Tribunal administratif N° 21452 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mai 2006 Audience publique du 7 juin 2006
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Requête en référé introduite par Madame ….. ….., …..
contre une décision du ministre de l'Economie et du Commerce extérieur en matière d'accès du public à l'information en matière d'environnement
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ORDONNANCE
Vu la requête déposée le 26 mai 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Florence TURK-TORQUEBIAU, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame ….. ….., femme au foyer, demeurant à L-….. ….., ….., rue ….., tendant à ordonner au ministre de l'Economie et du Commerce extérieur de rendre disponibles les informations environnementales requises suivant deux questions posées par la demanderesse dans une lettre du 7 avril 2006;
Vu l'article 6 de la loi du 25 novembre 2005 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement;
Vu les pièces versées et notamment la décision entreprise;
Maître Florence TURK-TORQUEBIAU, ainsi que Madame la déléguée du gouvernement Jacqueline JACQUES entendues en leurs plaidoiries respectives.
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Le 7 avril 2006, madame ….. ….. adressa au ministre de l'Economie et du Commerce extérieur, ci-après dénommé «le ministre», une lettre de la teneur suivante:
"Monsieur le Ministre, La centrale turbine gaz vapeur de la société ….. à ….. ….. a été construite pour fournir de l’électricité à ….., à la société ….. pour alimenter les aciéries électriques d’….., et pour être exportée vers la Belgique. Avant la fin du mois de juin, le Luxembourg devra introduire son plan national d'allocation pour la deuxième période d'échange de quotas d'émissions auprès de la Commission européenne. Comme les émissions de la turbine gaz vapeur ont un impact sur l'environnement et comme le gouvernement devra allouer des droits d'émission à cette centrale, je vous prie, en me référant à la loi du 25 novembre 2005 concernant l'accès du public à l'information en matière de l'environnement, de bien vouloir me transmettre les informations suivantes:
2 - Quelle est la quantité d’électricité fournie par la turbine gaz vapeur de la société ….. à ….. à la société ….. via ….. ? - Quelles sont la quantité et l’origine exacte de l’électricité importée actuellement par la société ….. pour alimenter les aciéries électriques du groupe ….. au Luxembourg ? Veuillez agréer, …." Par courrier du 27 avril 2006, le ministre répondit ce qui suit:
"Objet: votre lettre du 7 avril 2006 Madame, En réponse à votre lettre du 7 avril 2006, je vous fais parvenir par la présente les éléments de réponse à vos questions.
En ce qui concerne:
- la quantité d'électricité fournie par la turbine gaz-vapeur de la société ….. à ….. …..
à la société ….. via ….., je vous informe que je ne dispose pas des données demandées;
- les quantités d'électricité importées par ….. pour alimenter les aciéries électriques du groupe ….. au Luxembourg, je vous informe que je ne dispose pas des données demandées. Je ne dispose que d'informations agrégées qui concernent la quantité totale d'énergie électrique importée physiquement de la Belgique qui se chiffrait en 2005 à 1.358.478.200 kWh. Cette information est publiée annuellement dans le rapport d'activité du Ministère de l'Economie et du Commerce extérieur;
- l'origine exacte de l'électricité importée actuellement par la société ….. pour alimenter les aciéries électriques du groupe ….. au Luxembourg, je vous informe que je ne dispose pas des données demandées.
Un recours par ministère d'avoué contre cette décision est ouvert devant le Président du tribunal administratif, statuant en matière de référé, dans les trente jours à compter de la notification de la présente.
Veuillez agréer …" Par requête déposée le 26 mai 2006, Madame ….. a introduit un recours en référé tendant à ordonner au ministre de rendre disponibles les informations environnementales demandées dans la lettre du 7 avril 2006.
