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21/11/2005 | LUXEMBOURG | N°20632

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 novembre 2005, 20632


Tribunal administratif Numéro 20632 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 novembre 2005 Audience publique du 21 novembre 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20632 du rôle et déposée le 11 novembre 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le … (Ukraine), de nat

ionalité ukrainienne, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers ...

Tribunal administratif Numéro 20632 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 novembre 2005 Audience publique du 21 novembre 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20632 du rôle et déposée le 11 novembre 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le … (Ukraine), de nationalité ukrainienne, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 4 octobre 2005, notifiée le 27 octobre 2005, instituant à son égard une mesure de placement pour la durée maximum d’un mois audit Centre de séjour provisoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, en présence de Maître Daniel BAULISCH et de Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH qui se sont tous les deux référés aux mémoires écrits de leurs parties respectives à l’audience publique du 21 novembre 2005.

Par décision du 4 octobre 2005, notifiée le 27 octobre 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration ordonna à l’encontre de Monsieur …, alias …, alias … , alias … , une mesure de rétention administrative au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig. Ladite décision est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

1Vu le rapport N° 15/1405/05/HA du 20 juillet 2005 établi par le Service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux ;

Considérant que l’intéressé n’est pas en possession d’un document de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant que l’intéressé a déposé une demande d’asile au Luxembourg en date du 20 juillet 2005 ;

- qu’une demande de prise en charge en vertu de l’article 9§4 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 a été adressée aux autorités polonaises en date du 4 août 2005 ;

- que les autorités polonaises ont marqué leur accord de prise en charge en date du 4 octobre 2005 ;

Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ; ».

Par requête déposée le 11 novembre 2005 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision précitée du 4 octobre 2005.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours le demandeur fait valoir que la décision litigieuse ne serait pas justifiée, étant donné qu’une privation de liberté du type de celle induite à travers la décision litigieuse ne serait légalement admise que dans l’hypothèse où l’exécution d’une mesure d’éloignement projetée s’avère impossible en raison de circonstances de fait, hypothèse que le ministre serait en l’espèce en défaut d’établir à suffisance pour ne pas avoir rapporté la preuve d’avoir déployé toutes les diligences nécessaires rendant la décision de placement inévitable. Il conteste pour le surplus l’existence d’un danger de fuite dans son chef, voire d’une quelconque susceptibilité de se soustraire à la mesure de rapatriement projetée, tout en relevant par ailleurs que le fait de ne pas disposer de moyens d’existence personnels suffisants ne serait pas de nature à justifier une mesure de rétention administrative, ceci compte tenu de sa qualité de demandeur d’asile.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du Gouvernement signale d’abord que l’enquête du service de police judiciaire effectuée dans le cadre de l’instruction de la demande d’asile déposée par l’intéressé en date du 20 juillet 2005 au Grand-Duché de Luxembourg, a révélé qu’il est connu sous au moins trois identités différentes, qu’il avait déposé plusieurs demandes d’asile en Allemagne et qu’il a été rapatrié à trois reprises par les autorités allemandes, de sorte à être signalé, à l’heure actuelle, aux fins de non-admission au système 2d’information Schengen. Il signale en outre que l’intéressé a bénéficié d’un visa polonais lui ayant permis d’accéder sur le territoire des Etats membres de l’Union Européenne et qu’au vu de ce visa, les autorités luxembourgeoises ont sollicité sa prise en charge auprès des autorités polonaises, lesquelles, après avoir d’abord refusé cette prise en charge pour des raisons non valables, ont fini par accepter la demande leur adressée en date du 3 octobre 2005. Il signale que c’est suite à cette acceptation que le ministre, en date du 4 octobre 2005, a d’abord pris une décision d’incompétence dans le cadre de l’instruction de la demande d’asile de l’intéressé, un arrêté de refus d’entrée et de séjour, ainsi que la décision litigieuse, notifiée à l’intéressé le 27 octobre 2005, pour ensuite saisir le service de police judiciaire aux fins d’organisation du transfert prévu vers la Pologne, transfert qui devrait avoir lieu dans les prochains jours.

Compte tenu du fait que l’intéressé a fait usage de plusieurs identités et se serait comporté de manière particulièrement abusive pour solliciter auprès de différentes autorités l’octroi du statut de réfugié, le représentant étatique estime qu’il existerait en l’espèce suffisamment d’indices pour conclure à l’existence d’un danger de fuite dans son chef. Pour ce qui est des diligences, il signale que les autorités luxembourgeoises ont réclamé à plusieurs reprises auprès des autorités polonaises pour que ces dernières acceptent la prise en charge, de sorte que l’on ne saurait décemment reprocher au ministre de ne pas avoir déployé les diligences nécessaires en vue du transfert prévu.

Une mesure de rétention administrative est soumise aux conditions découlant directement de l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée qui dispose dans son paragraphe (1) comme suit :

« lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 est impossible en raison de circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre de la Justice, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois ».

En l’espèce, il est constant qu’à la date de la prise de la décision litigieuse, le demandeur se trouvait en séjour irrégulier au pays, qu’il a été signalé aux fins de non-

admission au système d’information Schengen et que les autorités luxembourgeoises s’étaient déclarées incompétentes pour connaître de l’examen de sa demande d’asile, de sorte qu’il n’est pas contesté qu’il se trouvait sous le coup d’une mesure de refoulement au sens de la disposition légale prérelatée.

Dans ces circonstances, le ministre pouvait valablement ordonner une mesure de rétention administrative à l’encontre de la personne concernée afin de mettre ses services en mesure d’entreprendre les démarches nécessaire en vue de son transfert vers la Pologne.

Les formalités d’éloignement se trouvant pour le surplus largement documentées au dossier administratif, le reproche d’un manque de diligence dans le chef des autorités responsables laisse d’être fondé.

Quant au moyen du demandeur fondé sur une prétendue absence de danger de fuite dans son chef, force est de constater non seulement que les éléments du dossier, dont notamment le fait relevé que l’intéressé a fait usage de différentes identités pour accéder dans d’autres pays européens au bénéfice du statut de réfugié, permettent de dégager qu’il est 3susceptible de soustraire à son transfert vers la Pologne, alors qu’il a fait preuve, par le passé, d’un comportement peu respectueux des lois dans le sens de faire usage dans un but détourné des procédures d’asile, mais qu’il n’est pas non plus contesté que demandeur était en situation irrégulière au regard de la loi prévisée du 28 mars 1972 et qu’il a subi une mesure de placement administrative sur base dudit article 15, en vue de son éloignement du territoire luxembourgeois, dont l’exécution était impossible en raison de circonstances de fait, de sorte qu’il rentrait et rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 précité, étant relevé que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence éventuelle de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, justifiant en principe leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur doit en être débouté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 novembre 2005 par:

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20632
Date de la décision : 21/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-21;20632 ?

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