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26/07/2006 | LUXEMBOURG | N°21704

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 juillet 2006, 21704


Tribunal administratif Numéro 21704 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 juillet 2006 Audience publique du 26 juillet 2006 Recours formé par Monsieur … , alias … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21704 du rôle et déposée le 20 juillet 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au

tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité inconnu...

Tribunal administratif Numéro 21704 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 juillet 2006 Audience publique du 26 juillet 2006 Recours formé par Monsieur … , alias … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21704 du rôle et déposée le 20 juillet 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité inconnue, alias …, déclarant être de nationalité palestinienne et être né le … (Israël), actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 10 juillet 2006 ordonnant le placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de sa notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 juillet 2006 ;

Vu la lettre de Maître Nicky STOFFEL, déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juillet 2006, par laquelle elle déclare ne plus avoir mandat « dans cette affaire » en priant toutefois le tribunal de prendre l’affaire en délibéré ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 25 juillet 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, nouvellement constitué pour défendre Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 juillet 2006.

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Il ressort d’un rapport établi par la « Bundespolizeiinspektion Trier » du 11 juillet 2006 que Monsieur …, alias … fit l’objet d’un contrôle d’identité à Trierweiler en Allemagne au moment où il circulait en bus en direction de Hambourg et en provenance d’Avignon. L’agent verbalisant constata à ce moment que Monsieur …, alias … n’était pas en mesure de fournir une quelconque indication ni quant à son lieu de naissance ni quant à sa nationalité, la personne en question déclarant être de nationalité française, ce qui n’a toutefois pas pu être confirmé par les autorités françaises contactées par l’agent verbalisant. A la suite de ce contrôle d’identité, et dans la mesure où Monsieur … était entré sur le territoire allemand en provenance du Luxembourg, une demande de reprise de l’intéressé a été adressée le même jour au ministère luxembourgeois de la Justice.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit le 10 juillet 2006 un arrêté par lequel il ordonna le placement de Monsieur …, alias …, au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question. Cette décision ministérielle est basée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Considérant que l'intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu'il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’en attendant le résultat des recherches quant à l’identité et à la situation de l’intéressé, l’éloignement immédiat de l'intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ; (…) ».

Par requête déposée le 20 juillet 2006 au greffe du tribunal administratif, Monsieur …, alias … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l'encontre de la décision de placement précitée du 10 juillet 2006.

Etant donné que l'article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l'emploi de la main-d'œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision litigieuse.

Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.

Le tribunal n’étant pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l’intérêt de l’administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, pouvant les traiter suivant un ordre différent (cf. trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2005, V° Procédure contentieuse, n° 250 et autres références y citées), il convient d’examiner en premier lieu le moyen tiré de l’absence de motivation.

Le demandeur reproche à cet égard au ministre de s’être limité à énoncer dans l’arrêté critiqué qu’il serait susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement et qu’il existerait de ce fait un danger de fuite, sans préciser les raisons concrètes susceptibles de justifier en l'espèce sa décision.

Force est cependant de constater qu’il se dégage du libellé ci-avant transcrit de l’arrêté ministériel du 10 juillet 2006 que ce dernier est motivé à suffisance tant en droit qu’en fait, le demandeur n’ayant nullement pu se méprendre sur la nature et la portée de l’arrêté et ayant pu assurer en parfaite connaissance de cause la sauvegarde de ses intérêts légitimes.

Le demandeur, après avoir exposé être placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig « au sein du Centre pénitentiaire de Luxembourg » et après avoir affirmé que le régime auquel il y serait soumis serait « similaire voire identique » à celui des détenus normaux, conclut encore à ce que le placement « au sein du Centre pénitentiaire de Luxembourg » devrait rester une mesure d’exception indiquée uniquement au cas où l’étranger serait susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics.

Il reproche dès lors au ministre de ne pas avoir motivé sa décision par un quelconque risque de fuite dans son chef et estime que la simple référence à un risque de fuite ne saurait à lui seul justifier la mesure de rétention.

