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26/07/2006 | LUXEMBOURG | N°21703

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 juillet 2006, 21703


Tribunal administratif Numéro 21703 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 juillet 2006 Audience publique du 26 juillet 2006 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21703 du rôle et déposée le 20 juillet 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de

l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Nigeria), de nationalit...

Tribunal administratif Numéro 21703 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 juillet 2006 Audience publique du 26 juillet 2006 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21703 du rôle et déposée le 20 juillet 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Nigeria), de nationalité nigériane, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 13 juillet 2006, prorogeant dans son chef pour une nouvelle durée d’un mois les décisions de son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière prises en dates des 15 mai et 13 juin 2006, chaque fois pour une durée d’un mois ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2006 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Caroline LECUIT, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 juillet 2006.

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Une demande d’asile introduite par Monsieur … en date du 18 mars 2004 fut rejetée pour ne pas être fondée par une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 28 avril 2005, un recours contentieux dirigé contre ladite décision ministérielle ayant été définitivement rejeté par un arrêt de la Cour administrative du 9 mars 2006.

En date du 3 avril 2006, Monsieur … introduisit une demande tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié en Finlande sous l’identité de … , en déclarant avoir quitté le Nigeria le 2 avril 2006 pour se rendre en avion en Finlande. Les autorités luxembourgeoises ont par la suite été saisies d’une demande de reprise sur base du règlement (CE) 343/2003/CE du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers. La décision de reprise a été exécutée en date du 15 mai 2006, date à laquelle Monsieur … a été transféré de la Finlande vers le Luxembourg, les autorités luxembourgeoises ayant accepté la reprise au motif qu’il avait préalablement introduit une demande d’asile au Luxembourg.

En date du 12 mai 2006, un arrêté de refus d’entrée et de séjour fut pris à l’encontre de Monsieur … par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration au motif qu’il ne disposait pas de moyens d’existence personnels légalement acquis, qu’il se trouvait en séjour irrégulier au pays et qu’il était susceptible de compromettre l’ordre public.

En date du 15 mai 2006, un arrêté fut pris par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration par lequel Monsieur … fut placé pour une durée maximale d’un mois au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, ladite décision ayant été prorogée pour une nouvelle durée d’un mois par ledit ministre le 13 juin 2006.

Par arrêté du 13 juillet 2006, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une nouvelle décision de prorogation de la décision de placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, ladite décision étant basée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mes arrêtés pris en date des 15 mai et 13 juin 2006 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités nigérianes à plusieurs reprises ;

- qu’en attendant l’émission de ce document, l’éloignement immédiat de l’intéressé n'est pas possible ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 juillet 2006, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision de prorogation de la décision de placement initiale, prise en date du 13 juillet 2006.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d'œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision litigieuse.

Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.

Le tribunal n’étant pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l’intérêt de l’administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, pouvant les traiter suivant un ordre différent (cf. trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2005, V° Procédure contentieuse, n° 250 et autres références y citées), il convient d’examiner en premier lieu le moyen tiré de l’absence de motivation.

Le demandeur reproche à cet égard au ministre de s’être limité à énoncer dans l’arrêté critiqué qu’il serait susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement et qu’il existerait de ce fait un danger de fuite, sans préciser les raisons concrètes susceptibles de justifier en l'espèce sa décision.

Force est cependant de constater qu’il se dégage du libellé ci-avant transcrit de l’arrêté ministériel du 13 juillet 2006 que ce dernier est motivé à suffisance tant en droit qu’en fait, le demandeur n’ayant nullement pu se méprendre sur la nature et la portée de l’arrêté et ayant pu assurer en parfaite connaissance de cause la sauvegarde de ses intérêts légitimes. Il s’ensuit que la décision initiale de placement était motivée à suffisance de fait et de droit.

Le demandeur, après avoir exposé être placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig « au sein du Centre pénitentiaire de Luxembourg » et après avoir affirmé que le régime auquel il y serait soumis serait « similaire voire identique » à celui des détenus normaux, conclut encore à ce que le placement « au sein du Centre pénitentiaire de Luxembourg » devrait rester une mesure d’exception indiquée uniquement au cas où l’étranger serait susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics.

Il reproche dès lors au ministre de ne pas avoir motivé sa décision par un quelconque risque de fuite dans son chef et estime que la simple référence à un risque de fuite ne saurait à lui seul justifier la mesure de rétention.

Il est en l’espèce cependant constant que le demandeur est placé, non pas dans un établissement pénitentiaire, mais au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière. Or, force est de constater que le centre en question est a priori à considérer comme un établissement approprié au sens de la loi précitée de 1972.

Pour le surplus, il échet de retenir que le demandeur, hormis l’affirmation vague et non circonstanciée qu’il serait soumis à un régime « similaire voire identique » de celui des détenus de droit commun, n’a fait état d’aucun élément personnel duquel il ressortirait que les limites apportées à sa liberté de circulation seraient disproportionnées par rapport à l’objectif d’une mesure de placement.