Elle fait expliquer que la décision de construire une centrale turbine gaz vapeur (…..) à ….. au début des années 1990 fut prise par le pouvoir politique en même temps que la société ….. changeait sa technique d'aciérie, cette décision présentant l'avantage de limiter la dépendance du Luxembourg vis-à-vis de l'étranger (Belgique et Allemagne) et d'empêcher l'importation, de France, d'électricité d'origine atomique. La centrale ….. aurait été construite afin de fournir de l'électricité aux sociétés ….. et ….. pour alimenter les aciéries électriques 3 d'….. et pour être en mesure d'en exporter en Belgique via la société de droit belge …… A l'heure actuelle, la société ….. envisagerait une connexion avec le réseau électrique français moyennant la construction d'une ligne à haute tension. Au courant d'une conférence de presse donnée le 19 décembre 2005, le ministre aurait exposé la situation actuelle de la fourniture d'électricité pour le Luxembourg et conclu à l'intérêt d'une alternative combinant la construction d'une ligne de haute tension vers la France et la réalisation d'une connexion des réseaux ….. et …… Or, l'examen, par le public, de l'opportunité de la réalisation d'une telle liaison ne reposerait pas sur la transparence nécessaire au débat. Le 4 octobre 2005, le ministre aurait refusé de fournir à l'auteur d'une question parlementaire les données sur les quantités de courant électrique livrées aux sites du groupe sidérurgique ….. au prétexte que de telles informations pourraient être commercialement sensibles, alors même que le choix et l'orientation politique en matière énergétique devraient faire l'objet d'une information systématique du public aussi large que possible.
Les informations demandées constitueraient des informations environnementales au sens des définitions données par l'article 2 de la loi du 25 novembre 2005, précitée. En effet, la centrale ….. affecterait le bilan luxembourgeois relatif au protocole de Kyoto avec une production d'un million de tonnes de CO2 par an, soit presque 10% de la limite autorisée de 9,01 millions de tonnes de CO2. Les deux questions tendraient à l'obtention de renseignements sur l'approvisionnement réel du groupe sidérurgique ….. par l'intermédiaire de ….., soit que la fourniture provienne directement de la centrale, soit qu'elle provienne de l'étranger.
La demanderesse insiste sur l'urgence qu'il y aurait à livrer les informations sollicitées.
En effet, le 30 juin 2006, le Luxembourg devra soumettre à la Commission européenne le deuxième plan national d'allocation de quotas d'émission de CO2 (PNAQ), couvrant la période de 2008 à 2012 et imposant au Luxembourg, sous peine de lourdes pénalités, une réduction des émissions, au niveau national, de 28 % par rapport au niveau de 1990. Or, l'allocation des quotas aux entreprises industrielles, en particulier à l'exploitant de la centrale ….., fournisseur d'électricité et gros producteur de gaz à effet de serre, intéresserait le public. Pour preuve l'appel du ministre de l'Environnement au public de se rendre compte du problème et de s'engager dans son ensemble dans le défi de réduction de la production des gaz à effet de serre. Précisément, puisque des choix seraient à opérer, il importerait de connaître la distribution de l'électricité produite pour savoir si elle profite réellement au groupe …… Madame ….. n'accepte pas la réponse du ministre qui se résume à l'affirmation qu'il ne dispose pas des informations demandées.
Tout d'abord, en tant qu'actionnaire à 5,6 % d'….., celle-ci étant elle-même actionnaire majoritaire de ….., l'Etat devrait être en mesure d'avoir accès à ces données.
De plus, l'Etat y aurait accès par l'intermédiaire de l'Institut luxembourgeois de régulation (ILR), établissement public, dont la principale compétence consisterait à rendre avis au ministre au sujet des propositions de tarifs d'utilisation du réseau des différents gestionnaires de réseau, à savoir ….. et …… Afin de présenter son rapport annuel, l'ILR, listant les fournisseurs nouveaux et anciens, sans les nommer, disposerait nécessairement de leur identité. Quant aux chiffres annoncés, ledit Institut devrait également en connaître la quantité fournie pour présenter des totaux et chiffres globaux.
4 Ensuite, il se dégagerait de plusieurs normes communautaires que l'Etat devrait nécessairement disposer des données requises.
Ainsi, la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité exigerait des Etats membres de veiller à ce que sur les factures soit spécifiée la contribution de chaque source d'énergie à la totalité des sources d'énergie utilisées par le fournisseur au cours de l'année écoulée, ce qui présupposerait que l'Etat ait connaissance de ces données et prouverait, par ailleurs, que ces données ne seraient pas confidentielles. La directive préciserait en outre que les Etats prennent les mesures nécessaires pour garantir la fiabilité des informations données par les fournisseurs à leurs clients. Or, cet exercice serait impossible sans les renseignements dont l'Etat prétend ne pas avoir connaissance.