Il est en l’espèce cependant constant que le demandeur est placé, non pas dans un établissement pénitentiaire, mais au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière. Or, force est de constater que le centre en question est a priori à considérer comme un établissement approprié au sens de la loi précitée de 1972.

Pour le surplus, il échet de retenir que le demandeur, hormis l’affirmation vague et non circonstanciée qu’il serait soumis à un régime « similaire voire identique » de celui des détenus de droit commun, n’a fait état d’aucun élément personnel duquel il ressortirait que les limites apportées à sa liberté de circulation seraient disproportionnées par rapport à l’objectif d’une mesure de placement.

Au contraire, il y a lieu de retenir plus particulièrement au vu d’un courrier de Monsieur Vincent THEIS, directeur du Centre pénitentiaire de Luxembourg, expédié par télécopie du 3 mars 2006, sur le placement actuel des retenus que si la situation et le régime actuels au bloc C du Centre pénitentiaire, encore moins que la situation antérieure au bloc P2, est loin d'être idéale, et que la mise en place d'une structure adéquate et séparée du Centre pénitentiaire est plus que recommandée, cette situation, au vu du cas de rigueur créé par l'incendie criminel au bloc P2, doit en l'espèce être reconnue comme restant acceptable (cf. Cour adm. 16 mars 2006, n° 21088 ;

Cour adm. 16 mars 2006, n° 21089 ; Cour adm. 30 mars 2006, n° 21163 ; Cour adm. 16 mars 2006, n° 21164C, non encore publiés).

Il convient par ailleurs de rappeler que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, justifiant leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.

Le demandeur n’ayant pas contesté en l’espèce rentrer dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, le moyen basé sur l’absence de risque dans son chef laisse encore d’être fondé.

Le demandeur soutient enfin qu’il ne résulterait de la décision déférée quelles démarches auraient déjà été entreprises pour écourter son séjour en rétention, ni même que de telles démarches seraient envisagées et estime qu’il aurait appartenu au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration de justifier les circonstances de fait qui rendraient impossible son éloignement immédiat.

Or, il ressort des pièces et éléments du dossier, et contrairement aux allégations non établies du demandeur, que son identité et sa nationalité exactes demeurent toujours inconnues et que des recherches effectuées en France, en Belgique, ainsi qu’aux Pays-Bas n’ont pas permis de les déterminer. Il ne ressort par ailleurs d’aucun élément du dossier que le demandeur ait activement collaboré afin d’établir tant son identité que sa nationalité. Il n’est pas non plus établi en cause, et contrairement aux allégations du demandeur, qu’une demande d’asile ait été déposée par lui au Luxembourg, tel que cela a d’ailleurs été relevé par le délégué du gouvernement.

Il se dégage encore du dossier administratif versé par l’Etat qu’en date du 14 juillet 2006, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a fait parvenir au service de police judiciaire une requête afin d’enquêter sur le demandeur en le priant de lui faire parvenir « le résultat «Eurodac » ».

Il résulte de ce qui précède qu’au vu des éléments de fait, notamment du défaut de collaboration du demandeur, l’Etat a accompli toutes les démarches nécessaires afin de connaître l’identité et la nationalité exactes du demandeur, prémisse indispensable afin d’organiser son rapatriement vers son Etat d’origine ou vers tout autre Etat compétent pour le prendre en charge.

Il s’ensuit qu’aucun reproche ne saurait être fait au ministre à cet égard.

Il s’ensuit encore que les reproches d’ordre général afférents formulés par le demandeur ne sont pas de nature à énerver la régularité de la décision litigieuse.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens et est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre des vacations, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M Ravarani, président, M. Schockweiler, premier vice-président, M. Schroeder, premier juge, et lu à l’audience publique du 26 juillet 2006 par le président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani 5


Synthèse
Formation : Chambre des vacations
Numéro d'arrêt : 21704
Date de la décision : 26/07/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-07-26;21704 ?

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