Au contraire, il y a lieu de retenir plus particulièrement au vu d’un courrier de Monsieur Vincent THEIS, directeur du Centre pénitentiaire de Luxembourg, expédié par télécopie du 3 mars 2006, sur le placement actuel des retenus que si la situation et le régime actuels au bloc C du Centre pénitentiaire, encore moins que la situation antérieure au bloc P2, est loin d'être idéale, et que la mise en place d'une structure adéquate et séparée du Centre pénitentiaire est plus que recommandée, cette situation, au vu du cas de rigueur créé par l'incendie criminel au bloc P2, doit en l'espèce être reconnue comme restant acceptable (cf. Cour adm. 16 mars 2006, n° 21088 ;

Cour adm. 16 mars 2006, n° 21089 ; Cour adm. 30 mars 2006, n° 21163 ; Cour adm. 16 mars 2006, n° 21164C , non encore publiés).

Il convient par ailleurs de rappeler que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, justifiant leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.

Le demandeur n’ayant pas contesté en l’espèce rentrer dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, le moyen basé sur l’absence de risque dans son chef laisse encore d’être fondé.

En ce qui concerne la décision de prorogation de la décision initiale de placement, le demandeur reproche au ministre compétent de ne pas avoir justifié les circonstances de fait qui rendraient impossible son éloignement immédiat et de ne pas avoir documenté les démarches afin d’aboutir à son éloignement du territoire national, et d’écourter au maximum sa privation de liberté. Il rappelle dans ce contexte qu’il a déjà fait l’objet de deux mesures de placement à savoir celles prises à son encontre en dates des 15 mai et 13 juin 2006, de sorte que la prorogation desdites mesures de placement constituerait « une violation des droits de l’homme » et « un abus de pouvoir ». Il estime encore que dans la mesure où le ministre compétent n’aurait pas reçu de réponse de la part des autorités nigérianes au cours des mois de mai et juin 2006, les chances seraient « minimes » d’obtenir une telle réponse au cours du mois de juillet 2006. Il soutient encore que les démarches effectuées par le ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration afin d’organiser son éloignement du territoire national ne seraient pas « effectives » dans la mesure où il se serait limité à l’envoi de télécopies à l’ambassade du Nigeria.

L’article 15, paragraphe (2) de la loi précitée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre [compétent] à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

En ce qui concerne l’absence d’une impossibilité d’un éloignement immédiat et par conséquent l’absence de « nécessité absolue » en résultant, pourtant nécessaire à la prorogation de la décision de placement, il appartient ainsi au tribunal d’analyser si le ministre a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier l’existence d’une nécessité absolue rendant la prorogation de la décision de placement inévitable.

Il se dégage des éléments du dossier administratif versé en cause que l’identité du demandeur n’est pas établie, dans la mesure où il a fait état d’au moins deux identités différentes, à savoir celle sous laquelle il a introduit le présent recours et celle utilisée en Finlande. Cette circonstance à elle seule, à défaut de collaboration de la part du demandeur afin d’établir son identité exacte, rend difficile l’exécution d’une mesure d’éloignement et oblige partant les autorités compétentes d’entreprendre différentes démarches afin d’obtenir de l’Etat d’origine du demandeur un laissez-passer en vue d’organiser son rapatriement. Dans ce contexte, il y a lieu de relever que les agents de la police grand-ducale ayant interrogé le demandeur en date du 23 mai 2006 ont dû constater qu’il était « äusserst unkooperativ » et qu’il refusait de donner des informations quant à sa propre personne.

Le demandeur est partant mal venu de se plaindre à l’heure actuelle de ce qu’une prorogation de la mesure de placement initiale a, à nouveau, dû être décidée par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, étant donné qu’une meilleure collaboration de sa part aurait été de nature à accélérer les procédures et à faciliter son transfert vers son pays d’origine.

En ce qui concerne les démarches effectuées par le Luxembourg en vue d’obtenir le rapatriement du demandeur vers son pays d’origine qui, d’après les indications dont disposent les autorités luxembourgeoises, semble être le Nigeria, il y a lieu de relever que le ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration a contacté l’ambassade de la République Fédérale du Nigeria en dates des 16 mai, 13 juin et 13 juillet 2006 en vue d’obtenir de sa part la délivrance d’un titre d’identité ou d’un laissez-passer permettant son rapatriement.

Il ne saurait partant être reproché aux autorités luxembourgeoises, au vu des circonstances de fait énoncées ci-avant, de ne pas avoir entamé les démarches utiles et nécessaires en vue d’écourter au minimum le séjour du demandeur au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens, de sorte qu’il est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre des vacations, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M Ravarani, président, M. Schockweiler, premier vice-président, M. Schroeder, premier juge, et lu à l’audience publique du 26 juillet 2006 par le président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani 6


Synthèse
Formation : Chambre des vacations
Numéro d'arrêt : 21703
Date de la décision : 26/07/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-07-26;21703 ?

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