule face à l’Etat, tandis que les tiers intéressés ne risqueraient rien dans le cadre de cette procédure ;
Considérant que la Cour est amenée à rejoindre la conclusion du premier juge en ce que, dans le cadre de modifications de statuts d’une fondation sans but lucratif, l’inopposabilité de la personnalité juridique découlant d’après la combinaison des articles 32 et 43 de l’omission d’une publication conforme à la loi de ceux-ci revêt un caractère provisoire en ce que les publications en question sont susceptibles d’être opérées utilement encore, à condition que les approbations grand-ducales afférentes aient été préalablement obtenues et que mention en soit faite conformément à la loi ;
Considérant que pareille régularisation de la situation, du moins quant à l’instance engagée, est à admettre jusqu’à la prise en délibéré de l’affaire par la juridiction saisie, étant entendu qu’en l’occurrence, aucune régularisation n’a été opérée en temps utile ;
Considérant que la Fondation XXX d’enchaîner que sous l’aspect de l’article 43 de la loi modifiée du 21 avril 1928, l’Etat ne serait point à considérer comme tiers, étant donné que la fondation serait nécessairement reconnue par l’Etat lui-même comme étant d’utilité publique, que le Mémorial et le Registre du Commerce et des Sociétés seraient des organismes étatiques amenés à renseigner et à représenter l’Etat, lequel ne pourrait dès lors se voir protégé à l’instar de tous autres tiers généralement quelconques ;
Que dès lors l’Etat ne saurait bénéficier de la protection accordée aux « tiers » au sens de la loi modifiée du 21 avril 1928 et manquerait par ailleurs de tout intérêt à faire valoir sur le contenu même de l’article 32, alinéa 2 en question la non-existence d’une fondation alors qu’il serait difficile de se représenter l’intérêt pour l’Etat de consulter la publication de la mention de la date de l’arrêté émanant de son autorité ;
Considérant que l’article 32, alinéa 2 de la loi modifiée du 21 avril 1928 disposant qu’en cas d’omission des publications prescrites par la loi, la fondation ne pourra se prévaloir de la personnalité juridique à l’égard des tiers, statue, sans distinction aucune et désigne nécessairement comme tiers toutes les personnes juridiques physiques ou morales, à l’exclusion de la fondation dont il s’agit ;
Considérant que suivant le principe que là où la loi ne distingue point, il n’appartient pas aux juges de distinguer plus en avant (ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus), la Cour ne saurait suivre l’appelante dans son argumentaire visant à exclure l’Etat de l’ensemble des tiers indistinctement visé par la disposition légale sous revue ;
Considérant que si les deux modifications des statuts litigieuses de 1994 et 1997 omettent la mention d’un arrêté grand-ducal d’approbation, il ne s’agit pas en l’occurrence d’une simple omission de mention, mais d’une absence d’existence de l’arrêté grand-ducal d’approbation afférent conditionnant la publication-même d’après l’article 32 de la loi modifiée du 21 avril 1928, étant entendu que pour le moins pour la modification du 8 mars 1997 pareil arrêté n’était point intervenu à la date de la prise en délibéré de la présente affaire d’appel ;
Considérant que dans la mesure où ce sont les omissions de publication, telles que conditionnées par la prise des arrêtés grand-ducaux d’approbation des modifications statutaires qui conditionnent à leur tour la régularisation possible de la situation de la fondation appelante, celle-ci n’a qu’à s’en prendre à elle-même et est malvenue à invoquer devant la juridiction appelée à appliquer la loi, le caractère disproportionné des conséquences qui en découleraient ;
Considérant qu’il se dégage de l’ensemble des développements qui précèdent que tant au jour du dépôt de la requête d’appel, qu’en cours d’instance et y compris jusqu’à la prise en délibéré, la Fondation XXX n’a pas pu se prévaloir, de son fait, de sa personnalité juridique vis-à-vis des tiers, de sorte que son appel est à déclarer irrecevable ;
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant contradictoirement ;
déclare l’appel irrecevable ;
condamne l’appelante aux dépens d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par :
Jean-Mathias Goerens, vice-président, Francis Delaporte, premier conseiller, rapporteur, Henri Campill, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.
le greffier en chef le vice-président 19