De plus, la directive 2001/77/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité imposerait aux Etats membres la prise de mesures en vue d'arriver, en 2010, à un certain pourcentage d'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables dans la consommation brute d'énergie. Or, pour respecter un tel engagement, l'Etat devrait connaître la source d'approvisionnement d'….., le plus grand consommateur du pays. Ceci serait d'autant plus vrai que la presse véhiculerait des chiffres concernant la part actuelle de l'énergie renouvelable dans la consommation nationale d'électricité.
Finalement, l'article 17 de la loi du 24 juillet 2000 sur l'organisation du marché de l'électricité prévoirait la notification, au ministre ayant l'Energie dans ses attributions, des contrats de fourniture d'électricité que les entreprises de distribution concluent avec les fournisseurs et les centrales électriques.
La déléguée du gouvernement se rapporte à la sagesse du tribunal concernant la recevabilité du recours, notamment au vu de l'obligation de la partie demanderesse d'appeler les parties tierces intéressées en cause.
L'article 4, paragraphe 4 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives prévoit qu'en cas de défaut de signification de la requête introductive d'instance aux tiers intéressés, le tribunal ordonne leur mise en intervention.
Il suit de cette disposition que la sanction de l'absence de mise en intervention du tiers intéressé n'est pas l'irrecevabilité du recours, mais l'obligation faite au demandeur par le tribunal d'appeler à l'instance des parties.
Madame ….. fait rétorquer que la loi du 25 novembre 2005 sur laquelle est basée la requête introductive d'instance ne mentionne dans aucune de ses dispositions les parties "tierces intéressées." Ceci ne constituerait pas un oubli de la part du législateur, mais traduirait sa volonté de mettre en place une procédure peu onéreuse et rapide. Une telle attitude serait d'ailleurs en phase avec les dispositions de la directive 2003/4/CE du parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement, elle-même tributaire de la Convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en 5 matière d'environnement. Elle souligne que la directive elle-même permet aux Etats membres de prévoir un recours à exercer par des tiers mais que le législateur luxembourgeois n'en a délibérément pas profité.
En acceptant l'intervention de tiers dans la matière régie par la directive, on alourdirait de manière inacceptable la position du demandeur qui se verrait confronté à une pluralité de défendeurs qui essaieraient de transformer son action, simple et rapide par nature, en «parcours du combattant». Ouvrir le prétoire aux tiers intéressés serait contraire à l'esprit de la directive et en constituerait une dénaturation. Les droits de la défense de l'Etat s'en trouveraient renforcés de manière indue.
Pour preuve supplémentaire de l'autonomie complète de la procédure découlant de la directive et de la loi la transposant en droit national, la demanderesse invoque la règle selon laquelle, contrairement au droit commun du droit processuel, le demandeur n'a pas besoin de justifier d'un quelconque intérêt agir. En réalité son action serait «désintéressée». Or, dans une telle constellation il ne saurait y avoir une place pour des tiers «intéressés».
Elle ajoute qu'eu égard à la date butoir du 30 juin 2006 à laquelle le Grand-Duché de Luxembourg devra remettre son deuxième plan national d'allocation de quotas d'émission de CO2, tout retard procédural de l'affaire préjudiciera son droit à obtenir les informations sollicitées et surtout la valeur de celles-ci.
Le ministre s'étant borné à affirmer, dans la réponse à ses deux questions, ne pas disposer des informations sollicitées, Madame ….. se pose la question de l'utilité de la mise en intervention de parties tierces intéressées qui ne seront de toute manière pas en mesure de confirmer ou d'infirmer cette affirmation. De plus, il serait symptomatique de constater que l'Etat ne parle pas de la confidentialité des informations demandées, mais seulement de leur non-disponibilité. Il s'ensuivrait qu'elles ne seraient pas confidentielles aux yeux de l'Etat et qu'il n'y aurait dès lors pas besoin de mettre en intervention des tiers pour prendre position sur ce problème.
