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07/11/2006 | LUXEMBOURG | N°21677C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 novembre 2006, 21677C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 21677 C Inscrit le 17 juillet 2006

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Audience publique du 7 novembre 2006 Recours formé par … et consorts, Luxembourg contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de tolérance - Appel -

(jugement entrepris du 19 juin 2006, no 21016 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au gr...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 21677 C Inscrit le 17 juillet 2006

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Audience publique du 7 novembre 2006 Recours formé par … et consorts, Luxembourg contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de tolérance - Appel -

(jugement entrepris du 19 juin 2006, no 21016 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 17 juillet 2006 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, au nom d’…, née le … à … (Etat de Monténégro), de nationalité monténégrine, agissant tant en son nom propre qu’en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs …, né le … à … (Bosnie) et …, né le … à …, demeurant actuellement ensemble à L-…, contre un jugement rendu en matière de statut de tolérance par le tribunal administratif à la date du 19 juin 2006, à la requête de l’actuelle appelante tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 3 août 2005 portant rejet de sa demande en obtention du statut de tolérance, et une décision confirmative dudit ministre du 8 novembre 2005, rendue sur recours gracieux.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 19 juillet 2006 par la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï le conseiller en son rapport et Maître Olivier Lang ainsi que le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs observations orales.

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Par requête inscrite sous le numéro 21016 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 février 2006 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, …, née le 25 juin 1962 à Bérane (Etat de Monténégro), de nationalité monténégrine, agissant tant en son nom propre qu’en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs …, né le … à … (Bosnie) et …, né le … à …, demeurant actuellement ensemble à L-…,, a demandé l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 3 août 2005 portant rejet de sa demande en obtention du statut de tolérance, et d’une décision confirmative dudit ministre du 8 novembre 2005, rendue sur recours gracieux.

Le tribunal administratif, statuant à l’égard de toutes les parties en date du 19 juin 2006, a reçu le recours en annulation en la forme et l’a déclaré non justifié quant au fond.

Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 17 juillet 2006 pour compte de ….

La partie appelante reproche aux juges de première instance une appréciation erronée des éléments de la cause en se basant sur les mêmes moyens de fait que ceux exposés en première instance.

Elle fait néanmoins valoir que les premiers juges ne se seraient prononcés qu’en partie sur les moyens présentés et auraient fait abstraction de deux points fondamentaux soulevés dans leur argumentation.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 20 juillet 2006 dans lequel il demande la confirmation du jugement entrepris.

Sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour estime que ceux-ci ont, dans un examen complet et minutieux de tous les éléments recueillis, apprécié ces derniers à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière du statut de tolérance tel que prévu par les articles 13 (3) et suivants de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, applicable au présent litige, seul un recours en annulation a pu être introduit de sorte que c’est à juste titre que le tribunal administratif a déclaré le recours introduit le 13 février 2006 recevable.

… continue à se prévaloir en instance d’appel, aux fins d’obtenir le statut de tolérance pour elle-même ainsi que pour ses enfants, d’une part, des persécutions subies au Kosovo du fait de son appartenance à une minorité ethnique non albanaise et, d’autre part, de sa situation sociale et matérielle, caractérisée par un dénuement matériel total, et par l’absence de toute perspective sociale pour elle-même et pour ses fils, ces arguments ayant également été relevés en ce qui concerne un éventuel rapatriement au Monténégro.

En ce qui concerne plus particulièrement le Monténégro, … a encore relevé l’absence de tout lien avec cet Etat, sa mère étant décédée et son père « parti à l’étranger ».

La Cour retient de prime abord, comme l’a par ailleurs fait le tribunal, que la partie appelante n’est pas à considérer comme appartenant à une minorité du Kosovo alors qu’il résulte du dossier administratif qu’elle est - tout comme d’ailleurs ses père et mère - originaire de Bérane au Monténégro, où elle a vécu pendant plus de trente ans.

Si … s’est établie en 1995 au Kosovo, elle se trouvait en 1998 et 1999 à Sarajevo en Bosnie où elle a donné naissance à ses deux fils, et a par la suite quitté le Kosovo en 2004, de sorte qu’elle n’y a finalement passé que quelques années.

2 Les moyens développés par … quant à une prétendue impossibilité matérielle de la rapatrier au Kosovo ne sont dès lors pas pertinents, le Kosovo ne pouvant pas être considéré comme son pays d’origine.

La Cour adopte les considérations des premiers juges qui n’ont pas partagé les développements de … quant aux « discriminations, pressions et menaces » prétendument subies au Kosovo, étant donné qu’il résulte explicitement d’un arrêt de la Cour administrative du 10 mai 2005 (n° 19385C du rôle), l’ayant définitivement débouté de sa demande en obtention du statut de réfugié, qu’elle n’a pas fait l’objet de persécutions au Kosovo, mais que sa fuite au Grand-Duché de Luxembourg était motivée par le souhait d’échapper à une situation économique et matérielle difficile.

En ce qui concerne cette situation économique et matérielle difficile, dont … se prévaut également dans le cadre de la présente procédure, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 13 (1) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, « si le statut de réfugié est refusé au titre des articles 10 ou 12 qui précèdent, le demandeur d'asile sera éloigné du territoire en conformité des dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère » tandis qu’aux termes de l’article 13 (3) « si l'exécution matérielle de l'éloignement s'avère impossible en raison de circonstances de fait, le ministre [compétent] peut décider de le tolérer provisoirement sur le territoire jusqu'au moment où ces circonstances de fait auront cessé ».

Il s’ensuit, comme retenu à juste titre par les premiers juges, que le statut de tolérance constitue par définition une mesure provisoire, temporaire, destinée à prendre fin en même temps que les circonstances de fait empêchant le rapatriement du demandeur d’asile débouté auront cessé.

Or les arguments avancés par …, ayant trait à sa situation personnelle intrinsèque - à savoir l’absence de tout moyen financier et son statut de mère célibataire délaissée par son concubin ainsi que l’absence de toute famille au Monténégro - ne sauraient être considérés comme circonstances de fait temporaires rendant son éloignement impossible et justifiant le bénéfice de la mesure provisoire qu’est le statut de tolérance, mais sont des caractéristiques communes à la plupart des demandeurs d’asile déboutés, dont la fuite s’explique davantage par le souci de fuir une situation de précarité dans leur pays d’origine que par des persécutions ou un risque de persécution spécifique au sens de la Convention de Genève.

La Cour tient encore à relever, comme souligné par le délégué du Gouvernement à l’audience, que les appelants ne sauraient dégager une conséquence juridique quelconque de la circonstance que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, dans un soucis de respect des procédures engagées, en ait attendu la solution dégagée par les juridictions administratives.

L’argument des appelants consistant à affirmer que leur présence actuelle sur le territoire luxembourgeois ne pourrait s’expliquer que par la seule considération que le ministre devrait nécessairement se heurter à l’impossibilité d’une exécution matérielle de leur éloignement est partant à rejeter.

3 C’est dès lors valablement que le ministre a pu, au travers des décisions déférées, considérer que … et ses enfants ne sont pas susceptibles de bénéficier du statut de tolérance tel que prévu par l’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée de sorte que le jugement du 19 juin 2006 est à confirmer.

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son conseiller, reçoit l’acte d’appel du 17 juillet 2006, le déclare cependant non fondé confirme le jugement du 19 juin 2006 dans toute sa teneur, condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur Henri Campill, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 21677C
Date de la décision : 07/11/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-11-07;21677c ?

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