La demanderesse s'interroge encore sur l'identité des personnes à mettre en intervention. A son avis, la liste est infinie. On pourrait mettre en intervention le ministre de l'Environnement qui s'est déclaré hostile à l'énergie atomique. De plus, imaginerait-on, en cas de panne d'électricité d'un magasin, la victime de cette panne désirant connaître l'identité du ou des fournisseurs d'autres magasins n'ayant pas subi une telle panne, l'obligation de celle-ci, devant le refus de lui communiquer cette identité, de mettre en intervention les propriétaires des autres magasins ? En résumé, "tous les principes seraient violés" si on forçait la demanderesse à mettre en intervention des tiers dans le présent litige.
La question soulevée par les parties est celle de l'autonomie de la procédure juridictionnelle instaurée par la loi du 25 novembre 2005 par rapport au droit commun de la procédure contentieuse découlant de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives dont les dispositions sont elles-mêmes, en cas de besoin, destinées à être complétées par celles du code de procédure civile (v. trib. adm.
30 octobre 1997, Pas. adm. 2005, V° Procédure contentieuse, n° 542 et les autres références y citées). En effet, tandis que la loi du 21 juin 1999 prévoit la mise en intervention obligatoire 6 des tiers intéressés, la loi du 25 novembre 2005 reste muette à ce sujet, de sorte que si cette dernière se suffit à elle-même, la mise en intervention de tiers intéressés serait dépourvue de base légale dans la matière qu'elle régit.
Au vu des travaux préparatoires, il n'est pas décelable si le législateur a entendu instaurer une procédure totalement originale, distincte à la fois de la procédure de référé applicable en matière judiciaire et des procédures de sursis à exécution et d'instauration d'une mesure de sauvegarde prévues dans le cadre de la procédure contentieuse administrative de droit commun, ou s'il a entendu instaurer une procédure s'inscrivant dans le cadre du contentieux administratif tout en prévoyant certaines dispositions spécifiques, dérogatoires au droit commun.
Or, il faut se rendre à l'évidence que la procédure prévue par l'article 6 de la loi du 25 novembre 2005 ne saurait, à de multiples égards, se suffire à elle-même. Ainsi, à titre d'exemples, elle ne prévoit pas si la procédure est unilatérale ou contradictoire ni, dans la dernière hypothèse, qui – de la partie demanderesse ou du greffe – doit convoquer la partie défenderesse, si la procédure est orale ou écrite, si l'ordonnance à rendre par le président du tribunal est exécutoire par provision ou non, quel est le délai d'appel et selon quelle procédure la Cour administrative doit juger l'appel interjeté.
Il faut donc conclure que les dispositions de l'article 6 de la loi du 25 novembre 2005, intitulé «Accès à la justice», n'instaurent pas une procédure autonome se suffisant à elle-même et n'ayant pas besoin d'être complétée par d'autres dispositions tirées du droit commun de la procédure contentieuse.
Par conséquent, pour tous les aspects de la procédure contentieuse relative à l'accès aux informations en matière d'environnement non réglés de manière spécifique par les dispositions de la loi du 25 novembre 2005, les dispositions relatives à la procédure contentieuse de droit commun, se dégageant de la loi modifiée du 21 juin 1999, précitée, ont vocation à s'appliquer.
Exception doit évidemment être faite des dispositions de cette dernière loi que la première écarterait de manière explicite ou implicite.
La loi du 25 novembre 2005 n'excluant pas, de manière explicite, la mise en intervention des tiers intéressés, il reste à examiner si elle le fait de manière implicite, ce que prétend la demanderesse en s'appuyant tant sur la philosophie générale de la directive dont la loi constitue la transposition et le silence de la loi quant à une telle possibilité.
L'argument de Madame ….. tiré de ce que la directive elle-même permet aux Etats membres de prévoir un recours à exercer par des tiers mais que le législateur luxembourgeois n'en a pas profité, de sorte qu'il en découlerait qu'un tel recours serait exclu en législation luxembourgeoise démontre au contraire, loin de convaincre, démontre plutôt le contraire. En effet, l'ensemble des arguments s'appuyant sur une prétendue philosophie de la directive qui serait inconciliable avec la participation de tiers intéressés aux débats sont précisément contredits par la directive elle-même qui envisage explicitement une telle possibilité.
7 La directive dispose dans son article 6, «Accès à la justice», paragraphe 2 que les "Etats membres peuvent en outre prévoir que les tiers qui sont lésés par la divulgation des informations puissent également disposer d'une voie de recours." D'une part, en conformité avec le principe ci-avant exposé que toutes les dispositions qui ne sont pas régies par la loi spéciale – la loi du 25 novembre 2005 – le sont par la loi générale – la loi modifiée du 21 juin 1999 – la question de la mise en intervention des tiers intéressés, énoncée par cette dernière loi, est régie par celle-ci. Eu égard au minimum de règles spécifiques par lesquelles le législateur a organisé la procédure en matière d'accès aux informations environnementales, l'essentiel de la procédure découlant de la loi générale applicable en matière de contentieux administratif, une démarche du législateur qui aurait consisté dans la réglementation spécifique de la mise en intervention des tiers aurait été surprenante et il apparaît comme illogique, surtout au vu de la possibilité offerte en la matière aux Etats membres par la directive, d'assumer que le si le législateur est resté muet sur la question, il a voulu exclure la mise en intervention. En réalité, en restant muet sur la question, il a laissé la question dans le domaine du droit commun de la procédure en matière de contentieux administratif.
D'autre part, même s'il est vrai que la directive prévoit que les Etats membres peuvent prévoir que les tiers qui sont lésés par la divulgation des informations puissent disposer d'une "voie de recours", il ne saurait s'agir d'une voie de recours à exercer ex post, totalement inefficace en matière d'accès aux informations environnementales où dès la décision juridictionnelle qui fait droit à la demande, cette information doit être livrée et aucune voie de recours, même couronnée de succès, ne saurait restituer le caractère confidentiel à une information une fois divulguée. Il y a donc lieu, conformément au principe qu'il y a lieu de présumer que les auteurs de normes entendent instaurer des textes pouvant avoir une portée concrète plutôt que de n'avoir aucune portée ou seulement une portée théorique, d'admettre qu'au lieu de prévoir une voie de recours contre une décision prise, qui aurait par ailleurs un très considérable facteur de retardement de la solution à intervenir définitivement, les auteurs de la directive ont admis que les tiers pouvant pâtir de la solution du litige puissent faire utilement valoir leur point de vue dès avant la prise de sa décision par le juge.
Il suit de ce qui précède que loin de dénaturer la directive, une législation qui prévoit la mise en intervention de tiers intéressés ne fait que profiter d'une possibilité qui lui est explicitement offerte par celle-ci.
L'argument tiré de ce qu'à défaut d'exiger un quelconque intérêt à agir dans le chef du demandeur, la directive et la loi ne pourraient conférer un intérêt à intervenir à des tiers, laisse à son tour de convaincre.
La règle dérogatoire au droit commun selon laquelle le demandeur n'a besoin de justifier d'aucun intérêt à agir doit se lire devant la toile de fond de la jurisprudence qui dénie tout intérêt à agir aux associations qui, par une action individuelle, ne font qu'agir dans l'intérêt commun de la population. En dispensant le demandeur, en matière d'informations environnementales, de justifier d'un intérêt à agir, la loi le dispense en réalité de démontrer, conformément au droit commun, un intérêt individuel nettement caractérisé se distinguant de l'intérêt général. Affirmer que le demandeur ne doit avoir, au sens littéral du terme, aucun intérêt reviendrait à faire injustice au plaideur individuel qui se donne la peine de solliciter une information environnementale qui est d'intérêt général, car ce faisant, on présupposerait 8 qu'il ne serait pas «intéressé» par l'information et que son action se résumerait partant à une chicane.
L'action «désintéressée» du demandeur peut partant se trouver en contradiction avec une résistance «intéressée» d'un tiers. Il appartient au juge d'arbitrer la valeur respective des intérêts en présence, ce qu'il ne saurait faire utilement si l'une des parties pouvant faire valoir un intérêt se voit dénier le droit de faire valoir son point de vue.
Il suit de ce qui précède que ni la directive, de la loi du 25 novembre 2005 ne contiennent des dispositions tenant en échec, au niveau de la possibilité des tiers intéressés de pouvoir faire valoir leur point de vue, le principe de procédure essentiel tenant au principe du contradictoire et, partant, du respect des droits de la défense, ceux-ci constituant un aspect du procès équitable garanti par l'article 6, paragraphe 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953.
La demanderesse se plaint, le cas échéant à raison, de ce que la procédure prévue par la loi du 25 novembre 2006, loin d'être peu onéreuse, est en réalité coûteuse pour elle. La raison n'en est cependant pas, à vrai dire, l'obligation de procéder à la signification du recours aux tiers intéressés et avec l'avance – voire le cas échéant le paiement définitif – des frais de l'acte d'huissier mais, comme le souligne la mandataire de la demanderesse elle-même, l'obligation légalement faite au demandeur d'informations environnementales de recourir au ministère d'un avocat à la Cour pour faire valoir ses arguments en justice, un tel coût étant à supporter indépendamment de toute mise en intervention ou non d'une partie tierce intéressée.
Dans le cas d'espèce, il est vrai, comme le souligne la demanderesse, que la procédure est urgente et que la solution du litige l'est d'autant plus, eu égard à la circonstance que la disponibilité de l'information avant le 30 juin 2006 constitue le principal enjeu de la procédure engagée.
L'urgence de la solution ne justifie cependant pas le non-respect des droits de la défense. Dans ce contexte, il faut mentionner qu'il n'appartient pas au soussigné de commenter la date à laquelle les questions litigieuses ont été posées au ministre, mais il convient néanmoins de constater que la demanderesse a attendu presque un mois, après la réponse insatisfaisante du ministre à ses questions, pour introduire le présent recours.
Il suit des considérations qui précèdent que les tiers intéressés, c'est-à-dire les personnes directement intéressées à l'issue du litige (v. trib. adm. 27 février 1997, Pas. adm.
2005, V° Procédure contentieuse, n° 202 et l'autre référence y citée) doivent être appelés à l'instance pour pouvoir y faire valoir leur point de vue.
A cet égard, le choix des personnes directement intéressées à l'issue du litige n'est pas aussi aléatoire que ne le prétend la demanderesse. Il n'y a en tout état de cause pas lieu d'appeler en intervention le ministre de l'Environnement, celui-ci étant un organe étatique et étant dès lors d'ores et déjà représenté au procès par l'intermédiaire du délégué du gouvernement.
Il y a lieu de mettre en intervention les personnes qui, le cas échéant et sans que cette mise en intervention ne préjudicie de leur droit vérifié à s'opposer à la divulgation des 9 informations sollicitées, peuvent faire valoir des arguments tendant à faire admettre qu'elles voient ainsi leurs droits lésés.
Il est vrai que l'Etat fait plaider essentiellement qu'il ne dispose pas des informations demandées sans en invoquer le caractère confidentiel.
Il appartient cependant au juge de décider s'il admet ou non la thèse de l'Etat ou si, le cas échéant, même si l'Etat ne dispose effectivement pas des informations demandées, il devrait légalement en disposer. L'Etat peut également, le cas échéant, estimer que des informations, à supposer qu'il en dispose, ne sont pas confidentielles, raison pour laquelle il est d'autant plus impérieux de mettre en intervention les tiers intéressés qui peuvent alors confronter leur point de vue avec celui de l'Etat et, bien entendu, celui de la demanderesse.
Eu égard aux deux questions posées le 7 avril 2006 par Madame ….. au ministre de l'Economie et du Commerce extérieur, qui citent nommément trois sociétés qui sont a priori à considérer comme disposant à leur tour des informations sollicitées et dont la divulgation peut, le cas échéant, léser leurs droits, à savoir les sociétés ….., ….. et ….., ces trois sociétés sont à considérer comme étant des parties tierces intéressées dont, par application de l'article 4, paragraphe 4 de la loi précitée du 21 juin 1999, il y a lieu d'ordonner la mise en intervention. En revanche, si la société ….. est citée dans la lettre en question, aucune question n'est posée en ce qui la concerne, de sorte qu'elle n'est pas à considérer comme directement intéressée par l'issue du litige.
Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, avant tout autre progrès en cause, ordonne la mise en intervention des sociétés ….., …..
et ….., refixe l'affaire à l'audience du lundi, 12 juin 2006 à 14.15 heures au local ordinaire des audiences du tribunal administratif à L-1499, 1, rue du Fort Thüngen pour continuation des débats, réserve les frais.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 7 juin 2006 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Rassel, greffier.
s. Rassel s. Ravarani